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  Agence de santé publique du Canada

[Division de surveillance de la santé et de l'épidémiologie]

Rapport spécial sur la mortalité maternelle et la
morbidité maternelle grave au Canada
Surveillance accrue : la voie de la prévention

 

Discussion

Activités actuelles des comités provinciaux et territoriaux de surveillance de la mortalité maternelle

Les processus d'enquête et de production de rapports en matière de mortalité maternelle varient grandement d'une province ou d'un territoire à l'autre. La diversité des systèmes existants est frappante - des enquêtes exhaustives et hautement détaillées aux dispositifs de surveillance non existants. Seuls quatre gouvernements sont dotés d'un comité provincial ou territorial de surveillance de la mortalité maternelle ayant pour mandat d'enquêter sur tous les cas de mort maternelle. Ces comités travaillent étroitement avec les coroners et médecins légistes, les bureaux des statistiques de l'état civil et les hôpitaux afin d'assurer un recensement complet des morts maternelles. Une fois les cas recensés, chaque comité réalise des examens minutieux et détermine le caractère évitable du décès, de même que les sources probables d'erreur. Ces comités constituent un modèle idéal pour les activités de surveillance de la mortalité maternelle.

Dans les provinces et territoires non dotés de comités actifs de surveillance de la mortalité maternelle, on avise le coroner ou le médecin légiste de la plupart, sinon de la totalité, des morts maternelles qui surviennent sur son territoire. Dans la plupart de ces cas, le bureau du coroner ou du médecin légiste effectue une enquête complète. Malgré ces efforts, dans la plupart des provinces et territoires, les résultats des enquêtes du coroner ou médecin légiste sur les morts maternelles ne font pas l'objet d'analyses ou de catégorisations collectives en tant que morts maternelles. De plus, les provinces et territoires n'emploient pas tous les mêmes critères pour établir quels cas de décès liés à la grossesse feront l'objet d'enquêtes, et ils ne recueillent pas tous les mêmes données lors de ces enquêtes. Il existe même des variances dans les régions où des comités d'examen sont présents.

Dans de nombreux cas, les dossiers fournis dans le cadre de cet examen national ne contenaient pas les détails nécessaires pour évaluer complètement les circonstances entourant le décès. Le formulaire de collecte de données, élaboré à partir de plusieurs outils de collecte de données ayant déjà servi dans le cadre d'examens de la mortalité maternelle, s'est avéré trop détaillé pour cette initiative rétrospective de collecte de données. Ainsi, des détails pertinents concernant la prise en charge médicale n'étaient pas toujours disponibles; il en va de même pour des renseignements précis sur les groupes de statut socioéconomique faible, sur les femmes autochtones, sur les nouveaux immigrants au Canada et sur d'autres groupes vulnérables. Les rapports à venir devraient prioriser la collecte de ce genre de données, puisqu'elles peuvent potentiellement faire la lumière sur les disparités en matière de mortalité et de morbidité maternelles au Canada. En dernier lieu, les provinces et territoires reçoivent très peu d'information au sujet des activités de surveillance de la mortalité maternelle, et les gouvernements ne partagent pas systématiquement ces renseignements.

Il est à noter que les efforts visant à souligner les activités courantes en matière de surveillance de la mortalité maternelle aux niveaux provincial et territorial réalisées pour ce rapport ont déjà entraîné d'importants changements qui permettront d'améliorer la surveillance de la mortalité maternelle au Canada. Dans un premier temps, afin de surmonter les obstacles que nous avons dû affronter lorsque nous avons tenté d'obtenir des détails sur les cas de mortalité maternelle au Québec, le Collège des médecins du Québec s'est engagé à établir une procédure d'examen des cas demortalité maternelle au Québec et de collaborer lors de projets futurs de surveillance de la mortalité maternelle au Canada. Dans un deuxième temps, lorsque nous avons demandé des détails sur les cas de morts maternelles, un des comités provinciaux de surveillance a détecté des lacunes potentielles dans sa procédure de notification des décès. Des améliorations subséquentes dans la procédure de cette province en matière de production de rapports assureront, à l'avenir, le recensement optimal des morts maternelles. Finalement, les demandes de données soumises à un coroner en chef provincial ont permis de cerner des cas qui n'avaient pas été signalés au coroner tel que stipulé par la loi; par conséquent, on a organisé dans les hôpitaux de la région des séances d'information sur les exigences en matière de production de rapports. Ces changements illustrent l'évolution en matière de surveillance de la mortalité maternelle au Canada. On s'attend à ce que chaque rapport national à venir mène à de nouvelles améliorations dans le système de surveillance de la mortalité maternelle à tous les niveaux, en plus de fournir un précieux aperçu de la mortalité maternelle au Canada.

