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![Agence de santé publique du Canada](/web/20061215065944im_/http://www.phac-aspc.gc.ca/gfx_common/dgspsp.gif)
[Division de
surveillance de la santé et de l'épidémiologie]
Rapport spécial sur la mortalité maternelle et la
morbidité maternelle
grave au Canada
Surveillance accrue : la voie de la prévention
Discussion
Activités actuelles des comités provinciaux et territoriaux de surveillance
de la mortalité maternelle
Les processus d'enquête et de production
de rapports en matière de mortalité maternelle varient
grandement d'une province ou d'un territoire à l'autre.
La diversité des systèmes existants est frappante - des
enquêtes exhaustives et hautement détaillées
aux dispositifs de surveillance non existants. Seuls quatre gouvernements
sont dotés d'un comité provincial ou territorial
de surveillance de la mortalité maternelle ayant pour mandat
d'enquêter sur tous les cas de mort maternelle. Ces comités
travaillent étroitement avec les coroners et médecins
légistes, les bureaux des statistiques de l'état
civil et les hôpitaux afin d'assurer un recensement complet
des morts maternelles. Une fois les cas recensés, chaque comité réalise
des examens minutieux et détermine le caractère évitable
du décès, de même que les sources probables d'erreur.
Ces comités constituent un modèle idéal pour
les activités de surveillance de la mortalité maternelle.
Dans les provinces et territoires non dotés
de comités actifs de surveillance de la mortalité maternelle,
on avise le coroner ou le médecin légiste de la plupart,
sinon de la totalité, des morts maternelles qui surviennent
sur son territoire. Dans la plupart de ces cas, le bureau du coroner
ou du médecin légiste effectue une enquête complète.
Malgré ces efforts, dans la plupart des provinces et territoires,
les résultats des enquêtes du coroner ou médecin
légiste sur les morts maternelles ne font pas l'objet
d'analyses ou de catégorisations collectives en tant
que morts maternelles. De plus, les provinces et territoires n'emploient
pas tous les mêmes critères pour établir quels
cas de décès liés à la grossesse feront
l'objet d'enquêtes, et ils ne recueillent pas tous
les mêmes données lors de ces enquêtes. Il existe
même des variances dans les régions où des comités
d'examen sont présents.
Dans de nombreux cas, les dossiers fournis dans le cadre de cet examen
national ne contenaient pas les détails
nécessaires
pour évaluer complètement les circonstances entourant
le décès. Le formulaire de collecte de données, élaboré à partir
de plusieurs outils de collecte de données ayant déjà servi
dans le cadre d'examens de la mortalité maternelle, s'est
avéré trop détaillé pour cette initiative
rétrospective de collecte de données. Ainsi, des détails
pertinents concernant la prise en charge médicale n'étaient
pas toujours disponibles; il en va de même pour des renseignements
précis sur les groupes de statut socioéconomique faible,
sur les femmes autochtones, sur les nouveaux immigrants au Canada
et sur d'autres groupes vulnérables. Les rapports à venir
devraient prioriser la collecte de ce genre de données, puisqu'elles
peuvent potentiellement faire la lumière sur les disparités
en matière de mortalité et de morbidité maternelles
au Canada. En dernier lieu, les provinces et territoires reçoivent
très peu d'information au sujet des activités
de surveillance de la mortalité maternelle, et les gouvernements
ne partagent pas systématiquement ces renseignements.
