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Entrevues vidéo (en anglais avec transcription en français )
Note: Les opinions exprimées ne sont pas nécessairement celles du gouvernement du Canada.
(Les vidéolecteurs sont disponibles ici : QuickTime | Windows Media)
Transcription
Les tendances démographiques
Je m'appelle Joseph Chamie. Depuis mars, je suis le directeur de la recherche au Center for Migration Studies à New York. Avant d'occuper ce poste, j'étais directeur de la Division de la population aux Nations Unies. J'ai travaillé aux Nations Unies pendant environ 28 ans. Lorsque j'étais à la tête de la Division de la population nous avons traité des tendances, des prévisions, des politiques et de toutes les facettes de la dynamique de la population - fertilité, mortalité, migration, vieillissement, développement de la population et naturellement migrations internationales.
Pour l'avenir, il y a des tendances qui se dessinent clairement. La première est que la population mondiale sera beaucoup plus élevée que maintenant. La deuxième est que le gros de la croissance se produira dans le monde en développement; en fait, six pays contribuent aujourd'hui à la majeure partie de la croissance démographique. L'Inde vient de loin au premier rang avec environ 20 % de la croissance mondiale - en d'autres termes, un cinquième de la population mondiale est en Inde - et est suivie de la Chine, du Pakistan, du Nigéria, du Bangladesh et de l'Indonésie.
Nous assisterons aussi à une modification de la population urbaine. Dans quelques années, de plus en plus de personnes vivront en milieu urbain. La majorité de la population vivra dans des centres urbains - une première historique.
La population augmentera dans certains pays alors qu'elle diminuera dans d'autres. La Russie, le Japon, l'Italie et bien d'autres pays européens deviendront beaucoup moins populeux qu'ils ne le sont aujourd'hui.
Par ailleurs, les gens vivront plus longtemps. Davantage de gens vivront au-delà de 100 ans. Les familles deviendront plus petites, une tendance déjà amorcée au XXe siècle. Aujourd'hui, les gens décident d'avoir de plus petites familles, de retarder le moment de leur mariage et l'arrivée de leur premier enfant ainsi que d'espacer les naissances. Les familles seront enclines à avoir deux ou trois enfants. Nous n'aurons plus des familles comptant 8 ou 10 enfants, ou même plus, comme il y en a eu au Canada et dans d'autres endroits du monde au siècle dernier et au XIXe siècle.
En outre, les gens vont émigrer de plus en plus pour répondre à la demande de main-d'oeuvre des pays développés qui chercheront notamment une main d'oeuvre de talent, et pour quitter les pays en développement et tirer parti des possibilités d'emploi en Europe, en Amérique du Nord, en Australie, au Japon, etc. Il va y avoir beaucoup de déplacements.
Finalement, au milieu du siècle, la population mondiale peut atteindre un plateau, peut-être d'environ 9 milliards d'habitants. Ce sont de très bonnes nouvelles.
Je suis très optimiste de manière générale au sujet de l'avenir. Il pourrait y avoir des problèmes dans certains domaines; il survient toujours des problèmes, surtout s'il se produit une croissance rapide dans des conditions difficiles -systèmes politiques très fragiles, gouvernements non représentatifs du peuple et zones urbaines aux prises avec de l'agitation, du chômage et, dans certains cas, de la désobéissance civile. Cela risque de s'accélérer dans certaines parties de l'Afrique et de l'Asie du Sud.
L'urbanisation
L'urbanisation revêt différents aspects. Certains pensent qu'ils sont complètement négatifs, mais ce n'est pas le cas. Dans bien des pays, en se rendant dans les villes, la population libère terres et forêts, rendant possible la pratique de l'agriculture et le reboisement des forêts. Donc, le regroupement des gens présente de nombreux avantages, surtout pour l'environnement. Deuxièmement, il facilite le recyclage. Il devient plus efficace de recycler le plastique, le verre et d'autres matériaux. Troisièmement, l'urbanisation facilite la diffusion d'information - culturelle, politique, environnementale et sociale - il est possible d'informer la population à moindre coût. Les villes ont aussi l'avantage d'avoir des musées, des activités culturelles, des cinémas, des arts etc. et un plus grand nombre de gens peuvent profiter de ces services.
