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Comité consultatif canadien de la biotechnologie
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Analyse du système canadien de réglementation de la biotechnologie : Étude exploratoire approfondie

Préparé pour

Le comité de direction du projet sur la réglementation des Aliments génétiquement modifiés du comité consultatif Canadien de la biotechnologie

Par G. Bruce Doern

Novembre 2000

Table de matières

Résumé
Introduction
Réglementation fédérale de la biotechnologie : contexte et principales caractéristiques et notions
Processus fondamental d’évaluation des produits biotechnologiques : étapes, questions et enjeux
Conclusions et principaux défis

Résumé

AU SEIN DU SYSTÈME CANADIEN DE RÉGLEMENTATION DE LA BIOTECHNOLOGIE : UNE ANALYSE EXPLORATOIRE RAPPROCHÉE

Ce rapport a pour but d’analyser de près la nature interne du système fédéral de réglementation de la biotechnologie, afin d’arriver à comprendre plus intégralement les modes de fonctionnement du système, mais aussi en vue de soulever des questions au sujet de ses points forts et de ses points faibles.

L’analyse est de nature exploratoire en ce qu’elle ne constitue pas, et de loin, un rapport de recherche complète. Tout en faisant appel à certains des écrits importants parus sur la biotechnologie et sur la nature des organes officiels de réglementation, et surtout sur les organes de réglementation qui se fondent sur les sciences, l’analyse résumée ici n’est pas, elle-même, fondée sur une étude technique exhaustive des processus d’évaluation des produits de la biotechnologie. L’auteur tire également parti d’un débat auquel il a assisté lors d’un atelier d’un jour tenu le 23 juin 2000, mais, là encore, il convient de souligner que le rapport n’est pas un compte rendu de cet atelier, qui réunissait des praticiens de la réglementation venus d’un ministère et d’un organisme fédéraux chargés de réglementer la biotechnologie dans les domaines de la santé et de la salubrité alimentaire, soit la Direction générale de la protection de la santé, de Santé Canada, et l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA).

Le rapport est organisé en trois grandes sections. La première définit les éléments globaux de base de la réglementation de la biotechnologie, en jetant un coup d’œil rapide au contexte historique de la réglementation et aux grandes caractéristiques du système fédéral de réglementation de la biotechnologie (dispositions législatives, mandats des organes de réglementation, lignes de conduite et directives), y compris les processus de consultation qui ont servi à élaborer les lignes de conduite et les règlements du système.

La deuxième section du rapport est le corps de l’analyse et elle porte sur le processus d’évaluation des produits de la biotechnologie. Elle débute par un aperçu du cycle de réglementation servant à évaluer les produits de la biotechnologie et passe ensuite en revue les étapes ou aspects clés de ce cycle en posant une série de questions et d’enjeux modèles auxquels elle cherche à apporter des réponses ou des solutions. Les étapes du cycle commencent par la réglementation de la recherche et des essais expérimentaux en biotechnologie (concernant les végétaux dotés de traits nouveaux), une responsabilité réglementaire relevant de l’ACIA. Le cycle de réglementation en arrive éventuellement au point où la demande d’approbation d’un produit alimentaire non traditionnel doit subir une évaluation de salubrité effectuée par Santé Canada. Cette étape s’ouvre par des consultations préliminaires entre un promoteur (une entreprise) ou un chercheur universitaire et les responsables de la réglementation, et elle se poursuit jusqu’au moment où le promoteur présente aux organes de réglementation une demande officielle d’approbation du produit nouveau. Après évaluation, les étapes du cycle peuvent se terminer de façon positive, si l’organe de réglementation émet une opinion selon laquelle il n’a « aucune objection » au produit (terminologie de Santé Canada) ou s’il accorde son « approbation » au produit (terminologie de l’ACIA), ou de façon négative, si l’organe de réglementation refuse d’approuver le produit ou si la demande d’approbation est retirée.