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La mortalité maternelle au Canada

Le TMM total de 6,1 pour 100 000 naissances vivantes (d'après ce rapport) est cohérent avec les estimations internationales du TMM canadien, qui tiennent compte de la sous-déclaration probable des cas au Système canadien de statistiques de l'état civil 2. Le taux est également cohérent avec les estimations obtenues dans une étude antérieure de couplage de dossiers4. Tel que souligné dans l'introduction de ce rapport, le TMM du Canada est plus faible que les estimations du TMM pour la plupart des autres pays développés2 et également plus faible que les TMM d'autres pays calculés à partir d'examens semblables de cas individuels 6. On ne sait pas précisément pourquoi le TMM du Canada est relativement faible. Certains stipulent que le taux enviable du Canada s'explique par notre programme universel de soins de santé4. Une étude représentative réalisée en Caroline du Nord, aux États-Unis, a calculé un rapport de probabilité redressé de 0,2 (IC 95 %; 0,1-0,6) pour la mort maternelle liée à la grossesse dans des cas où les femmes recevaient des soins prénatals19.

Les TMM directs et indirects de 4,2 et de 1,9 pour 100 000 naissances vivantes, respectivement, étaient également cohérents avec les estimations antérieures pour le Canada4. Le rapport des morts directes sur les morts indirectes au Canada entre 1997 et 2000 se chiffrait à 2,1:1, ce qui est très semblable au rapport de 2,3:1 établi en Australie en 1994-19968. Par contre, le rapport des morts maternelles directes sur les morts indirectes au R.-U. en 1997-1999 était de 0,78, ce qui reflétait une tendance à classifier les morts non directes en tant que morts indirectes plutôt qu'en tant que morts fortuites (voir les morts fortuites ci-dessous)6. De plus, les changements dans les directives en matière de classification des morts maternelles entre la CIM-9 et la CIM-10 ont une influence évidente sur la distribution des morts entre les catégories directes et indirectes4. Par exemple, si de futurs rapports classifient l'hémorragie intracrânienne (HIC) comme cause de mort maternelle indirecte (conformément à la CIM-10), il est probable que l'on observe une baisse marquée du TMM direct et une hausse concomitante du TMM indirect.

L'âge de la mère était associé au TMM, puisque l'on a observé une hausse du TMM en fonction de l'âge de la mère après 20 ans. On rapporte cet effet de façon constante dans d'autres études 5,6,8. La proportion de femmes canadiennes qui attendent plusieurs années avant leur première grossesse a augmenté considérablement au cours des dernières années au Canada13, ce qui signifie que l'on peut s'attendre à observer une augmentation du TMM.

Les cinq principales causes de mortalité maternelle directe étaient l'embolie pulmonaire, l'hypertension liée à la prééclampsie ou à la grossesse, l'embolie amniotique (EA), l'HIC et la grossesse ectopique. Exception faite de l'HIC, ces affections étaient également les causes les plus fréquentes de mort maternelle directe dans le plus récent rapport sur la mortalité maternelle en Australie8. Les plus récentes données du R.-U. indiquent que les cinq principales causes de mortalité maternelle directe étaient la thrombose et la thromboembolie, l'hypertension liée à la grossesse, la septicémie des voies génitales, la grossesse ectopique et l'EA 6. Tel que souligné ci-dessus, la classification des morts par HIC changera probablement dans les rapports à venir et l'HIC cessera de figurer parmi les principales causes de mort maternelle directe.

