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Maladies chroniques au Canada


Volume 23
Numéro 3
2002

[Table des matières]

Agence de santé publique du Canada

Facteurs de stress professionnel et de stress personnel et détresse psychologique chez les travailleurs canadiens : analyse des données de l'Enquête nationale sur la santé de la population de 1994 par la modélisation d'équations structurelles


Donald C Cole, Selahadin Ibrahim, Harry S Shannon, Fran E Scott et John Eyles

Résumé

Les facteurs de stress professionnel sont de plus en plus reconnus comme des déterminants de l'état de santé mentale qui peuvent s'avérer importants. Nous avons examiné ce rapport par la modélisation d'équations structurelles en nous servant des données sur les travailleurs canadiens adultes qui ont participé au premier cycle de l'Enquête nationale sur la santé de la population (ENSP). Les facteurs de stress professionnel forment un construit composite avec des pistes originant des exigences psychologiques, de la latitude de décision, du soutien en milieu de travail et du risque de perdre son emploi, chaque facteur étant mesuré au moyen d'une version abrégée du Job Content Questionnaire. Les facteurs de stress personnel forment eux aussi un construit composite à deux pistes : facteurs de stress chronique et événements de la vie récents. La détresse psychologique est la variable de résultat, influencée par les construits à effet latent que sont la maîtrise et l'estime de soi. Les facteurs de stress professionnel ont un effet total constamment positif sur la détresse (la somme des coefficients de dépendance normalisés varie de 0,004 à 0,153 selon les strates sexe-profession), ces effets étant influencés par une estime de soi et une maîtrise diminuées (facteurs de stress professionnel aux variables médiatrices : valeurs allant de -0,188 à -0,413). Les facteurs de stress personnel ont un effet total positif plus grand sur la détresse psychologique (de 0,462 à 0,536), les effets étant en majeure partie directs.

Mots clés : Canada; enquêtes sur la santé; modèles statistiques; psychologie industrielle; santé au travail; santé mentale; stress psychologique; transversal


Introduction

Énoncé du problème et question de recherche

Les intervenants du secteur de la santé publique sont de plus en plus nombreux à reconnaître que le «stress professionnel» est un déterminant important de la santé. Ainsi, l'analyse des données de l'édition 1985 de la National Health Interview Survey aux États-Unis a permis d'estimer à 11 millions le nombre de travailleurs et travailleuses qui souffrent d'un niveau de stress psychologique qui est dangereux pour la santé1. Bien que l'on reconnaisse généralement que les facteurs de stress professionnel peuvent nuire à la santé mentale2, d'aucuns affirment que les facteurs de stress personnel sont des déterminants beaucoup plus importants du bien-être psychologique3. Heureusement, la majorité des chercheurs s'intéressent aux deux domaines : facteurs de stress professionnel/au travail/intra-organisationnel et facteurs de stress non professionnel/en milieu familial/personnel/ extra-organisationnel4-8. On reconnaît aussi l'importance des variables psychologiques médiatrices comme l'estime de soi et la maîtrise, qui s'insèrent entre les facteurs de stress et les effets sur la santé, pour la bonne compréhension du rapport entre ces variables4,7. Pourtant, les professionnels de la santé, les représentants des milieux de travail et les responsables de l'action gouvernementale ne s'entendent pas sur l'importance relative de chaque catégorie de facteurs et le rôle de médiation que peuvent jouer les variables psychologiques. Par conséquent, notre question de recherche se posait dans les termes suivants :

Dans quelle mesure les facteurs de stress professionnel d'une part et les facteurs de stress personnel d'autre part expliquent-ils, directement et indirectement, la variation du degré de détresse psychologique, étant donné l'estime de soi et la maîtrise comme variables médiatrices?

Nous avons cherché aussi à évaluer dans quelle mesure le rapport entre les facteurs de stress et la variable détresse varie selon le sexe7,9 et la profession10. Nous nous sommes donc servis des résultats des analyses antérieures des données de l'ENSP de 1994-199511–16, des ouvrages scientifiques pertinents et du compte rendu des discussions entre les professionnels de la santé au travail pour élaborer un modèle structurel hypothétique qui relie entre eux les principaux construits étudiés. Notre analyse a été facilitée par l'emploi des techniques de modélisation des équations structurelles (MES), grâce auxquelles on peut estimer simultanément les composantes de mesure et les composantes structurelles17. La comparaison des estimations du modèle par strate sexe-profession a donné des résultats qui permettent d'évaluer dans quelle mesure les variables sexe et profession modulent les rapports étudiés.

Formulation du modèle structurel

Les psychologues organisationnels soutiennent depuis longtemps que le bien-être psychologique est sans doute lié à une diversité de facteurs18. Les facteurs de stress professionnel, y compris l'absence de soutien social en milieu de travail, sont associés à divers problèmes de santé, dont la dépression et la détresse19. Les chercheurs en santé au travail se servent souvent des mesures de symptôme de dépression ou de détresse psychologique comme indicateurs de l'astreinte20. Par ailleurs, de nombreux facteurs de stress personnel sont à l'origine, croit-on, de problèmes de santé mentale, dont la dépression21,22. Par conséquent, on peut supposer que les deux grandes catégories de facteurs de stress – professionnel et personnel – sont des déterminants importants de la détresse au sein de la population active, le niveau de détresse variant en raison directe de la valeur du facteur (voir les liens directs dans la figure 1).


