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Comité consultatif canadien de la biotechnologie
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Volume, détail et rapidité : Les défis du renseignement génétique

Auteurs : Trudo Lemmens et Lisa Austin

Table of Contents

1. Introduction

2. Que sont les renseignements génétiques?
2.1 Les tests d'empreintes génétiques (ADN)
2.2 Les tests génétiques indirects
2.3 Les antécédents familiaux
2.4 La différenciation entre les tests génétiques selon leur objectif de santé et leur moment
2.5 L'identification par les empreintes génétiques : analyse médico-légale de l'ADN et banques militaires d'empreintes génétiques
2.6 Les échantillons existants prélevés à d'autres fins
2.7 La différenciation des renseignements génétiques selon leur mode de stockage
2.8 Quelle définition faut-il adopter?

3. Caractéristicques des renseignements génétiques : La revendication de la nature exceptionnelle de la génétique
3.1 La prédiction génétique
3.2 le manque de contrôle de l'être humain sur son propre génome
3.3 La famille et la collectivité ethnique

4. Comment la génétique met en lumière des problèmes existants
4.1 La famille et la divulgation des renseignements concernant les risques
4.2 L'information, la longévité et l'identification
4.3 Les utilisations des renseignements génétiques

5. Conclusion


1. Introduction

Le film futuriste intitulé GATTACA met en scène le combat d'un " prolétaire génétique1 ", né d'une mère opiniâtre qui a refusé l'avortement de son fœtus génétiquement inférieur, et suit ce personnage qui s'accroche au rêve de sa vie, devenir astronaute. Pour y arriver, il doit contourner les visées de GATTACA, une société de surveillance génétique qui effectue des tests périodiques d'empreintes génétiques afin d'empêcher systématiquement des gens tels que le héros d'accéder à un emploi raisonnable et à la protection de l'assurance. L'une des séquences du film montre les activités d'une " boutique génétique " locale, dont les clients se font faire un prélèvement de salive dans le but de récupérer les traces d'ADN de la personne avec qui ils viennent de sortir et qu'ils ont embrassée. La boutique génétique effectue sur place une analyse informatisée et présente au client un portrait génétique résumé du partenaire potentiel qu'ils ont " attrapé ". Ce portrait tient en une page et offre des renseignements de base concernant les traits de comportement de la personne en question, son espérance de vie et sa descendance éventuelle.

Il est évident qu'un simple test par écouvillonnage suivi d'une analyse des empreintes génétiques basée sur la salive ne peut pas donner des renseignements aussi détaillés, et certainement pas dans un délai de trois minutes comme le montre le film. En outre, il nous faudra surmonter plusieurs obstacles scientifiques avant de pouvoir procéder à des tests simultanés et abordables visant toute une gamme d'états pathologiques et de caractères personnels. Pourtant, même si la scène de la boutique génétique présente plutôt une caricature des tests génétiques, elle n'en est pas moins une métaphore puissante du genre de questions qui seront probablement soulevées par ces tests et des raisons pour lesquelles nous devons nous préoccuper des conséquences sociales de l'utilisation incontrôlée des données génétiques par des tiers. Il se fait déjà des recherches sur la mise au point de la puce à ADN et en technologie des micro-échantillons, et leurs résultats permettront probablement, dans un avenir proche, le balayage de gènes entiers en vue d'y déceler un éventail de mutations. Les outils génétiques ne peuvent que devenir plus rapides, plus efficaces et moins coûteux.2

Le présent rapport soutient que trois facteurs conjugués constituent la raison première pour laquelle il nous faut élaborer et mettre en œuvre des mesures réglementaires adéquates ou adapter les mesures existantes. Il s'agit des trois éléments suivants :

  1. le volume d'information pouvant être tiré d'un seul échantillon;
  2. la rapidité d'exécution des tests;
  3. leurs liens avec la technologie informatique.

Ce sont là les trois raisons principales pour lesquelles, selon nous, l'utilisation inappropriée des tests génétiques peut avoir des conséquences sociales néfastes. D'autres attributs déterminés contribuent à donner aux renseignements génétiques un caractère " exceptionnel ", mais nous affirmons que plusieurs autres genres de renseignements sur la santé possèdent les mêmes caractéristiques. Cependant, lorsque ces données se combinent aux trois facteurs énoncés plus haut, plusieurs de nos préoccupations habituelles concernant l'information sur la santé s'en trouvent accrues. Autrement dit, les craintes soulevées par l'avènement des tests de dépistage génétique sont liées plus à ce que l'on pourrait appeler une amplification des préoccupations concernant l'information sur la santé qu'à la nature particulière de la génétique. Plutôt qu'une question de nouveauté, c'en est une de degré ou de détail. Néanmoins, même si ces préoccupations ne sont pas nouvelles en soi, il est possible que les contextes nouveaux dans lesquels elles apparaissent nécessitent des réactions différentes de celles demandées par les renseignements conventionnels sur la santé.

Le présent rapport cherche donc à définir le caractère relativement spécifique de l'information génétique et à analyser les arguments invoqués à l'appui de mesures législatives et réglementaires visant particulièrement la génétique.

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2. Que sont les renseignements génétiques?

Il est difficile d'effectuer une analyse exhaustive de l'utilisation des renseignements génétiques sans traiter ces derniers comme un concept unidimensionnel, mais il faut quand même toujours garder à l'esprit que les renseignements génétiques peuvent s'acquérir de façons diverses et se rapporter à des formes très variées d'information sur la santé. Les renseignements génétiques dont il est question dans ces pages sont généralement ceux qui découlent des recherches exécutées au moyen de la nouvelle technologie génétique des dernières décennies et qui ont mené à la détermination de liens précis entre des gènes et des maladies ou caractères génétiques. C'est cette information génétique de forme relativement nouvelle qui alimente une grande part du débat au sujet des répercussions sociales négatives que pourraient avoir les tests génétiques. Par ailleurs, l'information génétique englobe aussi, par exemple, les antécédents familiaux en matière de maladie, les renseignements tirés des essais chromosomiques et les données recueillies à l'occasion d'études en parallèle, soit des renseignements utilisés depuis près de 100 ans dans le domaine de la recherche et des soins de santé sans faire l'objet d'une attention aussi grande. Dans le débat sur ce qui constitue les renseignements génétiques, des intervenants font même remarquer que tous les éléments d'information sur la santé sont, dans une certaine mesure, génétiques.3

Dans le contexte de la génétique, toute réglementation ou mesure législative devra tenir compte de la difficulté de définir ce que sont exactement les renseignements génétiques et de trouver les moyens de distinguer, dans les faits et en principe, les différents types de données génétiques. Pour éclairer cette difficulté, nous énumérerons ici quelques-unes des grandes différences entre les types d'information génétique selon le genre de test, l'objet et le mode de collecte des renseignements ou de prélèvement des échantillons et le mode de stockage.

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2.1 Les tests d'empreintes génétiques (ADN)

Dans la plupart des discussions en cours, on entend par renseignements génétiques les données tirées de l'analyse de l'ADN d'un individu. Au cours des dernières décennies, des réalisations remarquables en génétique moléculaire et en technologie de l'ADN, et liées de près aux progrès de la technologie informatique, sont à l'origine directe de ce que l'on appelle la " révolution génétique ". Lorsque les gens parlent de " renseignements génétiques ", il est plus que probable qu'ils songent à l'information issue de cette nouvelle technologie. Au moyen de toute une gamme de techniques telles que l'électrophorèse, l'hybridation des cellules somatiques, la cartographie cytogénétique, le multiplexage et la fragmentation chromosomique par radiation, des scientifiques ont pu établir la représentation graphique du génome humain. Ces cartes de restriction du génome indiquent la position, la taille, le rang et la numérotation des paires de base des différents gènes. En comparant les cartes de personnes diverses, les chercheurs peuvent déceler des mutations particulières reliées à l'état ou aux caractères génétiques de ces individus. Même dans l'impossibilité de déterminer la mutation directement reliée à un état génétique, les techniques d'analyse de l'ADN peuvent servir à trouver les marqueurs d'une maladie, c'est-à-dire, des séquences caractéristiques d'ADN qui permettent aux scientifiques de déterminer si une mutation présente dans cette zone de l'ADN s'est transmise ou non par hérédité. Ces techniques ont servi de base à l'élaboration de toutes sortes de tests. Parmi les tests génétiques fondés sur l'ADN qui sont en usage actuellement, mentionnons ceux qui permettent de détecter une prédisposition à la sclérose latérale amyotrophique (maladie de Lou Gehrig), à la maladie d'Alzheimer, à l'ataxie-télangiectasie, au cancer héréditaire du sein et de l'ovaire, à la fibrose kystique, à la dystrophie musculaire progressive de type Duchenne, au syndrome de l'X fragile, à la maladie de Huntington, à la dystrophie myotonique, à la drépanocytose, à la thalassémie, à la maladie de Tay-Sachs et à bien d'autres états pathologiques.4

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2.2 Les tests génétiques indirects

Même si l'analyse de l'ADN a donné lieu à certaines des découvertes médicales les plus spectaculaires, d'autres tests peuvent aussi être clairement qualifiés de " génétiques5". La détection de caractéristiques phénotypiques associés à des conditions génétiques comme la division du voile du palais ou le spina-bifida, par exemple, est une forme de test génétique. Il est possible également d'effectuer des tests au niveau des chromosomes et de déceler, par exemple, des anomalies chromosomiques au moyen de l'amniocentèse. Parmi les autres types de tests pouvant être qualifiés de " génétiques ", il faut mentionner l'analyse de l'urine, du sang et des autres liquides organiques dans le but de découvrir des niveaux de métabolite anormaux qui signalent des troubles génétiques tels que la phénylcétonurie (détectée en mesurant le taux de phénylalanine dans le sang) ou le syndrome de Lesch-Nyhan (signalé par des taux d'acide urique élevés). Enfin, il est possible de déceler des troubles génétiques en mesurant les protéines, qui sont les produits des gènes. Les gènes défectueux sont souvent signes de déficiences repérables dans la production de protéines. L'observation de protéines mutantes peut servir à déterminer la présence d'un état pathologique génétique tel que la maladie de Tay-Sachs.

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2.3 Les antécédents familiaux

On sait depuis très longtemps déjà que certaines maladies sont " courantes " dans telle ou telle famille et que les scientifiques étudient les caractères familiaux des maladies. Non seulement les médecins de famille, mais aussi des tiers intéressés tels que les compagnies d'assurance, sont bien au fait de ces réalités et assemblent des renseignements sur les antécédents de maladie des familles de leurs clients. De fait, les gens ont toujours parlé de maladies qui semblent se répéter de génération en génération dans les familles. L'histoire de la génétique du comportement offre un exemple remarquable de la contribution d'un non-spécialiste à la recherche génétique. La première fois qu'un gène particulier a été associé à une tendance à la violence, le lien a pu s'établir grâce à l'aide essentielle des dossiers familiaux détaillés d'une famille hollandaise aux antécédents connus de criminalité et de violence. Ces dossiers avaient été conservés par un membre de la famille. Il est indubitable que les antécédents familiaux en matière de maladie constituent des renseignements génétiques pouvant mener à la détection de " familles à risque ", c'est-à-dire, de familles dont tous les membres sont diagnostiqués comme ayant une forte propension à l'acquisition de certains états pathologiques. Des maladies comme le cancer du sein, la maladie de Huntington, la maladie de Tay Sachs et certains troubles mentaux sont toutes connues pour se reproduire de génération en génération dans une même famille. Si les membres des familles ainsi touchées peuvent tirer avantage d'être mis au courant (par exemple, pour être en mesure de faire des choix de vie, de rechercher des soins préventifs, le cas échéant, et de surveiller attentivement l'évolution de leur santé), ils risquent aussi d'en subir des conséquences négatives (par exemple, le refus d'une police d'assurance, la discrimination en matière d'emploi, la stigmatisation de l'appartenance à une famille à maladie héréditaire et le stress émotif).

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2.4 La différenciation entre les tests génétiques selon leur objectif de santé et leur moment

Les tests génétiques peuvent se différencier selon la raison de leur utilisation dans les soins de santé et selon le moment où ils sont effectués.

  • Le diagnostic prénatal
    Il s'agit de tests génétiques effectués avant la naissance afin de déterminer si le fœtus est touché ou mis en danger par un trouble génétique.


  • Le dépistage chez les nouveau-nés
    Les tests de dépistage chez les nouveau-nés cherchent à déterminer la présence de troubles métaboliques dont le traitement précoce peut être essentiel à l'atténuation de la maladie. Les troubles visés sont divers et nombreux et comprennent la phénylcétonurie, la galactosémie et l'homocystinurie.