Le document présente un ensemble de conclusions et de défis axés sur les 10 points suivants :

    1) Le système fédéral actuel de réglementation de la biotechnologie est doté de plusieurs points forts dont la connaissance, le comportement professionnel et les capacités de son noyau de scientifiques affectés à l’évaluation, ainsi que les preuves qui démontrent raisonnablement le recours à une démarche transparente de consultation du public en ce qui concerne globalement l’élaboration des règlements ayant trait aux mesures législatives, aux règles, aux directives et à la définition des normes. Le fait que le système de réglementation de la biotechnologie trouve son appui et son cadre de fonctionnement au sein du régime général de réglementation des produits alimentaires non traditionnels et du régime global de règlements visant la santé et la salubrité est également, de bien des manières, un point fort.

    2) Le système actuel est complexe, car il consiste en un régime à cheminements multiples déterminés par des nécessités légales et techniques diverses selon qu’il s’agit d’aliments, de graines, de compléments fertilisants, d’aliments pour animaux ou de protection de la santé animale (et, de façon plus générale, si la réglementation touche des éléments environnementaux ou aquatiques ajoutés, relevant respectivement d’Environnement Canada et de Pêches et Océans Canada et ne faisant pas l’objet du rapport). De par la nature du système actuel, les renseignements pertinents sont communiqués au public canadien de façon plus claire qu’il y a quelques années, mais il y a encore beaucoup à faire à ce sujet sur les plans de l’intégrité et de la transparence des communications émanant du système.

    3) L’injection de fonds nouveaux destinés à la réglementation de la biotechnologie, dans le budget fédéral de 2000, est un progrès bienvenu et nécessaire, mais il y a encore lieu de s’inquiéter de la qualité et de la pertinence du soutien de R-D, au sein de Santé Canada et de l’ACIA, afin de répondre aux besoins directs de ces organismes en matière de réglementation de la biotechnologie. Ces questions méritent une étude approfondie, compte tenu de la complexité croissante des produits de biotechnologie de prochaine génération, et compte tenu des inquiétudes pouvant être soulevées avec raison quant à la question de savoir si au moins un des responsables de la réglementation s’occupe d’évaluer les incidences cumulatives de ce que composent, ensemble, les produits de la biotechnologie. Les questions de financement prennent aussi de l’importance en raison de la nécessité de retenir et d’attirer la collaboration d’experts scientifiques de première ligne dans le domaine de la réglementation.

    4) La question du bien-fondé de recourir à des compétences spécialisées de l’extérieur pour évaluer les produits de la biotechnologie nécessite, elle aussi, une analyse et une étude plus poussées. Le rapport montre que les leçons tirées de l’affaire de la somatotropine bovine recombinante (STbr) n’ont pas touché les deux organes de réglementation de façon assez forte pour qu’ils se demandent s’ils peuvent ou devraient faire appel à des experts de l’extérieur lorsqu’il s’agit d’évaluer des produits alimentaires non traditionnels ou les aspects biotechnologiques de tout ce domaine. Il reste là des options et des enjeux importants à étudier, par exemple, à savoir si la Section de biotechnologie alimentaire, à Santé Canada, ou les responsables de la réglementation à l’ACIA pourraient ou devraient recourir à des compétences externes pour examiner les évaluations effectuées à l’interne. Une autre question qui mérite évidemment examen est celle de savoir si l’appel à des experts de l’extérieur devrait se faire de façon régulière ou exceptionnelle et, dans le second cas, de définir les circonstances « exceptionnelles » qui pourraient déclencher le recours à ces experts externes. Il faudrait se demander aussi quels genres de compétences spécialisées ces experts de l’extérieur devraient posséder et aussi s’il y a suffisamment de ces experts au Canada. S’il s’agit de faire appel à eux, il serait également essentiel qu’ils soient disponibles en temps voulu, tout comme il serait essentiel au système de réglementation de tenir compte des problèmes de conflit d’intérêt réel ou éventuel que pourraient amener avec eux les experts choisis.