FIGURE 1
Modèle hypothétique (pour toutes les strates)

Modèle hypothétique (pour toutes les strates)


Diverses variables psychologiques peuvent «moduler» le rapport entre les facteurs de stress et la variable détresse, c.-à-d. qu'elles peuvent subir l'effet des facteurs de stress et influer à leur tour sur la détresse23. La médiation est l'inverse de la modération («interaction» ou «modification d'effet» en termes d'épidémiologie); dans ce cas-ci, la variable psychologique influe sur l'intensité de la relation entre le facteur de stress et l'astreinte, mais elle ne subit pas l'effet du facteur de stress, par exemple, l'estime de soi dans Jex et Elacqua, 199924. En tant que variable médiatrice, l'estime de soi peut être influencée par les facteurs au travail, comme le soulignent si bien Locke et coll. (1996)25 : «Nous estimons que le milieu du travail est crucial pour l'estime de soi, parce que c'est par le travail que les gens maîtrisent la réalité et pourvoient à leur subsistance (...) par conséquent, le travail, lorsqu'il est considéré avec dignité et qu'il est accompli de façon rationnelle avec toute la concentration voulue, est une source d'estime de soi» [traduction]. La maîtrise est une autre variable médiatrice, dont la valeur décline lorsque la tension de rôle fait en sorte que les gens doutent plus de leur capacité de gérer leur vie26. Nous avons donc établi que des pistes iraient de l'estime de soi et de la maîtrise à la détresse (rapports indirects dans la figure 1), en ne fixant pas de paramètres pour le degré de médiation, c'est-à-dire qu'il peut aller du plus faible (la plupart des effets du facteur de stress s'exercent directement sur la variable détresse) au plus élevé (la plupart des effets du facteur de stress s'exercent indirectement sur la détresse par l'intermédiaire des variables médiatrices).

Différences selon le sexe et la profession

Les effets des facteurs de stress professionnel sur la détresse psychologique peuvent aussi être modulés par le contexte social10, 27. On décrit le milieu de travail et le milieu familial comme des facteurs de détresse psychologique de second plan6. Les facteurs socio-démographiques sont aussi définis comme des prédicteurs indépendants de la dépression dans le modèle de vulnérabilité de Phelan et coll.4.

Les études qui établissent des comparaisons selon le sexe donnent des résultats contrastés. Certains rapports indiquent des relations semblables entre les facteurs de stress et la variable détresse pour les deux sexes28,29, tandis que d'autres rapportent des différences entre les sexes. Par exemple, l'intégration sociale ou le soutien social7 réduisent le niveau de détresse chez les femmes et les facteurs de stress professionnel influencent plus fortement le niveau de détresse chez les hommes6. Les emplois les plus routiniers sont associés plus étroitement à un niveau de détresse plus grand chez les femmes30, et celles-ci sont plus affectées par les événements stressants de la vie que les hommes31.

Les études qui établissent des comparaisons selon la profession sont plus rares, parce que beaucoup d'analyses de régression neutralisent les effets du niveau professionnel et ne peuvent examiner les différences de relations à l'intérieur des strates (p. ex., dans Stansfeld et coll. [1997], les exigences plus grandes sont «confondues» [confounding] avec le niveau hiérarchique plus élevé)32. Plusieurs études révèlent que les facteurs de stress personnel sont plus intenses chez les personnes qui occupent des emplois de niveau inférieur et qui se situent vers le bas de l'échelle des revenus (voir par exemple Stephens et coll., 1999)33. Les examens combinés des strates sexe-profession sont rares. Les comparaisons sont plus difficiles à cause des différences de répartition des hommes et des femmes entre les niveaux professionnels et des problèmes liés aux facteurs non mesurés qui varient selon les strates34,35. Heureusement, l'ENSP comprend des échantillons de travailleurs et de travailleuses représentatifs suffisamment grands pour nous permettre de constituer des strates sexe-profession indépendantes.

Données secondaires

Population

L'Enquête nationale sur la santé de la population du Canada a utilisé un vaste échantillon de répondants choisis au hasard36,37 dans toutes les régions du pays. Le cycle de 1994–1995 correspondait à la première vague. Le plan d'échantillonnage (plan complexe à plusieurs degrés stratifié) prévoyait le tirage de 20 000 ménages environ, à l'exclusion des résidents des réserves indiennes, des bases militaires et des établissements et des personnes vivant dans des régions reculées de l'Ontario et du Québec. Dans chaque ménage, une personne adulte choisie au hasard devait répondre à des questions détaillées. Le taux de réponse a été de 88,7 % pour les ménages et de 96,1 % pour les personnes dans chaque ménage.

