Agence de santé publique du Canada / Public Health Agency of Canada
Sauter toute navigation -touch directe z Sauter au menu vertical -touch directe x Sauter au menu principal -touch directe m Sauter toute navigation -touch directe z
English Contactez-nous Aide Recherche Site du Canada
Accueil - ASPC Centres Publications Lignes directrices Index A-Z
Santé - enfants Santé - adultes Santé - aînés Surveillance Santé Canada



Volume 20,
No 3- 2000

 

 

 

La santé mentale de la population canadienne : une analyse exhaustive

Thomas Stephens, Corinne Dulberg et Natacha Joubert


Résumé

Cette étude porte sur huit mesures de la santé mentale et sur les rapports entre celles-ci et neuf déterminants démographiques et psychosociaux possibles. Les données de l'Enquête nationale sur la santé de la population (ENSP), soumises à une analyse de régression logistique, révèlent de manière systématique des relations étroites, ordonnées et indépendantes entre le niveau de stress actuel, le soutien social, les événements de la vie, le niveau de scolarité et les traumatismes infantiles, d'une part, et des indicateurs positifs et négatifs de l'état de santé mentale, d'autre part. Il existe des différences entre les sexes pour quatre des huit mesures. Pour la plupart des indicateurs, la santé mentale est relativement déficiente chez les jeunes et s'améliore avec l'âge. Les problèmes de santé physique et mentale sont liés. Nous n'avons observé aucune relation indépendante entre la santé mentale et la suffisance du revenu ou la province de résidence. Nous recommandons d'inclure dans l'ENSP deux mesures utilisées dans plusieurs enquêtes canadiennes menées antérieurement, pour améliorer la surveillance de la santé mentale de la population.

Mots clés : Canada; déficience cognitive; dépression; détresse; estime de soi;  population; santé mentale; sentiment de cohésion; sentiment de contrôle


Résumé

Cette étude porte sur huit mesures de la santé mentale et sur les rapports entre celles-ci et neuf déterminants démographiques et psychosociaux possibles. Les données de l'Enquête nationale sur la santé de la population (ENSP), soumises à une analyse de régression logistique, révèlent de manière systématique des relations étroites, ordonnées et indépendantes entre le niveau de stress actuel, le soutien social, les événements de la vie, le niveau de scolarité et les traumatismes infantiles, d'une part, et des indicateurs positifs et négatifs de l'état de santé mentale, d'autre part. Il existe des différences entre les sexes pour quatre des huit mesures. Pour la plupart des indicateurs, la santé mentale est relativement déficiente chez les jeunes et s'améliore avec l'âge. Les problèmes de santé physique et mentale sont liés. Nous n'avons observé aucune relation indépendante entre la santé mentale et la suffisance du revenu ou la province de résidence. Nous recommandons d'inclure dans l'ENSP deux mesures utilisées dans plusieurs enquêtes canadiennes menées antérieurement, pour améliorer la surveillance de la santé mentale de la population.

Mots clés : Canada; déficience cognitive; dépression; détresse; estime de soi;  population; santé mentale; sentiment de cohésion; sentiment de contrôle


Introduction

De récents rapports sur la santé mentale de la population canadienne ont mis l'accent sur des mesures et des caractéristiques particulières, comme la dépression1-3, une mesure générale du bien-être psychologique appelée «sentiment de cohésion»4,5, le fonctionnement cognitif6 et le stress au travail7. Jusqu'ici, aucune étude exhaustive n'a été réalisée sur les divers indicateurs positifs et négatifs de la santé mentale, et il n'y a eu aucun examen systématique des facteurs liés à une bonne santé mentale et à des problèmes de santé mentale. Toutefois, l'Enquête nationale sur la santé de la population de Statistique Canada permet ce genre d'examen.

Cet article vise à réaliser une telle analyse. Il tente d'apporter des réponses à deux questions interreliées : «Quel est l'état de santé mentale actuel de la population canadienne?» et «Quels sont les facteurs psychosociaux et physiques qui sont le plus étroitement liés à l'état de santé mentale?». Il va sans dire que les réponses à ces questions auront une incidence sur la planification des services de santé mentale et la promotion de la santé mentale.

Pour décrire la santé mentale de la population et analyser ses déterminants, nous avons fait appel à une démarche tant conceptuelle que pratique.

Sur le plan conceptuel, la santé mentale est considérée ici comme un ensemble d'attributs affectifs/relationnels et cognitifs qui permettent à l'individu d'assumer les fonctions voulues avec résilience et ainsi bien relever les défis du fonctionnement tant mental que physique. La  satisfaction au travail et le bonheur font partie de ces états souhaitables, tout comme l'estime de soi, le sentiment de contrôle et le sentiment de cohésion. Même si certains estiment que ces derniers sont des déterminants de la santé mentale, nous considérons ici qu'il s'agit d'indicateurs (positifs) de l'état de santé mentale, puisqu'ils contribuent à la résilience et à la capacité d'adaptation.

Le cadre de la santé de la population définit une série de facteurs ou de déterminants qui influent sur l'état de santé8. Bon nombre de ces déterminants - les services de santé, l'environnement physique, les habitudes de vie personnelles - se sont vu attribuer pour la première fois une place de choix dans les politiques avec la publication du document Nouvelle perspective de la santé des Canadiens9. Le contexte social et économique est le grand élément nouveau issu du cadre de la santé de la population, et il sera au centre de notre analyse des déterminants de la santé mentale.

D'un point de vue pratique, cette analyse est limitée par la somme de données dont nous disposons pour décrire la santé mentale de la population canadienne. Heureusement, le premier cycle (1994-1995) de l'Enquête nationale sur la santé de la population qui se poursuit comprenait un vaste éventail d'indicateurs de la santé mentale ainsi qu'une série complète de déterminants probables. Nous reviendrons sur le sujet sous la rubrique Méthodes.


Méthodes

Source des données

Cette étude comportait une analyse secondaire du fichier de données à grande diffusion de l'Enquête nationale sur la santé de la population (ENSP) de 1994-199510,11. Étant donné son plan d'échantillonnage et le taux élevé de réponse, l'ENSP brosse un tableau fiable de la population canadienne vivant dans les 10 provinces. Les données ont été recueillies par le biais d'un entretien personnel assisté par ordinateur avec un représentant du ménage et des personnes choisies. Pour tous les indicateurs signalés ici concernant l'état de santé mentale et ses déterminants, sauf la santé physique et certains renseignements démographiques, les données ont été obtenues directement du membre du ménage choisi; les réponses par procuration n'ont pas été acceptées. L'échantillon maximum utilisé aux fins de l'analyse comprenait 17 626 personnes âgées de 12 ans et plus; l'effectif ayant effectivement servi à la plupart des analyses se rapprochait davantage de 14 500, parce que certains cas ne se prêtaient pas à l'analyse de certaines variables.