    Le document insiste sur le fait que la question de recourir à des experts de l’extérieur ne peut pas se séparer de celle du recours à d’autres spécialistes externes pour l’évaluation de produits nouveaux non biotechnologiques. Il pourrait se révéler difficile de faire un cas spécial de la biotechnologie pour ce qui est de recourir à des examinateurs de l’extérieur, mais il n’en reste pas moins que cette question en soulève d’autres, par exemple : Comment conviendrait-il de traiter les nouveaux produits de la biotechnologie lorsque les compétences spécialisées internes ne suffisent peut-être pas et que le public a le droit de s’attendre à être entièrement informé de la salubrité et de la sécurité relatives ainsi que des avantages et des risques éventuels des produits en cause?

    5) Un autre des enjeux abordés par le document est la nécessité d’adopter des moyens plus transparents pour définir la limite des privilèges commerciaux. Selon l’analyse, c’est un élément de la réglementation dont on n’a pas suffisamment étudié tous les effets sur les produits de la biotechnologie. Il s’agit cependant d’une question complexe parce que reliée à des compromis dans des domaines du droit tels que la liberté d’information et la protection des renseignements personnels. C’est également une question qui est reliée à celle du recours à des compétences externes [voir à 4), plus haut], mais elle s’étend aussi à d’autres enjeux qui doivent être explorés et débattus en public, notamment, la capacité de l’organe de réglementation à faire part des risques à la population, qu’il s’agisse de dangers pour la santé ou pour l’environnement, étant donné que les privilèges commerciaux et d’autres lois restreignent les renseignements pouvant être transmis au public au sujet du produit et que ces privilèges et lois influent aussi les possibilités d’examen des produits et d’échanges d’information sur les produits après-vente. Il faudrait mettre en œuvre un processus plus officiel de consultation auprès des entreprises et des autres intéressés en vue de débattre les limites réelles des privilèges commerciaux dans le cas des produits de la biotechnologie, et de déterminer s’il y a lieu d’accorder un traitement spécial à la biotechnologie en cette matière, en comparaison de ce qui se fait pour les autres produits alimentaires nouveaux et les autres végétaux à caractéristiques nouvelles.

    6) Les consultations publiques relatives aux évaluations de produits et les critères socioéconomiques et éthiques à faire intervenir sont deux domaines qui soulèvent des enjeux encore plus vastes que ceux liés au recours à des compétences de l’extérieur. Le rapport montre que les processus de consultation générale de Santé Canada et de l’ACIA au sujet des règlements et des directives sont de nature très étendue et relativement ouverte. Par contre, ces processus n’ont jamais encore visé une consultation publique universelle au niveau de l’évaluation des produits et en fonction de critères vraiment généraux. Un tel élargissement des apports du public influerait non seulement sur la définition de « l’objet » central de la consultation mais aussi sur celles du « moment » et du « mode » de consultation. Bien plus, dans un débat aussi vaste, il serait impossible d’éviter la question de savoir quel genre de démocratie est mis de l’avant par toutes ces idées de réforme aussi variées que contradictoires : une démocratie de Cabinet-Parlement, une démocratie de groupes d’intérêt et d’intervenants concernés ou une démocratie directe (tous ces modèles se concrétisant de plus en plus dans les réalités nouvelles du gouvernement par voie électronique ou de la démocratie numérique). Ces enjeux de réglementation, extrêmement importants, feraient surgir aussi la question de savoir si les réformes s’appliquent uniquement aux produits de la biotechnologie plutôt qu’à la totalité des produits nouveaux, et à celle de savoir quels effets ces réformes auront sur l’efficience du système canadien de réglementation en comparaison des systèmes des autres pays.

    7) L’auteur de l’étude se demande si le degré de transparence est suffisant en ce qui concerne le mode et le niveau de réglementation de la recherche et des essais expérimentaux. D’une part, le régime de réglementation présente des caractéristiques positives telles que la pratique d’inspecter la totalité des sites d’essais sur le terrain. Par contre, il y a aussi des lacunes de transparence en ce qui touche l’information donnée au public relativement à l’emplacement exact de ces sites, et aussi des lacunes en ce qui concerne le processus d’élaboration des directives visant à déterminer les possibilités d’atténuer les risques ou d’assurer l’isolement reproductif. Ces aspects de la biotechnologie demandent des quantités considérables de règlements et la population canadienne a besoin d’être davantage rassurée sur la présence de tels règlements et d’être entièrement informée de leur mise en œuvre.