  • Les tests présymptomatiques
    Ces tests sont administrés à des personnes en santé afin de découvrir si elles sont porteuses d'une mutation génétique qui accroît leur prédisposition à acquérir un état pathologique donné. Ils ont pour but de déterminer les risques futurs et n'ont généralement pas trait à l'état actuel de santé du sujet. La nature prévisionnelle de ces tests varie en fonction du genre de maladie visé, mais l'appellation de test présymptomatique est associée le plus souvent à des états génétiques plus " déterminants " qui apparaissent relativement tard dans la vie d'une personne. Il s'agit d'états génétiques bien connus pour lesquels un résultat positif au test est signe avant-coureur d'une forte probabilité de maladie à venir. Un des exemples paradigmatiques en est la maladie de Huntington, un trouble déterminé par un seul gène dominant.6


  • Les tests génétiques de diagnostic
    Dans leur sens le plus strict, ces tests ont pour objet de confirmer un diagnostic par une analyse génétique. Le syndrome de Lesch-Nyhan, par exemple, peut être diagnostiqué à l'aide d'un test d'activité enzymatique. L'analyse génétique deviendra probablement une des étapes normales d'un grand nombre de diagnostics. Dans le domaine de la santé mentale, entre autres, les spécialistes s'attendent à ce que la recherche en génétique permette d'en arriver au diagnostic plus juste et au traitement plus efficace de sous-catégories de trouble mental qui, aujourd'hui, ne sont pas clairement discernables en raison de l'absence d'outils cliniques précis.7

    Il faut souligner la possibilité que la recherche en génétique et les tests génétiques de diagnostic aient des incidences sur la typologie d'une maladie. À titre d'exemple, des recherches nouvelles montrent que certaines personnes qui portent le gène de la fibrose kystique ne manifesteront peut-être jamais les expressions les plus graves de la maladie8. Cela veut dire que certains gènes mutants ne sont pas habituellement associés aux troubles pulmonaires communs propres à la fibrose kystique (c'est-à-dire, l'apparition précoce de la bronchiectasie évolutive). Il se peut, toutefois, que les personnes porteuses du gène mutant de la fibrose kystique souffrent de problèmes de santé connexes tels que la pancréatite et des difficultés de procréation, ces dernières se manifestant chez les hommes surtout par l'absence de canal déférent. Les hommes en question n'ont peut-être jamais encore été diagnostiqués comme ayant la fibrose kystique. Avec l'avènement des tests génétiques, il est possible d'établir la cause génétique exacte de leur infertilité. On voit donc que les tests génétiques peuvent avoir des effets profonds sur le diagnostic des problèmes de santé.

    Il y a lieu de faire remarquer que l'appellation de test génétique de diagnostic est également utilisée dans un sens plus général pour désigner toutes les analyses génétiques visant à déterminer l'état génétique de personnes en particulier; ce sens s'oppose à celui des tests de dépistage génétique.9
  • Les tests de dépistage génétique
    Ce sont les tests administrés à une population dans le but de déterminer lesquels de ses membres courent un risque assez élevé de maladie génétique pour motiver l'exécution d'analyses plus pointues. Ces tests doivent donc être suffisamment précis afin de permettre une forme ou une autre de diagnostic décisif, y compris le diagnostic génétique, susceptible de justifier une intervention thérapeutique. Il pourrait s'agir, par exemple, d'un test de dépistage présymptomatique des gènes BRCA1-2, qui pourrait mener à la décision de subir une mastectomie préventive.
  • Les tests administrés aux personnes susceptibles d'être porteuses de tel ou tel gène
    Ce genre de tests est utilisé pour trouver si une personne est porteuse d'une copie d'un gène associé à un trouble génétique récessif. Les tests en question peuvent aider les couples à prendre leurs décisions de procréation, puisqu'ils leur permettent de déterminer le degré de probabilité qu'un de leurs enfants hérite de deux copies d'un gène mutant et se retrouve ainsi en danger d'acquérir le trouble génétique appréhendé.
  • Les tests de susceptibilité
    Il peut s'agir de tests menant à la détection d'une mutation génétique qui accroît la susceptibilité d'un individu à une maladie s'il est exposé à des dangers environnementaux. Certaines analyses permettent, par exemple, de déterminer les personnes porteuses du gène de l'ataxie-télangiectasie, lesquelles sont plus en danger de contracter un cancer si elles sont exposées à des degrés élevés de radiation. Ce genre de tests deviendra probablement objet de controverse dans le contexte de l'emploi10. L'appellation de test de susceptibilité sert également à désigner les tests permettant de détecter les mutations génétiques qui signalent une propension accrue à certaines autres maladies, notamment la maladie d'Alzheimer. La différence entre les tests génétiques présymptomatiques et les tests de susceptibilité tient au niveau plus faible de prévisibilité de ces derniers. Enfin, les tests de susceptibilité peuvent aussi désigner les analyses permettant de découvrir si une personne est susceptible de bien réagir à un traitement médicamenteux ou, au contraire, d'en ressentir des effets secondaires graves. Cette sorte de test de susceptibilité relève d'un nouveau champ de recherche, la pharmaco-génomique, qui ouvre la perspective de traitements médicamenteux mieux adaptés à chaque patient.11
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2.5 L'identification par les empreintes génétiques : Analyse médico-légale de l'ADN et banques militaires d'empreintes génétiques

Les empreintes génétiques révélées par l'ADN sont maintenant utilisées presque universellement pour attribuer à une personne des échantillons de cheveux, de peau, de sang, etc. restés sur le lieu d'un crime ou découverts sur un vêtement, un véhicule ou un instrument dont s'est servi un suspect. La technique qui sert à apparier l'ADN de ces échantillons à l'ADN de victimes ou de suspects identifiés est différente de celle du séquençage des gènes à laquelle les chercheurs ont recours dans le domaine des soins de santé. Il est également improbable que les tissus ou les échantillons trouvés sur la scène d'un crime puissent servir à déterminer des caractères ou des états génétiques. En raison du mode de prélèvement et de la quantité souvent minimale d'ADN utilisable trouvé dans de telles circonstances, ces échantillons ne conviennent à aucune autre fin que l'identification. En conséquence, les questions soulevées par l'utilisation médico-légale des échantillons sont fréquemment liées de façon exclusive au droit criminel et aux preuves d'un délit. Néanmoins, même si les échantillons prélevés sur le lieu d'un crime ne conviennent pas à d'autres usages que la simple identification, les autorités de police ont commencé à créer des banques d'empreintes génétiques sur des individus condamnés, des personnes disparues et des affaires non réglées, ainsi que des bases de données de fréquence recueillies dans la population en général à des fins de comparaison12. Les échantillons qui sont contenus dans ces bases de données et dont le prélèvement s'est effectué dans des circonstances plus sûres pourraient servir à des tests plus poussés. Les forces armées des États-Unis, poursuivant des fins semblables d'identification éventuelle, sont devenues l'un des plus importants agents de collecte d'échantillons d'ADN.

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2.6 Les échantillons existants prélevés à d'autres fins

Bien que les tests génétiques portent souvent sur des échantillons recueillis en vue d'une analyse bien déterminée, il est possible aussi de récupérer des renseignements génétiques à des sources qui ne visaient pas cette même fin. La situation peut se produire selon divers scénarios, dont en voici quelques-uns :

  • Les taches de sang de Guthrie
    Partout au Canada, il y a des générations que l'on recueille des taches de sang de Guthrie sur les nouveau-nés. Obtenues par une toute petite piqûre au pied du bébé à la naissance, ces taches de sang séché sont une source excellente d'ADN ou d'empreintes génétiques. La plupart des gens ne le savent pas, mais dans plusieurs provinces, les cartes où sont consignées ces taches sont conservées indéfiniment et ouvrent ainsi l'accès aux empreintes génétiques d'autres personnes.


  • Les banques d'ADN privées
    Un bon nombre de centres de recherche et de plus en plus de laboratoires privés et de sociétés pharmaceutiques créent leurs propres banques d'ADN. Les échantillons qui s'y trouvent ont parfois été prélevés, à l'origine, à titre anonyme ou ont été rendus anonymes après la collecte. Pourtant, comme nous le verrons plus loin, cela ne signifie pas qu'il serait impossible de relier un échantillon à la personne dont il provient ou à des membres de sa famille. D'autres échantillons sont identifiés et sont rattachés à des dossiers cliniques à des fins de recherche future.


  • Le stockage des empreintes génétiques de membres d'une famille
    Plusieurs laboratoires, hôpitaux et centres de recherche offrent, contre rémunération, des services de stockage de l'ADN de membres décédés d'une même famille. Les empreintes génétiques ainsi conservées peuvent être utiles aux survivants qui pourraient être intéressés, éventuellement, à obtenir une évaluation des risques propres à la famille ou à participer à des recherches en génétique.


  • Les compagnies d'assurance
    Tel que déjà mentionné, les compagnies d'assurance ont une longue tradition de collecte de renseignements sur les antécédents familiaux en matière de maladie. Ces données sont conservées et certaines sont mises à la disposition du Bureau des renseignements médicaux (BIM), un organisme sans but lucratif auquel souscrivent plus de 700 sociétés d'assurance des États-Unis et du Canada. Lorsqu'un client éventuel signe une renonciation à la confidentialité en remplissant une formule de demande d'assurance, il donne généralement à la compagnie le droit explicite de faire part de cette information au BIM. Le Bureau ne conserve pas de dossiers médicaux complets ni de données médicales très détaillées sur les personnes, mais il enregistre les auteurs de demande d'assurance, ainsi que leurs renseignements personnels, en ajoutant un code à trois caractères indiquant les facteurs médicaux susceptibles d'influer sur le degré d'assurabilité. Certains affirment que le BIM enregistre toujours les données, que l'assurance ait été accordée ou non, mais d'autres rejettent cette assertion13. Le BIM ne garde pas de données génétiques, mais les codes recouvrent des grappes de maladies. À titre d'exemple, la drépanocytose, la thalassémie et la carence en fer se retrouveront toutes sous le code " anémie ", et la maladie de Huntington sera classée comme " trouble du système nerveux ". Les compagnies d'assurance ont aussi mis en œuvre des programmes de test de dépistage du VIH/sida. Il semble tout à fait possible qu'elles cherchent éventuellement à obtenir des échantillons de sang et à les conserver à des fins d'évaluation des risques. D'une certaine façon, un petit échantillon de sang serait une source très concentrée de renseignements sur la santé qui pourrait être consultée lorsqu'un assuré présente une demande d'indemnité.


  • L'immigration
    Rien n'indique, pour le moment, que les services d'immigration utilisent ou conservent les résultats de tests génétiques particuliers, mais il est vraisemblable que certaines données génétiques, sous une forme ou une autre, soient incluses dans les dossiers de santé des personnes ayant présenté une demande de statut d'immigrant reçu. Étant donné la nature hautement prévisionnelle de certains tests génétiques et les répercussions possibles de certaines maladies sur les coûts futurs des soins de santé, il apparaît fort plausible que certains préconisent le recours aux tests génétiques et le stockage des empreintes génétiques dans le contexte de l'immigration. Des propositions de ce genre ont déjà été faites relativement aux tests de dépistage du VIH/sida, mais les critiques virulentes qu'elles ont provoquées de la part de groupes divers ont mené à leur rejet, que l'on peut espérer définitif. Dans le cadre de l'immigration, les tests génétiques servent aussi, à l'occasion, à déterminer les liens parentaux.14


  • L'emploi
    Dans le monde de l'emploi, aucun rapport ne signale la collecte ou l'exploitation systématique des renseignements génétiques, mais il semblerait plausible que certains de ces renseignements soient déjà conservés dans les dossiers médicaux ou de santé des employés. Éventuellement, le développement accru de tests génétiques liés à l'emploi pourrait fort bien pousser les organismes de santé au travail et les employeurs à stocker des renseignements génétiques sur les employés.
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2.7 La différenciation des renseignements génétiques selon leur mode de stockage

Il est possible également d'établir des distinctions entre les renseignements génétiques en fonction de leur mode de stockage et d'expression. Tel que déjà mentionné, les données génétiques peuvent se trouver dans un échantillon de sang qui doit faire l'objet d'une analyse avant de révéler ses secrets. Dans la sphère médico-légale, des empreintes génétiques peuvent être retracées à partir d'objets, de tissus ou de cheveux recueillis sur la scène d'un crime et conservés par les autorités de police. Des renseignements génétiques tels que les séquences génétiques peuvent se consigner sur papier ou sur ordinateur. On peut les conserver sous forme de copie imprimée d'un brin d'ADN ou sous forme écrite en transcrivant les séquences contenant les quatre lettres qui représentent les composés chimiques constituant l'ADN. Une étude sur les liens génétiques entre les membres d'une famille peut se présenter sur un diagramme. Et enfin, les résultats des tests génétiques peuvent être consignés par écrit dans les dossiers médicaux.

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2.8 Quelle définition faut-il adopter?

Nous ne pouvons pas nous étendre ici sur la pertinence de ces distinctions au regard des différents débats sur les questions éthiques, juridiques et sociales découlant des tests génétiques. En revanche, comme l'ont soutenu en plus de détail d'autres auteurs, la réglementation qui partirait d'une définition étroite de renseignement génétique - qui se limiterait à l'information tirée de l'analyse des empreintes génétiques - pourrait manquer de cohérence et se révéler impossible à mettre à exécution en raison de la difficulté de déterminer ce que recouvrerait une telle réglementation15. Les lois sur la protection de la vie privée, les mesures législatives à l'encontre de la discrimination génétique et les autres interventions réglementaires ayant trait aux tests génétiques devront faire l'objet d'une élaboration minutieuse afin que l'efficacité de ces initiatives ne soit pas entravée par l'étroitesse de leur portée. Si, par exemple, la réglementation des tests génétiques est jugée souhaitable, il semblerait étrange de réglementer seulement les analyses d'ADN sans s'occuper des tests protéiniques. Dans le même ordre d'idées, si l'on estime justifié d'imposer des limites à l'utilisation des tests génétique par les compagnies d'assurance, ces limites ne devraient pas viser uniquement les tests présymptomatiques et laisser de côté les tests de susceptibilité et les enjeux venus de l'avènement de la pharmacogénomique.