Tout l'échantillon a été constitué à partir des fichiers de microdonnées à grande diffusion (Statistique Canada, 1995)38. Les participants qui ont répondu aux questions détaillées, étaient âgés de 18 à 64 ans inclusivement, étaient salariés au moment de l'enquête et avaient répondu à une version abrégée du Job Content Questionnaire (JCQ) (voir ci-dessous) : au total, 4 230 actifs adultes de sexe masculin et 4 043 actifs adultes de sexe féminin. Les personnes qui ont répondu au JCQ (88 %) avaient un profil comparable à celui des actifs visés par l'ENSP en ce qui a trait à l'âge et au revenu. Cependant, les répondants féminins étaient relativement moins nombreux à occuper un emploi à temps partiel (71,5 % chez les répondants contre 78,6 % chez les non-répondants, p = 0,02) et les répondants masculins étaient relativement moins nombreux à occuper un emploi manuel (48,7 % chez les répondants contre 54,7 % chez les non-répondants, p = 0,006), à avoir complété des études collégiales ou universitaires (38,5 % contre 45,5 %, p = 0,003) et à être mariés ou à vivre en union libre (70,5 % contre 78,0 %, p = 0,0008).

On a demandé aux répondants s'ils avaient exercé un travail rémunéré ou un travail en vue d'un bénéfice dans les 12 derniers mois; ils pouvaient indiquer jusqu'à six emplois. L'emploi principal était classé selon la classification socio-économique des professions de Pineo à seize points39. Pour les besoins de la stratification des professions, celles-ci ont été réparties entre les catégories inférieures de Pineo (travailleur qualifié, travailleur spécialisé et travailleur non qualifié) et les catégories supérieures de Pineo (surveillant, semi-professionnel et gestionnaire).

Mesures par catégorie de variables

Facteurs de stress professionnel

Les répondants ont rempli la version abrégée du JCQ40 par rapport à leur emploi principal actuel. Ce questionnaire renfermait des questions sur les exigences psychologiques au travail, la latitude de décision (influence), l'effort physique, le risque de perdre son emploi et le soutien social en milieu de travail. Bien que la totalité des questions contenues dans le JCQ aient subi tous les tests de validité pertinents41, 12 questions seulement ont été incluses dans la version abrégée du questionnaire de l'ENSP. Les réponses étaient fondées sur une échelle d'évaluation en cinq points (0 = fortement d'accord; 4 = fortement en désaccord), une variante de l'échelle classique en quatre points. Pour évaluer les exigences psychologiques, on a demandé au répondant s'il jugeait sa charge de travail très élevée et s'il jouissait d'une certaine latitude (ou liberté) par rapport aux demandes contradictoires faites par ses collègues. La latitude de décision ou l'«influence» a été mesurée de deux façons : pouvoir d'appréciation dans l'exercice des compétences (perfectionnement, niveau de compétence normal, tâches répétitives) et pouvoir décisionnel (liberté de décider comment accomplir le travail et degré d'influence des travailleurs sur les conditions en milieu de travail). Pour évaluer le soutien social en milieu de travail, on a examiné trois aspects en particulier : exposition à l'hostilité de collègues ou conflit avec des collègues, aide du surveillant dans l'accomplissement du travail, et aide des collègues dans l'accomplissement du travail. Quant à l'effort physique et au risque de perdre son emploi, ils ont été évalués au moyen d'une question unique. Pour les besoins de notre analyse, nous avons défini «en négatif» les facteurs latitude de décision et soutien en milieu de travail pour rendre compte du fait que c'est l'«absence» de ces facteurs qui constitue une source de stress au travail, les scores plus élevés évoquant des valeurs plus élevées pour ces facteurs (à savoir l'absence d'influence et l'absence de soutien en milieu de travail).

Facteurs de stress personnel

Les mesures pour cette catégorie concernent les événements particuliers de la vie et le stress chronique, comme le proposent d'autres spécialistes de l'étude du stress42. L'indice de stress chronique43 comprend 18 questions ayant trait aux difficultés que vit le répondant par rapport à ses enfants, à son conjoint, aux travaux domestiques et à la famille en général – difficultés qu'il vivrait depuis plus de cinq ans en moyenne, selon des travaux de recherche. Cet indice a été corrigé pour tenir compte de l'état matrimonial et du nombre d'enfants à la maison. Pour mesurer le facteur événements de la vie récents44–46, on s'est servi de 10 questions dichotomiques (réponse par oui ou non) portant sur le répondant ou un membre de sa famille pour les 12 derniers mois. Les événements de la vie récents comprenaient la crise financière majeure, le changement d'emploi, la rétrogradation, la réduction de salaire et les querelles de plus en plus nombreuses. Le score relatif aux événements de la vie récents a été corrigé pour tenir compte du rôle social de l'individu (p. ex., état matrimonial, présence d'enfants).