La prévention de l'embolie pulmonaire, la principale cause de la mort maternelle directe dans la plupart des examens, est un sujet qui a reçu beaucoup d'attention. Au R.-U., on a attribué la baisse substantielle du nombre de morts dues à l'embolie pulmonaire principalement à une baisse marquée de décès liés aux césariennes après la publication, en 1995, des directives relatives à la thromboprophylaxie6. En 2000, la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada (SOGC) a publié les plus récentes directives canadiennes sur la prévention et le traitement de la thromboembolie veineuse (TEV) en obstétrique20. Les détails sur les cas de décès auxquels nous avions accès ne nous ont pas permis de réaliser un examen complet de la présence des facteurs de risque et du respect des directives de prévention dans tous les cas d'embolie pulmonaire. Toutefois, nous avons observé que l'on avait avancé la théorie d'une thromboprophylaxie inadéquate dans au moins deux cas de mort maternelle attribuée à une embolie pulmonaire. Les efforts continus devraient veiller à ce que l'ensemble des travailleurs de la santé connaissent les lignes directrices de la SOGC en matière de pratiques cliniques pour la prévention et le traitement de la TEV en obstétrique. On pourrait également considérer l'adoption de directives plus vigoureuses en matière de hromboprophylaxie.

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Tel que souligné ci-dessus, l'hypertension due à la prééclampsie ou à la grossesse était une des principales causes de mortalité maternelle directe au Canada entre 1997 et 2000. Des études d'autres pays ont fait la même constatation 5,6,8. La plupart des morts attribuées à l'hypertension due à la prééclampsie ou à la grossesse dans cette série étaient liées à l'HIC. Une autre étude a déjà observé la prédominance de l'HIC parmi les morts dues à l'affection hypertensive et a attribuée ce phénomène à une lacune dans la gestion efficace du traitement antihypertenseur6.

Les détails disponibles sur les cas de décès ne nous ont pas permis d'évaluer complètement le rôle de la prise en charge médicale dans ces décès. Toutefois, cet examen souligne le fait que l'hypertension due à la prééclampsie ou à la grossesse demeure une affection potentiellement mortelle qui requiert un traitement à la fois collaboratif et intensif. De récentes avancées en matière de prise en charge clinique de l'hypertension due à la prééclampsie ou à la grossesse (p. ex. le traitement par le sulfate de magnésium) pourraient entraîner une baisse du nombre de morts maternelles attribuées à cette affection21.

L'embolie amniotique (EA) était une des principales causes de mort maternelle directe au Canada. Une fois de plus, ce n'est pas la première fois que l'on observe ce résultat 6,8.

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On a déjà cerné plusieurs facteurs de risque potentiels pour l'EA, dont l'âge de la mère et l'utilisation de médicaments ocytociques 6. Dans cette série, aucune des sept femmes dont le décès a été attribué à l'EA avait plus de 34 ans; dans trois des sept cas, on a induit le travail au moyen de médicaments ocytociques. Malgré la détermination des facteurs de risque, la capacité de prévenir l'EA demeure problématique 6.

Ce qui est particulièrement alarmant est le nombre de femmes mortes en raison d'une grossesse ectopique malgré le fait qu'elles avaient sollicité des soins médicaux pour leurs symptômes. Dans un cas, on n'a pas poussé l'enquête (p. ex. au moyen d'échographies) malgré l'apparition de crampes abdominales et un examen de grossesse positif. Dans un deuxième cas, les symptômes étaient avant tout de nature gastro-intestinale. Une autre étude a déjà décrit ce motif préoccupant de décès dû à une grossesse ectopique avec rupture suivant l'apparition de symptômes gastro-intestinaux ou de symptômes du tractus urinaire6. L'éducation et la formation des fournisseurs de soins devraient renforcer le besoin primordial de soupçonner la présence d'une grossesse ectopique, en particulier dans les cas d'apparition de symptômes atypiques.