Il est à noter que les efforts visant à souligner
les activités courantes en matière de surveillance
de la mortalité maternelle aux niveaux provincial et territorial
réalisées pour ce rapport ont déjà entraîné d'importants
changements qui permettront d'améliorer la surveillance
de la mortalité maternelle au Canada. Dans un premier temps,
afin de surmonter les obstacles que nous avons dû affronter
lorsque nous avons tenté d'obtenir des détails
sur les cas de mortalité maternelle au Québec, le Collège
des médecins du Québec s'est engagé à établir
une procédure d'examen des cas demortalité maternelle
au Québec et de collaborer lors de projets futurs de surveillance
de la mortalité maternelle au Canada. Dans un deuxième
temps, lorsque nous avons demandé des détails sur
les cas de morts maternelles, un des comités provinciaux de
surveillance a détecté des lacunes potentielles dans
sa procédure de notification des décès. Des
améliorations subséquentes dans la procédure
de cette province en matière de production de rapports assureront, à l'avenir,
le recensement optimal des morts maternelles. Finalement, les demandes
de données soumises à un coroner en chef provincial
ont permis de cerner des cas qui n'avaient pas été signalés
au coroner tel que stipulé par la loi; par conséquent,
on a organisé dans les hôpitaux de la région
des séances d'information sur les exigences en matière
de production de rapports. Ces changements illustrent l'évolution
en matière de surveillance de la mortalité maternelle
au Canada. On s'attend à ce que chaque rapport national à venir
mène à de nouvelles améliorations dans le système
de surveillance de la mortalité maternelle à tous les
niveaux, en plus de fournir un précieux aperçu de la
mortalité maternelle au Canada.
La mortalité maternelle au Canada
Le TMM total de 6,1 pour 100 000 naissances vivantes
(d'après ce rapport) est cohérent avec les estimations
internationales du TMM canadien, qui
tiennent compte de la sous-déclaration probable des cas au
Système canadien de statistiques de l'état civil 2. Le
taux est également cohérent avec les estimations obtenues
dans une étude antérieure de couplage de dossiers4. Tel
que souligné dans l'introduction de ce rapport, le TMM
du Canada est plus faible que les estimations du TMM pour la plupart
des autres pays développés2 et également
plus faible que les TMM d'autres pays calculés à partir
d'examens semblables de cas individuels 6. On
ne sait pas précisément pourquoi le TMM du Canada est
relativement faible. Certains stipulent que le taux enviable du Canada
s'explique par notre programme universel de soins de santé4. Une étude
représentative réalisée en Caroline du Nord,
aux États-Unis, a calculé un rapport de probabilité redressé de
0,2 (IC 95 %; 0,1-0,6) pour la mort maternelle liée à la
grossesse dans des cas où les femmes recevaient des soins
prénatals19.
Les TMM directs et indirects de 4,2 et de 1,9
pour 100 000 naissances vivantes, respectivement, étaient également
cohérents avec les estimations antérieures pour le
Canada4.
Le rapport des morts directes sur les morts indirectes au Canada
entre 1997 et 2000 se chiffrait à 2,1:1, ce qui est très
semblable au rapport de 2,3:1 établi en Australie en 1994-19968. Par
contre, le rapport des morts maternelles directes sur les morts indirectes
au R.-U. en 1997-1999 était de 0,78, ce qui reflétait
une tendance à classifier les morts non directes en tant que
morts indirectes plutôt qu'en tant que morts fortuites
(voir les morts fortuites ci-dessous)6. De
plus, les changements dans les directives en matière de classification
des morts maternelles entre la CIM-9 et la CIM-10 ont une influence évidente
sur la distribution des morts entre les catégories directes
et indirectes4. Par
exemple, si de futurs rapports classifient l'hémorragie
intracrânienne (HIC) comme cause de mort maternelle indirecte
(conformément à la CIM-10), il est probable que l'on
observe une baisse marquée du TMM direct et une hausse concomitante
du TMM indirect.
L'âge de la mère était
associé au TMM, puisque l'on a observé une hausse
du TMM en fonction de l'âge de la mère après
20 ans. On rapporte cet effet de façon constante dans d'autres études 5,6,8.
La proportion de femmes canadiennes qui attendent plusieurs années
avant leur première grossesse a augmenté considérablement
au cours des dernières années au Canada13,
ce qui signifie que l'on peut s'attendre à observer
une augmentation du TMM.
Les cinq principales causes de mortalité maternelle
directe étaient l'embolie pulmonaire, l'hypertension
liée à la prééclampsie ou à la
grossesse, l'embolie amniotique (EA), l'HIC et la grossesse
ectopique. Exception faite de l'HIC, ces affections étaient également
les causes les plus fréquentes de mort maternelle directe
dans le plus récent rapport sur la mortalité maternelle
en Australie8.
Les plus récentes données du R.-U. indiquent que les
cinq principales causes de mortalité maternelle directe étaient
la thrombose et la thromboembolie, l'hypertension liée à la
grossesse, la septicémie des voies génitales, la grossesse
ectopique et l'EA 6. Tel
que souligné ci-dessus, la classification des morts par HIC
changera probablement dans les rapports à venir et l'HIC
cessera de figurer parmi les principales causes de mort maternelle
directe.