Comme le stress était un sujet important dans la première ENSP, l'enquête comprenait divers indicateurs touchant à la santé mentale, ce qui ne s'était jamais vu dans une étude nationale d'envergure. Même si deux d'entre eux, soit la dépression et la détresse, ont depuis été intégrés au contenu de l'enquête «principale» et ont donc fait partie de l'enquête de 1996-1997, nous avons choisi de mettre exclusivement l'accent sur les données de 1994-1995 afin de comparer les relations établies avec un grand nombre d'indicateurs de l'état de santé mentale, qui pour la plupart n'ont pas été repris dans le second cycle de l'ENSP. La plupart des déterminants sociaux retenus dans notre analyse n'ont pas non plus été repris.

En 1994-1995, l'ENSP a tenu compte de plusieurs indicateurs positifs de la santé mentale signalés par les répondants, notamment le sentiment de cohésion, l'estime de soi, le sentiment de contrôle et le bonheur/la joie de vivre, ainsi que des indicateurs négatifs, à savoir la dépression, le niveau de détresse, l'impact de la détresse et la déficience cognitive. Ainsi, l'état de santé mentale est mesuré ici à partir de quatre indicateurs positifs et de quatre indicateurs négatifs, qui ne sont que faiblement interreliésa. Cette démarche nous offre la possibilité unique de comparer les rapports entre les déterminants et de nombreux indicateurs.


Indicateurs de la santé mentale et des déterminants

Le sentiment de cohésion, ou bien-être psychologique, renvoie à une attitude face à la vie, c'est-à-dire, la capacité de comprendre et de maîtriser les événements de sa vie et de trouver un sens à sa vie. Un certain nombre d'études réalisées dans divers pays ont montré que cet indicateur était un facteur de prédiction de la longévité et était lié à la santé physique12, conclusion qui semble aussi se vérifier dans la population canadienne4. L'ENSP était la seconde enquête jamais menée auprès d'une population dans le monde, après celle de la Finlande13, pour mesurer le sentiment de cohésion à l'échelle nationale. Cet indicateur a été mesuré à partir de 13 questions résumées dans une échelle dont les scores pouvaient varier de 0 à 78. D'après la distribution, nous avons arbitrairement déterminé qu'un score de 67 ou plus indiquait un sentiment de cohésion important. Ce questionnaire n'a été rempli que par des personnes de 18 ans et plus.

L'estime de soi, qui désigne une bonne opinion de soi, a été évaluée au moyen de six questions tirées de l'échelle Rosenberg traditionnellement utilisée pour mesurer cet attribut14. Aucune enquête nationale n'avait auparavant mesuré l'estime de soi. En l'absence de définition communément admise concernant une estime de soi adéquate, nous avons arbitrairement divisé l'échelle de 25 points selon la distribution des scores. Un score de 20 ou plus renvoie à une estime de soi élevée.

Le sentiment de contrôle désigne l'impression qu'a l'individu d'avoir une emprise sur le cours de sa vie. Cet indicateur a été mesuré au moyen de sept questions15, dont le score total pouvait varier de 0 à 28. D'après la distribution, nous avons arbitrairement déterminé qu'un score de 23 ou plus révélait un sentiment de contrôle important.

Le bonheur et la joie de vivre forment une seule question tirée d'un indice à questions multiples, l'indice d'utilité en matière de santé16. Le répondant devait indiquer s'il se percevait comme une personne généralement heureuse et aimant la vie, ou passablement heureuse, ou encore malheureuse au point d'avoir l'impression que la vie ne vaut pas la peine d'être vécue. Cette variable a été exprimée en termes dichotomiques (heureux/autre).

La dépression désigne un trouble de l'humeur caractérisé par un profond sentiment de tristesse, parfois accompagné par un état d'impuissance, de désespoir, de l'irritabilité et des symptômes physiques tels que la fatigue. Elle a été mesurée dans l'ENSP de 1994-1995 au moyen d'une série de 27 questions concernant ces symptômes et tirées du questionnaire Composite International Diagnostic Interview17. Le score total indiquait la probabilité que la personne ait vécu un épisode dépressif important dans les 12 mois qui précédaient, exprimée selon six niveaux, un score de 90 % correspondant à la définition d'une dépression «probable». Aux fins de l'analyse de la relation avec les déterminants, mais non de l'analyse descriptive, nous avons omis la catégorie ambiguë de «dépression possible» (>0 % et <90 % probabilité d'un épisode dépressif).

La détresse, telle qu'elle a été mesurée dans l'ENSP de 1994-1995, est un état caractérisé par des symptômes d'anxiété et de dépression. L'intensité de la détresse a été évaluée au moyen d'une liste de contrôle de six symptômes, pour laquelle on a attribué un score variant de 0 à 24. À la lumière de la distribution, nous avons arbitrairement déterminé qu'un score de 5 ou plus renvoyait à un niveau élevé de détresse. L'impact de la détresse sur la vie et sur les activités a été mesuré au moyen d'une seule question : «Dans quelle mesure ces expériences perturbent-elles habituellement votre vie ou vos activités?». Une réponse de «beaucoup» ou «un peu» a permis de définir le sentiment de détresse éprouvé dans la vie.

Nous avons eu recours à deux questions qui faisaient partie de l'indice d'utilité en matière de santé16 pour mesurer la déficience cognitive, chacune portant sur les difficultés associées au raisonnement et au rappel. La déficience était définie comme l'incapacité de se rappeler quoi que ce soit, l'incapacité de raisonner ou de résoudre des problèmes, ou une certaine difficulté à raisonner.

L'ENSP a recueilli des éléments d'information sur une foule de caractéristiques démographiques et sur des facteurs psychosociaux et des indicateurs de la santé physique vraisemblablement liés à la santé mentale. Les facteurs démographiques analysés ici étaient l'âge, le sexe, la province de résidence, le niveau de scolarité, la suffisance du revenu et le type de ménage. Les facteurs psychosociaux et les méthodes utilisées pour les mesurer étaient les traumatismes infantiles (nombre coché sur une liste de 7); les événements de la vie (nombre coché sur une liste de 10); les facteurs de stress actuels, notamment les contraintes de temps, les attentes des autres et la qualité des relations sociales (nombre coché sur une liste de 18); un indice de participation à la vie sociale (fondé sur trois questions concernant la régularité de la participation à des groupes de bénévoles et à des rites religieux); un indice de la fréquence de la participation à la vie sociale (fondé sur la fréquence déclarée des contacts avec des personnes considérées comme faisant partie du réseau social du répondant); et un indice du soutien social (nombre de ressources sociales personnelles considérées comme disponibles en cas de besoin). Les questions relatives à la santé physique étaient générales, et ont été analysées de manière à les restreindre à la santé physique : maladies physiques chroniques (nombre coché d'après une liste de 18) et restriction des activités (limitation à long terme attribuée à une cause physique). D'autres détails concernant ces mesures ont été publiés par Statistique Canada10.

Méthodes d'analyse

Pour l'analyse descriptive de l'état de santé mentale signalé au tableau 1, nous avons procédé à des estimations de la population à partir des fréquences pondérées, selon la méthode habituelle. Ces chiffres ont été soumis à une analyse de fiabilité fondée sur les critères suggérés par Statistique Canada10.

