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Les inégalités en santé et dans la prestation des services de santé : Étude multiniveau des soins primaires et du contrôle de l'hypertensionRésuméLa prestation de services de santé est un déterminant important de la santé. Le manque de services ainsi que l'accès limité aux services peuvent donner lieu à des inégalités sur le plan de la santé. Pour déterminer l'ampleur des variations géographiques dans la prestation des services de santé et les effets de ces variations sur la population des communautés en termes de sous-diagnostic et de sous-traitement de l'hypertension, nous avons mené une étude multiniveau auprès des participants à l'enquête Nova Scotia Heart Health Survey de 1995 (n=3 094). Nous avons utilisé des données d'enquête et des mesures individuelles de l'état de santé liées à de l'information d'ordre géographique pour examiner l'importance de la prestation de services de santé adéquats par rapport au diagnostic et au traitement de l'hypertension dans le contexte de l'universalité des soins de santé de la province de la Nouvelle-Écosse au Canada. Nous avons noté une variation modérée dans la prestation de services de santé primaires en Nouvelle-Écosse, le nombre de consultations médicales s'échelonnant de 3,5 à 5,5 par résident par année. Nous n'avons relevé aucune différence importante ni statistiquement significative en ce qui concerne le diagnostic et le traitement de l'hypertension parmi les résidents de communautés où l'on notait des variations dans la prestation des services de santé. Nous avons conclu qu'une variation géographique dans la prestation des services de santé primaires représente un problème de santé publique qui va à l'encontre de l'objectif de l'universalité des services de santé, mais, il n'a pas été établi que cette variation se traduit par des inégalités sur le plan de la santé. Mots clés : comparaisons de régions restreintes; épidémiologie; hypertension; région mal desservie sur le plan des services médicaux; santé communautaire; services de santé, soins de santé primaires IntroductionDes études réalisées au cours de la dernière décennie ont révélé que certains facteurs inhérents au contexte comme l'inégalité du revenu, la pauvreté du quartier et le taux de chômage peuvent influer sur la santé des individus1,2. Les études qui font appel à des méthodes multiniveau sont de plus en plus utilisées pour examiner l'effet indépendant de ces facteurs contextuels par opposition aux facteurs de risque individuels largement étudiés comme l'âge, le sexe et les facteurs de risque liés aux habitudes de vie. Ces études multiniveau ont montré, mais non systématiquement, que des facteurs liés au quartier, en particulier les caractéristiques socioéconomiques des quartiers résidentiels, influent sur la santé indépendamment des facteurs de risque individuels3-9. Divers mécanismes qui sont en oeuvre au sein des communautés et des quartiers ont été proposés, dont la prestation des services de santé2,7,8,10. Des variations géographiques dans la prestation des services de santé ont été signalées dans divers pays occidentaux, y compris ceux qui possèdent un système de soins de santé universel qui élimine les obstacles financiers fondamentaux à l'accès aux soins11-15. Les politiques locales, les pénuries de personnel, les styles de pratique des médecins, le transport et les comportements favorisant la santé peuvent tous contribuer à cette variation géographique en ce qui concerne la disponibilité et l'accessibilité des soins et influent potentiellement sur la santé des résidents de ces communautés et ces quartiers16. Les comparaisons réalisées à l'échelle des États, des villes et des comtés ont montré que des ratios médecinmalades plus faibles étaient associés à une moins bonne santé, ce qui évoque la possibilité que la prestation inadéquate de services de santé puisse universellement se solder par des inégalités en santé17-22. Pour mieux comprendre les effets potentiels sur la santé des inégalités dans la prestation des services de santé, nous avons mené une étude multiniveau pour examiner si le diagnostic et la prise en charge de l'hypertension étaient entravés dans les endroits où la disponibilité et l'accessibilité des soins de santé primaires étaient restreintes. Plus particulièrement, nous avons tenté de déterminer si les personnes vivant dans des endroits où la disponibilité et l'accessibilité des soins de santé primaires sont restreintes sont : 1) moins susceptibles de recevoir un diagnostic d'hypertension; 2) plus susceptibles de