La prévention de l'embolie pulmonaire,
la principale cause de la mort maternelle directe dans la plupart
des examens, est un sujet qui a reçu beaucoup d'attention. Au
R.-U., on a attribué la baisse substantielle du nombre de
morts dues à l'embolie pulmonaire principalement à une
baisse marquée de décès liés aux césariennes
après la publication, en 1995, des directives relatives à la
thromboprophylaxie6. En
2000, la Société des obstétriciens et gynécologues
du Canada (SOGC) a publié les plus récentes directives
canadiennes sur la prévention et le traitement de la thromboembolie
veineuse (TEV) en obstétrique20. Les
détails sur les cas de décès auxquels nous avions
accès ne nous ont pas permis de réaliser un examen
complet de la présence des facteurs de risque et du respect
des directives de prévention dans tous les cas d'embolie
pulmonaire. Toutefois, nous avons observé que l'on avait
avancé la théorie d'une thromboprophylaxie inadéquate
dans au moins deux cas de mort maternelle attribuée à une
embolie pulmonaire. Les efforts continus devraient veiller à ce
que l'ensemble des travailleurs de la santé connaissent
les lignes directrices de la SOGC en matière de pratiques
cliniques pour la prévention et le traitement de la TEV en
obstétrique. On pourrait également considérer
l'adoption de directives plus vigoureuses en matière
de hromboprophylaxie.
Tel que souligné ci-dessus, l'hypertension
due à la prééclampsie ou à la grossesse était
une des principales causes de mortalité maternelle directe
au Canada entre 1997 et 2000. Des études
d'autres pays ont fait la même constatation 5,6,8. La
plupart des morts attribuées à l'hypertension
due à la prééclampsie ou à la grossesse
dans cette série étaient liées à l'HIC.
Une autre étude a déjà observé la prédominance
de l'HIC parmi les morts dues à l'affection hypertensive
et a attribuée ce phénomène à une lacune
dans la gestion efficace du traitement antihypertenseur6.
Les détails disponibles sur les cas de
décès ne nous ont pas permis d'évaluer
complètement le rôle de la prise en charge médicale
dans ces décès. Toutefois,
cet examen souligne le fait que l'hypertension due à la
prééclampsie ou à la grossesse demeure une affection
potentiellement mortelle qui requiert un traitement à la fois
collaboratif et intensif. De récentes avancées en matière
de prise en charge clinique de l'hypertension due à la
prééclampsie ou à la grossesse (p. ex. le traitement
par le sulfate de magnésium) pourraient entraîner une
baisse du nombre de morts maternelles attribuées à cette
affection21.
L'embolie amniotique (EA) était une
des principales causes de mort maternelle directe au Canada. Une
fois de plus, ce n'est pas la première fois que l'on
observe ce résultat 6,8.
On a déjà cerné plusieurs
facteurs de risque potentiels pour l'EA, dont l'âge
de la mère et l'utilisation de médicaments ocytociques 6.
Dans cette série, aucune des sept femmes dont le décès
a été attribué à l'EA avait plus
de 34 ans; dans trois des sept cas, on a induit le travail au moyen
de médicaments ocytociques. Malgré la détermination
des facteurs de risque, la capacité de prévenir l'EA
demeure problématique 6.
Ce qui est particulièrement alarmant est
le nombre de femmes mortes en raison d'une grossesse ectopique
malgré le fait qu'elles avaient sollicité des
soins médicaux pour leurs symptômes. Dans un cas, on
n'a pas poussé l'enquête (p. ex. au moyen
d'échographies) malgré l'apparition de crampes
abdominales et un examen de grossesse positif. Dans un deuxième
cas, les symptômes étaient avant tout de nature gastro-intestinale.
Une autre étude a déjà décrit ce motif
préoccupant de décès dû à une grossesse
ectopique avec rupture suivant l'apparition de symptômes
gastro-intestinaux ou de symptômes du tractus urinaire6.