Aux fins de l'analyse des liens entre les déterminants, nous avons eu recours à la méthode de régression logistique, en utilisant les données pondérées pour lesquelles les coefficients de pondération avaient été rajustés à une valeur moyenne de 1. Dans cette optique, toutes les variables liées à l'état de santé mentale (les mesures dépendantes) ont été soumises à une analyse dichotomique, de telle sorte que les éléments recherchés étaient un grand sentiment de cohésion, une grande estime de soi, un grand sentiment de contrôle, le bonheur et la joie de vivre, la dépression, un profond sentiment de détresse, un sentiment de détresse éprouvé dans la vie et une déficience cognitive. Les variables indépendantes ont été, dans la mesure du possible, classées selon une méthode ordinale, même s'il a fallu regrouper certaines catégories en raison de la taille de l'échantillon.

Les variables indépendantes (facteurs psychosociaux et santé physique) décrites plus haut ont été retenues pour l'analyse multivariable selon la constance et la solidité des relations établies entre deux variables. Les variables qui pouvaient présenter un intérêt et qui ont été exclues de la présente analyse parce qu'elles étaient généralement faiblement liées à la santé mentale étaient l'activité physique pratiquée pendant les loisirs et la consommation importante et régulière d'alcool18.

Les premières analyses portaient sur les huit variables indépendantes signalées plus loin, auxquelles se sont ajoutées quatre autres : la province de résidence, la suffisance du revenu, la participation à la vie sociale et la fréquence des relations sociales. L'exclusion de ces quatre variables des analyses en raison de leur relation ténue avec les indicateurs de la santé mentale n'a eu pour ainsi dire aucune incidence sur les rapports entre la santé mentale et les autres variables indépendantes ou «déterminants».

Une dernière vérification a été faite dans les analyses. En plus de tenir compte des huit déterminants dans toutes les analyses de régression logistique, nous avons pris en considération l'intensité de la détresse dans les analyses de l'impact de la détresse. Nous avons ainsi pu obtenir une réponse à la question de savoir si, peu importe l'intensité de la détresse, certaines personnes sont plus touchées que d'autres par la détresse.


Résultats

Le tableau 1 offre un résumé des résultats relatifs à huit mesures de l'état de santé mentale, selon le sexe, l'âge, le niveau de scolarité et la province de résidence. Ainsi que nous l'avons déjà signalé, quatre de ces indicateurs ont été mesurés selon des échelles continues qui avaient été classées pour les besoins de notre analyse selon leur distribution respective. En conséquence, ces scores totaux ne sont pas absolument significatifs; toutefois, les comparaisons entre les groupes demeurent valides. Selon ces indicateurs définis de manière arbitraire, près du tiers (31 %) des adultes canadiens avaient un grand sentiment de cohésion, un peu plus de la moitié (52 %) avaient une grande estime de soi, près du quart (23 %) avaient un grand sentiment de contrôle et plus du quart (29 %) ont fait état d'une certaine détresse.

Les mesures non arbitraires permettent de brosser un tableau d'ensemble moyennement favorable : les trois quarts (74 %) des Canadiens se sont décrits comme des gens heureux et aimant la vie, 6 % se sont dit déprimés, un sur six (16 %) a déclaré que le stress minait sa vie et 9 % souffraient dans une certaine mesure de déficience cognitive.

Même si les résultats présentés au tableau 1 ne sont pas rajustés pour tenir compte des relations avec d'autres variables, il est intéressant de noter certaines observations constantes faites à l'égard des indicateurs de la santé mentale. Ainsi, les écarts entre les sexes étaient comparables pour six des huit indicateurs, ce qui donne à penser que la santé mentale des hommes est légèrement meilleure que celle des femmes. Nous avons aussi noté des relations constantes entre les mesures autodéclarées de la santé mentale et l'âge : pour la plupart des indicateurs, les jeunes âgés de 12 à 19 ans ou de 12 à 29 ans affichaient le plus faible taux de prévalence d'une bonne santé mentale et le plus haut taux de prévalence de problèmes de santé mentale.

 


TABLEAU 1
Indicateurs de l'état de santé mentale de la population, selon le sexe, l'âge,
le niveau de scolarité et la province, Canada, 12 ans et plus, 1994-1995

  
Estimation de la population (milliers)

Bonne santé mentale

Grand sentiment de cohésion (%)

Grande estime de
soi (%)

Grand sentiment de contrôle (%)

Heureux, aimant la
vie (%)

TOTAL

23 949

31a
52
23
74
Hommes
Femmes

11 780
12 168

32a
30a
53
51
25
21
74
74
12-19 ans
20-29 ans
30-39 ans
40-49 ans
50-59 ans
60-69 ans
70+ ans

3 372
3 879
5 210
4 235
2 825
2 282
2 145

12a
21
27
30
35
43
47
44
51
54
56
57
51
48
18
25
24
26
21
19
18
72
72
76
72
77
76
73
Moins que les études secondaires
Études secondaires
Études collégiales
Études universitaires

7 986
9 007
3 806
3 109

33
28
30
34
45
53
55
63
16
23
25
34
70
74
76
81
Terre-Neuve
Île-du-Prince-Édouard
Nouvelle-Écosse
Nouveau-Brunswick
Québec
Ontario
Manitoba
Saskatchewan
Alberta
Colombie-Britannique

483
110
764
626
6 030
9 050
891
792
2 166
3 037

39
35*
30
29
27
32
34
37
30
30
37
42
39
44
66
51
36
36
47
49
14
19
21
15
24
24
14
17
24
23
76
82
73
75
72
74
74
75
78
73
a Limité aux personnes de 18 ans et plus, de sorte que les estimations de la population pour les quatre premières rangées sont, en milliers :
Total - 19 818, Hommes - 9 477, Femmes - 10 341, Personnes de 18 à 19 ans - 754.  Les populations provinciales sont aussi inférieures d'environ 17 % aux chiffres signalés.
* Variabilité modérée de l'échantillonnage - à interpréter avec prudence
# Grande variabilité de l'échantillonnage - pas assez fiable pour être publié

TABLEAU 1
Indicateurs de l'état de santé mentale de la population, selon le sexe, l'âge,
le niveau de scolarité et la province, Canada, 12 ans et plus, 1994-1995

  
Estimation de la population (milliers)

Déprimé (%)

Grande détresse (%)

Vie affectée par la détresse (%)

Une certaine déficience cognitive (%)

TOTAL

23 949

6
29
16

9

Hommes
Femmes

11 780
12 168

4
7
26
32
14
18

9
9

12-19 ans
20-29 ans
30-39 ans
40-49 ans
50-59 ans
60-69 ans
70+ ans

3 372
3 879
5 210
4 235
2 825
2 282
2 145

7
7
6
6
5
2
3
40
38
29
25
23
21
22
17
17
15
16
14
15
17

13
9
7
9
6
8
14

Moins que les études secondaires
Études secondaires
Études collégiales
Études universitaires

7 986
9 007
3 806
3 109

6
6
5
5
33
30
26
23
17
16
14
14

13
8
7
5

Terre-Neuve
Île-du-Prince-Édouard
Nouvelle-Écosse
Nouveau-Brunswick
Québec
Ontario
Manitoba
Saskatchewan
Alberta
Colombie-Britannique

