Gouvernement du CanadaSanté Canada/Health Canada
   
Sauter toute navigation -touch directe z Sauter au menu vertical -touch directe x Sauter au menu principal -touch directe m  
English Contactez-nous Aide Recherche Site du Canada
Accueil - ASPC Centres Publications Lignes directrices Index A-Z
Santé - enfants Santé - adultes Santé - aînés Surveillance Santé Canada
   
Agence de santé publique du Canada
Relevé des maladies transmissibles au Canada

Volume 23-08
15 avril 1997

[Table des matières]

RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT EN MATIÈRE DE VACCINS ANTI- SHIGELLA

Une réunion a été organisée fin 1996 à l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), Genève, par le Comité d'orientation sur les vaccins contre les maladies diarrhéiques (programme mondial des vaccins et vaccinations), qui a placé au premier rang de ses priorités le développement d'un vaccin anti-Shigella.

Situation de la shigellose

La shigellose provoque dans le monde environ 600 000 décès par an. L'augmentation du nombre de personnes infectées dans certaines régions, s'ajoutant à l'émergence de souches multirésistantes aux antibiotiques, montre bien la nécessité d'un vaccin efficace. Dans les pays en développement, la shigellose touche principalement les enfants de 1 à 4 ans, mais lors des épidémies dues à Shigella dysenteriae type 1, tous les groupes d'âge sont atteints. Diverses enquêtes réalisées dans les centres de soins montrent que les Shigella sont associées à 5 % à 15 % des cas de diarrhée et à 30 % à 50 % des cas de dysenterie. La shigellose endémique est principalement due à divers sérotypes de S. flexneri (le plus courant étant le sérotype 2a). S. dysenteriae 1 (bacille de Shiga) est depuis les années 60 une cause importante de dysenterie épidémique en Amérique latine, en Asie et en Afrique. Les épidémies de dysenterie bacillaire se caractérisent par la gravité de la maladie et son taux élevé de létalité, par sa transmission interhumaine et par une antibiorésistance multiple. La maladie pose un problème de santé publique persistant dans certaines sous-populations des pays industrialisés, comme les enfants fréquentant les garderies, les populations carcérales, les travailleurs migrants, certains groupes d'Indiens d'Amérique vivant dans des réserves, et les voyageurs qui se rendent dans des pays en développement.

Il est d'autant plus nécessaire de disposer d'un vaccin contre la shigellose que Shigella présente une tendance marquée à résister aux antibiotiques. Dans les années 40, ce micro-organisme a acquis une résistance aux sulfamides, dans les années 50 à la tétracycline et au chloramphénicol, dans les années 70 à l'ampicilline, et à la fin des années 80 au triméthoprime/sulfaméthoxazole.

Candidats vaccins en cours de développement

Un vaccin anti-Shigella aurait pour rôle essentiel de protéger contre la shigellose clinique. Il permettrait également de combattre l'infection et la colonisation. Les principales souches qui devraient constituer la cible des vaccins sont S. flexneri 2a, S. dysenteriae 1 et S. sonnei. Cependant, la possibilité d'une émergence de nouveaux sérotypes a été soulignée. L'émergence des sérotypes 1, 3 et 6 de S. flexneri a été observée dans divers pays. De plus, l'amélioration des conditions sanitaires et le développement socio-économique dans plusieurs pays émergents se sont accompagnés d'un glissement vers une prédominance de S. sonnei.

Souches vivantes atténuées : Deux prototypes de souches vaccinales atténuées de S. flexneri 2a et de S. dysenteriae 1 ont été mis au point aux États-Unis. Ces deux souches sont sans danger, fortement immunogènes grâce à la stimulation des anticorps sécrétoires appartenant à la classe des IgA (sIgA) et protectrices dans le modèle cobaye (test de Sérény). Des essais cliniques préliminaires de phase I ont récemment débuté avec une de ces souches.

Une autre souche vaccinale mutante atténuée de S. flexneri 2a a été développée en France. Cette souche est doublement atténuée, au niveau de sa capacité de déplacement intra- et inter-cellulaire, et au niveau de sa survie intratissulaire. Après une expérimentation chez le macaque, avec un taux de protection de 75 % chez les animaux vaccinés, des études en double aveugle contre placebo portant sur l'innocuité et l'immunogénicité de ce candidat vaccin ont été récemment réalisées aux États-Unis chez des volontaires. La dose utilisée s'est révélée immunogène et sans danger. On a trouvé chez les volontaires des taux élevés de cellules sécrétrices d'anticorps, analogues à ceux observés dans la shigellose clinique. Ces résultats encourageants ont conduit à lancer en juillet 1996 une étude élargie de phase I, actuellement en cours.