Plusieurs pays étrangers ont déjà tenté d'agir en la matière. La Belgique a promulgué une nouvelle loi sur l'assurance, en 1992, dans laquelle elle interdit le recours aux " données génétiques " par les assureurs16. La loi précise qu'un examen médical, dans le contexte de l'assurance, ne peut se baser que sur les antécédents médicaux et non pas sur " des techniques de recherche génétique visant à déterminer l'état de santé futur d'une personne17". En Autriche, une loi fédérale de 1994 prescrit également l'interdiction totale du recours aux tests génétiques par les assureurs et par les employeurs18. Rien dans ces lois ne précise comment et pourquoi les renseignements génétiques autres que les résultats de tests, lesquels sont souvent révélés au moment de dresser le dossier d'antécédents médicaux, seront désormais exclus de toute considération par les compagnies d'assurance. Le Conseil de l'Europe interdit de façon très générale " toute discrimination à l'endroit d'une personne en raison de son héritage génétique "; certains prétendent qu'une interdiction aussi globale pourrait bien être impossible à faire respecter19. La Norvège a édicté une loi un peu plus précise sur la biotechnologie. La loi prescrit l'interdiction générale du recours aux données génétiques tirées des tests génétiques, mais elle prévoit une exception pour les renseignements de diagnostic contenus dans ces tests20. Toutefois, comme nous l'avons vu dans l'analyse des définitions, plus haut, même cette précision ne peut vraiment pas être qualifiée de satisfaisante. Il n'est pas facile de séparer les " renseignements de diagnostic " des autres genres de données génétiques, et rien ne permet de voir non plus comment une telle distinction pourrait se justifier dans tous les cas lorsqu'il s'agit d'une demande d'assurance. George Annas, Leonard Glantz et Patricia Roche tentent de définir plus précisément les renseignements génétiques dans leur ouvrage souvent cité et intitulé Draft Genetic Privacy Act, mais, par le fait même, ils limitent la portée de leur analyse au point que toute loi fondée sur un tel modèle se révélerait inefficace et injuste21. Le texte de Draft Privacy Act donne une définition étroite des renseignements génétiques, les restreignant à l'information tirée de l'analyse des empreintes génétiques. Les auteurs justifient l'exclusion des tests protéiniques et de l'information génétique dérivée des antécédents familiaux en invoquant la nécessité de resserrer l'objet de cette " ébauche de loi22". Fait digne de remarque, dans un article sur l'élaboration de cette loi, les auteurs soutiennent que l'inclusion d'autres formes d'information génétique aurait nui à la distinction entre les données génétiques et les autres données sur la santé23. Voilà qui fait apparaître la prochaine question que nous voulons aborder. Si l'on oublie pour un instant la difficulté de définir les renseignements génétiques et que l'on accepte que la ligne de démarcation est souvent floue entre les données " ordinaires " et les données génétiques, reste-t-il quelque enjeu distinct que ce soit en rapport avec l'utilisation grandissante de l'information génétique?

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3. Caractéristiques des renseignements génétiques : La revendication de la nature exceptionnelle de la génétique

Notre analyse des différents genres d'information génétique montre déjà clairement que nous ne sommes pas nécessairement en présence de quelque chose d'entièrement nouveau. La génétique se pratique depuis un bon bout de temps sous une forme ou une autre. Pourtant, cela ne suffit pas totalement à répondre aux arguments invoqués pour défendre le caractère exclusif des renseignements génétiques. De fait, il se pourrait fort bien que cette exclusivité des renseignements génétiques ait été moins source de problèmes autrefois parce que l'utilisation de ces données était moins répandue. Autrement dit, il reste possible que la génétique soit vraiment à part et que sa réglementation mérite une démarche distincte. Il nous faut donc nous pencher sur les arguments à l'appui de la " nature exceptionnelle " de la génétique, que Lawrence O. Gostin et James G. Hodge définissent comme (traduction) " la pratique sociétale de traiter les données génétiques comme différentes des autres types de données sur la santé au moment d'évaluer les mesures de protection de la vie privée et de sécurité24". Nous verrons d'abord pourquoi les renseignements génétiques partagent la très grande partie, sinon la totalité, des caractéristiques propres aux autres genres d'information sur la santé, puis nous concentrerons notre propos sur les aspects de la génétique qui en ont amené plusieurs à se préoccuper de son utilisation plus fréquente que, disons, il y a une trentaine d'années. Comme nous l'avons déjà indiqué, nous ferons valoir le point de vue selon lequel la crainte d'abus n'est pas tant liée aux caractéristiques intrinsèquement nouvelles de la génétique qu'au lien entre certaines de ses caractéristiques partagées et l'avènement de la nouvelle technologie informatique.

Dans un chapitre fascinant de son ouvrage, où il parle également du Draft Genetic Privacy Act, le philosophe Thomas Murray analyse quatre arguments invoqués à l'appui de la " nature exceptionnelle de la génétique " : 1. la prédiction génétique, 2. les craintes pour les membres de la famille, 3. les craintes de discrimination et 4. la généralisabilité des données aux familles, aux collectivités et aux groupes démographiques raciaux et ethniquesrentes des autres types de données sur la santé au moment d'évaluer les mesures de protection de la vie privée et de sécurité25. En analysant cet article dans le McGill Law Journal, un collègue a ajouté un cinquième argument concernant le manque de contrôle de l'être humain sur son propre génomerentes des autres types de données sur la santé au moment d'évaluer les mesures de protection de la vie privée et de sécurité26.

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3.1 Genetic Prophecy

Les préoccupations relatives à la " prédiction génétique " ont trait au caractère prévisionnel de la génétique. La plupart des tests génétiques révèlent un facteur de risque sans dire nécessairement quoi que ce soit sur l'état de santé réel du sujet. Les tests donnent un instantané de ce qui pourrait arriver et, dans certains cas, de ce qui arrivera probablement à la santé du sujet. Les renseignements génétiques seraient considérablement différents des autres éléments d'information sur la santé qui émanent des examens médicaux " ordinaires ", parce cette deuxième sorte d'information porte seulement sur l'état actuel de santé. Pour diverses raisons, des tiers tels que les assureurs, les employeurs, les autorités de l'immigration et peut-être même les autorités judiciaires ont le désir inné d'en savoir plus long sur l'état de santé, le comportement ou le rendement futur des employés, des immigrants ou des détenus, et ils pourraient vouloir utiliser la technologie génétique à des fins susceptibles de nuire à ces personnes.

Pourtant, comme le font remarquer Murray et d'autres auteurs, il est possible, et nombreux sont ceux qui l'ont fait, d'obtenir des renseignements sur la santé future de tel ou tel individu en s'adressant à d'autres sources : les antécédents familiaux de maladie et différents tests médicaux pour détecter l'hypertension, un taux de cholestérol élevé ou une carence en fer servent depuis plusieurs dizaines d'années à ces fins27. Les habitudes alimentaires, le mode de vie et parfois même l'apparence physique donnent aux autres certains indices de notre santé future. Il y a maintenant pas mal de temps que s'administrent les tests de dépistage du VIH/sida et de l'hépatite. Par ailleurs, grâce aux nouveaux traitements découverts, un diagnostic de VIH/sida n'est plus une sentence de mort imminente, car les patients survivent plus longtemps. Ils se retrouvent dans une situation assez semblable, dans une certaine mesure, à celle des personnes chez qui on a décelé la fibrose kystique. Il se peut qu'ils souffrent beaucoup de leur état et qu'ils soient gravement limités dans leurs activités quotidiennes, mais, souvent, ils sont capables de contrôler la progression de la maladie.

En outre, certaines personnes semblent immunisées contre l'infection par VIH, et d'autres qui sont infectées ne se rendent jamais jusqu'au sida avéré ou y viennent beaucoup plus tard. Il est probable que la diversité d'expression de la maladie soit attribuable à des mutations génétiques28. Cette probabilité nous amène à un point déjà mentionné dans notre analyse des diverses formes d'information génétique : la recherche en génétique nous démontre de plus en plus que les effets réels des facteurs génétiques sur la maladie sont d'une grande complexité. À titre d'exemple, des études indiquent maintenant que certaines personnes chez qui les tests diagnostiquent la maladie de Huntington ne contractent jamais la maladie comme telle29. Quant à la fibrose kystique, elle s'avère beaucoup plus complexe qu'on ne le croyait au départ et elle fait intervenir non seulement une mutation commune, qui est responsable d'environ 70 p. 100 de la maladie, mais aussi un nombre effarant de 850 autres mutations30. Bien des différences dans l'expression phénotypique de la maladie sont liées à ces diverses mutations. Les facteurs d'environnement et les facteurs secondaires (les interactions avec d'autres gènes) sont maintenant considérés comme ayant des effets sur la fibrose kystique. Tout cela influe sur le pouvoir de prédiction des tests génétiques de dépistage de cette maladie. D'une certaine manière, ces tests présymptomatiques de la fibrose kystique ne sont pas fondamentalement différents des tests de susceptibilité. Pour d'autres maladies, il est même plus évident que les facteurs d'environnement et les interactions entre gènes ont un rôle de premier plan à jouer dans leur apparition et leur progression.

Il est donc juste de dire que les facteurs de risque associés à des mutations génétiques particulières varient considérablement, tout comme le pouvoir de prédiction des tests génétiques en usage actuellement. La gravité des maladies liées à une ou plusieurs mutations génétiques varie également beaucoup. Les maladies graves d'autrefois déterminées par un seul gène sont rares en comparaison de toute la vaste gamme des états pathologiques aujourd'hui bien définis et dont on sait qu'ils sont liés à des gènes précis. Il faut ajouter qu'une maladie grave comme la fibrose kystique, qui était impossible à traiter, peut maintenant être soulagée plus efficacement. L'exemple de la fibrose kystique met aussi en évidence l'extrême diversité d'expression des troubles génétiques, un attribut qui rend encore plus incertaines les prédictions concernant l'état de santé futur des gens. Les troubles génétiques, même les plus déterminants, sont souvent caractérisés par une " pénétrance incomplète ou réduite ", c'est-à-dire que le moment de l'apparition des premiers signes de la maladie varie31. D'autres maladies peuvent être évitées ou atténuées au moyen de changements apportés au régime alimentaire ou aux habitudes de vie. Autrement dit, il semble difficile de défendre la nature exceptionnelle de la génétique en se fondant sur un caractère prévisionnel commun qui appartiendrait aux renseignements tirés des tests génétiques. Pour ce qui est de prévoir l'état de santé futur d'une personne, les tests génétiques sont marqués d'une trop grande variabilité pour appuyer une telle revendication.

Il importe aussi de ne pas oublier que des recherches ultérieures viennent souvent corriger des déclarations exagérées au sujet du caractère prédictif de tel ou tel test génétique. Nous avons mentionné le cas de la maladie de Huntington et de la fibrose kystique, mais il faut ajouter, tel qu'indiqué plus haut, que les tests BRCA1 et BRCA2 pour le cancer du sein sont aussi de bons exemples où la recherche a jeté des doutes quant à la force de prédiction des tests génétiques.32

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3.2 Le manque de contrôle de l'être humain sur son propre génome

Le fait que personne n'a de contrôle sur son propre génome est parfois posé en argument pour différencier les renseignements génétiques des autres genres d'information sur la santé. Dans les discussions concernant la nécessité de protéger les individus contre l'utilisation de leurs données génétiques par des tiers, certains intervenants font valoir qu'il serait injuste de se fonder sur la présence de certains gènes pour agir au détriment de ceux qui en sont porteurs, puisque la génétique échappe au contrôle de l'individu33. Il est un fait que les gens ne choisissent pas leur propre composition génétique; ils naissent avec. Ou encore, comme l'expriment Gostin et Hodge (traduction) " ils sont résignés à vivre avec leurs gènes34". Plusieurs points méritent d'être soulevés au sujet de cet argument afin de montrer qu'il ne peut pas être invoqué pour établir une distinction entre les renseignements génétiques et les autres données sur la santé. D'abord, si les prédictions du film GATTACA se concrétisent un jour, les individus auront effectivement de plus en plus la possibilité de choisir des gènes, peut-être pas les leurs, mais certainement ceux de leurs descendants, grâce au dépistage des porteurs de gènes indésirables et aux tests de diagnostic prénatal. Le rituel " prénuptial " présenté dans GATTACA, qui consiste à faire effectuer des tests de dépistage génétique sur la salive de partenaires, est évidemment une caricature de ce qui se passe aujourd'hui, mais il faut admettre qu'il se pratique déjà un certain degré de sélection de caractères génétiques. Divers moyens sont mis à profit pour donner certains caractères à sa descendance et pour lui en éviter certains autres. Les résultats des tests génétiques servent à informer les couples quant au risque qu'ils courent de donner naissance à des enfants ayant des troubles génétiques. En sélectionnant un donneur de sperme en vue d'une insémination artificielle, les couples choisissent, si l'on peut dire, la moitié des gènes de l'enfant à venir. Si le critère du contrôle est celui qui est pertinent du point de vue moral pour attribuer un blâme, il pourrait arriver de plus en plus que les parents soient tenus responsables de la composition génétique de leurs enfants, puisqu'ils en auront choisi au moins une partie.