présenter une hypertension non diagnostiquée; 3) moins susceptibles de se faire prescrire des médicaments pour l'hypertension et 4) plus susceptibles de présenter une hypertension non traitée. MéthodesInformation individuelleÉtant donné que notre objectif principal consiste à étudier le rôle distinct du contexte de la prestation de service de santé, il importe d'éliminer les autres facteurs qui influent sur la santé des personnes, ce qui peut inclure à la fois les déterminants individuels et d'autres déterminants liés au contexte. Les détermi-nants individuels ont été tirés de l'enquête Nova Scotia Heart Health Survey de 1995 menée auprès d'adultes âgés de 18 ans et plus ne vivant pas en établissement; les données ont été stratifiées selon l'âge, le sexe et quatre régions sanitaires. La base de sondage en population générale se composait de 5 578 personnes choisies à partir du registre provincial de la santé, dont 83 % ont été retracés. Nous avons éliminé 3 % de ces personnes parce qu'il s'agissait de femmes enceintes ou qui allaitaient, ou encore de personnes atteintes de troubles mentaux ou physiques qui excluaient leur participation. Parmi les personnes restantes, 3 227 (72 %) ont participé à une entrevue à domicile, menée par une infirmière en santé publique spécialement formée, qui consistait en un questionnaire détaillé sur les facteurs de risque et en deux mesures de la tension artérielle prises au début et à la fin de la session. Deux mille six cent cinquante-trois (82 %) des personnes interviewées ont participé à une séance clinique qui englobait la mesure de la taille et du poids en vue du calcul de l'indice de masse corporelle (IMC)23. Les facteurs de confusion individuels pris en compte englobaient l'âge, le sexe, l'usage du tabac, l'IMC, la présence de certaines maladies chroniques choisies (diabète, infarctus du myocarde antérieur, vasculopathie périphérique et AVC antérieur), le revenu du ménage, le niveau de scolarité et l'autoévaluation de la santé. L'âge a été analysé en tant que variable catégorique ventilée en groupes d'âge de dix ans. Le revenu brut du ménage figurant sur le questionnaire a été codé au moyen de la hiérarchie de réponses suivantes. Nous avons d'abord demandé aux participants si leur revenu total était inférieur ou supérieur à 20 000 $. S'il était supérieur à 20 000 $, nous leur demandions alors de fournir plus de détails, c'est-à-dire d'indiquer si leur revenu total était inférieur ou supérieur à 40 000 $. Les personnes qui ont répondu à la première partie de la question pouvaient choisir de ne pas fournir de détails à la deuxième partie. Par conséquent, certaines des réponses ont été regroupées dans la catégorie « >= 20 000 », montant qui chevauche celui des groupes « 20 000 $ à 39 999 $ » et « >= 40 000 », bien que les participants faisant partie de chacun de ces groupes fussent distincts. Le niveau de scolarité a été codé selon le diplôme ou le grade le plus élevé obtenu, de la manière suivante : « études secondaires non ter-minées », « études secondaires terminées » et « diplôme ou grade postsecondaire ». Nous avons exclu de l'analyse 133 participants (4,1 %) pour lesquels nous ne possédions pas de renseignements sur l'usage du tabac, les maladies chroniques, le niveau de scolarité, l'autoévaluation de la santé ou les paramètres examinés. Puisque les données concernant l'IMC et le revenu du ménage étaient manquantes dans une forte proportion des cas (l'IMC n'était disponible que pour ceux qui avaient participé à la séance clinique, alors que la question portant sur le revenu était optionnelle), ces participants ont été con-sidérés dans l'analyse comme présentant une catégorie manquante pour chacune de ces variables. Mesures liées au contexteDans des travaux antérieurs, nous avions divisé la province de la Nouvelle-Écosse (dont la population s'élève à environ 940 000 habitants) en 64 régions ou unités géographiques fonctionnelles en nous fondant sur les subdivisions de recensement unifiées dans les régions rurales ou sur les groupes de secteurs de recensement (quartiers) dans les régions urbaines24. Dans la présente étude, au niveau de ces 64 régions géographiques, nous avons considéré trois covariables liées au contexte : 1) les conditions socio-économiques locales, 2) l'état de santé local et 3) la covariable qui nous intéressait, à savoir l'accessibilité et la disponibilité des services de santé. La situation socio-économique locale a été considérée comme un facteur de confusion possible inhérent au contexte parce qu'on est en voie d'établir l'importance de son