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Volume 16, No 3- 1996

 

  Agence de santé publique du Canada

Différences dans les taux d'hypertrophie néonatale entre le nord et le sud de la Saskatchewan : répercussions pour les autochtones
Roland F. Dyck et Leonard Tan

Résumé

Une association a été établie entre les taux d'hypertrophie néonatale et l'obésité maternelle, une gestation prolongée ainsi que le diabète gestationnel. Des études antérieures réalisées au Canada ont fait état de taux élevés d'hypertrophie chez les nouveau-nés autochtones de l'Ontario et de la Colombie-Britannique. Dans la présente étude, nous comparons indirectement les taux d'hypertrophie néonatale chez les autochtones et les non-autochtones en utilisant les données pour le nord (peuplé surtout d'autochtones) et le sud (peuplé surtout de non-autochtones) de la Saskatchewan. Nous avons effectué une étude rétrospective à partir des données de la division des statistiques de l'état civil du ministère de la Santé de la Saskatchewan, qui englobaient toutes les naissances vivantes de 1975 à 1988. Les taux d'hypertrophie néonatale ( >4 000 g) ont été établis pour l'ensemble des populations de même que pour les sous-groupes stratifiés en fonction du sexe de l'enfant, de l'âge gestationnel, du type d'accouchement (simple ou multiple), des mortinaissances antérieures, de l'âge de la mère et du père et de la parité maternelle. Le taux général d'hypertrophie néonatale dans le nord de la Saskatchewan s'élevait à 16,3 %, comparativement à 12,4 % pour le sud de la province. Entre 1975 et 1988, ce taux a en outre grimpé de 12,6 % à 19,2 % dans le Nord, alors que l'augmentation a été plus modeste dans le Sud, le taux passant de 10,2 % à 12,8 %. Tous les taux stratifiés d'hypertrophie néonatale étaient également plus élevés dans le nord de la province. Nous en concluons donc que les taux d'hypertrophie néonatale sont supérieurs et augmentent plus rapidement dans la population du nord que dans la population du sud de la Saskatchewan. Cette observation trouve écho dans les taux plus élevés d'obésité maternelle et/ou de diabète gestationnel chez les femmes autochtones. Elle peut de plus avoir une portée importante pour l'évolution de l'intolérance aux glucides dans cette population.

Mots clés : Aboriginal health; birthweight; diabetes; gestational; fetal macrosomia; obesity; Saskatchewan

Introduction

Les taux d'hypotrophie néonatale (proportion de nouveau-nés pesant moins de 2 500 g) dans une population sont habituellement considérés comme un indicateur de la santé générale des femmes enceintes et des enfants à naître. On s'est par contre moins attardé à étudier les effets sur la santé des taux d'hypertrophie néonatale (proportion de nouveau-nés pesant plus de 4 000 g), généralement associés à l'obésité maternelle, à une gestation prolongée et au diabète gestationnel 1.

Des études antérieures menées dans le nord-ouest de l'Ontario 2 et en Colombie-Britannique 3 ont révélé une surincidence d'hypertrophie néonatale chez les autochtones par rapport à l'ensemble de la population, mais l'on ignore s'il s'agit d'un phénomène général ou si ces taux sont en hausse. Les répercussions de telles observations demeurent en outre obscures. Notre étude visait à comparer les taux d'hypertrophie néonatale dans le nord (peuplé surtout d'autochtones) et dans le sud (peuplé surtout de non-autochtones) de la Saskatchewan et de déterminer si ces taux ont évolué avec le temps. Nous espérons que ces renseignements nous permettront de mieux comprendre les effets de l'acculturation sur l'intolérance aux glucides chez les autochtones.

Méthodes

Toutes les données relatives au poids de naissance des bébés nés vivants en Saskatchewan entre 1975 et 1988 proviennent de la division des statistiques de l'état civil du ministère de la Santé de la Saskatchewan. Les enfants dont le poids de naissance est supérieur à 4 000 grammes sont dits hypertrophiques; les taux d'hypertrophie néonatale renvoient au nombre annuel de nouveau-nés hypertrophiques pour 100 naissances vivantes.