En deuxième lieu, comme le soulignent Gostin et Hodge, (traduction) " les défauts génétiques, à l'instar des maladies environnementales, peuvent de plus en plus être modifiés ou corrigés au moyen d'interventions cliniques35". Les progrès réalisés en thérapie génique permettront d'exercer un certain contrôle sur les caractères génétiques, même chez les personnes qui " sont résignées à vivre avec ". De plus, comme nous l'avons fait remarquer dans l'introduction au présent document, les tests génétiques ne signalent souvent qu'une susceptibilité accrue, et il est possible que les personnes chez qui les tests décèlent de telles prédispositions soient en mesure de retarder ou d'éviter l'apparition de la maladie en modifiant leur régime de vie ou en prenant d'autres mesures de prévention.

Troisièmement, la notion selon laquelle la génétique est différente et mérite une protection spéciale parce que " nous n'y pouvons rien " pourrait bien contribuer, dans une certaine mesure, aux allégations du déterminisme génétique, cette croyance voulant que tout chez l'humain, y compris son comportement, soit déterminé, en fin de compte, par la structure génétique36. Si l'on en venait à dire que la génétique doit être protégée parce qu'elle échappe à notre contrôle, un tel propos renforcerait la perception selon laquelle les gènes déterminent effectivement et pleinement qui nous sommes et le genre de vie que nous pouvons espérer. D'une certaine façon, les initiatives de réglementation dans ce domaine, même bien intentionnées, pourraient fausser la conception que le public se fait de la génétique si elles sont justifiées par l'absence de contrôle.

Qui plus est, un débat vigoureux se poursuit quant à la pertinence du recours à la notion de " contrôle " pour attribuer un blâme. " Avoir le contrôle de sa propre santé ", qu'est-ce que cela veut dire? Dans une telle optique, quiconque a ce contrôle et " choisit " quand même d'être malade, en adoptant un régime de vie malsain ou un comportement imprudent, pourrait se voir limiter l'accès à la protection et aux soins de santé37. Mais en quoi le choix consiste-t-il? Comment pouvons-nous déterminer ce qui constitue l'apport moralement pertinent d'un individu à sa propre maladie ou infirmité? Personne ne voudrait certainement défendre l'idée, par exemple, qu'une femme battue est plus responsable des dangers qui menacent sa santé que ne l'est une personne prédisposée au cancer et qui refuse de suivre un régime alimentaire propre à atténuer ce risque38. Comme l'un de nous deux l'a soutenu ailleurs, (traduction) " tenir les gens pour responsables des dangers accrus qui menacent leur santé en raison de leur mode de vie, sans tenir compte de leur contexte social culturel et environnemental, cela revient, dans bien des cas, à renforcer la discrimination à l'endroit de populations déjà vulnérables devant les effets négatifs de la discrimination39". De plus, la recherche en génétique des comportements laisse entrevoir la possibilité que les facteurs génétiques contribuent à certains des " choix de style de vie " tels que l'alcoolisme, le tabagisme et même le goût des sports dangereux40. Se baser sur une forme ou une autre de déterminisme génétique pour établir une distinction entre les maladies " causées " et les maladies " auto-infligées " crée donc effectivement une contradiction. Si le déterminisme génétique tient, ces comportements dangereux volontaires échappent aussi à notre contrôle.

Enfin, il ne faudrait pas voir dans la présente analyse le moindre appui à la pertinence morale de cette distinction. De fait, il est fort probable qu'une société juste doive faire abstraction du fait qu'une personne est partiellement responsable de sa maladie, et soit tenue d'étendre sa protection à tous ses membres qui souffrent de maladie et de pauvreté, quelle que soit la cause de leur état.

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3.3 La famille et la collectivité ethnique

Les arguments concernant la pertinence familiale et la pertinence ethnique de la génétique sont plus intéressants et plus complexes à analyser. Le " souci de la parenté " (ce que Murray appelle the concern for kin) a trait à la façon dont la génétique nous lie à nos familles. Les tests génétiques d'un individu révèlent nécessairement des renseignements sur les autres membres de sa famille. Les enfants de parents chez qui les tests décèlent la maladie de Huntington, un trouble héréditaire de mode dominant, ont une chance sur deux d'hériter du gène mutant et donc de contracter la maladie. Manifestement, les résultats positifs des tests administrés au père ou à la mère renseignent aussi sur l'état de risque de l'enfant. Les enfants de parents tous deux porteurs du gène de la thalassémie ont une chance sur quatre d'hériter de deux copies du gène mutant (une pour chacun des deux parents). Si une femme est diagnostiquée comme ayant un cancer du sein et que des tests génétiques révèlent chez elle une maladie causant la mutation du gène BRCA1 ou BRCA2, ses parents au premier degré (enfants, sœurs et frères) ont une chance sur deux de porter la même mutation et donc d'avoir une prédisposition accrue au cancer41. Lorsqu'il s'agit, en particulier, d'états pathologiques pouvant éventuellement faire l'objet de mesures de prévention et de traitement, il peut être très important que les membres de la famille soient informés des résultats des tests génétiques subis par l'un d'entre eux et connaissent ainsi le risque qu'ils courent eux-mêmes. Certaines recherches en génétique, par exemple, l'étude des liaisons entre gènes, sont impossibles sans la participation des membres de la famille des sujets. Ces facteurs donnent lieu à des questions relatives au devoir des médecins et des patients d'informer, c'est-à-dire, de révéler aux membres de la famille les données de risque génétique; au droit des membres de la famille à ne pas connaître ces renseignements; et au devoir des membres de la famille de collaborer à la recherche42. La génétique fait naître aussi d'autres enjeux sur le plan familial. Ainsi, les techniques d'analyse de l'ADN permettent de déterminer exactement les liens de filiation et peuvent ainsi prendre une grande importance dans les actions en recherche de paternité. Les tribunaux y ont recours, par exemple, dans les causes de pension alimentaire pour enfants et dans certains litiges en matière d'immigration43. L'utilisation généralisée des tests permettant de déterminer la non-filiation affaiblissent évidemment la valeur juridique de la " présomption de paternité " comme facteur de stabilité sociale dans les relations entre conjoints - pour autant que cette valeur existe toujours. L'analyse de l'ADN change donc les modes de traitement des questions de filiation. Les secrets de famille peuvent maintenant s'étaler au grand jour sans le consentement de la mère44. Les analyses génétiques peuvent aussi permettre à de nombreux orphelins et aux enfants nés d'une insémination artificielle de retracer leurs parents biologiques, même en l'absence de documents prouvant l'adoption ou le don de sperme. Elles pourraient aussi faire la lumière sur certains mythes transmis de génération en génération concernant la filiation. C'est ainsi que l'on a recours aux analyses d'empreintes génétiques pour évaluer les revendications de l'héritage de divers personnages historiques, notamment celui de Thomas Jefferson, l'un des premiers présidents des États-Unis45. Tout cela donne lieu à des questions intéressantes quant à la mesure dans laquelle il convient de respecter le souhait des gens de garder secrètes leurs données biologiques même après la mort.

La non-paternité se découvre le plus souvent par accident au cours d'analyses cliniques ou génétiques de routine. Lorsque l'on cherche des gènes bien précis, l'étude des liens familiaux vise fréquemment à déterminer comment les marqueurs propres à certaines maladies génétiques se transmettent d'une génération à l'autre. La non-paternité pourra aussi se constater à l'occasion de tests génétiques de routine lorsque des chercheurs ou des cliniciens analysent simultanément des échantillons prélevés sur plusieurs membres d'une même famille. Dans ce cas, le chercheur ou le clinicien se retrouve devant un dilemme où il doit trancher entre son devoir de confidentialité à l'égard du père ou de la mère et son devoir de divulgation à l'égard des enfants. En pratique, il semble que les cliniciens et les chercheurs ne préviennent pas toujours les membres de la famille quant au risque d'un dévoilement de non-paternité et ne mentionnent pas l'option de non-divulgation. Lorsque la non-paternité est prouvée, il peut arriver que le chercheur ne révèle pas cette information, créant ainsi une situation bizarre dans laquelle un médecin ou un scientifique refuserait de donner les résultats exacts de tests, par exemple, en ne donnant pas aux sujets la raison véritable pour laquelle ils ne courent aucun risque de contracter une maladie qui est courante dans la famille.

Malgré tous ces enjeux familiaux bien réels entourant la génétique, nous serions tentés d'affirmer avec Murray qu'en elle-même, la pertinence familiale des données génétiques ne confère pas à ces renseignements un caractère exceptionnel. Comme nous le faisions remarquer plus haut, les tests génétiques créent certains enjeux intéressants en ce qui a trait aux diverses façons dont les résultats des analyses peuvent toucher les familles et dont les familles peuvent s'accommoder de cette information, mais la pertinence familiale comme telle n'est pas un caractère distinctif. La différence, selon nous, ne tient tant à la nature familiale des renseignements qu'au degré de détail de l'information et aux effets concrets que les dimensions familiales de la génétique pourraient avoir sur certains domaines du droit.

Les renseignements génétiques ne sont pas les seuls à informer sur des personnes autres que celle qui a demandé de subir un test. Il en est de même d'autres formes d'information sur la santé. Nos dossiers médicaux, par exemple, contiennent souvent des renseignements sur les membres de nos familles, puisque les médecins nous posent tout naturellement des questions sur nos antécédents familiaux. Il pourra s'agir parfois de données génétiques indiquant des prédispositions héréditaires à telle ou telle maladie, mais aussi de données non génétiques sur des sujets tels que le style de vie, la santé mentale ou la santé en matière de sexualité.

En réalité, bien d'autres genres d'information sont aptes à affecter les familles. Le contexte matériel et social dans lequel vivent les familles nous en apprend beaucoup sur tous leurs membres. Lorsqu'une personne se retrouve avec un cancer en raison d'une exposition à des toxines dans le foyer familial, les autres membres de la famille savent qu'ils courent un risque accru de contracter la même maladie. Un cas de tuberculose dans une famille nous renseigne sur le risque qui menace les autres membres. La présence de l'alcoolisme chez une personne peut indiquer des dangers pour la santé et le bien-être des membres de sa famille. L'obsession des jeux de hasard chez un membre de la famille nuit à la sécurité financière de tous. Et, comme l'affirme Murray, si le " soutien de famille " est affligé d'une maladie grave, il ne fait aucun doute que le reste de la famille a intérêt à le savoir. Un exemple qui revient souvent, lorsqu'il est question du devoir de révéler les risques génétiques, est celui de la divulgation, aux partenaires sexuels, des maladies sexuellement transmissibles.

Même la non-divulgation des " vrais " résultats de tests génétiques n'est pas réellement nouvelle. Les médecins, les psychiatres et d'autres confidents professionnels sont depuis toujours les dépositaires de secrets de famille. Dans certains cas, ces secrets ont peut-être de l'importance pour que les membres de la famille puissent faire des choix de santé convenables, mais les professionnels, de par la tradition, restent fidèles à leur obligation de confidentialité.

Une autre caractéristique des renseignements génétiques est leur aptitude à toucher des groupes ethniques, raciaux ou locaux et à nous renseigner à leur sujet en tant que collectivité. L'information génétique est, jusqu'à un certain point, mise en commun entre grandes collectivités. L'exemple le plus courant de la pertinence des données génétiques pour la collectivité est celui de la prévalence de maladies singulières dans certains groupes ethniques ou dans certaines localités. La maladie de Tay Sachs, par exemple, est répandue chez les juifs ashkénazes et chez certains groupes de Canadiens francophones46. Les femmes ashkénazes qui ont des antécédents familiaux de cancer du sein sont plus susceptibles d'avoir un cancer que les femmes des autres groupes ethniques47. Le trait drépanocytaire, qui est aussi relié à une résistance accrue à la malaria, est très fréquent chez les Africains et les Afro-Américains. Entre 8 et 10 p. 100 des Afro-Américains sont porteurs de ce trait et un sur 400 à 600 d'entre eux est atteint de drépanocytose48. La fibrose kystique est plus commune chez les gens de race blanche que dans le reste de la population49. Lorsque des recherches débouchent sur la mise au point de tests génétiques permettant de dépister des maladies qui touchent une collectivité ethnique particulière, les membres de ce groupe peuvent s'en trouver stigmatisés. L'acquisition de connaissances plus justes et plus étendues au sujet de la maladie génétique en question et la publicité qui entoure souvent les nouvelles découvertes médicales risquent d'attirer l'attention et de mener à un renforcement de la discrimination alors que, fréquemment, ces collectivités sont déjà dépréciées et objet de discrimination. Dans un tel cas, les tests génétiques pourraient devenir un outil nouveau et perfectionné de mépris et de rejet. Aux États-Unis, les programmes de dépistage de la drépanocytose et les interprétations scientifiques erronées du risque d'en être porteur ont mené à de la discrimination contre les Afro-Américains50. Les recherches en génétique du comportement qui établissent des liens entre, d'une part, l'intelligence, la criminalité, les troubles d'hyperactivité avec déficit de l'attention et d'autres traits de comportement et, d'autre part, des gènes particuliers qui sont peut-être plus présents dans certaines collectivités ethniques que dans d'autres, créent des risques encore plus grands de stigmatisation et de discrimination. Par ailleurs, il est intéressant aussi de signaler que certaines de ces collectivités ont participé intensément à des recherches en génétique dont les résultats ont souvent profité à toute la population. Il semble injuste que les personnes qui contribuent ainsi au progrès scientifique deviennent ensuite des victimes en raison même de leur participation.