483
110
764
626
6 030
9 050
891
792
2 166
3 037

#
#
8*
4*
5
6
8*
5*
5
6
25
23*
27
28
35
28
30
23
26
26
14*
#
19
17
13
17
15
14
15
18

11
6
11
11
6
10
11
10
9
11

a Limité aux personnes de 18 ans et plus, de sorte que les estimations de la population pour les quatre premières rangées sont, en milliers :
Total - 19 818, Hommes - 9 477, Femmes - 10 341, Personnes de 18 à 19 ans - 754.  Les populations provinciales sont aussi inférieures d'environ 17 % aux chiffres signalés.
* Variabilité modérée de l'échantillonnage - à interpréter avec prudence
# Grande variabilité de l'échantillonnage - pas assez fiable pour être publié


   

Pour servir d'exemples des rares différences observées de manière constante entre les provinces, on pourrait signaler Terre-Neuve et l'Île-du- Prince-Édouard qui, à l'égard de la bonne santé mentale, avaient des pourcentages plus élevés de répondants ayant un grand sentiment de cohésion et se déclarant heureux, et des pourcentages plus faibles de ceux qui font état de dépression et de détresse. Aucune province n'a systématiquement obtenu une faible cote pour la santé mentale, mais le Québec s'est signalé par le nombre de mesures pour lesquelles la province s'est située à l'extrémité de la distribution. Les Québécois ont affiché un des  plus hauts taux d'estime de soi et de sentiment de contrôle, mais aussi le plus faible taux de bonheur, de sentiment de cohésion et le taux le plus élevé de détresse.

Même si ces données descriptives peuvent servir à déterminer quels sont les groupes à risque, elles ne nous renseignent pas sur les causes sous-jacentes des problèmes. Pour obtenir un début de réponse à cette question, nous avons entrepris une série d'analyses de régression logistique. Cette technique statistique a ceci de particulier qu'elle révèle l'incidence particulière d'un déterminant possible sur l'état de santé tout en tenant compte du rôle joué par tous les autres déterminants. Les résultats sont exprimés sous forme de rapports de cotes.

Le tableau 2 montre les relations entre trois variables démographiques (âge, sexe, niveau de scolarité), quatre variables psychosociales (traumatismes infantiles, niveau de stress actuel, événements de la vie et soutien social) et deux variables liées à la santé physique (problèmes chroniques et restriction des activités), d'une part, et les quatre mesures de la bonne santé mentale, d'autre part. Le tableau 3 offre des renseignements analogues à l'égard des quatre mesures des problèmes de santé mentale. La province de résidence n'a pas été retenue comme variable car les relations avec la santé mentale étaient constantes d'une province à l'autre, une fois tous les autres facteurs pris en considération. De même, notre analyse ne rend pas compte de la suffisance du revenu, de la participation à la vie sociale ni de la fréquence des contacts sociaux, parce que les autres modèles examinés n'ont mis en évidence aucune relation indépendante entre ces variables et la santé mentale.


TABLEAU 2
Rapports de cotes rajustés
a (RC) et erreurs-types (E-T) pour quatre mesures de la bonne santé mentale, par déterminant démographique, psychosocial et de la santé physique, Canada, 12 ans et plus, 1994-1995

 

 Sentiment de cohésion (élevé par rapport à plus faible)

Estime de soi (élevé par rapport à plus faible)

Sentiment de contrôle (élevé par rapport à plus faible)

Bonheur  (élevé par rapport à plus faible)

Déterminant

RC  E-T
(
n = 14 477b)

RC  E-T
(
n = 14 665b)

RC  E-T
(
n = 14 590b)

RC  E-T
(
n = 14 703b)

Âge
12-19 ans
20-29 ans
30-39 ans
40-49 ans
50-59 ans
60-69 ans
70+ ans
   <0,001c
1,000      -
1,987*     0,144
2,850*      0,141
3,503*      0,142
4,121*     0,144
5,143*     0,146
5,335*     0,149
    <0,001c
1,000     -
1,224     0,096
1,360     0,094
1,527*     0,096
1,694*     0,099
1,368     0,103
1,258     0,106
   <0,001c
1,000     -
1,052     0,115
0,953     0,113
1,123     0,115
0,894     0,120
0,812     0,126
0,764     0,131
   <0,001c
1,000     -
1,356     0,106
1,642*     0,104
1,396     0,106
1,895*     0,112
1,577*     0,116
1,356     0,120
Sexe
Masculin
Féminin
   0,031
1,000      -
0,918     0,040
   0,035
1,000     -
0,931      0,034
   <0,001
1,000     -
0,849*     0,041
   0,154
1,000     -
1,060     0,041
Niveau de scolarité
Moins que les études secondaires
Études secondaires
Études collégiales
Études universitaires
   0,710

1,000     -
1,012     0,052
1,040     0,063
0,963      0,065
   <0,001

1,000     -
1,363*      0,044
1,429*     0,054
1,854*     0,058
   <0,001

1,000     -
1,498*     0,057
1,598*     0,067
2,218*     0,068
   <0,001

1,000     -
1,286*     0,051
1,399*     0,064
1,421*     0,071
Traumatismes infantiles (nombre)
0
1
2
3
4-7
   <0,001

1,000     -
0,670*     0,047
0,737*     0,067
0,592*      0,104
0,467*      0,158
   0,140

1,000     -
0,942     0,041
1,050     0,055
1,040      0,076
0,866     0,094
   <0,001

1,000     -
0,929     0,049
1,368*     0,063
0,910     0,099
0,769     0,136
   <0,001

1,000     -
0,753*     0,048
0,756*     0,062
0,702*     0,084
0,544*      0,099
Niveau de stress actuel
Faible
Moyen
Élevé
   <0,001
1,000      -
0,534*     0,043
0,207*      0,065
   <0,001
1,000     -
0,952      0,040
0,747*     0,049
   <0,001
1,000     -
0,728*     0,046
0,441*     0,062
   <0,001
1,000     -
0,590*     0,052
0,337*      0,057
Événements de la vie (nombre)
0
1
2+
   <0,001

1,000 -
0,762*     0,050
0,527*      0,076
   0,170

1,000     -
1,007     0,042
0,911     0,053
   <0,001

1,000     -
0,859     0,051
0,768*     0,069
   <0,001

1,000     -
0,889     0,050
0,660*     0,058
Soutien social
Peu
Faible
Moyen
Beaucoup
   <0,001
1,000     -
0,984     0,190
1,218     0,162
1,878*      0,151
   <0,001
1,000     -
1,398     0,134
1,644*     0,116
1,841*     0,106
   <0,001
1,000     -
1,365     0,215
1,878     0,186
2,320*     0,176
   <0,001
1,000     -
1,765*     0,137
2,065*     0,118
3,219*     0,107
Problèmes de santé physique (nombre)
0
1
2
3+
   <0,001