effet sur la santé des individus et qu'il a été démontré qu'elle varie considérablement dans l'ensemble des 64 régions géographiques24. La mesure de la situation socio-économique locale, c'est-à-dire le revenu moyen des ménages de ces unités géographiques, a été tirée du recensement du Canada de 1996. En outre, puisque l'état de santé local déterminera la demande locale de services de santé, la deuxième covariable inhérente au contexte, à savoir l'état de santé local, a été considérée comme un facteur de confusion contextuel potentiel. La mesure de l'état de santé local, c'est-à-dire l'espérance de vie locale pour l'année 1995, a été calculée à partir des données de mortalité tirées des statistiques de l'état civil de la province et des projections des chiffres de population fondées sur le recensement du Canada25,26. Dans les comparaisons au niveau des États, des régions métropolitaines et des comtés, les chercheurs ont utilisé les ratios médecin-malades comme mesure indirecte de l'accessibilité et de la disponibilité des soins de santé primaires17-22. Puisque nous comparons ici des petites régions et que certains médecins peuvent travailler à plus d'un endroit, ou encore à temps partiel ou de longues heures, nous évaluons le nombre de consultations médicales par habitant plutôt que le nombre de médecins par habitant27. Le nombre de consultations médicales par habitant a été établi à partir des demandes de paiement présentées en 1995 par les médecins au régime provincial d'assurance-maladie, ce qui correspond à tous les services de santé fournis aux habitants de la Nouvelle-Écosse27. Pour surmonter les différences sur les plans de l'âge et du sexe dans l'ensemble des 64 unités géographiques, nous avons standardisé le nombre de consultations des médecins de première ligne par habitant à cet égard. En outre, pour chacune des 64 unités géographiques, nous avons généré des estimations bayésiennes empiriques pour le nombre de consultations des médecins de première ligne et pour l'espérance de vie afin de compenser la surdispersion, c'est-à-dire le phénomène de l'instabilité des estimations pour les petites régions résultant de la variation de la taille de la population28. Des méthodes hiérarchiques ou multiniveau génèrent de telles estimations bayésiennes empiriques et permettent de réaliser un lissage spatial28,29. Ici, nous avons considéré un modèle multiniveau dans lequel les informations concernant les 64 unités géographiques et leurs unités géographiques adjacentes ont été regroupées (niveau 1), ce qui nous a fourni des estimations robustes des espérances de vie spécifiques de chaque unité géographique (niveau 2). Dans ce modèle, au niveau 1, nous avons pondéré proportionnellement à l'inverse de l'erreur-type des estimations de l'espérance de vie. Cette méthode est décrite de façon plus détaillée ailleurs24. Couplage des donnéesLe couplage et l'analyse des données pour cette étude ont été approuvés par le Health Sciences Human Research Ethics Board de l'Université Dalhousie, à Halifax (Nouvelle-Écosse) Canada. La base de sondage originale contenait les codes postaux résidentiels, ce qui permettait de coupler les données à l'une des 64 unités géo-graphiques et aux renseignements sur la situation socio-économique locale, l'espérance de vie locale et l'utilisation locale des services de santé30. Neuf participants au sondage (0,3 %) n'avaient toutefois pas un code postal valide et, par conséquent, ces données n'ont pas été couplées. Ils ont été exclus de l'analyse, ce qui a donné un échantillon utile de 3 094 participants. Démarches statistiquesNous avons examiné le rôle distinct que jouent les caractéristiques du contexte sur la santé des individus au moyen d'une régression logistique multiniveau et d'un logiciel hiérarchique29. Les caractéristiques du contexte, les conditions socio-économiques locales, l'état de santé local et la covariable qui nous intéressait, à savoir l'accessibilité et la disponibilité des services de santé, ont été considérés comme des covariables de niveau 2. Les caractéristiques individuelles et les résultats cliniques ont été considérés comme des variables de niveau 1. Nous avons examiné les quatre variables cliniques suivantes : 1) hypertension déjà diagnostiquée, 2) hypertension non diagnostiquée, 3) prise d'anti-hypertenseurs signalée par le répondant et 4) hypertension non traitée. L'hypertension a été définie comme une pression diastolique mesurée moyenne de 90 mmHg ou plus d'après les lignes directrices canadiennes de pratique clinique qui étaient en vigueur au moment du