Pour les besoins de cette étude, nous avons comparé les taux d'hypertrophie dans le nord et le sud de la Saskatchewan. Le nord de la Saskatchewan a été défini comme la région de la province qui relève sur le plan administratif de la Direction des services de santé du Nord du ministère de la Santé de la Saskatchewan (à peu près la moitié nord de la province). Environ 66 % des 30 000 personnes vivant dans cette région pendant les années étudiées étaient d'origine autochtone, alors qu'au moins 85 % des résidents du Sud étaient des non-autochtones 4 . Nous pensons ainsi avoir vraiment comparé les taux d'hypertrophie néonatale chez les autochtones et les non-autochtones (bien qu'une étude écologique n'établisse pas les caractéristiques individuelles). De plus, toutes les différences observées dans les taux d'hypertrophie entre le nord et le sud de la province ont été atténuées plutôt qu'accentuées à cause de la distribution de la population mentionnée ci-dessus (au point où ces différences peuvent être attribuées à une origine autochtone par rapport à des sujets non autochtones).

En plus de comparer les taux généraux d'hypertrophie néonatale dans les deux régions entre 1975 et 1988, nous sommes servis des données pour cette même période pour comparer les taux d'hypertrophie néonatale en tenant compte de l'âge de la mère, de la parité maternelle, de l'âge du père, du sexe de l'enfant, de l'âge gestationnel de l'enfant, du nombre de mort-nés mis au monde par la mère et du type d'accouchement (simple ou multiple). Nous avons analysé les différences en utilisant le test de khi-carré. Afin de comparer les tendances temporelles dans les deux régions, nous avons établi des moyennes mobiles pour trois ans plutôt que des taux pour un an à cause des fluctuations annuelles dans la population moins nombreuse du nord de la Saskatchewan. Nous n'avons pas eu recours à des tests de signification pour comparer l'évolution avec le temps (tendances) dans chacune des deux populations.

Résultats

Entre 1975 et 1988, 1 748 (16,32 %) des 10 709 enfants nés vivants dans le nord de la Saskatchewan et 28 248 (12,40 %) des 227 887 enfants nés vivants dans le sud de la province pesaient plus de 4 000 grammes. Durant cette période, le taux annuel d'hypertrophie néonatale est passé de 12,56 % à 19,19 % (augmentation absolue de 6,6 %, mais augmentation relative de 53 %) dans le Nord et de 10,20 % à 12,77 % (augmentation absolue de 2,6 % mais augmentation relative de 25 %) dans le Sud. La figure 1 donne un aperçu des moyennes mobiles sur trois ans durant cette période. Dans le nord de la Saskatchewan, cette moyenne a grimpé de 13,99 % à 18,29 % (hausse relative de 31 %) alors que, dans le Sud, la moyenne est passée de 10,97 % à 13,06 % (hausse relative de 19 %).

Sont répertoriés au tableau 1 les taux d'hypertrophie néonatale selon les autres facteurs énumérés ci-dessus. Le sexe masculin de l'enfant, l'âge gestationnel plus avancé, une parité maternelle plus élevée, les accouchements simples et le fait de n'avoir jamais accouché de morts-nés étaient toutes des variables associées à une augmentation du taux d'hypertrophie néonatale dans le nord comme dans le sud de la Saskatchewan. De façon générale, plus le père et la mère étaient âgés, plus le risque d'hypertrophie était élevé dans les deux régions. Toutefois, dans toutes les catégories et sous-catégories, les taux d'hypertrophie néonatale étaient supérieurs dans le Nord. Qui plus est, les taux augmentaient et le rythme d'augmentation était plus rapide durant la période visée par l'étude chez les résidentes du Nord qui étaient plus âgées et qui avaient déjà eu des enfants (tableau 2).



FIGURE 1
Tendance des taux d'hypertrophie néonatale (>4000 g), Saskatchewan,
moyennes mobiles sur trois ans, 1975-1988

Figure 1

TABLEAU 1
Taux (%) d'hypertrophie néonatale ( >4 000 g)
par caractéristique, Saskatchewan, 1975–1988
Caractéristique
Nord de la Sask
Nord de la
Sud de la Sask
Différence (%)
Valeur de
Sexe de l'enfant        
Garçon
19.45 15.54 3.91 <0.01
Fille
13.11 9.09 4.02 <0.01
Âge gestationnel
(semaines)
       
<38
3.38 2.36 1.02 0.06
38–41
16.92 12.39 4.53 <0.01
>41
27.18 22.97 4.21 NS
Type
d'accouchement
       