Les nouvelles techniques d'analyse de l'ADN contribuent aussi à l'avancement de recherches qui ont de la pertinence pour certains groupes ethniques ou démographiques, et il est possible que ces recherches fassent sentir leurs effets sur l'identité de ces collectivités. À titre d'exemple, l'étude des empreintes génétiques des membres de la tribu sud-africaine des Lemba a confirmé leur revendication, fondée sur la tradition orale et sur leur observance des règles du judaïsme, selon laquelle ils seraient des descendants directs de juifs emmenés loin de la Judée par leur chef Buba. Les chercheurs ont découvert qu'un grand nombre d'hommes de la tribu étaient porteurs d'une séquence d'ADN propre aux Cohanim, des prêtres juifs présumés descendre d'Aaron. Cette séquence d'ADN est présente surtout chez les hommes Lemba qui, de par la tradition de la tribu, appartiennent aussi à une caste de nature quasi sacerdotale51. L'étude des empreintes génétiques sert de plus en plus à déterminer l'histoire des migrations des peuples. Ces recherches sont d'une grande valeur archéologique et historique. Certains soulignent qu'elles pourraient aussi devenir un outil social, puisqu'elles montrent tout ce qu'on en commun des groupes ethniques différents. Elles pourraient également, toutefois, soulever des questions délicates au sujet de nos ancêtres et de nos cultures. Imaginons, par exemple, que la recherche sur l'ADN serve à contredire les revendications territoriales formulées par les groupes autochtones à titre de premiers occupants, ou que l'analyse des empreintes génétiques soit utilisée pour déterminer l'appartenance d'un individu à un groupe autochtone. Aux États-Unis, les indemnisations offertes par le gouvernement fédéral à la nation des Séminoles ont semé la tension parmi les membres de cette collectivité. En effet, les descendants d'esclaves évadés qui se considèrent depuis des générations comme appartenant à cette nation, et qui semblent y avoir été acceptés, n'ont pas droit à l'indemnisation et sont ainsi exclus du groupe pour des raisons de généalogie52. Des débats semblables se déroulent ailleurs, Canada compris, et il n'apparaît pas impossible que certains intervenants fassent appel à la génétique pour trancher.

Les effets des tests génétiques sur les collectivités soulèvent des questions capitales concernant l'obtention du consentement éclairé, le respect des valeurs et des pratiques communautaires, la nécessité de faire participer la collectivité à la conception, à l'exécution et à l'analyse de la recherche, et ainsi de suite53. La génétique a certainement fait naître des dilemmes singuliers pour les collectivités et aussi pour les chercheurs qui étudient ces collectivités. Mais encore là, ces préoccupations ne sont pas exclusives à la génétique. Les statistiques montrent déjà des différences entre collectivités locales concernant entre autres la fréquence des cancers54, les taux moins élevés de cholestérol chez certains groupes ethniques, et la prévalence du VIH/sida chez les homosexuels, les utilisateurs de drogues intraveineuses et certaines collectivités ethniques particulières. Même les codes postaux servent à indiquer un taux supérieur de susceptibilité au VIH/sida ou des conditions de logement ou d'existence qui peuvent influer sur l'espérance de vie. Les taux élevés de pauvreté se retrouvent plus souvent chez certaines collectivités ethniques, par exemple, les Autochtones du Canada et les Afro-Américains des grandes villes des États-Unis, et la pauvreté est l'indicateur le plus direct d'une faible espérance de vie et d'une mauvaise santé. C'est ainsi, par exemple, que l'étude de l'alcoolisme et du mode de vie dans une collectivité peut affecter et stigmatiser la collectivité en question.

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4. Comment la génétique met en lumière des problèmes existants

Jusqu'ici dans notre propos, nous soutenons que les renseignements génétiques possèdent diverses caractéristiques communes aux autres genres d'information sur la santé et que la génétique ne soulève pas de questions éthiques et juridiques intrinsèquement nouvelles. Ces affirmations ne nient pas, cependant, le besoin d'examiner minutieusement les régimes de réglementation en vigueur et d'élaborer des mesures nouvelles en cette matière. Trois raisons justifient l'analyse soignée, le débat public et l'intervention réglementaire là où elle s'impose. Premièrement, même si les données génétiques ont beaucoup de caractères en commun avec les autres renseignements sur la santé, cela ne veut pas dire pour autant que nous ayons trouvé des réponses satisfaisantes sur les plans éthique, juridique et réglementaire aux questions découlant de ces caractères. Le recours systématique à la génétique mérite d'être surveillé de près parce qu'il pourrait exacerber des problèmes existants. Selon Murray, le nombre croissant de tests génétiques risque (traduction) " d'élargir la gamme des facteurs pouvant servir de base à la discrimination contre une personne et de grossir d'autant le nombre de personnes susceptibles d'être objet de discrimination55 ". Il faut noter aussi que des problèmes éthiques et sociaux importants pourraient naître du fait que ces " problèmes exacerbés " se matérialisent aujourd'hui dans un contexte de soins de santé qui se commercialise de plus en plus. Deuxièmement, la génétique porte ces enjeux à un autre niveau. Comme nous le faisions remarquer dans la section sur les conséquences familiales des renseignements génétiques, cette science apporte une dimension nouvelle à certaines de nos préoccupations et il est possible, donc, qu'elle nécessite une nouvelle démarche de réglementation. Dans notre analyse, nous avons donné des exemples de la façon dont la génétique replace ces enjeux à un niveau différent : les tests génétiques donnent des renseignements plus détaillés que ceux de la plupart des autres tests sur les risques de santé à appréhender; la génétique aggrave les dilemmes au sujet du devoir d'informer les tiers concernés, tels les membres de la famille, de dangers particuliers pour la santé; et la génétique a effectivement des répercussions sur la vie des collectivités. En troisième lieu, les facteurs ci-après, qui ne sont pas nécessairement des " caractéristiques exclusives " de la génétique, se combinent pour rendre obligatoire un examen de la pertinence des démarches actuelles en matière de réglementation : 1) l'énorme quantité de renseignements à tirer d'un seul échantillon qui peut se conserver indéfiniment, 2) la vitesse d'exécution des analyses et 3) le lien entre la génétique et la technologie informatique. Ce dernier facteur est évidemment lié aux deux autres et il contribue à faciliter l'obtention des renseignements génétiques.

Dans le reste du présent document, nous analysons plus à fond certains de ces éléments. D'abord, nous examinerons plus en détail la façon dont la génétique peut jeter un nouvel éclairage sur un enjeu existant, en l'occurrence, le devoir d'informer les autres au sujet des risques pour leur santé. Ensuite, nous nous pencherons sur la nature de l'échantillon génétique, surtout en fonction des enjeux singuliers créés par la somme de renseignements qu'il contient et par son potentiel de longévité. Pour finir, nous analyserons les répercussions de la technologie informatique sur ce débat.

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4.1 La famille et la divulgation des renseignements concernant les risques

Comme nous l'avons déjà fait remarquer, le fait que les données génétiques propres à un individu révèlent aussi de l'information sur les membres de sa famille biologique, et font naître ainsi des préoccupations quant à la divulgation de cette information aux personnes concernées, ne donne aucunement un caractère exceptionnel aux renseignements génétiques. D'autres renseignements sur la santé peuvent aussi être importants pour les membres de la famille. Néanmoins, les caractéristiques des données génétiques et le poids de leur importance pour des tiers remettent en question les motifs traditionnellement invoqués pour révéler ou cacher à ses proches les renseignements sur la santé, et laissent entrevoir la nécessité éventuelle de lignes directrices touchant exclusivement la divulgation de l'information génétique.

La controverse est forte et persiste sur la question de savoir si un médecin a le privilège (ou, plus rigoureusement, le devoir) de forfaire à son devoir de confidentialité afin de prévenir les membres de la famille d'un patient des risques qu'ils courent d'être porteurs d'une maladie génétique56. La divulgation de renseignements confidentiels, en l'occurrence, des renseignements sur la santé d'un patient, contre le gré de cette personne, ne se justifie habituellement que s'il y a menace de danger grave et imminent pour d'autres personnes en particulier ou pour la santé publique en général57. Un exemple de cette justification traditionnelle pourrait être la présence d'une maladie infectieuse chez un patient. Lorsqu'un individu contracte une maladie de ce genre, cela concerne évidemment les membres de sa famille (et les personnes qui sont en contact étroit avec lui), parce qu'en le sachant, tous ces gens seront conscients d'un risque possible lié à leur environnement physique et social. Les risques génétiques sont un tant soit peu différents. Comme nous l'avons souligné, par exemple, si une femme est diagnostiquée comme ayant un cancer du sein et subit ensuite des tests qui révèlent une maladie connue pour causer la mutation du gène BRCA1 ou BRCA2, ses parents au premier degré (enfants, sœurs et frères) ont une chance sur deux de porter la même mutation. Ces personnes voient donc augmenter considérablement leur risque de cancer58. Mais attention, cette femme n'a pas créé le risque que courent ses enfants ou ses frères et sœurs. Il s'agit d'un risque préexistant que l'on a détecté en analysant les données génétiques propres à la femme en question59. Le danger n'est pas tant lié à un facteur externe au tiers concerné qu'aux gènes mêmes de cette personne. Voilà qui différencie l'information génétique par rapport au genre de danger dont il est question dans les exceptions acceptées au devoir de confidentialité.

En outre, le danger révélé par les données concernant un état génétique préexistant n'est pas nécessairement évitable, et s'il ne l'est pas, sa divulgation n'aidera probablement pas le tiers concerné et pourrait même lui nuire en lui causant des souffrances psychologiques. Dans la mesure où il est possible de prévenir la manifestation de la maladie associée à un état génétique particulier, à cause de facteurs de complication biologiques et environnementaux, le trouble en cause semble beaucoup moins grave et imminent que ceux évoqués dans la justification traditionnelle d'un manquement à la confidentialité (même si, dans le cas qui nous occupe, l'information a une pertinence beaucoup plus grande pour un membre de la famille).

Il faut aussi trouver réponse à d'autres questions importantes concernant ce qui constitue, dans ce contexte, un danger grave ou imminent. La première de ces questions a trait à la probabilité de la présence d'un état pathologique génétique, par exemple, une probabilité de 50 p. 100 d'être porteur d'une mutation du gène BRCA1 constitue-t-elle un danger suffisamment grave? La deuxième question a trait au degré de probabilité que la prédisposition génétique mènera à la manifestation physique réelle de la maladie. Autrement dit, si le fait d'être porteur d'une mutation génétique particulière accroît de 63 p. 100 la probabilité de tel état pathologique, le danger est-il suffisamment grand60? Est-il important qu'il s'agisse d'un risque réparti sur toute la vie et sans imminence immédiate pour la santé?

En ce qui concerne l'information des tiers par le médecin, le Conseil des sciences du Canada a adopté les mêmes lignes directrices que celles élaborées par la commission présidentielle américaine pour l'étude des problèmes d'éthique en médecine et en recherche sur la biomédecine et sur le comportement, c'est-à-dire que le médecin doit se charger de la divulgation lorsque (traduction) :

  1. les efforts raisonnables consentis pour obtenir le consentement volontaire du patient à la divulgation ont échoués;
  2. la probabilité est grande que la non-divulgation entraînera des dangers et que la divulgation servira effectivement à éviter ces dangers;
  3. le danger qui menacerait des personnes identifiables est un danger grave;
  4. les précautions voulues sont prises afin de faire en sorte que seuls seront révélés les renseignements génétiques nécessaires au diagnostic et-ou au traitement de la maladie en question61.

Ces lignes directrices aident à clarifier certains des enjeux décrits plus haut, mais il n'en reste pas moins des questions encore sans réponse.

L'une de ces questions est la suivante : convient-il vraiment d'envisager la divulgation de renseignements génétiques à des tiers comme la révélation d'un risque? En général, pour des raisons de valeur accordée à l'autonomie individuelle, toute personne a le droit de connaître son propre état génétique62. Cet argument peut aussi justifier le droit de quiconque à ne pas connaître sa propre composition génétique63, mais il pourrait également être utilisé par les membres de la famille biologique pour exiger l'accès aux données génétiques de leurs proches puisqu'il s'agit de données (tirées, par exemple, d'études de liens entre les gènes) qui les concernent tout autant. Dans de tels cas, la divulgation serait fondée sur des besoins d'autonomie plutôt que sur la nécessité de prévenir contre un danger. Une justification fondée sur l'autonomie ouvrirait la porte à un plus grand nombre de motifs que celle fondée sur l'obligation de prévenir d'un danger. C'est pourquoi elle soulève les questions suivantes :

  • Si un test est effectué et que le sujet ne veut pas que les résultats lui en soient révélés, les membres de la famille ont-ils quand même le droit de connaître ces résultats?
  • Une mère ou un père devrait-il avoir le droit de faire subir des tests génétiques à un de ses enfants afin de découvrir ses propres données génétiques ou celles du frère ou de la sœur de l'enfant sujet des tests? Un tel acte viole-t-il le droit de l'enfant à ne pas savoir64?
  • Les membres de la famille devraient-ils avoir accès aux données génétiques d'une personne une fois que celle-ci est décédée65?
  • Un individu devrait-il avoir accès aux données génétiques des membres de sa famille parce que sa propre santé est en jeu ou qu'il doit prendre une décision en matière de procréation?
  • Si une étude des liens génétiques révèle des renseignements concernant une paternité, dans quels cas ce genre d'information devrait-il être révélé?