sondage31. Pour mettre en évidence une réduction de 25 % des diagnostics d'hypertension dans les unités géographiques affichant les niveaux les plus bas d'utilisation de services de santé primaires (plus de 5 % inférieurs à la moyenne provinciale), la puissance statistique nécessaire a été établie à 94 % pour un critère de signification statistique de 0,05. Des analyses statistiques ont été réalisées au moyen des logiciels S-Plus et HLM29. RésultatsLe tableau 1 présente les caractéristiques des individus et du contexte des 3 094 participants à l'enquête Nova Scotia Heart Health Survey pour qui l'on possédait de l'information complète et qui ont été inclus dans les présentes analyses. Entre 5 % et 6 % des participants ont indiqué avoir déjà reçu un diagnostic de diabète, d'infarctus du myocarde ou de vasculopathie périphérique et 2,4 % avaient déjà subi un AVC. Sur les 3 094 participants, 868 (28 %) avaient déjà reçu un diagnostic d'hypertension. Sur les 2 226 autres participants, 148 (6,6 %) présentaient une hypertension non diagnostiquée, c'est-à-dire que le jour de leur entrevue, leur pression diastolique moyenne était égale ou supérieure à 90 mmHg. Sur les 3 094 participants, 457 (14,8 %) prenaient des anti-hypertenseurs lors de l'entrevue. Sur les 2 637 participants restants, 228 (8,6 %) présentaient une hypertension non traitée, c'est-à-dire qu'ils ne prenaient pas de médicaments alors que leur pression diastolique était égale ou supérieure à 90 mmHg. Le nombre moyen de consultations des médecins de première ligne dans l'ensemble des 64 unités géographiques de la Nouvelle-Écosse s'échelonnait de 3,5 à 5,5 par résident par année (figure 1). De tous les participants, 19 % (588) vivaient dans des régions où les estimations standardisées selon l'âge et le sexe du recours aux médecins de première ligne étaient inférieures à 95 % de la moyenne provinciale, 59,5 % (1 842) vivaient dans des régions où le recours aux médecins de première ligne correspondait à peu près à la normale et, enfin, 21,5 % (664) vivaient dans des régions où le recours aux médecins de première ligne a été estimé à au moins 5 % au-dessus de la moyenne provinciale (tableau 1). FIGURE 1
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TABLEAU 1
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Le tableau 2 présente les associations indépendantes des facteurs inhérents au contexte avec les issues cliniques qui nous intéressaient, ajustées pour tenir compte des facteurs contextuels et des différences individuelles sur les plans de l'âge, du sexe, de l'usage du tabac, de l'IMC, des maladies chroniques, du revenu du ménage, du niveau de scolarité et de l'autoévaluation de la santé. La probabilité de recevoir un diagnostic d'hypertension n'était ni considérablement ni significativement différente parmi les unités géographiques qui différaient sur les plans du revenu, de l'espérance de vie ou de l'utilisation des services de santé primaires. Comparativement aux régions où l'utilisation des services de santé était la plus faible (inférieure à 95 % de la moyenne provinciale), les rapports de cotes pour les régions ayant des niveaux d'utilisation moyens (à plus ou moins 5 % de la moyenne provinciale) ou élevés (plus de 5 % supérieur à la moyenne provinciale) n'étaient que légèrement élevés. Les cas d'hypertension non diagnostiquée risquaient moins de se produire dans les régions où les revenus étaient élevés (revenu moyen 45 000 $), les régions ayant une espérance de vie proche de la moyenne ou élevée, et les régions qui faisaient un usage réduit de soins primaires. En outre, ces différences n'étaient pas statistiquement significatives. De plus, la probabilité de prendre des anti-hypertenseurs ou de présenter une hypertension non traitée n'était ni considérablement ni significativement différente chez les résidents des régions qui différaient sur les plans du revenu, de l'espérance de vie ou de l'utilisation des services de soins primaires (tableau 2). Les associations présentées dans le tableau 2 n'étaient pas considérablement différentes des estimations des modèles dans lesquels nous avions apporté certaines corrections pour tenir compte des facteurs de confusion individuels seulement. Nous avons également considéré les covariables comme des tertiles et comme des variables continues plutôt que comme des variables nominales. Les modifications apportées au modèle à cet égard n'ont toutefois pas changé de façon considérable les associations observées entre l'utilisation locale des services de santé et les issues cliniques qui nous intéressaient.