    8) Le rapport relève également des lacunes d’information et de compréhension concernant le fonctionnement du processus d’appel en matière d’évaluation des produits et les genres de processus d’examen prévus après-vente, une fois qu’un produit est sur le marché. Il n’existe aucun mécanisme publiquement reconnaissable d’appel ou d’examen après-vente pour les produits alimentaires non traditionnels créés au moyen de la biotechnologie, du moins, certainement aucun mécanisme sur lequel on renseigne automatiquement les citoyens du Canada. Cette dimension cruciale du processus devra faire l’objet de recherches approfondies et il faudra tenir un débat sur les genres de mécanismes qui sont nécessaires en matière d’appel et d’examen après-vente.

    9) Le rapport souligne la présence de bureaux de biotechnologie à Santé Canada et à l’ACIA et se réjouit de cet effort gouvernemental pour offrir un « guichet unique » de service et coordonner ainsi le processus de demande d’approbation et pour encadrer efficacement la politique fédérale en matière de biotechnologie. Toutefois, bien d’autres Canadiennes et Canadiens se posent une autre question, celle de savoir s’il devrait y avoir un organe « autonome » de réglementation de la biotechnologie. C’est une idée qui a été rejetée par le passé. Et cette question en fait naître une autre qui reprend les multiples versions de l’interrogation de base, à savoir « comment et jusqu’à quel point les produits de la biotechnologie sont-ils différents des autres produits non traditionnels? ».

    Il vaudrait la peine de se pencher de plus près sur la question d’un seul organe de réglementation, quand ce ne serait que pour aborder certains des enjeux plus particuliers mentionnés dans les paragraphes ci-dessus. Le rôle du recours à des spécialistes venus de l’extérieur et celui des consultations publiques sont certainement des enjeux qui se feraient jour lors de telles délibérations, tout comme les questions scientifiques complexes ayant trait aux différentes utilisations des produits de la biotechnologie. Inévitablement, encore une fois, la question de l’organe unique de réglementation fait intervenir des compromis quant au degré de différence existant entre le domaine de la biotechnologie et ceux de la santé, de la sécurité et de la salubrité des aliments. Cependant, l’analyse attire aussi l’attention sur le fait que la mise en place d’un seul organe de réglementation réservé à la biotechnologie ne constituerait pas en soi une panacée sur le plan des institutions ou de la démocratie. Même si un tel organe unique était créé, il n’en resterait pas moins des défis à surmonter en matière de coordination interministérielle, et la complexité continuerait de régner. Certains problèmes de coordination seraient simplement reformulés sous la forme de problèmes de cloisonnement au sein de l’organe exclusif de réglementation et il resterait bien d’autres questions à régler, par exemple : comment traiter et coordonner les enjeux en commun avec les autres organismes externes restants tels que ceux de réglementation de la santé et des produits alimentaires (et, par conséquent, les organes de réglementation des produits nouveaux non biotechnologiques).

    10) L’analyse fait ressortir l’importance de « démarches acceptées » essentielles pour l’évaluation des produits, par exemple, le concept de l’équivalence en substances. Il est hors de doute que le système de réglementation de la biotechnologie, en ce qu’il touche les produits alimentaires non traditionnels et les végétaux à caractéristiques nouvelles, base ses évaluations sur ce concept. Et les responsables de la réglementation ont raison de rappeler que ce concept, en lui-même, ne constitue pas la méthode d’évaluation. Il est certainement possible, toutefois, que le concept de l’équivalence en substances puisse faire l’objet de critiques et nécessite un examen plus minutieux puisque l’évaluation doit porter sur des produits de plus en plus complexes de la biotechnologie et que le public accroît ses pressions pour que l’on évalue les incidences cumulatives.