L'éducation et la formation des fournisseurs de soins
devraient renforcer le besoin primordial de soupçonner la
présence d'une grossesse ectopique, en particulier dans
les cas d'apparition de symptômes atypiques.
L'absence d'un seul cas de mort maternelle
attribuée à l'hémorragie primaire de la
délivrance est encourageante. Considérant le fait que
cette affection a déjà été l'une
des principales causes de mortalité maternelle au Canada et
qu'elle continue de l'être à l'échelle mondiale 22,
ce résultat est emblématique des progrès réalisés
en matière de réduction de la mortalité maternelle
dans de nombreux pays développés, dont le Canada. D'autres études
ont déjà fait état de résultats semblables
en matière de mortalité maternelle attribuée à l'hémorragie
primaire de la délivrance6,8. Toutefois,
tel que mentionné dans ce rapport, l'hémorragie
demeure un facteur important dans le cas de nombreuses morts maternelles
attribuées en dernier ressort à d'autres causes.
De plus, l'hémorragie demeure une cause majeure de morbidité maternelle
grave même si, dans bien des cas, elle n'entraîne
plus la mort 11.
On a recensé trois morts maternelles directes
résultant d'une complication au moment de la chirurgie
ou de l'anesthésie - le déchirement d'une
artère utérine au cours de l'accouchement assisté par
voie vaginale, la
perforation d'une aorte abdominale au cours du traitement d'une
grossesse ectopique par laparoscopie et l'extubation par inadvertance
après une opération. Bien que le TMM faible du Canada
témoigne de la sûreté de l'accouchement
au pays, ces trois morts rappellent qu'il existe des risques
associés à l'intervention chirurgicale. Étant
donné l'augmentation régulière au cours
des dernières années du taux de naissances par césarienne
au Canada13,
une augmentation du nombre de morts maternelles dues aux complications
de la chirurgie ou de l'anesthésie est à prévoir. Il
est essentiel de veiller à la qualité de l'éducation
et à la rigueur des exigences de formation et d'être
constamment vigilants si l'on souhaite éviter de tels cas tragiques.
La maladie cardiovasculaire était la
principale cause de mortalité maternelle indirecte
de même que la principale cause de mortalité maternelle
en général. Plusieurs études du R.-U. et de
l'Australie ont également observé la même
prédominance de la maladie cardiovasculaire en tant que cause
de mortalité maternelle6,8.
Tel que noté, parmi les cas de mort maternelle indirecte attribuée à la
maladie cardiovasculaire entre 1997 et 2000, la coronaropathie était également au premier rang des causes principales
de décès. Deux des quatre femmes mortes de coronaropathie
avaient des antécédents médicaux de diabète.
Une étude antérieure avait déjà observé un
fort taux de mortalité parmi les femmes enceintes diabétiques
souffrant de cardiopathie ischémique23. À mesure
que continue d'augmenter l'âge des mères et
que les facteurs de risque de coronaropathie, tels que la fumée
de cigarette et le diabète, demeurent prévalents, on
peut s'attendre à constater une augmentation de la mortalité maternelle
due à la coronaropathie6.
Il est important que les fournisseurs de soins de santé soient
conscients du rôle important de la maladie cardiovasculaire
et, de plus en plus, de la coronaropathie, dans la mortalité maternelle.
Le recensement des morts fortuites, et des décès
dus aux blessures en particulier, n'était sans doute
pas complet dans cette étude. Toutefois, un examen minutieux
des rapports de cas a révélé le rôle prédominant
des blessures et, en particulier, des accidents d'automobile,
qui représentent la principale cause de mort fortuite. Dans
deux de ces cas de décès, la femme ne portait pas de
ceinture de sécurité. L'utilisation correcte des
ceintures est une mesure évidente à prendre pour réduire
la morbidité et la mortalité parmi les femmes enceintes.
Dans une étude, l'utilisation correcte de la ceinture
de sécurité et la gravité de la collision se
sont avérées les deux variables explicatives les plus
fiables pour prévoir la gravité des blessures à la
mère et au ftus lors d'un accident d'automobile 24.
Un sondage du R.-U. publié en 2000 a révélé que
seulement 48 % des femmes savaient comment une femme enceinte doit
porter une ceinture de sécurité correctement25.