1,000     -
0,879     0,048
0,733*     0,066
0,806     0,071
   0,076

1,000      -
0,916     0,041
1,004     0,055
0,900     0,059
   0,005

1,000     -
0,967     0,049
0,909     0,067
0,762*     0,077
   0,087

1,000     -
1,010     0,050
0,877     0,064
0,902     0,068
Restriction de l'activité
Non
Oui
   0,002
1,000     -
0,831     0,060
   0,005
1,000     -
0,872     0,049
   0,009
1,000     -
0,846     0,064
   <0,001
1,000     -
0,735*      0,055
a Rajusté pour tenir compte de toutes les autres variables indépendantes indiquées
b Les nombres sont pondérés pour tenir compte du plan d'échantillonnage (les nombres varient en raison des valeurs manquantes).
c Les valeurs p en italique décrivent la relation globale entre les variables.
* p < 0,001 pour chaque coefficient

TABLEAU 3

Rapports de cotes rajustésa (RC) et erreurs-types (E-T) pour quatre mesures des problèmes de santé mentale, par déterminant démographique, psychosocial et de la santé physique, Canada, 12 ans et plus, 1994-1995

 

Dépression (probable par rapport à aucune)

Niveau de détresse (élevé par rapport à plus faible)

  Incidence de la détresse sur la vied (un peu par rapport à aucune)

Déficience cognitive (un peu par rapport à aucune)

Déterminant

RC    E-T
(n = 14 288b)

RC    E-T
(n = 14 674b)

RC    E-T
(n = 11 156b)

RC    E-T
(n = 14 708b)

Âge
12-19 ans
20-29 ans
30-39 ans
40-49 ans
50-59 ans
60-69 ans
70+ ans
   <0,001c
1,000     -
0,443*     0,168
0,430*     0,164
0,437*     0,169
0,337*     0,185
0,186*     0,230
0,231*     0,239
   <0,001c
1,000     -
0,820     0,106
0,535*     0,104
0,423*     0,107
0,368*     0,113
0,375*     0,119
0,408*     0,124
   0,347c
1,000 -
0,975     0,146
0,967     0,145
1,096     0,149
0,974     0,159
1,027     0,170
1,277     0,176
   <0,001c
1,000     -
0,788     0,149
0,570*     0,149
0,731     0,150
0,414*     0,167
0,658     0,167
1,215     0,164
Sexe
Masculin
Féminin
   <0,001
1,000     -
2,039*     0,084
   <0,001
1,000     -
1,299*     0,041
   <0,001
1,000     -
1,256*     0,060
   0,126
1,000     -
0,909     0,062
Niveau de scolarité
Moins que les études secondaires
Études secondaires
Études collégiales
Études universitaires
   0,130
1,000     -

1,066     0,100
0,960     0,125
1,317     0,138
   <0,001
1,000     -

0,821*     0,053
0,727*     0,065
0,859     0,071
   <0,020
1,000     -

1,154     0,076
1,069     0,095
1,356     0,102
   <0,001
1,000     -

0,716*     0,074
0,604*     0,098
0,551*     0,116
Traumatismes infantiles (nombre)
0
1
2
3
4-7
   <0,001

1,000     -
1,325     0,104
1,731*     0,115
2,095*     0,135
2,618*     0,143
   <0,001

1,000     -
1,251*     0,049
1,254*     0,063
1,359*     0,085
1,917*     0,102
   <0,001

1,000     -
0,865     0,073
1,083     0,088
1,214     0,110
1,543*     0,120
   <0,001

1,000     -
1,017     0,077
1,401*     0,091
1,379     0,120
1,426     0,135
Niveau de stress actuel
Faible
Moyen
Élevé
   <0,001
1,000     -
1,506     0,124
2,894*     0,124
   <0,001
1,000     -
1,973*     0,053
4,388*     0,058
   <0,001
1,000     -
1,224     0,085
1,864*     0,089
   <0,001
1,000     -
1,503*     0,083
2,099*     0,090
Événements de la vie (nombre)
0
1
2+
   <0,001

1,000     -
1,499*     0,099
2,527*     0,100
   <0,001

1,000     -
1,294*     0,049
1,738*     0,058
   0,007

1,000     -
1,042     0,072
1,272     0,078
   <0,001

1,000     -
1,321*     0,077
1,646*     0,086
Soutien social
Peu
Faible
Moyen
Beaucoup
   <0,001
1,000     -
0,440*     0,215
0,429*     0,175
0,307*     0,150
   <0,001
1,000     -
0,988     0,143
0,677     0,123
0,491*     0,112
   <0,001
1,000     -
0,599     0,176
0,530*     0,152
0,518*     0,134
   0,001
1,000     -
0,710     0,186
0,691     0,157
0,596*     0,138
Problèmes de santé physique (nombre)
0
1
2
3+
   <0,001

1,000     -
1,193     0,099
1,334     0,122
1,693*     0,119
   <0,001

1,000     -
1,100     0,050
1,219     0,066
1,722*     0,068
   0,013

1,000     -
1,105     0,074
1,244     0,092
1,320     0,092
   <0,001

1,000     -
1,103     0,080
1,425*     0,096
1,673*     0,096
Restriction de l'activité
Non
Oui
   0,001
1,000     -
1,654*     0,096
   <0,001
1,000     -
1,589*     0,056
   <0,001
1,000     -
1,599*     0,073
   <0,001
1,000     -
1,489*     0,076
a Rajusté pour tenir compte de toutes les autres variables indépendantes indiquées
b Les nombres sont pondérés pour tenir compte du plan d'échantillonnage (les nombres varient en raison des valeurs manquantes).
c Les valeurs p en italique décrivent la relation globale entre les variables.
d Le modèle comprend aussi le niveau de détresse (en termes dichotomiques).
* p < 0,001 pour chaque coefficient


   

Quelles conclusions peut-on tirer de ces résultats, à partir de huit variables dépendantes et de neuf variables indépendantes? Existe-t-il des relations constantes entre des facteurs démographiques, psychosociaux ou indicateurs de la santé physique et ces indicateurs de la santé mentale? La relation avec des problèmes de santé mentale est-elle simplement l'inverse de toute relation avec une bonne santé mentale?

Le tableau 4 offre un aperçu des résultats qui apportent des éléments de réponse à ces questions. Comme l'échantillon utilisé pour l'ENSP est vaste et complexe, et compte tenu du nombre de relations retenues aux fins de l'analyse, nous avons adopté une norme stricte pour l'établissement de la signification statistique (p < 0,001). En outre, l'ordre des catégories pour chaque variable figurant dans les tableaux 2 et 3 a été pris en considération dans le tableau 4 (mais n'a pas fait l'objet d'une analyse de tendances).

Les relations significatives et ordonnées entre ces déterminants et les mesures de l'état de santé mentale peuvent être résumées comme suit.

Indépendamment de toutes les autres variables, nous avons observé une nette corrélation entre l'âge et le bien-être psychologique (cohésion), qui a augmenté de manière spectaculaire avec l'âge. La probabilité de ressentir un grand bien-être psychologique est cinq fois plus élevée chez les personnes âgées que chez les adolescents. De manière générale, le niveau de détresse aussi diminuait avec l'âge, mais pas de façon aussi constante que l'accroissement du bien-être psychologique. Fait intéressant, les adolescents étaient le deuxième groupe, après les personnes âgées de 70 ans et plus, où le taux de déficience cognitive était le plus élevé. Par rapport aux données signalées au tableau 1, les liens entre l'âge et la santé mentale étaient moins nombreux, mais convergeaient vers la même conclusion, à savoir que les problèmes de santé mentale sont plus répandus chez les jeunes que chez les personnes plus âgées, du moins en ce qui concerne ces indicateurs.