    Tout système de réglementation, quel qu’il soit, doit se doter, avec le temps, d’une forme ou d’une autre de « démarches acceptées » qui auront fait l’objet d’essais institutionnels ou professionnels et qui joueront un rôle semblable à celui que joue actuellement le concept de l’équivalence en substances dans la réglementation des produits alimentaires non traditionnels et des végétaux à caractéristiques nouvelles. Par ailleurs, les systèmes de réglementation sont également assujettis à d’autres concepts et à d’autres idées que différents intérêts présents dans la société (nationale et internationale) voudraient voir acquérir une influence accrue. Un de ces concepts que ce rapport a à peine effleurés est le principe de précaution. Ce principe n’est pas énoncé parmi les six qui fondent le système fédéral de réglementation de la biotechnologie, mais il fait indubitablement l’objet d’un débat grandissant parmi les responsables de la réglementation (les quatre ministères et organismes fédéraux) et parmi les intéressés, afin de déterminer quels seraient les effets de l’application de ce principe aux décisions et aux processus de réglementation. En outre, le principe de précaution est certainement au cœur des débats concernant la nature et l’évolution des régimes visant la réglementation internationale de la biotechnologie. Le rapport n’offre pas de conclusions arrêtées sur les répercussions de ce concept pour les organes de réglementation dont il est question ici, si ce n’est pour dire simplement que le principe de précaution représente, d’une certaine manière, une contestation partielle de l’idée de base selon laquelle la réglementation devrait être fondée uniquement sur la science. Le rôle du principe de précaution soulève en soit une question complexe qui surgira sans aucun doute lors de toute discussion sur quelques-uns des éléments déjà mis en évidence dans les présentes observations.

En résumé, l’auteur du rapport conclut que le système fédéral de réglementation de la biotechnologie a certains points forts, mais qu’il souffre aussi, dans son ensemble, de lacunes évidentes et majeures qu’il faudra soumettre à des recherches, des discussions publiques et des réformes approfondies. Si le système de réglementation de la biotechnologie est complexe, c’est pour d’excellentes raisons, mais le débat le concernant a besoin d’être raffiné et orienté de façon plus précise afin que les Canadiens et les Canadiennes arrivent à mieux comprendre le rôle de ce système dans certains aspects critiques de l’économie et de la société de leur pays en ce début du XXIe siècle.

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Introduction

Les Canadiens éprouvent des inquiétudes à l’égard des produits alimentaires issus de la biotechnologie, mais ils ne sont guère renseignés sur la façon dont le gouvernement du Canada assure l’homologation de ces produits. La présente étude a pour objet d’explorer de façon approfondie le système fédéral de réglementation de la biotechnologie, de manière à mieux en comprendre les rouages et à formuler les questions et les enjeux relatifs à ses points forts et à ses lacunes. Les études menées jusqu’à présent portaient sur certaines grandes caractéristiques du système de réglementation, sans toutefois en expliquer adéquatement les rouages de façon détaillée (Industrie Canada, 1998; Doern and Sheehy, 1999; Prince, 2000; Doern, 2000). La présente étude est de nature exploratoire, car elle ne constitue en aucune façon une recherche exhaustive. Elle s’inspire d’écrits pertinents sur la biotechnologie et la nature des organismes de réglementation, en particulier ceux à vocation scientifique, mais elle ne repose pas elle-même sur un examen complet de l’évaluation des produits en vertu de la réglementation de la biotechnologie. L’étude tire parti des discussions qui ont eu lieu lors d’un atelier d’une journée tenu le 23 juin 2000. Mentionnons cependant qu’il ne s’agit pas d’un compte rendu de cet atelier, auquel ont participé des agents de réglementation œuvrant au sein de deux des ministères et organismes qui sont partie prenante à la réglementation de la santé et de l’innocuité dans le contexte de la biotechnologie, soit la Direction générale de la protection de la santé de Santé Canada et l’Agence canadienne d’inspection des aliments1. Les agents de réglementation présents à l’atelier, plusieurs membres du Comité consultatif canadien de la biotechnologie et l’auteur de la présente étude ont examiné la grille de questions présentée à l’annexe 1, qui aborde plusieurs enjeux et processus clés dans le domaine centrés sur les principales étapes de l’évaluation à laquelle le système de réglementation fédéral soumet un produit issu de la biotechnologie en vue d’en vérifier l’innocuité2. L’étude s’inspire également des différentes recherches antérieures menées par l’auteur et de son expérience en ce qui concerne l’étude et le comportement des organismes de réglementation et des mécanismes de contrôle de l’État en place au Canada.