Une autre étude a révélé que bien que
86 % des femmes utilisaient des dispositifs de retenue au cours de
leur grossesse, presque la moitié d'entre elles les utilisaient
incorrectement26.
Voici ce que dit le matériel sur la sécurité routière
de Transports Canada au sujet de l'utilisation de la ceinture
de sécurité pendant la grossesse :
« Les femmes enceintes devraient toujours
porter la ceinture à triple point d'appui. La
ceinture abdominale doit être bien ajustée et placée
sous l'abdomen et non contre le ventre. La ceinture diagonale
(baudrier) doit être placée en travers de la poitrine.
Utilisée correctement, la ceinture de sécurité ne
nuira pas au bébé. »27
Les efforts continus de lutte contre la mortalité et
la morbidité maternelles au Canada doivent veiller à ce
que toutes les femmes enceintes soient conscientes de l'importance
de l'utilisation correcte de la ceinture de sécurité pendant
la grossesse.
Tel que noté plus haut, nombre de morts
classifiées en tant que fortuites dans ce rapport pourraient
raisonnablement passer pour des morts maternelles indirectes. Par
exemple, dans les enquêtes et rapports du R.-U., les décès
dus à l'épilepsie et au suicide (en l'absence
d'antécédents de trouble mental de longue durée)
sont classifiés en tant que morts indirectes6.
Dans le présent examen, ces décès ont tous été classifiés
en tant que fortuits. Il est clair que ces approches divergentes
en matière de classification des décès affecteront à la
fois le TMM global et le TMM indirect. Les rapports à venir
devraient revoir la classification idéale de plusieurs causes
de mortalité.
La morbidité maternelle grave au Canada
Les analyses de la morbidité maternelle
grave constituent un complément important aux examens de la
mortalité maternelle. Mantel et
coll. ont proposé un cadre de travail
qui permettrait de définir la morbidité maternelle
grave ou les cas de « quasi-mortalité » 11.
Ils avancent que la morbidité et la mortalité maternelles
sont des événements que l'on peut situer sur un
continuum allant de la grossesse normale et saine à la mort,
en passant par le dysfonctionnement et la défaillance d'un
organe. Les affections et actes médicaux analysés dans
le cadre de cette étude comprennent de nombreuses affections
mentionnées par Mantel et
coll. Le taux global de morbidité maternelle
grave dans cette analyse était de 4,62 pour 1 000 accouchements.
La disponibilité de taux comparatifs venant d'études
représentatives est limitée. Deux études réalisées
en Nouvelle-Écosse ont observé des taux d'éclampsie
et de rupture utérine (incluant les ruptures complètes
et la déhiscence) de 0,27 et de 0,34 pour 1 000 accouchements,
respectivement28,29.
Ces taux sont plus faibles que ceux observés dans le cadre
de cette analyse (0,38 pour 1000 accouchements dans le cas de l'éclampsie
et 0,74 pour 1000 accouchements dans le cas de la rupture utérine).
La cause de cet écart n'est pas claire. Les études
de la Nouvelle-Écosse se fondaient sur une base de données
plus complète et comprenant plus de détails cliniques
que la BDCP de l'ICIS - la base de données utilisée
dans cette étude. Ce détail additionnel pourrait éliminer
de faux diagnostics positifs d'affections particulières,
ce qui ferait baisser les taux. Il se peut que les variations régionales
dans les résultats découlent de variations dans les
pratiques cliniques; cette autre explication devrait être examinée
dans des études à venir.
Les causes des tendances temporelles observées
en matière de morbidité maternelle grave sont tout
aussi complexes. Certaines de ces tendances reflètent des
changements dans les caractéristiques démographiques
et cliniques chez les femmes enceintes au Canada. Au cours de la
dernière décennie, on a observé au Canada une
hausse sensible de l'âge maternel et des grossesses multiples13,
deux facteurs qui augmentent le risque de morbidité maternelle13,30,31.
De plus, des changements au niveau des pratiques cliniques peuvent
entraîner des changements correspondants dans des mesures précises
de la morbidité maternelle. Cela est particulièrement
vrai dans le cas de procédures directement liées aux
différences de prise en charge clinique, par exemple en ce
qui concerne l'hystérectomie et la transfusion. Dans
cette analyse, le taux d'hémorragie post-partum nécessitant
une hystérectomie a augmenté tandis que le taux d'hémorragie
post-partum exigeant une transfusion a baissé au cours des
dernières années.