Par contre, l'urbanisation crée de nombreux problèmes pour les municipalités et les administrateurs du gouvernement. Comment fournir les produits et les services sociaux de base de la population? Le logement vient au premier rang et aussi le transport - comment déplacer tous ces gens? Comment se débarrasser des déchets et des effets dont plus personne ne veut? Comment fournir des emplois et ouvrir des perspectives économiques? Et, élément tout aussi important, s'il survient un ouragan, un tremblement de terre ou une autre catastrophe d'envergure, comment venir en aide dans ces conditions à une population de 3 millions, 10 millions ou 20 millions d'habitants? Si la population vit dans des régions côtières - et nous voyons une plus grande migration vers ces régions côtières - il est difficile de déplacer les gens rapidement à l'arrivée d'ouragans ou de typhons. Si les routes ou les systèmes de transport sont insuffisants, il y aura vraisemblablement des taux de mortalité plus élevés. De plus, les écosystèmes sont très fragiles le long des zones côtières. Ces populations menacent la diversité de la biologie marine dans beaucoup de régions côtières.
Nous devons donc prendre tous ces éléments en considération. La plupart des cités en expansion avoisinent des étendues d'eau - océans et mers. Les gens veulent être près de l'eau pour profiter du transport, des aspects récréatifs, de l'emploi, etc. Les administrations municipales auront d'immenses défis à relever : le grand nombre d'arrivants dans les villes et l'incidence qu'ils auront sur l'environnement.
Croissance de la population
Il y a une chose que mes collègues qui sont cartographes me disent : les gens étudient les cartes quand ils sont jeunes et conservent les mêmes images mentales en vieillissant. Il est intéressant de voir le monde sous l'angle de la population. Si vous établissez une carte - et nous l'avons fait à la Division de la population des Nations Unies - fondée sur la population plutôt que sur la superficie terrestre, votre conception du monde change énormément à la vue de l'ampleur de la Chine et de l'Inde par rapport à la Belgique, au Luxembourg, à Djibouti, Cuba, etc. La superficie du Canada est très vaste sur une carte ordinaire, mais elle rétrécit et ne comprend que 30 millions d'habitants, soit une fraction de la grosseur de l'Inde ou de la Chine. Ces cartes seraient très instructives. Les gens commenceraient à comprendre les interactions géopolitiques liées à la population. Ces changements se produisent maintenant et nombre de gens ne s'en rendent pas compte. Le Pakistan connaît une grande poussée démographique. Il comptait moins de 50 millions d'habitants en 1950, il en compte plus de 150 millions maintenant et il devrait compter plus de 350 millions d'ici la moitié du siècle. Le monde sera donc très différent de celui que nous connaissons aujourd'hui.
Avec le déclin des populations en Russie, en Ukraine, au Japon etc., la population mondiale va être très différente. La population influe sur les systèmes politiques, culturels et économiques. Si, par exemple, la majorité des gens veulent entendre de la musique espagnole, le marché réagira en conséquence : les CD, le monde du divertissement, la télévision, la radio offriront plus de musique espagnole. Si les gens veulent manger des mets chinois, plus de restaurants en serviront. Si les gens veulent porter des jeans plutôt qu'un pantalon habillé, le marché s'adaptera et plus de gens le feront. La variation de la composition de la population aura des répercussions économiques, sociales et culturelles sur ces sociétés. Elle changera aussi la donne au niveau mondial.
Les populations vieillissantes des pays développés
Les gens qui élaborent la politique étrangère du Canada -- ainsi que celle de l'Union européenne, des États-Unis et du Japon -- devraient commencer à se rendre compte que le monde est très interrelié. Ce qui se produit dans un coin reculé du globe peut nous toucher demain. Le SRAS en est clairement un exemple. Il est dans l'intérêt de tous de garder les citoyens d'autres pays en santé et d'éradiquer les maladies, comme nous le faisons pour la polio et comme nous l'avons fait pour la variole et d'autres maladies. Il en va de l'intérêt de tous de collaborer. Nous le faisons très bien ici; nous avons des institutions qui s'occupent des questions de santé mondiales.