Nous avons noté une forte corrélation entre le niveau de scolarité et six mesures de la santé mentale, et un rapport ordonné constant avec quatre mesures. L'estime de soi, le sentiment de contrôle et le bonheur/la joie de vivre augmentent tous avec le niveau de scolarité. Ainsi, la probabilité d'éprouver un grand sentiment de contrôle est 2,2 fois plus élevée chez les diplômés universitaires que chez les personnes ayant abandonné leurs études secondaires, même une fois tous les autres facteurs pris en considération. Chose intéressante, plus le niveau de scolarité est élevé, plus le risque que la détresse ait des répercussions sur la vie augmente.

Nous avons observé une forte corrélation entre le nombre de traumatismes infantiles et le sentiment de cohésion, la dépression et la détresse, et, dans une moindre mesure, avec le sentiment de contrôle et le bonheur. Ces traumatismes ne semblent toutefois aucunement liés à l'estime de soi.

Le niveau de stress actuel était l'un des facteurs le plus étroitement liés à l'état de santé mentale, la corrélation avec toutes les mesures positives et négatives étant forte et constante. Les rapports de cotes étaient assez élevés. Par exemple, les personnes soumises à beaucoup de stress couraient environ trois fois plus de risque d'être déprimées et quatre fois plus de risque d'éprouver de la détresse que les personnes qui ont déclaré être peu stressées.


TABLEAU 4
Résumé des liens entre huit mesures de la santé mentale et neuf déterminants démographiques, psychosociaux et de la santé physique,
Canada, 12 ans et plus, 1994-1995

Déterminant

Sentiment de cohésion

Estime de soi

Sentiment de contrôle

Bonheur

Âge

*++

*

*

*

Niveau de scolarité  

*++

*++

*++

Traumatismes infantiles

*-

 

*-

*-

Niveau de stress actuel

*- -

*- -

*- -

*- -

Événements de la vie

*- -

 

*- -

*- -

Soutien social

*+

*++

*++

*++

Problèmes de santé physique (nombre)

*-

     
Sexe    

*

 
Restriction de l'activité      

*

Légende

* p < 0.001 pour le rapport entre la variable et la mesure de l'état de santé mentale
En plus de p  < 0.001 pour l'association :
++   un rapport positif systématique et ordonné avec tous les niveaux du déterminant
+    un rapport positif systématique et ordonné avec tous les niveaux sauf un
- - un rapport négatif systématique et ordonné avec tous les niveaux du déterminant
-    un rapport négatif systématique et ordonné avec tous les niveaux sauf un

TABLEAU 4 (continue)
Résumé des liens entre huit mesures de la santé mentale et neuf déterminants démographiques, psychosociaux et de la santé physique,
Canada, 12 ans et plus, 1994-1995

Déterminant

Dépression

Niveau de détresse

Incidence de la détresse sur la vie

Une certaine déficience cognitive

Âge

*

*

 

*

Niveau de scolarité  

*

*+

*- -

Traumatismes infantiles

*++

*++

*++

*+

Niveau de stress actuel

*++

*++

*++

*++

Événements de la vie

*++

*++

 

*++

Soutien social

*- -

*- -

*- -

 
Problèmes de santé physique (nombre)

*++

*++

 

*++

Sexe

*

*

*

 
Restriction de l'activité

*

*

*

*

Légende

* p < 0.001 pour le rapport entre la variable et la mesure de l'état de santé mentale
En plus de p  < 0.001 pour l'association :
++   un rapport positif systématique et ordonné avec tous les niveaux du déterminant
+    un rapport positif systématique et ordonné avec tous les niveaux sauf un
- - un rapport négatif systématique et ordonné avec tous les niveaux du déterminant
-    un rapport négatif systématique et ordonné avec tous les niveaux sauf un

   

Le nombre d'événements de la vie avait aussi apparemment un impact important sur la santé mentale : il était inversement lié à trois mesures de la bonne santé et positivement lié à trois indicateurs de problèmes. Le risque de dépression était deux fois plus élevé chez les personnes qui ont déclaré avoir vécu deux événements importants ou plus dans leur vie dans l'année précédant l'enquête que chez celles qui n'ont signalé aucun événement de ce genre.

Après le niveau de stress actuel, c'est le soutien social qui était le plus étroitement lié à la santé mentale : il était fortement et positivement lié au sentiment de cohésion, à l'estime de soi, au sentiment de contrôle et au bonheur, et négativement lié à la dépression, au niveau de détresse et à l'impact de la détresse. Le risque d'être affecté par la détresse était deux fois moins élevé chez les personnes qui bénéficiaient de beaucoup de soutien social, même lorsque le niveau de détresse était le même.

Contrairement à ce que nous avons observé à l'égard de la plupart de ces déterminants démographiques et psychosociaux, la relation entre la santé physique et la santé mentale n'était valable que pour certains des indicateurs étudiés. Nous avons noté une étroite corrélation entre les problèmes chroniques de santé physique, d'une part, et la dépression et la déficience cognitive, d'autre part, et un rapport entre la restriction de l'activité physique et les quatre problèmes de santé mentale, mais avec aucun des indicateurs de la bonne santé mentale.

Une fois toutes les autres variables prises en considération, des différences entre les sexes ont quand même été constatées pour quatre des huit indicateurs de la santé mentale : les femmes présentaient deux fois plus de risque d'être déprimées et étaient un peu plus nombreuses à éprouver de la détresse et à être affectées par la détresse, alors que la probabilité de ressentir un grand sentiment de contrôle était plus élevée chez les hommes.


Discussion

Ces résultats de l'ENSP nous offrent un aperçu exceptionnellement complet de la santé mentale d'une population et des facteurs susceptibles de l'influencer. Ils démontrent systématiquement l'existence de relations étroites, ordonnées et indépendantes entre le niveau de stress actuel, le soutien social, les événements de la vie, le niveau de scolarité et les traumatismes infantiles, d'une part, et plusieurs indicateurs de la bonne santé mentale et des problèmes de santé mentale, d'autre part. De plus, ils font ressortir des différences liées au sexe, à l'âge et à l'état de santé physique, qui s'appliquent cependant essentiellement aux indicateurs de problèmes de santé mentale, et indiquent qu'il y a peu de différences liées au sexe et à la santé physique, en ce qui a trait à la bonne santé mentale. Les relations entre l'âge et la santé mentale sont les plus complexes, mais grosso modo, ce sont habituellement les jeunes qui souffrent en plus grand nombre de problèmes de santé mentale et qui font le moins souvent état d'une bonne santé mentale.