Certes, dans de telles situations, les impératifs de l'autonomie concernent des intérêts opposés qu'il est bien difficile de concilier. Il peut arriver que les revendications des membres de la famille ne soient pas assez puissantes pour contrebalancer l'obligation de confidentialité des professionnels de la santé. Ce que ces enjeux mettent en lumière, tout au moins, c'est la nécessité de mettre sur pied des services de conseil en génétique et de les offrir à toutes les familles qui doivent régler ce genre de problèmes.

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4.2 L'information, la longévité et l'identification

Une analogie se dessine entre les renseignements génétiques et la technologie de l'information. Depuis plus de 20 ans maintenant, les inquiétudes que suscitent les pratiques permises par cette jeune technologie donnent lieu à l'adoption de régimes de protection des données. Voici certaines des préoccupations en question (traduction) :

  • L'utilisation universelle de l'ordinateur pour le traitement des données personnelles a grandement accru les possibilités de stocker, comparer, relier, choisir et obtenir ce genre de données, et la jonction de l'ordinateur et des télécommunications, qui promet de mettre les données personnelles à la disposition simultanée de milliers d'utilisateurs dans des lieux géographiques dispersés, de regrouper les données et de créer des réseaux nationaux et internationaux complexes de communication de données.66

Un observateur a résumé ces préoccupations en deux caractéristiques de la technologie de l'information, à savoir, sa capacité de sortir l'information du contexte de sa collecte et de la replacer dans un autre contexte, et sa capacité d'agréger les données.67

Lorsqu'il est question de renseignements génétiques sous la forme d'échantillons d'ADN ou de données importantes sur des séquences de gènes, les mêmes problèmes se posent relativement à la technologie de l'information. La quantité de renseignements génétiques personnels que l'on peut tirer d'un échantillon d'ADN pourrait s'avérer immense, et si cet échantillon est stocké, il pourra révéler des données génétiques sur la personne en question pendant de longues années à venir, bien au-delà des fins visées au moment du prélèvement et même longtemps après la mort du sujet. L'exploitation d'un échantillon est limitée uniquement par les connaissances et les techniques en matière de génétique. Qui plus est, l'ADN a la qualité exceptionnelle de permettre l'identification irréfutable d'une personne et il offre ainsi la possibilité de relier entre elles des données émanant de sources diverses. Cette possibilité se concrétise tous les jours dans le domaine médico-légal où les matières vivantes prélevées sur le lieu d'un crime peuvent être comparées aux " empreintes génétiques " de suspects.

Comme le montre l'analogie établie plus haut, le fait que les renseignements génétiques permettent l'agrégation des données et leur transfert de contexte est une qualité que possède aussi la technologie de l'information. Tel que le font remarquer certains observateurs, la biométrie offre maintenant d'autres moyens d'identifier formellement un individu à l'aide des empreintes génétiques contenues dans l'ADN68, mais il se pourrait que le climat dans lequel naissent les craintes au sujet de l'information génétique soit unique en son genre et qu'il justifie l'intégration d'objets et de réactions spécifiques à la réglementation de ces renseignements.

Il est assez courant, par exemple, en élaborant des systèmes de protection des données, d'en exempter les renseignements qui ne permettent pas d'identifier une personne69, et les échantillons de tissus humains servant à la recherche sont souvent exclus de l'exigence de consentement lorsqu'ils sont utilisés sous une forme ne permettant pas d'en identifier le donneur70. Il n'en demeure pas moins des questions sérieuses, cependant, quant à la mesure dans laquelle des données génétiques peuvent être recueillies ou utilisées sous une forme ne permettant pas d'identifier le donneur, parce que ces renseignements, contrairement aux autres renseignements sur la santé, sont intrinsèquement liés à une personne bien précise71. Ce problème, conjugué à la technologie informatique, fait qu'il est toujours possible de relier un renseignement génétique à un individu identifiable. Comme le déclare l'Énoncé de politique des trois Conseils au sujet de l'éthique de la recherche avec des êtres humains : " Les tests génétiques ont considérablement réduit la notion de tissu anonyme [ … ] mais ils ont aussi élargi la définition de tissu permettant de retracer une personne, car il est aujourd'hui possible d'identifier des parents biologiques grâce à des marqueurs génétiques72 ".

Fait intéressant à noter, le nouvel Énoncé de politique des trois Conseils impose effectivement une exigence plus rigoureuse de consentement préalable au prélèvement de tissus et à l'utilisation de tissus prélevés antérieurement, mais il laisse la porte ouverte à l'utilisation sans consentement des tissus stockés anonymes73. Il convient de mentionner aussi que l'Énoncé exige des chercheurs qu'ils précisent, dans leur protocole de recherche, les utilisations futures du matériel génétique prélevé. Autrement dit, le stockage d'ADN doit être justifié dès le moment du prélèvement. En outre, l'Énoncé laisse entendre qu'il faudrait mettre une limite à la durée de stockage permise et que cette limite devrait cadrer avec les fins premières du stockage74.

Très souvent, les échantillons prélevés en vue de recherches ne sont pas rendus anonymes et restent parfaitement identifiables au moyen de leur étiquette ou des numéros de patient ou de recherche qui leur ont été attribués. Ou encore, il est possible d'en retracer le donneur à l'aide d'un code d'identification qui pourra se trouver à un autre lieu que celui où s'effectuent les recherches ou être conservé par une personne autre que celle qui effectue la recherche sur l'échantillon en question. Le lien entre un échantillon et son dossier clinique peut être essentiel pour des raisons cliniques ou en vue de recherches futures. Les chercheurs craignent que leurs travaux ne soient entravés par des règles trop strictes en ce qui concerne l'exigence d'anonymat.

Étant donné les préoccupations existantes, il n'est pas à conseiller d'exempter les renseignements génétiques anonymes de toute réglementation par les systèmes de protection des données. Par ailleurs, cela ne veut pas dire qu'il faille exiger l'obtention du consentement pleinement éclairé du donneur avant toute utilisation d'échantillons " anonymes "75. Parmi les autres options, mentionnons les dispositions de sécurité ou certaines pratiques de Statistique Canada pour le traitement des renseignements agrégés76. Les comités d'éthique pour la recherche devront prêter une attention spéciale aux questions soulevées par l'utilisation d'échantillons stockés de matériel génétique.

La quantité d'information qui pourrait éventuellement être tirée d'un échantillon d'ADN et la longévité de ces échantillons font naître d'autres inquiétudes quant à l'utilisation des échantillons et au consentement éclairé. Voici quelques questions à titre d'exemples :

  • En quelles circonstances est-il obligatoire d'obtenir le consentement du donneur avant de procéder à de nouveaux tests sur un échantillon stocké?
  • Selon quelle procédure les donneurs devraient-ils donner leur consentement à des tests futurs sur leurs échantillons stockés?
  • Si des tests ultérieurs révèlent des renseignements nouveaux sur un échantillon, en quelles circonstances, le cas échéant, le donneur devrait-il en être avisé?
  • Est-il toujours convenable qu'un chercheur rejette toute responsabilité relativement à la divulgation continue de renseignements génétiques, en obtenant au départ des sujets de sa recherche un consentement éclairé dans lequel ils acceptent cette condition, mais sans avoir été informés au préalable des utilisations éventuelles de leurs échantillons d'ADN77?
  • Que fait-on lorsque de nouvelles recherches donnent un éclairage nouveau aux résultats de tests passés?
  • Quelle devrait être la ligne de conduite en ce qui concerne les données secondaires recueillies à l'occasion d'un test génétique ou d'autres recherches?
  • Conviendrait-il d'imposer des limites aux utilisations des échantillons stockés provenant de personnes maintenant décédées?
  • Lorsque des échantillons sont stockés à des fins autres que la recherche, par exemple, pour alimenter les banques de données médico-légales ou militaires, les chercheurs peuvent-ils y avoir accès? Dans l'affirmative, en quelles circonstances?
  • De nouvelles découvertes en génétique pourraient-elles justifier le triage des stocks d'échantillons d'ADN, pour des raisons spéciales reliées aux soins de santé?

La capacité exceptionnelle de l'ADN à identifier formellement un individu donne lieu aussi à des préoccupations quant aux utilisations qui pourraient être faites des échantillons stockés. Prenons, par exemple, la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques. Elle n'est pas encore en vigueur, mais elle prévoit un cadre et aussi des mesures de sauvegarde en vue de la mise sur pied d'une base nationale de données contenant un fichier criminalistique et un fichier de condamnés, en vue de faciliter l'identification des auteurs présumés coupables de certaines infractions bien précises78. Cependant, comme nous l'avons déjà mentionné, des banques de données d'empreintes génétiques sont également en voie de mise sur pied à l'extérieur du cadre médico-légal et elles contiennent des renseignements génétiques sur des personnes qui n'ont jamais été soupçonnées de quelque crime que ce soit. Ces banques ne sont peut-être pas non plus destinées à la recherche. Nous avons parlé plus haut des " taches de sang de Guthrie ", qui servent à conserver des échantillons de sang de nouveau-nés en vue de tests de dépistage de la phénylcétonurie ou d'autres maladies. L'ADN qui se trouve dans le sang séché est relativement stable, et ces fiches de Guthrie constituent, de fait, une banque d'empreintes génétiques79. Il n'en reste pas moins que les autorités policières pourraient obtenir l'accès à ces renseignements. Il leur suffirait de disposer d'un mandat de saisie. Cette possibilité met en évidence la nécessité d'examiner la procédure de délivrance de ce genre de mandat et de voir s'il y a lieu de prévoir des directives particulières dans le cas des données génétiques, y compris des règlements régissant l'utilisation de ces données une fois obtenues. Posons-nous quelques questions à ce sujet. La police devrait-elle avoir librement accès à des renseignements génétiques qu'elle ne pourrait pas obtenir aux termes de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques? Dans quelles circonstances la police serait-elle autorisée à conserver ces renseignements, pour combien de temps, et sous quelles réserves en matière de sauvegarde? Actuellement, ces questions sont couvertes par les paragraphes 487.05 à 487.09 du Code criminel80, mais les dispositions du code ont trait aux conditions dans lesquelles un juge est autorisé à émettre un mandat visant le prélèvement d'un échantillon de substances corporelles d'un individu, et ne semblent pas inclure la situation créée lorsque l'échantillon recherché est déjà stocké quelque part dans une banque génétique81.

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4.3 Les utilisations des renseignements génétiques

La multiplication des banques de données génétiques soulève des questions non seulement au sujet de cette information mais aussi au sujet de la conjugaison des données génétiques et de l'informatique. C'est un problème mis en lumière tout particulièrement dans le cadre du Projet du génome humain. Le séquençage génétique à une échelle aussi grande ne peut se faire sans le recours à la technologie de l'information. Personne ne s'en étonnera, mais pour Bill Gates, le magnat de l'ordinateur, la recherche sur les empreintes génétiques et l'informatique semblent aller tout naturellement de pair82. Comme le fait remarquer Karp, un chef de file en informatique qui travaille à des projets de séquençage à l'université de Washington : (traduction)

  • Il se produit en ce moment une révolution en biologie, et surtout en biologie moléculaire. La biologie est en train de se transformer en une science de l'information. De nombreux biologistes trouvent le séquençage ennuyeux, et pourtant, du point de vue de l'informatique, il pose des questions algorithmiques fascinantes et fort complexes.83

La jonction de l'informatique et de la recherche en génétique rend possibles certains types d'études susceptibles de donner naissance à des enjeux tout à fait particuliers, surtout en ce qui concerne la question du consentement éclairé.

L'un des ces enjeux découle de la possibilité de recherches combinatoires plutôt que guidées par des hypothèses. Dans la recherche guidée par l'hypothèse, les scientifiques observent qu'une famille ou une collectivité se démarque par la fréquence de telle ou telle maladie, ce qui les amène à formuler l'hypothèse que cette maladie est de source génétique et à chercher la mutation génétique qui en est la cause. La recherche combinatoire, par contre, se sert de la technologie de l'information afin de comparer les dossiers médicaux, les dossiers généalogiques et les séquences génétiques pour trouver des corrélations pouvant indiquer la base génétique de certaines maladies. Il ne s'agit plus de vérifier des hypothèses, mais de recourir à la puissance informatique brute pour découvrir des liens entre la génétique et la maladie. C'est ce que l'on dit, par exemple, à propos du potentiel révolutionnaire de la base de données génétiques de l'Islande84. Ce genre de recherches amène à s'interroger sur le bien-fondé de permettre à des individus de donner un consentement général à l'utilisation de leurs renseignements génétiques et des autres données sur leur santé. Ce consentement général se traduit par l'acceptation d'utilisations futures non définies de ces renseignements. Dans un tel contexte, le consentement garde-t-il quelque signification que ce soit?