Variables psychologiques médiatrices

On a évalué le facteur estime de soi au moyen de six questions tirées de l'échelle classique de Rosenberg (1965)47. Les réponses étaient fondées sur une échelle en cinq points (de «fortement en désaccord» à «fortement d'accord»), le score global maximum n'excédant pas 24 points; plus le score est élevé, plus l'estime de soi mesurée est grande. La maîtrise est la qualité d'une personne qui estime disposer des moyens voulus pour assurer son épanouissement48; ce facteur a été évalué au moyen de sept questions avec échelle d'évaluation en cinq points, les scores pouvant aller de 0 à 28 (plus le score est élevé, plus la maîtrise est grande). La valeur á de Cronbach est supérieure à 0,65 pour l'estime de soi comme pour la maîtrise, et elle est la même pour toutes les strates sexe-profession.

Variable de résultat (effet sur la santé mentale)

Parmi l'éventail assez large d'indicateurs en santé mentale contenus dans l'ENSP33, nous avons choisi la détresse psychologique, mesurée d'après la forme abrégée du Composite International Diagnostic Interview (CIDI), qui comporte six questions. Là aussi, la valeur á de Cronbach est supérieure à 0,65 et elle est la même pour toutes les strates sexe-profession.

Méthode d'analyse

Formulation des modèles de mesure

La modélisation avec les échelles du JCQ peut se faire de diverses manières : variables continues indépendantes49 ou scores dichotomiques ou trichotomiques32; astreinte exprimée en termes de différences d'exigences psychologiques ou de différences d'influence50; interactions dichotomiques fondées sur des rapports15 ou des médianes31,51; et iso-astreinte exprimée en termes d'interactions avec le soutien en milieu de travail 9,52, pour ne nommer que celles-là. La création d'un construit composite à effet latent53 pour les facteurs de stress professionnel54 fait abstraction de la nature des rapports entre les diverses échelles. Le fait de concevoir les échelles des facteurs de stress professionnel comme des échelles d'évaluation formative, plutôt que des échelles d'évaluation réflexe au sens classique de l'évaluation, atténue la difficulté que posent la nature propre des facteurs de stress professionnel (p. ex., le risque de perdre son emploi en comparaison des autres échelles du JCQ41) et la faible cohérence attribuable au nombre restreint de questions (p. ex., exigences psychologiques dans le questionnaire de l'ENSP)14. Les différences de nature et de période entre l'indice de stress chronique et l'indice des événements de la vie récents55 justifient elles aussi la création d'un construit composite, où chaque indice est un déterminant des facteurs de stress personnel. À l'inverse, lorsque les questions révèlent l'existence d'un construit fondamental, ainsi qu'une cohérence interne assez forte collectivement56 (p. ex., les questions relatives à l'estime de soi, à la maîtrise et à la détresse), la création d'un construit à effet latent est la solution jugée la plus pertinente17.

Estimation du modèle et tests

La modélisation des équations structurelles a été effectuée au moyen de la version 5.7b de EQS57. Comme ce logiciel ne permet pas l'utilisation des poids de sondage, ce qui peut introduire un biais dans les erreurs-types58, nous avons utilisé la version 6.12 de SAS59 pour calculer les matrices des covariances des variables, en nous servant des poids de sondage fournis par Statistique Canada38. Les matrices des covariances pour chaque strate ont ensuite servi de paramètres pour EQS.

Nous avons estimé séparément les quatre modèles correspondant chacun à une strate sexe-profession et nous avons comparé les pistes à l'intérieur des strates au moyen d'estimations normalisées6,60. L'estimation s'est faite par la méthode du maximum de vraisemblance. Les covariances des résidus des variables endogènes ont été fixées à zéro initialement.

Comme le critère chi carré est très sensible à la taille de l'échantillon et aux hypothèses relatives à la distribution61, nous avons utilisé cinq autres mesures de la validité globale de l'ajustement62. L'indice de validité de l'ajustement (IVA) et l'indice de validité de l'ajustement corrigé (IVAC) ont été choisis en raison de leur faible sensibilité aux méthodes d'estimation63, tandis que l'erreur-type d'approximation (ETA) et l'indice d'ajustement comparatif (IAC) sont les mesures les moins sensibles à la taille de l'échantillon63 et l'indice de Bollen (IFI) est la mesure la moins biaisée en raison de la non-normalité des variables64. Les valeurs de IVA, de IVAC, de IAC et de IFI varient de 0 à 1, une valeur supérieure à 0,9 indiquant un bon ajustement. L'intervalle des valeurs de ETA débute à 0 (ajustement parfait) et comprend les valeurs suivantes, par exemple 0,05 (bon ajustement), 0,08 (ajustement passable) et > 0,1 (ajustement inacceptable)65.

Nous avons appliqué le test du multiplicateur de Lagrange (ML)57 pour simuler l'ajout de pistes potentiellement significatives et la suppression des pistes non significatives (p > 0,05). Ce test semblait indiquer une corrélation d'erreurs entre les sous-échelles des questions liées aux variables latentes, de sorte que nous avons considéré que les erreurs liées aux questions pouvaient covarier librement. Nous avons évalué l'intensité des associations représentées par les estimations normalisées des pistes selon le critère de Cohen (1992)66 pour l'analyse de variance multiple, c'est-à-dire faible = 0,02, moyenne = 0,15 et forte = 0,35. Enfin, nous avons calculé les proportions des effets et les rapports des coefficients de dépendance normalisés au moyen d'un tableur pour faciliter les comparaisons.