Il importe de signaler que les termes «influence» et  «déterminants» ne sont pas tout à fait exacts dans ce contexte, puisque ces résultats reposent sur des données transversales. Seuls les traumatismes infantiles et les événements de la vie supposent un ordre temporel dont on doit logiquement tenir compte lorsqu'on tente d'établir des rapports de causalité, et même là, il faudrait entreprendre une analyse longitudinale pour confirmer ce fait. En effet, dans d'autres analyses auxquelles ont été soumises les données de l'ENSP, le sentiment de cohésion a été décrit comme un déterminant et non pas comme un résultat de la santé physique4, et la dépression a été décrite comme un facteur qui influe sur la vie sociale19, et non pas qui est affecté par la vie sociale, comme nous le supposons ici. En fait, il existe sans doute une spirale négative et autorenforçante entre la santé mentale et bon nombre des facteurs signalés ici. Par exemple, l'analyse longitudinale des données concernant la population américaine révèle que la détresse mène à une évaluation négative de l'état de santé autodéclaré, qui augmente le niveau subséquent de détresse20. De même, des données concernant la population de l'Islande montrent que les maladies physiques chroniques ont une incidence sur la dépression, notamment en sapant les ressources personnelles telles que le sentiment de contrôle et l'estime de soi21.

Si l'on met de côté la question de l'orientation des relations, bon nombre des relations mises en évidence ici font écho aux conclusions d'autres études sur la population, qui portent généralement sur une seule variable.

L'importance du rapport entre bon nombre de ces facteurs psychosociaux et la dépression et d'autres issues a déjà été signalée. Ainsi, les facteurs de stress et les événements de la vie touchent aussi bien les hommes que les femmes au Canada, alors que les traumatismes infantiles sont en outre importants pour la population féminine1. Une étude de cohorte réalisée en Grande-Bretagne établit un lien entre le divorce parental survenu pendant l'enfance (élément de l'échelle des traumatismes infantiles) et la détresse psychologique éprouvée aux âges de 23 et 33 ans22, et des données sur la population norvégienne mettent en évidence l'importance de la corrélation entre les difficultés économiques et la dissension familiale (autres éléments de l'échelle) vécues pendant l'enfance et les problèmes accrus de santé mentale éprouvés à l'âge adulte23. Selon les données longitudinales tirées de la Whitehall II Study en Grande-Bretagne, le soutien affectif constitue un facteur de prédiction de la bonne santé mentale chez les hommes, et un soutien social négatif, un facteur de prédiction d'une mauvaise santé mentale chez les deux sexes24. Chez les travailleurs canadiens, la détresse psychologique est plus grande chez les femmes lorsque le soutien apporté par les collègues est faible, et chez les hommes, lorsque les facteurs de stress professionnel sont importants25.

La distribution des problèmes de santé mentale dans les groupes démographiques étudiés ici rejoint celle relevée dans d'autres études récentes. La plus forte prévalence de la dépression chez les Canadiennes est conforme aux résultats d'une étude menée dans 10 pays, dont le Canada, à partir d'une mesure différente26. En ce qui concerne la dépression, nous avons montré que les différences entre les sexes apparaissent dès l'âge de 15 ans au Canada3. Toutefois, il importe de souligner que, même si cette étude portait sur huit mesures distinctes de la santé mentale, elle n'a observé d'écarts entre les sexes que pour quatre d'entre elles. Des études antérieures, qui ne traitaient que d'une mesure ou deux des problèmes de santé mentale, pourraient avoir laissé l'impression que les différences entre les sexes sont plus répandues qu'elles ne semblent l'être ici.

Le rapport que nous avons observé entre l'âge et la santé mentale est important, parce qu'il va à l'encontre de nos pensées intuitives et de bien des données recueillies jusqu'ici. À plusieurs égards (indicateurs), il apparaît que la santé mentale s'améliore avec l'âge, du moins jusqu'à l'âge moyen, et, en ce qui concerne le sentiment de cohésion, cette tendance se maintient jusqu'à une bonne partie du troisième âge. En ce qui a trait à la dépression et à la détresse au Canada, un tel lien a déjà été montré, à partir des données de l'ENSP, et pour expliquer la relation inverse observée entre l'âge et la dépression aux États-Unis, on a émis l'hypothèse que le phénomène tenait à la différente composition raciale des deux populations2. Toutefois, il pourrait y avoir une autre explication : en 1978-1979, on observait aussi une relation inverse entre la détresse et l'âge au Canada, selon l'Enquête Santé Canada26. Depuis, cependant, la situation sociale et économique des personnes âgées s'est nettement améliorée au Canada, alors qu'elle s'est relativement détériorée chez les jeunes27. La forte corrélation entre la situation socio-économique et la santé mentale est bien établie, comme le montrent les résultats de ce rapport et d'études sur la population réalisées en Grande-Bretagne et aux États-Unis28,29.

L'absence de relation indépendante entre la suffisance du revenu et l'état de santé mentale, qui ressort des données de l'ENSP, est à cet égard particulièrement intéressante, mais conforme à l'idée que l'instruction améliore le bien-être psychologique parce qu'elle permet d'accéder à un emploi non aliénant29 et que, indépendamment du revenu, un sentiment de contrôle est lié à une plus grande satisfaction dans la vie et à moins de dépression30.


Conclusions

Cette étude présente de l'intérêt pour la stratégie de promotion de la santé mentale, pour d'autres analyses de l'ENSP et d'autres données et pour la surveillance future de la santé mentale au Canada.

Cette étude a la particularité de recourir à des mesures de résultats tant positifs que négatifs, une approche que permet le nombre et la diversité des indicateurs pertinents inclus dans le premier cycle de l'ENSP. Notre analyse des rapports entre les facteurs démographiques et psychosociaux et toutes ces mesures de résultats nous amène à tirer une conclusion importante :  les facteurs psychosociaux et démographiques liés aux problèmes de santé mentale sont également (inversement) liés à des indicateurs d'une bonne santé mentale. C'est dire que les stratégies qui encouragent la résilience et d'autres ressources psychologiques contribueront également à réduire, voire à prévenir, les problèmes. De manière plus générale, on peut considérer que la promotion de la santé et la prévention de la maladie représentent les deux facettes d'une même médaille, et sont parfaitement compatibles, voire complémentaires.

La promotion de la santé mentale consiste à établir les conditions favorables à la résilience et au soutien, qui déboucheront sur des états positifs tels que la satisfaction et le bonheur31. Il ressort très clairement de cette analyse que parmi ces conditions figurent, en substance, la réduction des facteurs de stress actuels et des traumatismes infantiles et la promotion du soutien social. Il faudrait entreprendre une analyse plus approfondie des données longitudinales de l'ENSP et d'autres sources pour apporter plus de précisions sur les conditions souhaitables, quoique l'on ait déjà amorcé ce type d'analyse à l'égard des facteurs liés au travail7 et des formes de soutien social24.

Malgré la relative richesse des mesures utilisées dans l'ENSP et même si la dépression et la détresse sont des mesures qui seront reprises dans chaque cycle, des améliorations sont possibles. Plus particulièrement, il serait très souhaitable de reprendre les mesures de l'état de santé mentale de l'Enquête Santé Canada de 1978-1979, notamment l'Échelle d'équilibre de l'affect32 et le sondage d'opinion sur la santé (Health Opinion Survey)33. On pourrait ainsi effectuer des comparaisons temporelles plus systématiques. L'Échelle d'équilibre de l'affect a aussi servi dans les Enquêtes Condition physique Canada de 1981 et de 1988 et dans les Enquêtes générales sociales de 1985 et de 1990. Elle est encore utilisée dans d'autres pays34 et, d'un point de vue conceptuel, est compatible avec l'ENSP. Le sondage d'opinion sur la santé est une mesure de l'anxiété et de la dépression qui existe depuis longtemps et qui, sur le plan conceptuel, se rapproche de l'échelle actuelle de la détresse de l'ENSP. Elle offre la possibilité de réaliser des comparaisons directes et non ambiguës de l'état de santé mentale de la population canadienne sur une période d'environ 25 ans, ce qui milite fortement en faveur de son inclusion dans l'ENSP ou dans des enquêtes nationales du même genre sur la santé de la population.