Comme nous l'avons déjà souligné, les renseignements génétiques d'une personne sont reliés aussi aux membres de sa famille. C'est pour cette raison que les familles ont une importance si grande pour la recherche en génétique, mais, de plus en plus, ce sont des populations complètes, comme celle de l'Islande, de Terre-Neuve ou de diverses collectivités autochtones, qui attirent l'intérêt des chercheurs. S'il y a généralisation de ce genre d'étude de populations entières, telle celle de la base de données génétiques islandaise, rendues possibles par la conjugaison de la génétique et de l'informatique, il faudra tenir compte des préoccupations des collectivités85. Voici certaines des questions à aborder :

  • Les chercheurs sont-ils tenus d'obtenir le consentement éclairé de l'ensemble de la collectivité ou seulement celui de chaque participant?
  • Quels sont les mécanismes acceptables par lesquels obtenir le consentement éclairé de toute une collectivité??
  • La collectivité devrait-elle tirer bénéfice de son consentement à participer à des recherches en génétique?
  • Si une collectivité se voit offrir des avantages en compensation de sa participation, y a-t-il lieu de prévoir des mesures de sauvegarde afin de veiller à ce que le consentement ne soit jamais forcé?
  • De quelle façon convient-il de procéder afin que les gens refusant de participer aux recherches soient protégés contre les répercussions néfastes que leur causerait la réception de renseignements génétiques personnels non désirés?

Enfin, la recherche des sources génétiques des maladies est souvent motivée en partie par des raisons commerciales, surtout lorsque les chercheurs demandent des brevets sur les séquences génétiques qu'ils découvrent et sur les tests de diagnostic qu'ils élaborent à partir de ces séquences. Bien que le brevetage des gènes demeure controversé, et ce pour des raisons qui dépassent l'objet de notre propos, il n'en reste pas moins une question qui ne peut que nous intéresser, et c'est celle du consentement éclairé. Dans quelle mesure et de quelle manière les patients et les sujets de la recherche doivent-ils être informés des applications commerciales possibles de la recherche? L'Énoncé de politique des trois Conseils est explicite quant à l'obligation des chercheurs d'aborder cette question avec les sujets de la recherche86. Le débat auquel a donné lieu récemment le brevetage de la maladie de Canavan montre à quel point ces questions sont délicates. En l'occurrence, les parents d'enfants morts de la maladie de Canavan ont poursuivi en justice les chercheurs qui avaient pris part aux travaux. Ce qui a le plus choqué les parents des enfants atteints de la maladie de Canavan, c'est qu'après avoir participé aux recherches et contribué aux découvertes, ils devaient maintenant payer pour faire administrer les mêmes tests aux autres membres de la famille.87

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5. Conclusion

Dans le présent rapport, nous avons tenté de montrer que les caractères attribués à la génétique ne font pas nécessairement des renseignements génétiques une information entièrement nouvelle et exceptionnelle. Par ailleurs, en raison de la combinaison de certains de ces caractères et de la façon dont ils se manifestent dans le contexte de la génétique, il s'impose de procéder à une évaluation minutieuse des diverses démarches de réglementation en usage actuellement au sujet des renseignements personnels sur la santé. Ces caractères, conjugués au volume de données, à la rapidité d'exécution et au lien avec la technologie informatique, rendent nécessaire l'étude approfondie des moyens de protéger plus efficacement ce genre d'information. Il faut absolument que soient prises des mesures globales et exhaustives. L'un de nous deux a soutenu, dans d'autres écrits, qu'il serait peut-être mal fondé de particulariser la génétique en prenant des mesures législatives visant exclusivement la discrimination fondée sur elle, surtout dans le domaine de l'assurance88. Néanmoins, nous avons également insisté sur la nécessité de mettre en place des régimes de réglementation flexibles en vue d'analyser les façons dont se développent les effets de la génétique sur la société et d'intervenir lorsqu'une protection s'impose. Dans bien des cas, il suffirait d'adapter les régimes de réglementation en vigueur afin de faire en sorte, par exemple, que les définitions de la réglementation englobent les nouvelles données génétiques. Comme nous l'avons souligné dans notre propos, au moment d'élaborer des règlements nouveaux, il faudra tenir compte des diverses manières dont s'effectue la collecte, la mise en circulation et l'exploitation des renseignements génétiques. Au cours des prochaines années, les autorités devront consentir des efforts accrus pour vérifier soigneusement que les règlements et les lois en vigueur actuellement couvrent bien tous les enjeux propres aux technologies génétiques et pour veiller à adapter ces technologies et à prendre de nouvelles initiatives. L'informatique accélère maintenant les recherches en génétique. Il est permis d'espérer que les préoccupations sociales au sujet de certaines des conséquences de ces recherches accéléreront de même les modifications à apporter à la réglementation pour qu'elle protège les personnes et les collectivités contre tous les préjudices pouvant découler de l'information génétique et de tout autre aspect de la recherche dans ce domaine.

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1 L'expression est tirée de l'ouvrage de Dreyfuss R.C. et D. Nelkin, " The Jurisprudence of Genetics ", Vanderbilt Law Review, 45, 313 à 318, 1992.

2 Pour un aperçu récent de la nouvelle technologie génétique et de ses effets sur la médecine, voir l'éditorial de Kurian K.M, Watson C.J. et A.H. Wyllie, " DNA chip technology ", Journal of Pathology, vol. 187, no 3, p. 267, 1999; voir aussi l'article de S.J. Watson et H., " Gene chips and arrays revealed : a primer on their power and their uses ", Biological Pediatry, vol. 45, no 5, p. 533, 1999; on trouve aussi un article sur les incidences éthiques de cette technologie dans l'article de W. Henn, " Genetic screening with the DNA chip : a new Pandora's box? ", Journal of Medical Ethics, vol. 25, no 2, p. 200, 1999.

3 Voir, par exemple, Alper J.S. et J. Beckwith, " Distinguishing Genetic From Nongenetic Medical Tests : Some Implications For Antidiscrimination Legislation ", Science and Engineering Ethics, 4, 141 à 148, 1998.

4 Une liste de tous ces tests figure, entre autres, dans l'article de D.K. Casey, " What Can the New Gene Tests Tell us? ", The Judges Journal, 14 à 15, été 1997.

5 On trouvera un aperçu des diverses formes d'analyse génétique en consultant les ouvrages suivants : Conseil des sciences du Canada, La génétique et les services de santé au Canada, ministre des Approvisionnements et Services, 37 à 42, 1991 (cette monographie sera citée dans ces pages sous son titre); Glass K.C., Weijer C., Lemmens T., Palmer R. et S.H. Shapiro, " Structuring the Review of Human Genetics Protocols, Part II : Diagnostic and Screening Studies ", IRB, A Review of Human Subjects Research, no 19, (3-4), 1 à 4, 1997; et la Human Genetics Commission, Whose Hands on Our Genes : A Discussion Document on the Storage Protection and Use of Personal Genetic Information, section d, 1, Londres; accessible par le site Web http://www.hgc.gov.uk/ (l'ouvrage sera cité dans ces pages sous le titre abrégé de Whose Hands on our Genes).

6 Des recherches récentes permettent cependant de croire que certaines personnes portent le gène sans jamais acquérir la maladie. Voir à ce sujet les travaux de Beckwith J. et J.S. Alper dans l'article " Reconsidering Genetic Anti-Discrimination Legislation ", Journal of Law, Medicine and Ethics, 26, 205 à 208, note 25, 1998.

7 National Institute of Mental Health (États-Unis), Genetics and Mental Health : Report of the National Institute of Mental Health's Genetics Workgroup, NIH Publication No. 98-4268, 6, National Institutes of Health, 1998.

8 J. Zielenski, " Genotype and Phenotype in Cystic Fibrosis ", Respiration, vol. 67, no 2, p. 117-133, 2000.

9 Voir entre autres Glass et al., note 5 ci-dessus, et les références figurant à la fin du rapport.

10 Voir T. Lemmens, " What about your genes? Ethical, Legal and Policy Dimensions of Genetics in the Workplace ", Politics and the Life Sciences, vol. 16, no 1, p. 57-75, 1997.

11 R.P. Erickson, " From 'Magic Bullet' to 'Specially Engineered Shotgun Loads' : The New Genetics and the Need for Individualized Pharmacotherapy ", Bioessays, no 20, p. 683, 1998.

12 Murch R.S. et B. Budowie, " Are Developments in Forensic Applications of DNA Technology Consistent with Privacy Protections? ", dans M.A. Rothstein (réd.), Genetic Secrets : Protecting Privacy and Confidentiality in the Genetic Era, Yale University Press, New Haven, 212 à 222, 1997.

13 Pour de plus amples renseignements sur le BIM, voir Lemmens T. et P. Bahamin, " Genetics in Life, Disability and Additional Health Insurance in Canada : A Comparative Legal and Ethical Analysis ", dans B.M. Knoppers (réd.), Socio-Ethical Issues in Human Genetics, Yvon Blais, Cowansville, 115 à 168, 1998, ainsi que les références en fin d'ouvrage.

14 Voir, par exemple, L.T. Kirby, DNA Fingerprinting : An Introduction, Stockton Press, New York, 229, 1990.

15 T. Lemmens, " Selective Justice, Genetic Discrimination and Insurance : Should We Single Out Genes in Our Laws? ", McGill Law Journal, 45, 347, et surtout 367 à 369, 2000 (appelé ci-après " Selective Justice "); M.S. Yesley, " Protecting Genetic Difference ", Berkeley Tech. Law Journal, 13, 653 à 659-662, 1999; et Beckwith J. et J.S. Alper, " Reconsidering Genetic Anti-Discrimination Legislation ", Journal of Law, Medicine & Ethics, 26, 205 à 207-208, 1998.

16 Wet 25 juni 1992 op de landsverzekeringsovereenkomst, S.B., 20 août 1992, en particulier l'article 5.

17 Id. article 95.

18 Loi fédérale de 1994 (BGB 1. No. 510/1994) réglementant les travaux sur les organismes génétiquement modifiés, leur mise en circulation et leur commercialisation et l'utilisation des tests génétiques et de la thérapie génique chez les humains (loi sur la technologie génétique) et modifiant la loi sur la responsabilité liée à des produits (1995), adapté du Recueil international de législation sanitaire, 46, 42, article 67.

19 Conseil de l'Europe, Convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine: Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine, ETS No 164 (1997). On trouvera une analyse des dispositions de la Convention ainsi que d'autres références bibliographiques dans Selective Justice, note 15 ci-dessus, 357 à 360.

20 Loi no 56 du 5 août 1994 sur l'utilisation médicale de la biotechnologie, Recueil international de législation sanitaire, 51, s. 6-7, 1995.

21 On en trouvera une analyse plus détaillée dans Selective Justice, note 15 ci-dessus, 367 à 368.

22 Annas G.J., Glantz L.H. et P.A. Roche, The Genetic Privacy Act and Commentary, School of Public Health, Boston University, Boston, 1995.

23 Annas G.J., Glantz L.H. et P.A. Roche, " Drafting the Genetic Privacy Act : Science, Policy and Practical Considerations ", Journal of Law, Medicine and Ethics, 23, 360, 1995.

24 Gostin, Lawrence O. et James G. Hodge, " Genetic Privacy and the Law : An End to Genetics Exceptionalism ", Jurimetrics, 40, 21 à 31, 1999 (appelé ci-après " Genetic Privacy ").

25 T. Murray, " Genetic Secrets and Future Diaries : Is Genetic Information Different from Other Medical Information? ", dans Rothstein, note 12 ci-dessus, p. 60-73 (appelé ci-après " Genetic Secrets ").

26 Voir " Selective Justice ", note 15 ci-dessus, à 370. Les propos qui suivent sont basés en très grande partie sur cette analyse. Voir en particulier les pages 369 à 380.

27 " Genetic Secrets ", note 25 ci-dessus; voir aussi Alper et Beckwith, note 3 ci-dessus.

28 Voir " Genetic Privacy ", note 24 ci-dessus, à 32, et références connexes.

29 Voir Beckwith et Alper, note 15 ci-dessus, à 208, et références à la note 25.

30 Voir J. Zielenski, " Genotype and Phenotype in Cystic Fibrosis ", Respiration, vol. 67, no 2, p. 117-33, 2000; dans une autre publication, l'un d'entre nous mentionnait le chiffre de 550 mutations, mais l'information provenait d'un ouvrage de 1996 (" Selective Justice ", note 15 ci-dessus, à 379). Cet écart ne fait que souligner la rapidité des découvertes dans ce domaine.

31 Pour une analyse plus détaillée, voir Lemmens et Bahamin, note 13 ci-dessus, 135 à 140.

32 " Selective Justice ", note 15 ci-dessus, à 37, et références connexes.

33 Voir, entre autres, M.A. Rothstein, " Genetics, Insurance and the Ethics of Genetic Counseling ", Molecular Genetic Medicine, 3, 159 à 169, 1993; et R.S. Brown, " The Impact of Advances in Genetics on Insurance Policy ", dans Brown R.S. & K. Marshall (réd.), Advances in Genetic Information : A Guide for State Policy Makers, Council of State Governments, Lexington, Kentucky, 47, 1992.

34 " Genetic Privacy ", note 24 ci-dessus, à 34.

35 Ibid. (en omettant la note en bas de page).

36 On trouve une brève analyse du déterminisme génétique dans l'ouvrage de Bartha Maria Knoppers, Human Dignity and Genetic Heritage, rapport d'une étude réalisée pour la Commission de la réforme du droit du Canada, dans la série Recherches sur la protection de la vie, 43 à 46, Ottawa, 1991.

37 On trouvera une analyse récente chez A. Darby, " The individual, health hazardous lifestyles, disease and liability ", DePaul Journal of Health Care Law, vol. 4, no 787, p. 798-807, 1999.

38 Au sujet du débat sur les femmes battues et sur le comportement des actuaires des compagnies d'assurance à leur égard, voir D. Hellman, " Is actuarially fair insurance pricing actually fair? A case study in insuring battered women ", Harvard Civil Rights-Civil Liberties Law Review, 32, 355, 1997.