Résultats

Le tableau 1 donne les caractéristiques socio-démographiques de la population. On observe proportionnellement plus de travailleurs moins instruits et à faible revenu et proportionnellement plus de jeunes travailleurs dans les catégories inférieures de Pineo.

Le tableau 2 fait ressortir les différences de distribution des variables du modèle entre les quatre strates sexe-profession. Les matrices des covariances des variables étudiées sont trop grandes pour être reproduites ici (25 H 25 pour chaque strate), mais on peut en obtenir un exemplaire en s'adressant aux auteurs.

Il a fallu apporter des corrections au modèle hypothétique pour améliorer l'ajustement des modèles pour chaque strate (tableau 3). En plus des corrélations entre les questions, les tests du ML font entrevoir l'ajout d'une piste allant de l'estime de soi à la maîtrise. Tous les modèles finaux donnent un ajustement acceptable selon tous les indices utilisés, moins de 1 % des résidus normalisés étant supérieurs à 0,2 en valeur absolue.


TABLEAU 1
Caractéristiques socio-démographiques de la population adulte active ayant servi à l=analyse, par strate sexe-profession*

Variable

Femmes

Hommes

Pineo – catégories inférieures‡
(n = 2 438)
(%)

Pineo – catégories supérieures‡
(n = 1 466)
(%)

Pineo – catégories inférieures
(n = 2 572)
(%)

Pineo – catégories supérieures
(n = 1 496)
(%)

Âge

18–34

46,1

37,6

46,6

29,9

35–44

27,9

33,5

27,1

34,7

45–54

17,6

22,0

17,9

26,2

55–64

8,4

6,9

8,4

9,2

État matrimonial

Jamais marié

24,0

16,8

28,0

16,2

Marié/union libre

66,0

71,1

65,9

77,9

Veuf/séparé/divorcé

10,0

12,1

6,1

5,9

Scolarité

Études secondaires partielles

18,3

3,1

25,4

6,8

Études secondaires complètes

21,9

9,7

20,7

12,2

Études collégiales ou universitaires partielles

30,8

25,6

28,6

22,3

Études collégiales ou universitaires complètes

28,9

61,6

25,2

58,7

Manquant

0,1

0,0

0,1

0,0

Revenu du ménage

Tranche de revenu inférieure

12,8

5,4

10,1

5,9

Tranche moyenne inférieure

29,9

16,5

28,6

16,4

Tranche moyenne supérieure

39,7

44,2

41,6

42,4

Tranche de revenu supérieure

13,3

31,9

15,4

30,5

Manquant

4,3

2,0

4,3

4,8

* Des poids de sondage dont la somme est égale à la taille de l=échantillon ont servi à ces calculs.

‡ Les catégories inférieures de Pineo comprenaient les travailleurs qualifiés, les travailleurs spécialisés et les travailleurs non qualifiés;
les catégories supérieures comprenaient les surveillants, les semi-professionnels et les gestionnaires.

TABLEAU 2
Variables explicatives, variables médiatrices et variable de résultat, par strate sexe-profession*

Variables
(intervalle de valeurs)

Femmes

Hommes

Pineo – catégories inférieures
Moyenne (é.t.)‡

Pineo – catégories supérieures
Moyenne (é.t.)

Pineo – catégories inférieures
Moyenne (é.t.)

Pineo – catégories supérieures
Moyenne (é.t.)

Variables explicatives

Facteurs de stress professionnel

Exigences psychologiques (0–8)

4,48 (1,78)

5,26 (1,77)

4,31 (1,77)

5,04 (1,81)

Absence de latitude de décision (0–20)

9,17 (3,25)

6,01 (2,74)

8,03 (3,34)

5,34 (2,75)

Absence de soutien (0–12)

3,98 (2,12)

4,05 (2,11)

3,97 (2,05)

4,07 (2,08)

Risque de perdre son emploi (0–4)

1,40 (1,13)

1,40 (1,22)

1,38 (1,15)

1,26 (1,15)

Facteurs de stress personnel

Facteurs de stress chronique (0–14)

3,50 (2,60)

3,12 (2,40)

3,11 (2,46)

2,67 (2,16)

Événements récents (0–8)

0,72 (1,07)

0,66 (0,99)

0,65 (1,02)

0,55 (0,89)

Variables médiatrices

Estime de soi (0–24)

19,96 (3,01)

20,77 (2,80)

20,25 (2,78)

20,89 (2,67)

Maîtrise (0–28)

19,49 (4,08)

20,72 (4,16)

19,90 (3,98)

21,12 (3,82)

Variable de résultat

Détresse (0–24)

3,62 (3,29)

3,12 (2,89)

3,09 (3,04)

2,68 (2,52)

* Des poids de sondage dont la somme est égale à la taille de l=échantillon ont servi au calcul des moyennes et des écarts-types.