Il se peut que les tendances relatives à d'autres
affections, telles que la rupture utérine, puissent également être
associées à des changements au niveau des pratiques
cliniques. Au
Canada, la hausse du taux de rupture utérine reflète
de près l'augmentation des cas d'épreuve
du travail et de tentative d'accouchement par voie vaginale
après un accouchement antérieur par césarienne16. Finalement,
des améliorations en matière de diagnostics peuvent
entraîner la reclassification des affections, ce qui peut gonfler
les taux artificiellement dans le cas de certaines affections, tout
en faisant baisser les taux dans le cas de certaines autres affections32.
Il est essentiel d'analyser en profondeur chaque affection afin
de clarifier l'étiologie des tendances observées.
Il est possible que l'on puisse obtenir des résultats
additionnels utiles en considérant des indicateurs qui combinent
la morbidité maternelle grave et la mortalité maternelle,
p. ex. le rapport des décès sur les « quasi-décès ». À l'avenir,
les initiatives visant à mettre au point des méthodes à la
fois complètes et cohérentes pour l'analyse
de la morbidité maternelle grave assureront à cette
dernière une place centrale dans la surveillance de la santé maternelle
au Canada et ailleurs.
Forces et limites
Cette étude sur la mortalité maternelle
et la morbidité maternelle grave au Canada présente
plusieurs points forts. Il s'agit du premier rapport national
sur la mortalité maternelle à aller au-delà des
statistiques de l'état civil, des bases de données
sur les hospitalisations et des examens de certificats de décès
afin de réellement examiner des rapports de cas individuels
et les circonstances médicales entourant des décès
individuels. Il s'agit également du premier rapport à décrire
la survenance, à l'échelle nationale, de la morbidité maternelle
grave, de même que les tendances dans le temps.
L'étude a pu recenser et recueillir
des détails sur la plupart des cas de mort maternelle. Le
recours conjoint aux statistiques de l'état civil et
aux bases de données sur les hospitalisations pour dresser
la liste des décès enregistrés dans les bases
de données a probablement permis de recenser la plupart des
morts maternelles directes et indirectes. Par la suite, la collaboration
avec les coroners et
médecins légistes et avec les comités provinciaux
et territoriaux de surveillance de la mortalité maternelle
nous a permis d'obtenir des rapports ou des formulaires de collecte
de données de la part des coroners et médecins légistes
pour la plupart des cas de mort maternelle. Nous avons obtenu des
rapports ou des formulaires de collecte de données dans presque
80 % des cas énumérés dans la liste des décès
enregistrés dans les bases de données.
L'examen des cas pour lesquels nous n'avons
pas pu obtenir de rapports ou de formulaires a révélé que
certains de ces décès n'étaient pas des
morts maternelles. Des 64 morts maternelles directes ou indirectes
incluses en dernier ressort dans l'examen des cas, nous en avions
recensé 61 lors de la recherche originale dans les bases de
données. Les TMM fondés sur cet examen des cas étaient
cohérents avec des estimations antérieures de mortalité maternelle
au Canada, qui avaient tenu compte de la sous-déclaration
des morts maternelles dans le Système canadien de statistiques
de l'état civil. De plus, la distribution des morts maternelles
dans les catégories de mort directe, de mort indirecte et
de mort par causes précises était relativement cohérente
avec les rapports d'autres pays 6,8.
Cela confirme que le recensement des morts maternelles parmi la population étudiée
dans le cadre de ce rapport
était relativement complet.
Cette étude souffre également
de plusieurs limites. Le Québec n'était
pas inclus dans l'examen des cas de mortalité maternelle
en raison de la disponibilité limitée des détails
sur les cas de décès dans cette province. Le Manitoba,
le Québec et la Nouvelle-Écosse ont été exclus
de l'analyse de la morbidité maternelle grave en raison
des limites de la base de données utilisée pour la
période sous étude.