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TABLEAU 2
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AnalyseLes maladies cardiovasculaires représentent la principale cause de décès au Canada et dans la plupart des pays occidentaux. L'hypertension est un facteur de risque important des maladies cardiovasculaires mais, malheureusement, le degré de connaissance et de maîtrise de cet état demeure relativement faible, d'où l'importance de ce problème de santé publique32,33. De même, la pénurie de médecins de première ligne représente un problème de santé publique considérable dans nombre de pays occidentaux, surtout dans les régions rurales et démunies34-36. La disponibilité et l'accessibilité des soins de santé primaires peuvent avoir une incidence sur le diagnostic et la prise en charge de l'hypertension. Nous avons par conséquent posé l'hypothèse que les populations des régions où la disponibilité et l'accessibilité des services étaient restreintes seraient 1) moins susceptibles de recevoir un diagnostic d'hypertension, 2) plus susceptibles d'être atteintes d'hypertension non diagnostiquée, 3) moins susceptibles de prendre des antihypertenseurs et 4) plus susceptibles d'être atteintes d'hypertension non traitée. La présente étude n'a permis de confirmer aucune de ces hypothèses. S'il est vrai que les facteurs géographiques qui influent sur la santé cardiovasculaire ont été examinés dans diverses études au moyen de renseignements individuels3,37-40, l'importance de la prestation adéquate de soins de santé primaires a été analysée uniquement dans des études qui utilisaient de l'information regroupée provenant de plusieurs unités géographiques17-22. À cet égard, aux États-Unis, les comparaisons réalisées à l'échelle du pays et des régions métropolitaines ont révélé une espérance de vie supérieure et une mortalité inférieure dans les régions géographiques où le ratio médecin de première ligne:malades était élevé, indépendamment des différences socioéconomiques18,20. À partir de ces observations, les auteurs ont évoqué l'hypothèse qu'une augmentation du nombre de médecins de première ligne serait une façon efficace et réalisable de résoudre les problèmes de disponibilité et d'accessibilité des soins de première ligne dans le but d'améliorer la santé de la population20. Gulliford a observé une association semblable en Angleterre, mais a indiqué qu'en Angleterre, l'association entre l'offre de médecins de première ligne et la mortalité pourrait être largement expliquée par certains facteurs de confusion21. Contrairement aux États-Unis, le Royaume-Uni et le Canada ont des systèmes universels de soins de santé qui garantissent la disponibilité et l'accessibilité des soins de santé de première ligne à tous les résidents. Par conséquent, on s'attend à ce que les différences locales dans l'utilisation des services de soins primaires soient moins importantes dans les endroits où il existe des régimes universels et qu'elles expliquent vraisemblablement les résultats variables des études. Ces observations semblent concorder avec les résultats d'une comparaison internationale des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui a mis en évidence de meilleures issues cliniques dans les pays disposant de meilleurs systèmes de soins de santé primaires41. Pour surmonter les biais écologiques dans les études des soins de santé primaires, Gulliford a proposé des études dans lesquelles les données seraient recueillies au niveau individuel de même qu'au niveau régional21. Pour la présente étude, nous avons recueilli des données aux deux niveaux et les avons analysées sous forme de facteurs individuels distincts et de facteurs inhérents au contexte. Le facteur inhérent au contexte qui nous intéresse, à savoir la prestation de services de santé de première ligne, pourrait avoir une incidence sur la santé des individus de diverses manières. Par exemple, les résidents d'unités géographiques qui connaissent de graves pénuries de médecins de première ligne pourraient avoir de la difficulté à trouver un médecin régulier et à avoir des rendez-vous, la durée des consultations serait vraisemblablement plus courte et les médecins pourraient mettre d'avantage l'accent sur les soins à visée curative que sur les soins préventifs. Parmi les autres facteurs qui peuvent varier d'une unité géographique à l'autre et influer sur la santé des individus, on peut penser aux politiques locales, aux pénuries de personnel de soins primaires autres que les médecins, aux styles de pratique, au transport et à la propension à consulter un professionnel de la santé16. La présente étude diffère également des travaux antérieurs en ce sens qu'elle comparait de petites régions afin de répondre aux besoins en matière d'information des décideurs d'une communauté ou d'un quartier24. Parce que les médecins peuvent travailler à plus d'un endroit, ou encore à temps partiel ou de longues heures, l'évaluation