Simple

16.46 16.62 3.84 <0.01
>1
0.75 0.32 0.43 NS
Mortinaissance antérieure        
Aucune
16.88 12.83 4.05 0.01
1+
14.25 11.98 2.27 NS
Âge de la mère (ans)        
<20
13.36 9.45 2.91 <0.01
20–29
16.50 12.20 4.30 <0.01
30–39
21.63 15.13 6.50 <0.01
+40
20.00 14.48 5.52 NS
Âge de la père (ans)        
<20
13.28 9.21 4.07 <0.02
20–29
16.84 11.77 5.07 <0.01
30–39
20.34 14.41 5.93 <0.01
40–49
19.41 15.75 3.66 0.06
50+
23.21 15.10 8.11 NS
Parité maternelle        
1
12.70 9.47 3.23 <0.01
2
15.09 13.06 2.03 <0.01
3
17.76 14.88 2.88 <0.01
4+
20.68 17.01 3.67 <0.01
TAUX GÉNÉRAL 16.32 12.40 3.92 <0.01
NS = Non significative

TABLEAU 2
Moyennes mobiles sur trois ans des taux (%) d'hypertrophie néonatale
( >4 000 g), Saskatchewan, 1975–1988
Caractéristique
Nord de la Saskatchewan
Sud de la Saskatchewan
1975–1977
1985–1987
Variation
1975–1977
1985–1987
Variation
Parité maternelle            
<3
10.98 15.99 5.01 9.76 11.67 1.91
3+
17.60 20.98 3.38 14.33 16.32 1.99
Âge de la mère (ans)            
<26
12.31 15.99 3.68 9.60 11.68 2.08
26+
17.39 22.86 5.47 13.21 14.25 1.04
TAUX GÉNÉRAL 13.99 18.29 18.29 10.97 1306 2.09
   

Discussion

Les taux d'hypertrophie néonatale sont plus élevés et augmentent plus rapidement dans le nord que dans le sud de la Saskatchewan. À cause de la composition raciale des populations qui habitent ces régions, nous croyons qu'il est possible d'établir À partir de ces observations une distinction entre autochtones et non-autochtones.

Comment peut-on expliquer ces différences? La macrosomie (poids de naissance de 4 000 g ou plus) est le plus souvent associée À l'obésité maternelle, À un âge gestationnel supérieur À 42 semaines, au diabète gestationnel 1 et au sexe masculin 5 . Le sexe ne semble pas jouer un rôle dans notre étude vu que nous n'avons observé que très peu de différences dans les rapports des hommes aux femmes entre le nord et le sud de la Saskatchewan 6 et une surincidence d'hypertrophie néonatale chez les nouveau-nés du Nord de sexe féminin (tableau 1). Il est également peu probable que les différences dans les taux de gestation prolongée puissent expliquer les résultats obtenus, car nous avons observé un écart similaire dans les taux d'hypertrophie néonatale dans les deux régions pour un âge gestationnel de 38 À 41 semaines (tableau 1). C'est donc probablement les différences dans les taux d'obésité maternelle ou de diabète gestationnel qui sont À l'origine des variations observées. Des facteurs génétiques indépendants peuvent également jouer un rôle.

Comme l'obésité maternelle et le diabète gestationnel sont des facteurs de risque de macrosomie et que l'obésité maternelle est également un facteur de risque de diabète gestationnel, il est difficile de cerner le rôle respectif de l'obésité et du diabète gestationnel dans l'étiologie de l'hypertrophie néonatale. Nous soupçonnons néanmoins qu'une intolérance maternelle aux glucides induite par la grossesse peut exercer un effet important.

Les tableaux 1 et 2 montrent que les taux les plus élevés de macrosomie dans le Nord, de même que la plus grande disparité entre le Nord et le Sud, s'observent chez les mères et les pères plus âgés (dans ce dernier cas, cela tient probablement au fait que les mères âgées ont des compagnons plus âgés). L'âge maternel avancé est d'ailleurs un facteur de risque de diabète gestationnel 1. De plus, il ressort des observations que nous avons faites dans trois collectivités du nord de la Saskatchewan 7 que jusqu'À 14 % des femmes ont des antécédents de diabète gestationnel et qu'il existe une forte corrélation entre les taux communautaires de diabète gestationnel et d'obésité féminine. Enfin, les résultats d'une enquête nationale récente portant sur l'alimentation des nourrissons chez les Canadiennes d'origine inuit et indienne 8 révèlent que 6,1 % des grossesses étaient compliquées par un diabète durant la gestation (intervalle de variation de 2 À 16 %), alors que l'incidence du diabète gestationnel dans l'ensemble de la population ne dépasse pas 3 % 9.