Certaines morts maternelles n'ont pas été incluses
dans les données présentées. Premièrement,
bien que nous ayons confirmé auprès des autorités
provinciales et territoriales trois cas figurant dans la liste des
décès enregistrés dans les bases de données,
nous n'avons pu obtenir de données additionnelles sur ces
cas. Dans deux de ces trois cas, malgré la
notification envoyée au coroner, les décès avaient été classifiés
en tant que « cas hors de la compétence du coroner » et
aucune enquête en règle n'avait été réalisée.
Dans le troisième cas, le coroner a pu confirmer l'existence
du cas, mais l'hôpital n'avait pas respecté les
procédures de production de rapports, si bien qu'aucun
détail sur ce cas n'est arrivé à temps
pour ce rapport. (Nous avons exclus ces trois cas des données
présentées.) Deuxièmement, des rapports antérieurs
ont conclu que les troubles cérébrovasculaires ont
tendance à faire l'objet de sous-déclaration au
niveau du Système canadien de statistiques de l'état
civil 4.
De plus, il se peut que la recherche dans la base de données
sur les hospitalisations n'ait pas détecté tous
les cas de mort maternelle due à des troubles cérébrovasculaires,
en particulier si l'événement s'est produit
après l'accouchement. Par conséquent, il est possible
que tous ces décès n'aient pas été recensés.
De plus, la nouvelle catégorie « mort
maternelle tardive » n'était probablement pas complète
dans cette analyse. Nous n'avons recensé qu'un seul
cas de mort maternelle tardive pour la période 1997-2000.
Ce résultat n'est pas surprenant, puisque le système
de codification de la CIM-10 comprenant une définition de
la mort maternelle tardive n'est entré en vigueur que
pour les décès de 2000. De plus, la définition
de la mort maternelle utilisée par la plupart des comités
provinciaux et territoriaux de surveillance de la mortalité maternelle
n'inclut pas les cas de décès survenus plus de
90 jours après l'accouchement. À l'avenir,
il se peut que les rapports trouvent des nombres croissants de morts
maternelles tardives.
Tel que souligné plus haut, cette étude
n'a probablement pas bien recensé les morts fortuites.
Parmi les 30 cas examinés dans cette analyse, nous n'en
avions recensé que huit lors de la recherche dans les bases
de données. Les rapports sur les 22 autres cas de mort fortuite
nous ont été envoyés par seulement deux des
10 provinces et trois territoires. Il est probable que d'autres
autorités provinciales ou territoriales avaient des renseignements
au sujet de cas de mort fortuite qui n'avaient pas été déclarés
au coroner ou médecin légiste ou au comité provincial
ou territorial de surveillance, ou que ces autorités ne pouvaient
pas facilement retracer en tant que morts fortuites. Étant
donné que ni les morts maternelles tardives ni les morts fortuites
sont incluses dans les estimations du TMM, la mauvaise détermination
de ces cas n'a pas affecté les TMM observés.
Tel que mentionné ci-dessus, une autre
limite importante de ce rapport tient au degré variable du
niveau de détail et de qualité des rapports et formulaires
de collecte de données obtenus. Dans nombre de cas, les détails
fournis n'avaient pas la profondeur requise pour évaluer
complètement les circonstances entourant le décès.
Il importe de noter que la portée de cette étude
n'incluait pas la question plus globale des décès
liés à la reproduction, tels que ceux attribués
aux maladies transmises sexuellement et à l'utilisation
de contraceptifs.
Finalement, l'analyse de la morbidité maternelle
grave se fondait exclusivement sur une base de données administrative.
De telles bases de données manquent souvent de détails
cliniques pertinents et sont sujettes à certaines erreurs
de codification33.
Les affections difficiles à diagnostiquer de façon
précise et cohérente, telles que l'embolie amniotique34,
ont tendance à être mal classifiées dans les
bases de données administratives.
Heureusement, la mortalité maternelle est
rare au Canada. Toutefois, l'examen des circonstances entourant
la mortalité maternelle et la morbidité maternelle
grave fournissent des renseignements importants pour les fournisseurs
de soins aux mères. Il est essentiel que la vérification
continue de la mortalité et de la morbidité grave soit
une exigence si l'on souhaite construire des systèmes
optimaux de soins de maternité et de surveillance complète
de la santé périnatale. Ce rapport constitue une première étape
menant à l'établissement cohérent et permanent
de ces mesures vitales.
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