‡ é.t. = écart-type.

TABLEAU 3
Indices de validité de l'ajustement du modèle*

c2 (d.l.)

IAC

IVA

IVAC

IFI

ETA (I.C. à 90 %)

Femmes

Cat. inf. de Pineo (n = 2 438)

Modèle hypothétique

3 825 (254)

0,799

0,872

0,837

0,799

0,076 (0,074, 0,078)

Modèle final

1 927 (246)

0,905

0,942

0,923

0,905

0,053 (0,051, 0,055)

Cat. sup. de Pineo (n = 1 466)

Modèle hypothétique

2 387 (254)

0,815

0,877

0,842

0,815

0,076 (0,073, 0,078)

Modèle final

1 071 (243)

0,928

0,945

0,926

0,928

0,048 (0,045, 0,051)

Hommes

Cat. inf. de Pineo (n = 2 572)

Modèle hypothétique

3 602 (254)

0,816

0,887

0,855

0,816

0,072 (0,070, 0,074)

Modèle final

1 894 (247)

0,909

0,945

0,927

0,910

0,051 (0,049, 0,053)

Cat. sup. de Pineo (n = 1 496)

Modèle hypothétique

2 558 (254)

0,784

0,868

0,831

0,785

0,078 (0,075, 0,081)

Modèle final

1 285 (243)

0,902

0,934

0,911

0,903

0,054 (0,051, 0,056)

* c2 = chi carré; d.l. = degrés de liberté; IAC = indice d'ajustement comparatif; IVA = indice de validité de l'ajustement; IVAC = indice de validité de l'ajustement corrigé; IFI = indice de Bollen; ETA = erreur-type d'approximation; I.C. = intervalle de confiance.


Selon les modèles composites de mesure, on note une contribution appréciable de l'absence d'influence (toutes les pistes ayant une valeur supérieure à 0,5) et du risque de perdre son emploi (valeurs allant de 0,264 à 0,545) du côté des facteurs de stress professionnel. Très curieusement, les exigences psychologiques ont un rapport négatif avec les facteurs de stress professionnel, sauf pour les hommes des catégories inférieures de Pineo, mais ces valeurs sont plutôt faibles. L'intensité des rapports varie entre les strates sexe-profession, notamment en ce qui concerne l'absence de soutien social en milieu de travail : de 0,039 pour les femmes des catégories supérieures de Pineo à 0,630 chez les femmes des catégories inférieures, avec des valeurs intermédiaires pour les hommes. En ce qui regarde les facteurs de stress personnel, le stress chronique est plus important que les événements de la vie récents, mais chaque facteur a des valeurs comparables dans les quatres strates.

En ce qui concerne les pistes structurelles, on note des coefficients de dépendance positifs significatifs (au total) pour la relation entre les facteurs de stress professionnel et les facteurs de stress personnel d'une part et la détresse psychologique d'autre part, et ce pour les quatre modèles de strate (voir le tableau 5). Les effets totaux des facteurs de stress professionnel sont généralement plus faibles (de faible à moyen selon le critère de Cohen) que ceux des facteurs de stress personnel (qui sont tous relativement élevés). Le rapport des effets totaux des facteurs de stress professionnel aux effets totaux des facteurs de stress personnel varie de 0,01 pour les femmes des catégories supérieures de Pineo à 0,33 pour les hommes des mêmes catégories, avec des valeurs intermédiaires pour les femmes (0,20) et les hommes (0,23) des catégories inférieures.


TABLEAU 4
Coefficients de dépendance normalisés pour les modèles composites de mesure des facteurs de stress, par strate sexe-profession

Piste

Femmes

Hommes

Cat. inf. de Pineo

Cat. sup. de Pineo

Cat. inf. de Pineo

Cat. sup. de Pineo

Aux facteurs de stress professionnel

Exigences psychologiques

–0,178

–0,099

0,015

–0,060

Absence d'influence

0,539

0,909

0,631

0,640

Risque de perdre son emploi

0,322

0,264

0,545

0,396

Absence de soutien

0,630

0,039

0,307

0,419

Aux facteurs de stress personnel

Stress chronique

0,905

0,940

0,868

0,825

Événements de la vie récents

0,210

0,155

0,288

0,359


TABLEAU 5
Effets (directs, indirects et totaux) normalisés pour les pistes structurelles du modèle, par strate sexe-profession*

Pistes

Femmes

Cat. inf. de Pineo

Cat. sup. de Pineo

Directs

Indirects

Totaux*

Directs

Indirecst

Totaux*

Facteurs de stress
profess. à

Maîtrise

–0,144

–0,056

–0,200

–0,156

–0,108

–0,264

Estime de soi

–0,188

——

–0,188

–0,242

——

–0,242

Détresse

——

0,100

0,100

–0,123

0,127

0,004

Facteurs de stress pers. à

Maîtrise

–0,453

–0,021

–0,474

–0,258

–0,101

–0,359

Estime de soi

——

–0,070

–0,070

–0,227

——

–0,227

Détresse

0,274

0,236

0,510

0,361

0,153

0,514

Maîtrise à

Détresse

–0,499

——

–0,499

–0,304

——

–0,304

Estime de soi à

Maîtrise

0,298

——

0,298

0,446

——

0,446

Détresse

——

——

——

–0,194

–0,135

–0,330

* totaux = directs + indirects

—— indique une piste (ou relation) non significative, p > 0,05


TABLEAU 5 (suite)
Effets (directs, indirects et totaux) normalisés pour les pistes structurelles du modèle, par strate sexe-profession*