L'absence d'un seul cas de mort maternelle attribuée à l'hémorragie primaire de la délivrance est encourageante. Considérant le fait que cette affection a déjà été l'une des principales causes de mortalité maternelle au Canada et qu'elle continue de l'être à l'échelle mondiale 22, ce résultat est emblématique des progrès réalisés en matière de réduction de la mortalité maternelle dans de nombreux pays développés, dont le Canada. D'autres études ont déjà fait état de résultats semblables en matière de mortalité maternelle attribuée à l'hémorragie primaire de la délivrance6,8. Toutefois, tel que mentionné dans ce rapport, l'hémorragie demeure un facteur important dans le cas de nombreuses morts maternelles attribuées en dernier ressort à d'autres causes. De plus, l'hémorragie demeure une cause majeure de morbidité maternelle grave même si, dans bien des cas, elle n'entraîne plus la mort 11.

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On a recensé trois morts maternelles directes résultant d'une complication au moment de la chirurgie ou de l'anesthésie - le déchirement d'une artère utérine au cours de l'accouchement assisté par voie vaginale, la perforation d'une aorte abdominale au cours du traitement d'une grossesse ectopique par laparoscopie et l'extubation par inadvertance après une opération. Bien que le TMM faible du Canada témoigne de la sûreté de l'accouchement au pays, ces trois morts rappellent qu'il existe des risques associés à l'intervention chirurgicale. Étant donné l'augmentation régulière au cours des dernières années du taux de naissances par césarienne au Canada13, une augmentation du nombre de morts maternelles dues aux complications de la chirurgie ou de l'anesthésie est à prévoir. Il est essentiel de veiller à la qualité de l'éducation et à la rigueur des exigences de formation et d'être constamment vigilants si l'on souhaite éviter de tels cas tragiques.

La maladie cardiovasculaire était la principale cause de mortalité maternelle indirecte de même que la principale cause de mortalité maternelle en général. Plusieurs études du R.-U. et de l'Australie ont également observé la même prédominance de la maladie cardiovasculaire en tant que cause de mortalité maternelle6,8. Tel que noté, parmi les cas de mort maternelle indirecte attribuée à la maladie cardiovasculaire entre 1997 et 2000, la coronaropathie était également au premier rang des causes principales de décès. Deux des quatre femmes mortes de coronaropathie avaient des antécédents médicaux de diabète. Une étude antérieure avait déjà observé un fort taux de mortalité parmi les femmes enceintes diabétiques souffrant de cardiopathie ischémique23. À mesure que continue d'augmenter l'âge des mères et que les facteurs de risque de coronaropathie, tels que la fumée de cigarette et le diabète, demeurent prévalents, on peut s'attendre à constater une augmentation de la mortalité maternelle due à la coronaropathie6. Il est important que les fournisseurs de soins de santé soient conscients du rôle important de la maladie cardiovasculaire et, de plus en plus, de la coronaropathie, dans la mortalité maternelle.

Le recensement des morts fortuites, et des décès dus aux blessures en particulier, n'était sans doute pas complet dans cette étude. Toutefois, un examen minutieux des rapports de cas a révélé le rôle prédominant des blessures et, en particulier, des accidents d'automobile, qui représentent la principale cause de mort fortuite. Dans deux de ces cas de décès, la femme ne portait pas de ceinture de sécurité. L'utilisation correcte des ceintures est une mesure évidente à prendre pour réduire la morbidité et la mortalité parmi les femmes enceintes. Dans une étude, l'utilisation correcte de la ceinture de sécurité et la gravité de la collision se sont avérées les deux variables explicatives les plus fiables pour prévoir la gravité des blessures à la mère et au fœtus lors d'un accident d'automobile 24. Un sondage du R.-U. publié en 2000 a révélé que seulement 48 % des femmes savaient comment une femme enceinte doit porter une ceinture de sécurité correctement25. Une autre étude a révélé que bien que 86 % des femmes utilisaient des dispositifs de retenue au cours de leur grossesse, presque la moitié d'entre elles les utilisaient incorrectement26. Voici ce que dit le matériel sur la sécurité routière de Transports Canada au sujet de l'utilisation de la ceinture de sécurité pendant la grossesse :