des taux de consultation des médecins pourrait donner des résultats plus exacts dans les comparaisons de petites régions que les ratios médecin:malades qui ont été appliqués dans les comparaisons à l'échelle des États, des régions métropolitaines ou des districts17-22. Sur les 64 unités géographiques, 28 affichaient un écart supérieur à 5 % et six avaient un écart de plus de 10 % par rapport à la moyenne provinciale. Nous ignorons s'il existe d'autres études des taux de consultation des médecins réalisées sur des petites régions géographiques qui pourraient servir de point de référence pour nos observations, aussi nous est-il difficile de déterminer si la variation observée est modeste ou considérable. Nous avons exprimé la variation géographique sous forme d'écart en pourcentage par rapport à la moyenne provinciale. On peut percevoir l'écart en pourcentage comme relativement modeste, mais, en termes de nombre absolu de services de santé et de coûts, les différences sont importantes. En outre, même une variation géographique modeste de l'utilisation des services de médecins de famille peut entraîner une variation disproportionnellement supérieure des services de santé préventifs, car les médecins travaillant dans les régions où il y a une pénurie de personnel peuvent tenter de maintenir le niveau de soins de santé cliniques et réduire sélectivement le nombre de services à caractère préventif, comme la prise en charge de l'hypertension. La présente étude a démontré que tel n'est pas le cas. Elle constitue également un point de référence pour les études futures sur les variations géographiques des services de santé et leur répercussion sur la santé. Ces analyses futures pourraient englober une analyse actualisée en Nouvelle-Écosse : une telle étude serait particulièrement utile étant donné que la pénurie d'effectifs dans le domaine des soins de santé primaires s'est amplifiée depuis 1995. Ces analyses pourraient également examiner d'autres issues cliniques justiciables de soins de santé primaires, comme la participation à des programmes de dépistage du cancer du sein, du col utérin et de la prostate. En outre, les analyses futures pourraient englober l'évaluation des répercussions sur la santé des différences géographiques dans la disponibilité et l'accessibilité des services spécialisés et des services hospitaliers. Une telle analyse serait utile car nous avons déjà démontré que les variations géographiques dans l'utilisation des services spécialisés et des services hospitaliers étaient plus importantes que dans le cas de l'utilisation des médecins de famille27 et que ces variations pourraient avoir une influence considérable sur les issues cliniques chez les résidents42. Toutes ces études futures pour-raient recourir à des approches multiniveau comparables à celle qui a été utilisée dans la présente étude. En résumé, nous avons observé des variations géographiques modérées dans la disponibilité et l'accessibilité des soins de santé primaires en Nouvelle-Écosse, mais nous n'avons pas pu confirmer qu'elles se traduisaient par des inégalités en ce qui concerne le diagnostic et la prise en charge de l'hypertension chez les résidents de la province. Néanmoins, ces variations dans la prestation de services de santé semblent aller à l'encontre de l'objectif de l'universalité des services de santé. RemerciementsLes auteurs souhaitent remercier les docteurs Brian Ashton et Jeffrey Hoch de leur contribution. Les résultats et conclusions présentés ici sont ceux des auteurs. Ils n'ont reçu aucune caution officielle de la part du ministère de la Santé de la Nouvelle-Écosse. L'accès aux données de même que le couplage des données ont été assurés par la Population Health Research Unit, Department of Community Health and Epidemiology, Dalhousie University. Le financement de la présente étude a été assuré par la Fondation canadienne pour l'innovation, la Nova Scotia Health Research Foundation et par une bourse de recherche versée au Dr Veugelers par les Instituts de recherche en santé du Canada. Références
Coordonnées des auteurs Paul J Veugelers, Department of Community Health and Epidemiology, Faculty of Medicine, Dalhousie University et Department of Public Health Sciences, Faculty of Medicine & Dentistry, University of Alberta, Edmonton (Alberta) Canada Alexandra M Yip, Department of Community Health and Epidemiology, Faculty of Medicine, Dalhousie University, Halifax (Nouvelle-Écosse) Canada Frederick Burge, Department of Family Medicine, Faculty of Medicine, Dalhousie University, Halifax (Nouvelle-Écosse) Canada Correspondance : PJ Veugelers, Department of Public Health Sciences, Faculty of Medicine & Dentistry, Room 13-106D Clinical Sciences Building, University of Alberta, Edmonton (Alberta) Canada T6G 2G3; télécopieur : (780) 492-0364; Courriel : paul.veugelers@ualberta.ca
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Dernière mise à jour : 2005-01-28 | ![]() |