L’étude se divise en trois grandes parties. Dans la première, nous exposons les principaux aspects généraux de la réglementation fédérale de la biotechnologie en donnant un aperçu du contexte historique; des principales caractéristiques du système fédéral de réglementation de la biotechnologie (dispositions législatives; mandat, politiques et lignes directrices des organismes), y compris les processus de consultation sous-jacents à l’élaboration des politiques et règlements dans le domaine. En outre, nous abordons brièvement l’étude de cas T45, portant sur la biotechnologie, qui a été utilisée à titre d’exemple au cours de l’atelier (Santé Canada, 2000).

Dans la deuxième partie, en l’occurrence la plus longue, nous présentons l’essentiel de l’analyse et nous examinons le processus d’évaluation des produits issus de la biotechnologie. Après un coup d’œil sur le processus d’évaluation aux fins d’homologation de ces produits, nous passons en revue les étapes ou aspects clés du processus en formulant une série de questions et en explorant différents enjeux. Ces étapes commencent par la réglementation de la recherche et des essais au champ (concernant les végétaux à caractères nouveaux), qui relèvent de la compétence de l’Agence canadienne d’inspection des aliments. Le processus prévu par la réglementation en arrive un jour à un point où Santé Canada doit procéder à une évaluation de l’innocuité d’un produit alimentaire nouveau. Cette étape débute par des consultations préalables entre l’entreprise faisant la promotion du projet ou le chercheur universitaire et les agents de réglementation, après quoi l’organisme de réglementation reçoit la demande relative au produit. Après le processus d’évaluation, les étapes prennent fin soit lorsque l’organisme de réglementation fait état de son « absence d’objection » au produit (expression utilisée par Santé Canada) ou « approuve » le produit (terme utilisé par l’Agence), soit lorsque le produit n’est pas approuvé ou qu’il est retiré. On examine ensuite les principales questions inhérentes au processus comme il est indiqué à l’annexe 1.

La troisième partie de l’étude renferme les conclusions et commentaires quant à savoir non seulement quels enseignements on pourrait tirer de la première étude exploratoire approfondie, mais aussi quels autres éléments il y aurait lieu d’examiner ou de modifier grâce à une recherche approfondie et à un vaste débat public.

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RÉGLEMENTATION FÉDÉRALE DE LA BIOTECHNOLOGIE : CONTEXTE ET PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES ET NOTIONS3

Contexte historique

La biotechnologie s’est imposée peu à peu, principalement de trois façons, dans le programme d’action stratégique et économique national et international au cours des années 80 et 90 : dans le système de réglementation de la biotechnologie en pleine évolution par suite du développement de nouveaux produits et procédés par l’industrie et les chercheurs universitaires; dans les stratégies fédérales sur la biotechnologie qui se sont succédé en 1983, au début des années 90 et en 1998; ainsi que dans les controverses périodiques suscitées par les produits et les progrès scientifiques.

La biotechnologie s’est principalement imposée en façonnant peu à peu un système de réglementation par suite du développement de produits biotechnologiques, ce qui a conduit à l’élaboration du Cadre fédéral de réglementation de la biotechnologie (voir ci-après). La réglementation de la biotechnologie ne relève pas d’un organisme unique; par exemple, Santé Canada et l’Agence canadienne d’inspection des aliments sont tous deux dotés d’un bureau de la biotechnologie. En fait, on a élaboré un cadre de principes pour orienter les différents organismes de réglementation et ministères appelés à évaluer les produits issus de la biotechnologie (Agence canadienne d’inspection des aliments et Santé Canada, 2000; Industrie Canada, 1998; Doern et Sheehy, 1999).