« Les femmes enceintes devraient toujours porter la ceinture à triple point d'appui. La ceinture abdominale doit être bien ajustée et placée sous l'abdomen et non contre le ventre. La ceinture diagonale (baudrier) doit être placée en travers de la poitrine. Utilisée correctement, la ceinture de sécurité ne nuira pas au bébé. »27

Les efforts continus de lutte contre la mortalité et la morbidité maternelles au Canada doivent veiller à ce que toutes les femmes enceintes soient conscientes de l'importance de l'utilisation correcte de la ceinture de sécurité pendant la grossesse.

Tel que noté plus haut, nombre de morts classifiées en tant que fortuites dans ce rapport pourraient raisonnablement passer pour des morts maternelles indirectes. Par exemple, dans les enquêtes et rapports du R.-U., les décès dus à l'épilepsie et au suicide (en l'absence d'antécédents de trouble mental de longue durée) sont classifiés en tant que morts indirectes6. Dans le présent examen, ces décès ont tous été classifiés en tant que fortuits. Il est clair que ces approches divergentes en matière de classification des décès affecteront à la fois le TMM global et le TMM indirect. Les rapports à venir devraient revoir la classification idéale de plusieurs causes de mortalité.

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La morbidité maternelle grave au Canada

Les analyses de la morbidité maternelle grave constituent un complément important aux examens de la mortalité maternelle. Mantel et coll. ont proposé un cadre de travail qui permettrait de définir la morbidité maternelle grave ou les cas de « quasi-mortalité » 11. Ils avancent que la morbidité et la mortalité maternelles sont des événements que l'on peut situer sur un continuum allant de la grossesse normale et saine à la mort, en passant par le dysfonctionnement et la défaillance d'un organe. Les affections et actes médicaux analysés dans le cadre de cette étude comprennent de nombreuses affections mentionnées par Mantel et coll. Le taux global de morbidité maternelle grave dans cette analyse était de 4,62 pour 1 000 accouchements. La disponibilité de taux comparatifs venant d'études représentatives est limitée. Deux études réalisées en Nouvelle-Écosse ont observé des taux d'éclampsie et de rupture utérine (incluant les ruptures complètes et la déhiscence) de 0,27 et de 0,34 pour 1 000 accouchements, respectivement28,29. Ces taux sont plus faibles que ceux observés dans le cadre de cette analyse (0,38 pour 1000 accouchements dans le cas de l'éclampsie et 0,74 pour 1000 accouchements dans le cas de la rupture utérine). La cause de cet écart n'est pas claire. Les études de la Nouvelle-Écosse se fondaient sur une base de données plus complète et comprenant plus de détails cliniques que la BDCP de l'ICIS - la base de données utilisée dans cette étude. Ce détail additionnel pourrait éliminer de faux diagnostics positifs d'affections particulières, ce qui ferait baisser les taux. Il se peut que les variations régionales dans les résultats découlent de variations dans les pratiques cliniques; cette autre explication devrait être examinée dans des études à venir.

Les causes des tendances temporelles observées en matière de morbidité maternelle grave sont tout aussi complexes. Certaines de ces tendances reflètent des changements dans les caractéristiques démographiques et cliniques chez les femmes enceintes au Canada. Au cours de la dernière décennie, on a observé au Canada une hausse sensible de l'âge maternel et des grossesses multiples13, deux facteurs qui augmentent le risque de morbidité maternelle13,30,31. De plus, des changements au niveau des pratiques cliniques peuvent entraîner des changements correspondants dans des mesures précises de la morbidité maternelle. Cela est particulièrement vrai dans le cas de procédures directement liées aux différences de prise en charge clinique, par exemple en ce qui concerne l'hystérectomie et la transfusion. Dans cette analyse, le taux d'hémorragie post-partum nécessitant une hystérectomie a augmenté tandis que le taux d'hémorragie post-partum exigeant une transfusion a baissé au cours des dernières années.