39 " Selective Justice ", note ci-dessus, à 375.

40 Voir Beckwith J. et J.S. Alper, " Human Behavioral Genetics ", The Genetic Resource, vol. 10, no 2, p. 5, 1996. Selon certaines études, la tendance au comportement à risque pourrait être reliée à un marqueur génétique particulier qui serait associé à un comportement de " recherche de la nouveauté " (consulter à ce sujet le même ouvrage, à 8, et les références connexes).

41 Lerman, Caryn, Peshkin, Beth N., Hughes, Chanita et Claudine Isaacs, " Family Disclosure in Genetic Testing for Cancer Susceptibility : Determinants and Consequences ", Journal of Health Care Law and Policy, 1, 353 à 355, 1998 (appelé ci-après " Family Disclosure ").

42 Pour une analyse de ces questions, voir par exemple " Whose Hands on Our Genes ", note 5, ci-dessus, en particulier à 15; E.W. Clayton, " What Should the Law Say About Disclosure of Genetic Information to Relatives? ", Journal of Health Care Law & Policy, 1, 373, 1998; C. Lerman et al., " Family Disclosure in Genetic Testing for Cancer Susceptibility : Determinants and Consequences ", Journal of Health Care Law & Policy, 353, 1998; Burgess M.M., Laberge C.M et B.M. Knoppers, " Bioethics for clinicians : Ethics and genetics in medicine ", Journal de l'Association médicale canadienne, 14, 158, 1309, 1998; W.F. Flanagan, " Genetic Data and Medical Confidentiality ", Health L.J., 3, 269, 1995.

43 Whose Hands on Our Genes, note 5 ci-dessus, à 13; Kirby, note 14 ci-dessus, à 229, explique une affaire d'immigration.

44 Un rapport de la Human Genetics Commission souligne que les nouveaux tests génétiques ne requièrent plus la participation de la mère. Ces analyses " sans mère " peuvent être effectuées, par exemple, sur des échantillons d'ADN fournis par un père sceptique et son enfant. Whose Hands on Our Genes, note 5 ci-dessus, à 14.

45 Sean Wilentz, " Hemings Hawing ", éditorial du New Republic, p. 16, 30 novembre 1998.

46 Genetics in Canadian Health Care, note 5 ci-dessus, à 42.

47 S.V. Hodgson et al., " Risk factors for detecting germline BRCA1 and BRCA2 founder mutations in Ashkenazi Jewish women with breast or ovarian cancer ", Journal of Medical Genetics, vol. 36, no 5, p. 369, 1999; et aussi Rothenberg, note ci-dessus.

48 Selon le Conseil des sciences du Canada, un nouveau-né noir sur 625 est atteint de drépanocytose (Genetics in Canadian Health Care, note 5 ci-dessus, à 20).

49 Id. à 18.

50 D.J. Kevles, In the Name of Eugenics : Genetics and the Uses of Human Heredity, University of California Press, Berkeley, p. 255-256 et 278, 1985; L.B. Andrews et al. (réd.), Assessing Genetic Risks : Implications for Health and Social Policy, National Academy Press, Washington, p. 40 42 et 258, 1994.

51 N. Wade, " DNA Back South Africa Tribe's Tradition of Early Descent from the Jews ", New York Times, 9 mai 1999.

52 W. Glaberson, " Who Is a Seminole, and Who Gets to Decide? ", New York Times, 29 janvier 2001.

53 Pour un aperçu des questions d'éthique propres à la recherche sur des collectivités entières, voir Weijer C., Goldsand G. et E.J. Emanuel, " Protecting communities in research : current guidelines and limits of extrapolation ", Nature Genetics, 23, p. 275-280, 1999; Weijer C. et E.J. Emanuel, " Protecting communities in biomedical research, Science, 289, p. 1142-1144, 2000; et aussi une courte analyse dans Glass et al., note 5 ci-dessus.

54 M.A. Lappé, " Justice and the Limitations of Genetic Knowledge ", dans Murphy T.F et M.A. Lappé (réd.), Justice and the Human Genome Project, University of California Press, Berkeley, 153 à 156, 1994.

55 " Genetic Secrets ", note 25 ci-dessus, à 66.

56 Voir, par exemple, les affaires Pate v. Threlkel, 661 So.2d 278, Fla., 1995 (les médecins ont le devoir de prévenir de la présence d'une maladie génétiquement transmissible, mais leur devoir se limite à informer le patient et ne s'étend pas aux membres de sa famille) et Safer v. Estate of Pack, 291 N.J. Super. 619 A.2d 1188, 1996, (les médecins peuvent être tenus de prévenir les membres de la famille au sujet d'un trouble génétique). On trouvera un commentaire sur la deuxième de ces affaires dans A. Liang, " The Argument Against A Physician's Duty to Warn for Genetic Diseases : The Conflicts Created by Safer v. Estate of Pack ", Journal of Health Care Law & Policy, 1, 437, 1998.

57 Il s'agit habituellement d'affaires où il est question de maladies infectieuses, dont la divulgation est obligatoire en vertu de mesures législatives telles que la Loi sur la protection et la promotion de la santé de l'Ontario (L.R.O. 1990, c.H.7) ou d'affaires qui mettent en cause des spécialistes en santé mentale accusés d'avoir été conscients qu'un de leurs patients menaçait sérieusement de violence une autre personne, par exemple, la cause célèbre de Tarasoff v. Regents of University of California 551 P.2d 334 (Cal. 1976). Voir aussi l'affaire Jones c. Smith, Rapports judiciaires du Canada, Cour suprême du Canada, 1, 455, 1999 (dans certaines circonstances, la sécurité publique peut l'emporter sur le secret professionnel de l'avocat au sujet d'un affidavit psychiatrique en possession de la défense).

58 Lerman C., Peshkin B.N., Hughes C. et C. Isaacs, " Family Disclosure in Genetic Testing for Cancer Susceptibility : Determinants and Consequences ", Journal of Health Care Law and Policy, 1, 353 à 355, 1998 (appelé ci-après " Family Disclosure ").

59 L.B. Andrews, " The Genetic Information Superhighway : Rules of the Road for Contacting Relatives and Recontacting Former Patients ", dans B.M. Knoppers et al. (réd.), Human DNA : Law and Policy, 133 à 138, 1996.

60 Le risque à vie d'un cancer du sein ou de l'ovaire à cause d'une mutation du gène BRCA1 se situe à 85 p. 100 pour le cancer du sein et à 63 p. 100 pour celui de l'ovaire (" Family Disclosure ", note 58 ci-dessus, nota 1).

61 La génétique et les services de santé au Canada, note 5 ci-dessus, 72 à 73; le President's Committee for the Study of Ethical Problems in Medicine and Biomedical and Behavioral Research, " Screening and Counseling for Genetic Conditions : The Ethical, Social and Legal Implications of Genetic Screening, Counseling, and Education Programs ", Government Printing Office, Washington D.C. p. 44, 1983.

62 R. Chadwick, " The Philosophy of the Right to Know and the Right not to Know ", dans Chadwick R., Levitt M. et D. Shickle (réd.)., The Right to Know and the Right not to Know, Avebury, Aldershot, 13 à 14-16, 1997.

63 Certains observateurs prétendent qu'une personne soit obligée de chercher à connaître sa propre structure génétique. À ce sujet, voir notamment R. Rhodes, " Genetic Links, Family Ties, and Social Bonds: Rights and Responsibilities in the Face of Genetic Knowledge ", Journal of Medicine & Philosophy 23, 10, 1998.

64 K.C. Glass, " Access to Genetic Information ", dans B.M. Knoppers et al, note 59 ci-dessus, 157 à 158.

65 Le Québec permet l'accès des membres de la famille au dossier médical d'une personne décédée lorsque cette information peut leur permettre de vérifier la présence d'un trouble héréditaire ou génétique, et ce même si la personne en question refusait cet accès de son vivant (Loi sur les services de santé et les services sociaux, ch. 42, art. 23, L.Q., 1991.

66 OCDE, Lignes directrices régissant la protection de la vie privée et les flux transfrontières de données de caractère personnel, Mémoire explicatif, Annexe à la Recommandation du Conseil, para. 3, 23 septembre 1980. L'Association canadienne de normalisation a adopté ces lignes directrices dans son Code type sur la protection des renseignements personnels (1996), accessible au site de l'auteur à http://www.efc.ca/pages/doc/csa-privacy-code.jun96.html. Les mêmes lignes directrices constituent aussi le fondement du projet de loi C-6 sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, L.C. 2000, ch. 5 (appelé ci-après projet de loi C-6).

67 H. Nissenbaum, " Protecting Privacy in an Information Age : The Problem of Privacy in Public ", Law & Phil., 17, 559, 1998.

68 " Genetic Privacy ", note 24 ci-dessus, 34 à 35.

69 Voir, par exemple, le Projet de loi C-6, note 66 ci-dessus, article 4 (le projet de loi vise la collecte, l'utilisation et la divulgation des " renseignements personnels ", définis à l'article 20 comme " tout renseignement concernant un individu identifiable ").

70 Voir, par exemple, le texte du Conseil de recherches médicales (un organisme qui n'existe plus), intitulé Lignes directrices concernant la recherche menée sur des sujets humains, Ministre des Approvisionnements et Services, Ottawa, 1987, à 26 (traduction) : " en général, le consentement n'est pas nécessaire dans le cas de recherches effectuées, par exemple, sur des échantillons excédentaires de sang, d'urine, de tissus, etc., prélevés à des fins de diagnostic ou de traitement, si le patient n'est pas identifiable et que les besoins de la recherche d'influent pas sur la procédure suivie pour obtenir les échantillons ". On trouvera un exemple de la façon dont les choses se passent aux États-Unis en consultant le document 45 C.F.R. § 46.101b) 4), Department of Health and Human Services Policy for Protection of Human Research Subjects, 1998.

71 Lawrence O. Gostin, " Genetic Privacy ", Journal of Law, Medicine & Ethics, vol. 23, no 4, p. 320-322, 1995.

72 Conseil de recherches en sciences humaines, Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, Conseil de recherches médicales, Énoncé de politique des trois Conseils au sujet de l'éthique de la recherche avec des êtres humains, article 10.2, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 1998 (accessible en ligne au site : www.nserc.ca/programs/ethics/francais/index.htm.

73 Id., articles 10.2 et 10.3.

74 Id. article 8.6 et analyse aux articles 8.7 et 8.8.

75 Il règne un désaccord assez généralisé quant à la question du consentement dans le contexte de l'utilisation d'échantillons " anonymes " à des fins de recherche. Voir, par exemple, E.W. Clayton, " Prospective Uses of DNA Samples for Research ", dans Knoppers et al., note 59 ci-dessus, 291à 293-294. Selon l'auteure, l'American Society of Human Genetics est d'avis que le consentement n'est pas obligatoire pour de telles utilisations, alors que l'American College of Medical Genetics recommande le consentement préalable.

76 J. Hagey, " Privacy and Confidentiality Practices for Research with Health Information in Canada ", Journal of Law, Medicine & Ethics, 25, 130 à 132-134, 1997.

77 On trouvera une analyse détaillée des limites de l'accès des sujets aux résultats de la recherche dans un article de T. Banks, " Misusing Informed Consent : A Critique of Limitations on Research Subjects' Access to Genetic Research Results ", Saskatchewan Law Review, 63, 539.

78 S.C. 1998, c.37 (non en vigueur).

79 J. McEwan, " DNA Databanks ", dans Rothstein, note 12 ci-dessus, 231 à 245.

80 L.R.C., c. C-34.

81 L'alinéa 487.06 1) prévoit, par exemple que " Le mandat autorise l'agent de la paix - ou toute personne agissant sous son autorité - à obtenir et saisir des échantillons de substances corporelles de l'intéressé par prélèvement :
a) de cheveux ou de poils comportant la gaine épithéliale;
b) de cellules épithéliales par écouvillonnage des lèvres, de la langue ou de l'intérieur des joues
c) de sang au moyen d'une piqûre à la surface de la peau avec une lancette stérilisée ".

82 Wiesenthal D.L. et N.I. Wiener, " Privacy and the Human Genome Project ", Ethics & Behavior, vol. 6, no 3, p. 189-193, 1996.

83 Cité dans G. Kolata, " Biology's Big Project Turns Into Challenge for Computer Experts ", New York Times, Cl, 11juin 1996.

84 À ce sujet, il est intéressant de comparer les travaux de G.J. Annas, " Rules for Research on Human Genetic Variation - Lessons from Iceland ", New England Journal of Medicine, 342, 1830, 2000 et ceux de J.R.G. et K. Stefansson, " The Icelandic Healthcare Database and Informed Consent ", New England Journal of Medicine, 342, 1827, 2000.

85 S.P. Hoffert, " Concerns Mount over Privacy as Genetic Research Advances ", Scientist, vol. 12, no 2, p. 1, 1998.

86 Conseil de recherches en sciences humaines, Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie et Conseil de recherches médicales, note 72 ci-dessus, article 8.7.

87 P. Gorner, " Parents Suing over Patenting of Genetic Test ", Chicago Tribune, 19 novembre 2000.

88 " Selective Justice ", note 15 ci-dessus, en particulier aux pages 407 à 412.

 

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    Création: 2005-07-13
Révision: 2005-07-13
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