D'autres candidats vaccins ont été développés en Suède à partir d'une souche mutante auxotrophe de S. flexneri Y, bien tolérée et hautement protectrice chez le singe. Ils ont suscité des réponses en anticorps spécifiques d'espèce dirigées non seulement contre le sérotype Y, mais également contre les sérotypes 1b et 2a, ce qui permet d'obtenir une protection croisée. Lors d'une étude d'innocuité et d'immunogénicité chez des volontaires suédois, il a été démontré que ces vaccins étaient sans danger et qu'ils suscitaient des réponses importantes en anticorps sécrétoires périphériques anti-lypopolysaccaride (LPS), ainsi qu'une augmentation significative du nombre de cellules sécrétrices d'anti-corps périphériques anti-LPS spécifiques. Un vaccin anti-Shigella basé sur le sérotype Y présente l'avantage d'offrir une éventuelle protection croisée et un spectre plus large de protection contre les autres sérotypes grâce à une conversion par transduction de phages. Le pouvoir protecteur de ces différentes souches vaccinales doit encore être expérimenté chez l'homme.

Une autre approche, fondée sur l'expression du LPS dans un vecteur vivant atténué, est à l'étude au Mexique. Pour préparer un candidat vaccin contre S. dysenteriae 1, on a modifié et introduit dans le vecteur des séquences de gènes qui codent la biosynthèse de l'antigène O de S. dysenteriae 1. Le vaccin obtenu est capable d'exprimer l'antigène O et de susciter un taux satisfaisant d'anticorps protecteurs dans des modèles animaux, la protection totale contre la souche de type sauvage étant de 47 % et la protection partielle (début plus tardif de la maladie et/ou symptômes moins graves) de 53 %. Un dérivé de la souche précédente, capable d'exprimer l'antigène O de S. dysenteriae 1 et la protéine de fusion sous-unité toxine B de Shigella-HlyA, a également été obtenu. Son immunogénicité et son innocuité devront encore faire l'objet d'études chez des volontaires.

Une approche similaire a été adoptée en Suisse. Dans ce cas, les souches utilisées comme vecteurs d'expression de l'antigène O étaient des souches vaccinales déjà homologuées. Une souche vaccinale bivalente de première génération basée sur un vecteur constitué de vaccin anticholérique, nommée CH3, qui exprime à la fois le sérotype O codé par l'hôte (Inaba) et le sérotype O hétérologue (S. sonnei), a présenté une immunogénicité faible mais significative chez des volontaires. Un essai clinique est prévu pour la fin 1997 avec une ou deux souches choisies en fonction de propriétés assurant une survie optimale du vaccin dans les voies digestives. Une souche vaccinale expérimentale de S. dysenteriae type 1 a également été construite selon la même approche.

Vaccins sous-unités

Vaccins conjugués : Une évaluation de vaccins conjugués pour la voie parentérale, un vaccin S. sonnei-exoprotéine A recombinante (rEPA) et un vaccin S. flexneri 2a-rEPA, a été réalisée en Israël. Un essai de phase II (étude randomisée contrôlée en double aveugle) réalisé sur 192 volontaires a montré que ces vaccins étaient sans danger et fortement immunogènes. Quatre ans après l'administration d'une dose unique du conjugué S. sonnei, 50 % des sujets vaccinés étaient encore porteurs de taux élevés d'anticorps anti-LPS par rapport aux taux prévaccinaux. L'efficacité protectrice d'une injection unique du conjugué S. sonnei a été de nouveau évaluée chez des recrues israéliennes naturellement exposées à Shigella au cours de leur entraînement. Pendant les flambées d'infections à S. sonnei qui ont touché ces volontaires 71 à 155 jours après la vaccination, le conjugué S. sonnei a montré une efficacité protectrice de 74 %. D'après les données, une injection unique de ce conjugué peut conférer une protection spécifique de type contre la shigellose due à S. sonnei.

Vaccins à base de protéosomes : Les protéosomes sont des vésicules multimoléculaires constituées de protéines de la membrane externe de Neisseria, utilisées comme vaccins pour la voie orale ou nasale en vue d'induire des réponses immunitaires systémiques et au niveau des muqueuses. Après vaccination de souris ou de cobayes par voie nasale ou orale avec des protéosomes de S. flexneri ou S. sonnei des taux élevés d'anticorps anti-LPS ont été observés dans les sécrétions intestinales et pulmonaires et dans le sérum. Les études chez le singe ont montré que l'administration intratrachéale était plus efficace que la voie nasale, et cette dernière plus efficace que la voie orale. La production de vaccins à base de S. sonnei et S. flexneri en suivant les bonnes pratiques de fabrication a permis d'obtenir des candidats vaccins utilisables pour des essais cliniques chez l'homme. L'essai initial de phase I du vaccin à base de protéosomes de S. sonnei, comportant l'administration de doses progressivement croissantes, a mis en évidence une réponse immunitaire dose-dépendante après deux administrations par pulvérisation intranasale, tandis que l'administration par voie orale n'a donné que des réponses très faibles en cellules sécrétrices d'anticorps. Un essai de phase I portant sur un vaccin à base de protéosomes de S. flexneri 2a est prévu ainsi que des études élargies portant sur une primovaccination et des rappels par voie nasale ou par une association de la voie nasale et de la voie orale.