Remerciements

Ce projet a reçu le soutien financier de l'Unité de la promotion de la santé mentale de Santé Canada.


Références

    1. Beaudet MP. Dépression. Rapports sur la santé 1996;7(4):11-25.

    2. Wade TJ, Cairney J. Age and depression in a nationally representative sample of Canadians: a preliminary look at the National Population Health Survey. Can J Public Health 1997;88:297-302.

    3. Cairney J. Gender differences in the prevalence of depression among Canadian adolescents. Can J Public Health 1998;89:181-2.

    4. Hood SC, Beaudet MP, Catlin G. La santé : une question d'attitude. Rapports sur la santé 1996;7(4):27-35.

    5. Stephens T, Catlin G. Measuring well-being in Canada's National Population Health Survey. Présentation à l'International Society of Behavioral Medicine; 1994 juillet; Amsterdam.

    6. Hill GB, Forbes WF, Lindsay J, McDowell I, Østbye T. Mortality and cognitive status among elderly Canadians living in the community and in institutions: the Canadian Study of Health and Aging. Can J Public Health 1997;88:303-4.

    7. Wilkins K, Beaudet MP. Le stress au travail et la santé. Rapports sur la santé 1998;10:47-62.

    8. Comité consultatif fédéral/provincial/territorial sur la santé de la population. Stratégies d'amélioration de la santé de la population. Ottawa: Santé Canada, 1994.

    9. Lalonde M. Nouvelle perspective de la santé des Canadiens. Ottawa: Santé et Bien-être social Canada, 1974.

    10. Statistique Canada. Enquête nationale sur la santé de la population 1994-1995. Fichiers de microdonnées à grande diffusion. Ottawa, 1995; No 82F001-XDB au catalogue.

    11. Tambay J-L, Catlin G. Plan d'échantillonnage de l'Enquête nationale sur la santé de la population. Rapports sur la santé 1995;7:31-42.

    12. Antonovsky A. The structure and properties of the sense of coherence scale. Soc Sci Med 1993;36:725-33.

    13. Suominen SB, Helenius HY, Koskenvuo MJ, Uutela AK. Sense of coherence (SOC) as a predictor of self-reported health. Présentation au quatrième Congrès international de l'International Society of Behavioral Medicine; 1996 mars; Washington (DC).

    14. Rosenberg M. Society and the adolescent self-image. Princeton (NJ): Princeton University Press, 1965.

    15. Pearlin IL, Lieberman M, Menaghan E, Mullan J. The stress process. J Health Soc Behav 1981;22:337-56.

    16. Torrance GW, Furlong W, Feeny D, Boyle MH. Final report of Project No 4440900187, provisional health status index for the Ontario Health Survey. Preparé pour Statistique Canada, 1992 févr.

    17. Kessler RC, McGonagle KA, Zhao S, et al. Lifetime and 12-month prevalence of DSM-III-R psychiatric disorders in the United States: results from the National Comorbidity Survey. Arch Gen Psychiatry 1994;51:8-19.

    18. Stephens T. Population mental health in Canada. Rapport préparé pour l'Unité de promotion de la santé mentale, Santé Canada; 1998 mai.

    19. Bowling A. The effects of illness on quality of life: findings from a survey of households in Great Britain. J Epidemiol Community Health 1996; 50(2): 149-55.

    20. Farmer MM, Ferraro KF. Distress and perceived health: mechanisms of health decline. J Health Soc Behav 1997;38(3):298-311.

    21. Vilhjalmsson R. Direct and indirect effects of chronic physical conditions on depression: a preliminary investigation. Soc Sci Med 1998;47(5):603-11.

    22. Rodgers B, Power C, Hope S. Parental divorce and adult psychological distress: evidence from a national birth cohort: a research note. J Child Psychol Psychiatry 1997;38(7):867-72.

    23. Dahl E, Birkelund GE. Health inequalities in later life in a social democratic welfare state. Soc Sci Med 1997;44(6):871-81.

    24. Standsfeld SA, Fuhrer R, Shipley MJ. Types of social support as predictors of psychiatric morbidity in a cohort of British Civil Servants (Whitehall II Study). Psychol Med 1998;28(4):881-92.

    25. Weissman MM, Bland RC, Canino GJ, Faravelli C, Greewald S, Hwu HG, et al. Cross-national epidemiology of major depression and bipolar disorder. JAMA 1996;276(4):293-9.

    26. Santé et Bien-être social Canada et Statistique Canada. La santé des Canadiens : rapport de l'Enquête Santé Canada. Ottawa: ministre des Approvisionnements et Services, 1981.

    27. Comité consultatif fédéral, provincial et territorial de la santé de la population. Rapport statistique sur la santé de la population canadienne. Ottawa: Santé Canada, 1999 sept.

    28. Marmot M, Ryff CD, Bumpass LL, Shipley M, Marks NF. Social inequalities in health: next questions and converging evidence. Soc Sci Med 1997;44(6):901-10.

    29. Ross CE, Van Willigen M. Education and the subjective quality of life. J Health Soc Behav 1997;38(3):275-97.

    30. Lachman ME, Weaver SL. The sense of control as a moderator of social class differences in health and well-being. J Pers Soc Psychol 1998;74(3):763-73.

    31. Joubert N, Raeburn J. Mental health promotion: people, power and passion. Int J Mental Health Promotion 1998;1:15-22.

    32. Bradburn NM. The structure of psychological well-being. Chicago: Aldine Publishing, 1969.

    33. MacMillan AM. The Health Opinion Survey: technique for estimating psychoneurotic and related types of disorders in communities. Psychol Rep 1957;3:325-39.

    34. Stansfeld SA, Head J, Marmot MG. Explaining social class differences in depression and well-being. Soc Psychiatry Psychiatr Epidemiol 1998;33(1):1-9.


a Les coefficients phi pour les mesures associées par paire, exprimées en termes dichotomiques pour les analyses à venir, variaient de 0,07 à 0,37 (données non présentées).


Références des auteurs

Thomas Stephens, Thomas Stephens & Associates, Manotick (Ontario)

Corinne Dulberg, Conseillère en épidémiologie, Ottawa (Ontario)

Natacha Joubert, Unité de promotion de la santé mentale, Santé Canada, Ottawa (Ontario)

Correspondance : Thomas Stephens, CP 837, Manotick (Ontario)   K4M 1A7; Télécopieur : (613) 692-1027; Courriel : tstephens@cyberus.ca

[Précédente][Table des matières] [Prochaine]

Dernière mise à jour : 2002-10-18 début