Pourquoi les taux d'hypertrophie néonatale non seulement sont plus élevés mais augmentent plus rapidement chez les autochtones? Bien qu'il puisse exister des différences génétiques À l'origine d'une tendance À mettre au monde des enfants plus lourds, des facteurs environnementaux doivent sans doute expliquer les variations observées dans le temps. Nous pensons que des changements dans le mode de vie dus À l'acculturation contribuent À la hausse croissante des taux d'obésité, qui est À son tour responsable d'une surincidence du diabète gestationnel même avant qu'un diabète sucré patent ne se manifeste de manière significative dans cette population 7. Nous soupçonnons que les taux d'hypertrophie néonatale et de diabète gestationnel sont plus élevés chez les autochtones dans le sud de la Saskatchewan, qui ont été exposés depuis plus longtemps À la culture dominante.

D'autres considérations importantes ressortent de ces observations. Si les taux observés sont dus À une augmentation de l'incidence du diabète gestationnel associée À l'acculturation, cette augmentation peut contribuer À la hausse des taux de diabète sucré non insulinodépendant (DSNID) chez les autochtones. En plus d'entraîner des complications périnatales plus nombreuses, le diabète gestationnel est un prédicteur de DSNID chez au moins 40 % des femmes atteintes 10 , et il semble être un facteur de risque important d'apparition du DSNID chez leurs enfants 11 . Si la principale cause des écarts observés est l'obésité maternelle, cela vient renforcer notre hypothèse selon laquelle l'augmentation des taux d'obésité chez les autochtones du nord de la Saskatchewan est attribuable À leur exposition progressive À des modes de vie non traditionnels 7 .

Contrairement aux recommandations formulées récemment par un groupe d'étude canadien, nous croyons que le dépistage systématique du diabète gestationnel devrait être effectué chez toutes les femmes autochtones enceintes afin qu'on puisse entreprendre un traitement optimal du diabète en vue de prévenir la macrosomie et qu'on puisse identifier les femmes qui pourraient bénéficier des mesures visant À modifier le mode de vie et, partant, À prévenir le DSNID. Il faut également adopter des stratégies de prévention du diabète gestationnel dans cette population, ce qui pourrait réduire grandement le risque de DSNID dans les générations subséquentes.

Références

1. Canadian Task Force on the Periodic Health Examination. Periodic health examination, 1992 update: 1. Screening for gestational diabetes mellitus. Can Med Assoc J 1992;147(4):435-43.

2. Munroe M, Shah CP, Badgley R, Bain HW. Birthweight, length, head circumference and bilirubin level in Indian newborns in the Sioux Lookout Zone, northwestern Ontario. Can Med Assoc J 1984;131:453-6.

3. Thomson M. Heavy birthweight in native Indians of British Columbia. Can J Public Health 1990;81:443-6.

4. Saskatchewan Health. Saskatchewan Hospital Services Plan covered population 1982.

5. Statistique Canada. Percentiles of birthweight by duration of pregnancy-Canada (except Newfoundland). Ottawa, 1980.

6. Tan L, Irvine J, Habbick B, Wong A. Vital statistics in northern Saskatchewan, 1974-1988. Saskatoon: Northern Medical Services, Department of Family Medicine, University of Saskatchewan; 1992.

7. Dyck RF, Tan L, Hoeppner VH. Index de masse corporelle, diabète gestationnel et diabète sucré dans trois communautés autochtones du Nord de la Saskatchewan [article court]. Maladies chroniques au Canada 1995;16(1):27-30.

8. Santé et Bien-être social Canada. National database on breastfeeding among Indian and Inuit women. Survey of infant feeding practices from birth to six months-Canada, 1988. Ottawa: Direction générale des services médicaux, 1990.

9. Amankwash KS, Prentice RL, Fleury FJ. The incidence of gestational diabetes. Obstet Gynecol 1977;49:497-8.

10. Henry OA, Beischer, NA. Long-term implications of gestational diabetes for the mother. Baillieres Clin Obstet-Gynaecol 1991 juin;5(2):461-83.

11. Pettit DJ, Aleck KA, Baird HR, Carraher MJ, Bennett PH, Knowler WC. Congenital susceptibility to NIDDM. Role of intrauterine environment. Diabetes 1988;37(5):622-88.

Références des auteurs

Roland F. Dyck, Départements de médecine et de santé communautaire et épidémiologie, Collège de médecine, University of Saskatchewan, Royal University Hospital, Saskatoon, Saskatchewan S7N 0W8

Leonard Tan, Département de santé communautaire et épidémiologie, Collège de médecine, University of Saskatchewan

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Dernière mise à jour : 2002-10-29 début