La biotechnologie s’est imposée d’une deuxième façon, en tant qu’enjeu stratégique et réglementaire, grâce à une série de stratégies fédérales sur la biotechnologie. Une première Stratégie nationale en matière de biotechnologie, adoptée en 1983, visait essentiellement à promouvoir la recherche-développement et l’investissement dans le domaine ainsi que l’acceptation de cette nouvelle technologie par l’industrie. Elle a été mise à jour au début des années 90, puis remplacée en 1998 par la Stratégie canadienne en matière de biotechnologie, d’une portée beaucoup plus vaste, laquelle avait pour objet d’appuyer « une élaboration, une mise en application et une exportation des produits et services de la biotechnologie qui soient responsables » en équilibre dans le contexte des « considérations sociales et éthiques » (Industrie Canada, 1998, p. 1). La Stratégie canadienne en matière de biotechnologie définit une politique cadre qui énonce une vision, des principes directeurs et des objectifs montrant à quel point la biotechnologie contribue à la croissance économique et à la qualité de vie au Canada. Elle fait état de dix thèmes « d'action concertée » à mettre en œuvre en partenariat avec les provinces, l'industrie, les milieux universitaires, les citoyens, les groupes environnementaux et d’autres parties intéressées. La création du Comité consultatif canadien de la biotechnologie constitue l’élément clé de cette stratégie. Il s’agit d’un groupe d'experts indépendant qui conseille maintenant les ministres sur les « aspects éthiques, sociaux, économiques, scientifiques, réglementaires, environnementaux et sanitaires de la biotechnologie » (Industrie Canada, 1998, p. 1). Le Comité n'a aucun rôle à jouer dans les décisions relatives à la réglementation. Toutefois, dans le cadre de son rôle consultatif, il offre une tribune permanente où les Canadiens peuvent se faire entendre et participer à un « dialogue ouvert et transparent sur les enjeux de la biotechnologie » (Industrie Canada, 1998, p. 1).

La biotechnologie est également devenue d’une troisième façon le centre d’attention sur la scène nationale et internationale en étant le point de mire de controverses suscitées par une politique ou une réglementation particulières. Mentionnons, par exemple, les enjeux scientifiques mondiaux tels que le clonage de la brebis Dolly, la prospection génétique et les liens qui l’unissent à la biodiversité, ainsi que le gigantesque projet de recherche sur le génome humain (Grace, 1997; Appleyard, 1999; Rifkin, 1998; Shiva, 1997; Mironesco, 1998). La biotechnologie peut fort bien soulever une controverse à l’échelle d’un gouvernement ou d’un pays, comme on a largement pu le constater tout au long de 1999 et 2000 au Royaume-Uni. En effet, les politiques et les institutions du gouvernement britannique concernant les aliments modifiés génétiquement ont été la cible d’attaques violentes et soutenues de la part des groupes environnementaux et autres et ont amené des ministres, dont le premier ministre Tony Blair, à faire marche arrière et à limiter les dégâts sur le plan politique à un haut niveau (Flynn, Marsden et Harrison, 1999; Hunt, 1999). Toutefois, la controverse peut également porter sur des produits particuliers, comme dans le cas du débat dont a fait l’objet au Canada l’homologation de la somatotropine bovine recombinante (MacDonald, 2000), produit biotechnologique qui stimule la production laitière et dont l’utilisation a été approuvée aux États-Unis mais interdite sur le territoire canadien.

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Système fédéral de réglementation de la biotechnologie

Le Cadre fédéral de réglementation de la biotechnologie adopté en 1993 définit les principes généraux qui régissent le fonctionnement du système fédéral de réglementation en la matière (Industrie Canada, 1998; Doern et Sheehy, 1999). Dans la législation canadienne, la biotechnologie est définie comme l’« application des sciences et de l’ingénierie à l’utilisation des organismes vivants ou de leurs parties ou produits, sous leur forme naturelle ou modifiée ». C’est pourquoi le cadre fédéral a été élaboré à la lumière des consultations menées auprès de différents ministères et d’autres parties intéressés, lesquels ont des intérêts divers.