Il se peut que les tendances relatives à d'autres affections, telles que la rupture utérine, puissent également être associées à des changements au niveau des pratiques cliniques. Au Canada, la hausse du taux de rupture utérine reflète de près l'augmentation des cas d'épreuve du travail et de tentative d'accouchement par voie vaginale après un accouchement antérieur par césarienne16. Finalement, des améliorations en matière de diagnostics peuvent entraîner la reclassification des affections, ce qui peut gonfler les taux artificiellement dans le cas de certaines affections, tout en faisant baisser les taux dans le cas de certaines autres affections32. Il est essentiel d'analyser en profondeur chaque affection afin de clarifier l'étiologie des tendances observées. Il est possible que l'on puisse obtenir des résultats additionnels utiles en considérant des indicateurs qui combinent la morbidité maternelle grave et la mortalité maternelle, p. ex. le rapport des décès sur les «  quasi-décès ». À l'avenir, les initiatives visant à  mettre au point des méthodes à la fois complètes et cohérentes pour l'analyse de la morbidité maternelle grave assureront à cette dernière une place centrale dans la surveillance de la santé maternelle au Canada et ailleurs.

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Forces et limites

Cette étude sur la mortalité maternelle et la morbidité maternelle grave au Canada présente plusieurs points forts. Il s'agit du premier rapport national sur la mortalité maternelle à aller au-delà des statistiques de l'état civil, des bases de données sur les hospitalisations et des examens de certificats de décès afin de réellement examiner des rapports de cas individuels et les circonstances médicales entourant des décès individuels. Il s'agit également du premier rapport à décrire la survenance, à l'échelle nationale, de la morbidité maternelle grave, de même que les tendances dans le temps.

L'étude a pu recenser et recueillir des détails sur la plupart des cas de mort maternelle. Le recours conjoint aux statistiques de l'état civil et aux bases de données sur les hospitalisations pour dresser la liste des décès enregistrés dans les bases de données a probablement permis de recenser la plupart des morts maternelles directes et indirectes. Par la suite, la collaboration avec les coroners et médecins légistes et avec les comités provinciaux et territoriaux de surveillance de la mortalité maternelle nous a permis d'obtenir des rapports ou des formulaires de collecte de données de la part des coroners et médecins légistes pour la plupart des cas de mort maternelle. Nous avons obtenu des rapports ou des formulaires de collecte de données dans presque 80 % des cas énumérés dans la liste des décès enregistrés dans les bases de données.

L'examen des cas pour lesquels nous n'avons pas pu obtenir de rapports ou de formulaires a révélé que certains de ces décès n'étaient pas des morts maternelles. Des 64 morts maternelles directes ou indirectes incluses en dernier ressort dans l'examen des cas, nous en avions recensé 61 lors de la recherche originale dans les bases de données. Les TMM fondés sur cet examen des cas étaient cohérents avec des estimations antérieures de mortalité maternelle au Canada, qui avaient tenu compte de la sous-déclaration des morts maternelles dans le Système canadien de statistiques de l'état civil. De plus, la distribution des morts maternelles dans les catégories de mort directe, de mort indirecte et de mort par causes précises était relativement cohérente avec les rapports d'autres pays 6,8. Cela confirme que le recensement des morts maternelles parmi la population étudiée dans le cadre de ce rapport était relativement complet.

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Cette étude souffre également de plusieurs limites. Le Québec n'était pas inclus dans l'examen des cas de mortalité maternelle en raison de la disponibilité limitée des détails sur les cas de décès dans cette province. Le Manitoba, le Québec et la Nouvelle-Écosse ont été exclus de l'analyse de la morbidité maternelle grave en raison des limites de la base de données utilisée pour la période sous étude.