Vaccins à base de nucléoprotéines (ribosomes) de Shigella : Cette approche a été adoptée aux États-Unis. La vaccination par voie parentérale au moyen de complexes non covalents de polysaccharide O et de particules ribosomales de Shigella induit une forte réponse systémique en anticorps anti-O chez l'animal. Elle produit également une réponse significative du système immunitaire sécrétoire, avec apparition d'IgA dans les larmes, le lait (cobayes), la bile (rats) et la salive (singes). Une injection sous-cutanée du vaccin protège 70 % à 90 % des animaux contre une épreuve virulente par des Shigella homologues dans le modèle cobaye. Le vaccin lyophilisé à base de ribosomes de Shigella est très stable et peut être produit à coût modique. Un protocole de production du vaccin à grande échelle selon les bonnes pratiques de fabrication est en préparation.

Recommandations

L'examen des données présentées a conduit à un consensus sur plusieurs points essentiels qui devront être pris en considération en vue d'accélérer le développement des vaccins anti-Shigella.

Charge de morbidité et nécessité d'un vaccin : La réunion a convenu par consensus que le développement et la mise sur le marché de vaccins anti-Shigella devaient figurer parmi les grandes priorités de santé publique. Comme les sérotypes dominants ne sont pas les mêmes dans les pays industrialisés et dans les pays en développement, il peut être nécessaire de mettre au point différents vaccins (ou constituants de vaccin) selon la région concernée. Les participants ont particulièrement insisté sur la nécessité de mettre au point un vaccin contre S. dysenteriae type 1.

Situation épidémiologique : Bien qu'on dispose de nombreuses données épidémiologiques, il reste beaucoup à faire pour établir l'incidence, la prévalence, la charge de morbidité et la distribution des sérotypes de la shigellose dans de nombreuses régions de façon à pouvoir procéder à des estimations au niveau des pays, des régions et au niveau mondial. Les fabricants ont besoin de ces données, qui peuvent être difficiles à obtenir directement. Les régions à retenir pour ces essais devraient présenter les caractéristiques suivantes : une population stable, un système de soins de santé fonctionnel et des laboratoires capables de réaliser les évaluations microbiologiques. Le besoin d'une monographie récapitulant les données épidémiologiques disponibles a été souligné; sa préparation sera réalisée sous les auspices du comité d'orientation.

Stratégies vaccinales : Il a été recommandé de poursuivre l'évaluation de toutes les approches vaccinales étudiées jusqu'à présent. Quelle que soit l'approche, il n'existe en effet aucun élément d'inefficacité qui justifierait l'interruption des travaux. Dans tous les cas, l'efficacité d'un candidat vaccin dirigé contre l'un des principaux sérotypes devra être démontrée. On passera ensuite au développement d'un vaccin trivalent dirigé contre les trois principales souches responsables de la maladie (S. flexneri 2a, S. dysenteriae 1 et S. sonnei). La priorité sera donnée au développement d'un vaccin anti-S. dysenteriae 1. On tiendra particulièrement compte du problème éthique que pose l'évaluation de l'efficacité protectrice d'un tel vaccin, celui-ci ne pouvant être évalué chez de nombreux volontaires soumis à une inoculation d'épreuve par une souche virulente toxinogène.

Caractéristiques d'un vaccin idéal : Un vaccin idéal devrait être facile à administrer, de préférence par voie orale, bien qu'il ne faille pas écarter les vaccins pour la voie parentérale s'ils remplissent l'ensemble des conditions suivantes : être bien tolérés, capables d'induire une protection forte et durable après administration d'une dose unique; être multivalents, dirigés contre les sérotypes de Shigella les plus représentatifs de ceux qui provoquent les endémies et épidémies; et être faciles à produire.

Note de la rédaction de l'OMS

Il est important de noter qu'un consensus a été atteint entre les chercheurs, les fabricants de vaccins, les représentants du programme élargie de vaccination et les décideurs des pays en développement quant à la nécessité urgente de disposer d'un vaccin sûr et efficace contre la diarrhée due à Shigella, du fait notamment de la gravité du problème posé par l'émergence d'une résistance multiple aux antibiotiques.

Pour plus de renseignements, s'adresser à l'unité Recherche et développement en matière de vaccins, OMS (tél. 41 22 791 2698 - courrier électronique Ivanoffb@who.ch).

Source : Relevé épidémiologique hebdomadaire de l'OMS, Vol 72, no 11, 1997

[Précédente] [Table des matières] [Prochaine]

Dernière mise à jour : 2002-11-08 début