Pistes

Hommes

Cat. inf. de Pineo

Cat. sup. de Pineo

Directs

Indirects

Totaux*

Directs

Indirects

Totaux*

Facteurs de stress
profess. à

Maîtrise

–0,180

–0,076

–0,257

–0,236

–0,177

–0,413

Estime de soi

–0,243

——

–0,243

–0,338

——

–0,338

Détresse

——

0,122

0,122

——

0,153

0,153

Facteurs de stress pers. à

Maîtrise

–0,408

——

–0,408

–0,221

——

–0,221

Estime de soi

——

——

——

——

——

——

Détresse

0,323

0,193

0,536

0,430

0,032

0,462

Maîtrise à

Détresse

–0,474

——

–0,474

–0,147

——

–0,147

Estime de soi à

Maîtrise

0,315

——

0,315

0,523

——

0,523

Détresse

——

–0,149

–0,149

–0,274

–0,077

–0,351

* totaux = directs + indirects

—— indique une piste (ou relation) non significative, p > 0,05


En ce qui concerne les variables médiatrices, les effets des deux types de facteurs de stress sont généralement négatifs ou inexistants, les effets sur la maîtrise étant systématiquement plus élevés que les effets sur l'estime de soi. Tous les effets des facteurs de stress professionnel sur la détresse sont indirects, c'est-à-dire que la maîtrise et l'estime de soi agissent comme variables médiatrices. À l'inverse, la majorité des effets des facteurs de stress personnel sur la détresse sont directs : le rapport des effets indirects aux effets totaux varie de 0,54 pour les femmes des catégories inférieures de Pineo à 0,93 pour les hommes des catégories supérieures, avec des valeurs intermédiaires pour les hommes des catégories inférieures (0,60) et les femmes des catégories supérieures (0,70).

Analyse

Notre analyse révèle un lien entre les facteurs de stress professionnel et le niveau de détresse psychologique chez les travailleurs canadiens en général. Les résultats de notre analyse sont conformes à ceux rapportés dans les ouvrages spécialisés, qui révèlent l'existence d'une relation entre les facteurs de stress professionnel en général, et les exigences de l'emploi et l'absence d'influence en particulier, et l'état de santé mentale31,51. Les rapports entre les facteurs de stress professionnel et la détresse sont modulés presque entièrement par la maîtrise et l'estime de soi. D'un point de vue analytique, ces résultats confirment l'utilité d'introduire des variables médiatrices entre les facteurs de stress au travail (prédicteurs) et la détresse psychologique (variable de résultat), au lieu d'examiner des associations multiples distinctes entre les variables explicatives probables, les variables médiatrices et les variables de résultat à l'intérieur d'une structure mal définie, ce qui peut mener à l'observation de relations «insignifiantes»67. D'un point de vue pratique, nos résultats semblent indiquer que les programmes de ressources humaines qui visent à atténuer les facteurs de stress professionnel ou à développer l'estime de soi ou la maîtrise au travail peuvent avoir des effets comparables sur la détresse.

La similitude des valeurs des pistes structurelles pour les hommes et les femmes tend à confirmer l'idée que les caractéristiques et les aspects dynamiques du rapport entre les facteurs de stress professionnel et la santé mentale sont similaires pour les femmes et les hommes28,29. La majorité des pistes structurelles ont des valeurs comparables pour différentes catégories de professions, ce qui est conforme aux observations rapportées dans d'autres ouvrages sur le stress professionnel31. En définissant les facteurs de stress professionnel sous forme de variable composite, nous avons pu montrer que la contribution des diverses mesures utilisées varie d'une strate à l'autre. Les pistes venant du facteur absence d'influence sont celles qui ont la plus forte valeur, ce qui confirme l'importance de l'influence ou de la latitude de décision comme prédicteurs de l'état de santé découlant des rapports hiérarchiques au travail68. Toutefois, la valeur de ces pistes varie, notamment entre les catégories de professions pour les femmes, ce qui indique des variations dans la signification ou dans les conditions, conformément aux observations des concepteurs d'échelles d'évaluation41. Le risque de perdre son emploi est le deuxième facteur en importance, ce qui confirme l'incidence considérable que peut avoir sur la santé l'incertitude du marché du travail69. Fait particulièrement intéressant, l'absence de soutien social en milieu de travail est le facteur le plus important pour les femmes des catégories inférieures de Pineo et la valeur pour cette strate est la plus élevée. La valeur négative observée étrangement pour le facteur exigences psychologiques dans trois strates indique peut-être jusqu'à quel point la version abrégée du JCQ empêche de mesurer convenablement la part de chaque facteur de stress professionnel dans le construit composite à effet latent.