Nous essayons de faire de même avec les questions de reproduction, d'aider les gens à avoir le nombre d'enfants qu'ils désirent. Le Canada a contribué à promouvoir le droit des couples à contrôler le nombre d'enfants qu'ils auront et le moment auquel ils les auront.
En ce qui a trait à l'immigration, le Canada a contribué à montrer que les immigrants peuvent être intégrés avec succès. Ceux-ci peuvent devenir des citoyens exemplaires et aider la société et les collectivités.
Je pense que nous aurons la situation suivante : un monde développé vieillissant et un monde en développement relativement jeune. Il y aura donc certaines adaptations à faire et elles pourront se faire de différentes façons. L'une d'elle est l'immigration, bien que nous ne puissions manifestement pas déplacer tout le monde. De plus, il sera aussi possible de faire du développement économique dans les pays en développement de façon que leurs citoyens puissent trouver des emplois dans leur propre pays sans avoir à quitter leur domicile, leur famille et leurs amis. S'il est possible de faire du développement économique dans ces régions, de nombreuses personnes travailleront dans leur propre pays et n'envisageront pas d'immigrer ailleurs, légalement ou illégalement. Ce serait bénéfique pour l'Europe, le Canada, les États-Unis et d'autres pays développés. Par conséquent, développer les économies d'Afrique, d'Asie du Sud-Est, de parties de l'Asie centrale et de l'Amérique du Sud et leur ouvrir des perspectives et un meilleur avenir, ferait beaucoup pour ces sociétés. En retour, cela aiderait aussi nos sociétés qui, dans bien des cas, vieillissent et dont la population diminue.
Cette collaboration et cette interconnectivité seraient très utiles. Je pense que le Canada a fait beaucoup pour les faire avancer.
Le rôle du Canada
Je pense que beaucoup de gens considèrent le Canada comme une société très accueillante et très ouverte. Il a une très bonne image au niveau international. C'est une terre d'accueil des immigrants. Beaucoup de gens connaissent Toronto, Montréal, Vancouver, les grandes villes, la collectivité, la diversité, les principes que le Canada représente -- droits de la personne, ouverture d'esprit, travail acharné. Je crois que le Canada a un rôle essentiel à jouer. Il n'est peut-être pas aussi vaste que son voisin au sud ou que l'Inde ou la Chine -- il n'est qu'une fraction de leur superficie -- mais il a un grand rôle de leader à jouer dans le monde. Il est en quelque sorte une tête de pont entre l'hémisphère occidental et l'hémisphère oriental. Les gouvernements qui le composent comptent beaucoup de gens qualifiés et talentueux. Il a aussi une perspective mondiale sur bon nombre de ces questions.
Le Canada pourrait jouer un rôle de leader très utile en ce qui a trait aux questions démographiques. Sa position sur le plan de l'immigration est remarquable. Il a une très grande expérience en matière d'intégration et bon nombre de pays le considèrent comme un exemple de ce qu'ils peuvent accomplir dans leurs sociétés.
Naturellement, le Canada aura ses propres défis à relever. Mais je pense que sur la scène internationale, beaucoup de pays s'inspireront du Canada et de l'expérience qu'il a acquise pour régler certains de leurs problèmes. Par exemple, les Européens et certains des pays d'Afrique et d'Asie peuvent prendre exemple sur le Canada et son système d'immigration : sa façon de recruter d'éventuels immigrants, de les intégrer, son attitude quant au bilinguisme, sa façon de traiter avec l'importante superpuissance qu'est son voisin du sud et d'entretenir des relations avec les pays d'origine de sa population en Asie, Afrique, Amérique latine et Europe. Je pense que l'expérience canadienne pourrait être très utile. |
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