Certaines morts maternelles n'ont pas été incluses dans les données présentées. Premièrement, bien que nous ayons confirmé auprès des autorités provinciales et territoriales trois cas figurant dans la liste des décès enregistrés dans les bases de données, nous n'avons pu obtenir de données additionnelles sur ces cas. Dans deux de ces trois cas, malgré la notification envoyée au coroner, les décès avaient été classifiés en tant que « cas hors de la compétence du coroner » et aucune enquête en règle n'avait été réalisée. Dans le troisième cas, le coroner a pu confirmer l'existence du cas, mais l'hôpital n'avait pas respecté les procédures de production de rapports, si bien qu'aucun détail sur ce cas n'est arrivé à temps pour ce rapport. (Nous avons exclus ces trois cas des données présentées.) Deuxièmement, des rapports antérieurs ont conclu que les troubles cérébrovasculaires ont tendance à faire l'objet de sous-déclaration au niveau du Système canadien de statistiques de l'état civil 4. De plus, il se peut que la recherche dans la base de données sur les hospitalisations n'ait pas détecté tous les cas de mort maternelle due à des troubles cérébrovasculaires, en particulier si l'événement s'est produit après l'accouchement. Par conséquent, il est possible que tous ces décès n'aient pas été recensés.

De plus, la nouvelle catégorie « mort maternelle tardive » n'était probablement pas complète dans cette analyse. Nous n'avons recensé qu'un seul cas de mort maternelle tardive pour la période 1997-2000. Ce résultat n'est pas surprenant, puisque le système de codification de la CIM-10 comprenant une définition de la mort maternelle tardive n'est entré en vigueur que pour les décès de 2000. De plus, la définition de la mort maternelle utilisée par la plupart des comités provinciaux et territoriaux de surveillance de la mortalité maternelle n'inclut pas les cas de décès survenus plus de 90 jours après l'accouchement. À l'avenir, il se peut que les rapports trouvent des nombres croissants de morts maternelles tardives.

Tel que souligné plus haut, cette étude n'a probablement pas bien recensé les morts fortuites. Parmi les 30 cas examinés dans cette analyse, nous n'en avions recensé que huit lors de la recherche dans les bases de données. Les rapports sur les 22 autres cas de mort fortuite nous ont été envoyés par seulement deux des 10 provinces et trois territoires. Il est probable que d'autres autorités provinciales ou territoriales avaient des renseignements au sujet de cas de mort fortuite qui n'avaient pas été déclarés au coroner ou médecin légiste ou au comité provincial ou territorial de surveillance, ou que ces autorités ne pouvaient pas facilement retracer en tant que morts fortuites. Étant donné que ni les morts maternelles tardives ni les morts fortuites sont incluses dans les estimations du TMM, la mauvaise détermination de ces cas n'a pas affecté les TMM observés.

Tel que mentionné ci-dessus, une autre limite importante de ce rapport tient au degré variable du niveau de détail et de qualité des rapports et formulaires de collecte de données obtenus. Dans nombre de cas, les détails fournis n'avaient pas la profondeur requise pour évaluer complètement les circonstances entourant le décès.

Il importe de noter que la portée de cette étude n'incluait pas la question plus globale des décès liés à la reproduction, tels que ceux attribués aux maladies transmises sexuellement et à l'utilisation de contraceptifs.

Finalement, l'analyse de la morbidité maternelle grave se fondait exclusivement sur une base de données administrative. De telles bases de données manquent souvent de détails cliniques pertinents et sont sujettes à certaines erreurs de codification33. Les affections difficiles à diagnostiquer de façon précise et cohérente, telles que l'embolie amniotique34, ont tendance à être mal classifiées dans les bases de données administratives.

Heureusement, la mortalité maternelle est rare au Canada. Toutefois, l'examen des circonstances entourant la mortalité maternelle et la morbidité maternelle grave fournissent des renseignements importants pour les fournisseurs de soins aux mères. Il est essentiel que la vérification continue de la mortalité et de la morbidité grave soit une exigence si l'on souhaite construire des systèmes optimaux de soins de maternité et de surveillance complète de la santé périnatale. Ce rapport constitue une première étape menant à l'établissement cohérent et permanent de ces mesures vitales.

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Dernière mise à jour : 2004-07-13 début