Malheureusement, il se peut que le calcul inexact des mesures qui entrent dans la composition des facteurs de stress professionnel ait réduit la valeur des coefficients de dépendance pour les pistes reliant les facteurs de stress professionnel aux variables médiatrices et à la détresse psychologique. Le compromis résultant des discussions qui visaient à inclure des questions sur les facteurs de stress professionnel dans le questionnaire des enquêtes nationales (un nombre réduit de questions versus aucune question) n'est que trop apparent ici. Sans des questions de ce genre, il ne serait pas possible de se livrer à des analyses comme celle présentée dans ce rapport, mais si les questions sont trop peu nombreuses, on risque de sous-estimer l'effet des facteurs de stress professionnel par rapport à celui des facteurs de stress personnel. En outre, le problème de la sous-estimation est amplifié par d'autres problèmes de mesure. En effet, les sources de stress liées aux changements au travail et à l'avancement au sein de l'organisation peuvent être assimilées aux événements de la vie récents, qui font partie des facteurs de stress personnel. De plus, les facteurs de stress personnel peuvent être observés sur une plus grande partie de la période de vie, tandis qu'il est impossible d'obtenir des données cumulées comparatives sur les facteurs de stress professionnel pour l'ensemble de la vie active. Ce serait possible si l'on disposait des antécédents de travail, auxquels seraient imputés des scores tirés des matrices des possibilités d'expérience du milieu de travail construites avec des données agrégées, comme dans les études de cohortes70.

Les données de l'ENSP comportent d'autres lacunes. En effet, on ne sait rien de l'interaction travail-famille ou du conflit qui peut exister entre les deux dimensions71, malgré que l'on en ait démontré les effets sur la santé mentale72 et que l'on en reconnaisse l'importance grandissante73. Par ailleurs, d'autres formulations du rapport entre les facteurs de stress et la santé mentale peuvent remettre en cause nos analyses. Certains modèles posent que l'évaluation des facteurs de stress dépend des niveaux des symptômes psychologiques74 ou des évaluations des facteurs fondamentaux (p. ex., estime de soi), en tant que déterminants de la satisfaction de vivre et de la satisfaction au travail3. Si l'on ne dispose pas de données corroborantes sur les évaluations des facteurs de stress qui sont faites avec le concours d'autres personnes que les travailleurs75,76, il est difficile de rejeter ces autres formulations. Du point de vue conceptuel, il est intéressant de souligner l'existence d'approches théoriques qui rendent plus probable la remise en question de l'évaluation de l'estime de soi ou d'autres facteurs fondamentaux par les facteurs de stress, ce qui fait de ceux-là des variables de résultat plutôt que des variables explicatives26. Par conséquent, nous devons nuancer nos propos sur la capacité de notre analyse à expliquer les déterminants de la santé mentale67, puisque l'ensemble de données dont nous disposons ne fournit pas de mesures exactes, calculées individuellement, et ne définit pas non plus des relations temporelles claires (c.-à-d. non transversales), pourtant nécessaires à la construction de diagrammes de cause à effet fondés sur des contrastes épidémiologiques classiques77.

On doit poursuivre la recherche sur les facteurs de stress professionnel et la santé mentale pour approfondir les construits d'évaluation et savoir appliquer des techniques de modélisation qui intègrent les composantes de mesure et les composantes structurelles, comme le proposent Hurrell et coll. (1998)20. Entre temps, on mettra en application les résultats de la recherche en santé afin de réduire le niveau des facteurs de stress professionnel, notamment en faisant la promotion d'une «bonne» organisation du travail78 ou d'un «milieu de travail sain»79. La présente analyse sera utile aux professionnels de la santé mentale, aux représentants des milieux de travail et aux responsables de l'action gouvernementale qui travaillent à réduire le niveau des facteurs de stress professionnel en s'inspirant des ouvrages sur le contrôle du stress au travail80–82 et elle viendra soutenir aussi les campagnes de promotion de la santé actuelles, tout cela dans le but de modifier les déterminants de la santé83.

Remerciements

Ce projet a été parrainé par l'Institut de recherche sur le travail et la santé. L'Institut, qui est un organisme de recherche indépendant sans but lucratif, est subventionné par la Commission de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents du travail de l'Ontario. Il a reçu une aide financière de Santé Canada dans le cadre du PNRDS (subvention no 6606-6406).

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Coordonnées des auteurs

Donald C Cole, Selahadin Ibrahim, Institut de recherche sur le travail et la santé, et Department of Public Health Sciences, Université de Toronto, Toronto (Ontario)

Harry S. Shannon, Institut de recherche sur le travail et la santé et Programme de santé du travail et de médecine environnementale, Université McMaster, Hamilton (Ontario)

Fran E Scott, John Eyles, Département d'épidémiologie clinique et de biostatistique et Institut de l'environnement et de la santé, Université McMaster, Hamilton (Ontario)

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Dernière mise à jour : 2002-09-27 début