Le cadre repose sur six principes concernant la réglementation de la technologie :

  • maintenir les normes élevées du Canada en matière de protection de la santé et de l'environnement;
  • appliquer les lois en vigueur et faire appel aux ministères de réglementation pour éviter le double emploi;
  • formuler des lignes directrices claires sur l'évaluation des produits issus de la biotechnologie, qui soient conformes aux priorités nationales et aux normes internationales;
  • formuler des lignes directrices claires sur l'évaluation des produits issus de la biotechnologie, qui soient conformes aux priorités nationales et aux normes internationales;
  • veiller à ce que l'élaboration et l'application de la réglementation canadienne en matière de biotechnologie se fassent dans la transparence et y inclure un processus de consultation;
  • contribuer à la prospérité et au bien-être des Canadiens en favorisant l'instauration d'un climat propice à l'investissement, au développement et à l'innovation, et l'adoption de produits et de procédés canadiens durables issus de la biotechnologie (Industrie Canada, 1998, p. 12).

De diverses façons, ces six principes visent à refléter un compromis raisonnable et équilibré entre, d’une part, la protection des particuliers et de la société quant à la santé et à la sécurité de l’environnement, des humains et des animaux et, d’autre part, les avantages pratiques découlant des produits et procédés biotechnologiques ainsi que la compétitivité du Canada dans le secteur. Les principes font également écho aux engagements pris par le Canada sur la scène internationale sous l’égide de la Convention des Nations Unies sur la biodiversité, de l’Organisation mondiale du commerce et de l’ALENA (Buckingham, et coll. 1999; Phillips et Buckingham, 2000). Nous aborderons dans les parties ultérieures de la présente étude cette dimension internationale ainsi que l’harmonisation nécessaire, dont certains aspects s’inspirent des six principes susmentionnés.

Environ 43 produits alimentaires nouveaux issus de la biotechnologie, qui ont franchi les étapes de l’homologation et ont été évalués par les organismes de réglementation canadiens, sont maintenant sur le marché. Toutefois, le système a été la cible de critiques. D’aucuns, observateurs et parties intéressées, considèrent que le système actuel comporte des lacunes et déplorent le fait que sa gestion ne soit pas davantage centralisée sous la gouverne d’Environnement Canada, aux termes de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement. D’autres, selon qui cette forme de gestion centralisée rendrait le système profondément illégitime, estiment que le système actuel est plus légitime et efficace, précisément parce qu’il reconnaît la complexité scientifique et technique ainsi que la diversité des secteurs.

Outre les principes susmentionnés, le processus fédéral d’évaluation des produits biotechnologiques repose sur des approches généralement admises, mises au point par les organismes de réglementation canadiens et étrangers concernant l’homologation des aliments nouveaux.

  • Premièrement, l’évaluation de l’innocuité met l’accent sur le produit final. L’évaluation de l’innocuité des aliments issus du génie génétique s’intéresse à la méthode de mise au point de la récolte alimentaire (c’est-à-dire le procédé utilisé), y compris les données relatives à la biologie moléculaire qui caractérisent le changement génétique; la composition de l’aliment nouveau par rapport aux aliments correspondants non modifiés; les renseignements nutritionnels par rapport à ceux se rapportant aux aliments correspondants non modifiés; le risque d’introduction de toxines nouvelles; et le risque de réactions allergiques.
  • Deuxièmement, la comparaison des données moléculaires, compositionnelles et nutritionnelles se rapportant à l’organisme modifié par rapport à celles relatives à un organisme correspondant non modifié, lorsqu’il existe, constitue un principe directeur de l’évaluation de l’innocuité. On prévoit qu’aucun test d’innocuité supplémentaire ne sera requis lorsque l’équivalence essentielle par rapport à un produit alimentaire pourra être établie (Santé Canada, 2000, p. 5; la notion d’équivalence en substance est traitée de façon plus approfondie dans les parties ultérieures de la présente étude).
  • Troisièmement, dans les cas où on ne peut établir une similitude ou un degré d’équivalence en substance, il pourra être nécessaire de procéder à une évaluation plus approfondie de l’innocuité. En outre, les organismes de réglementation soulignent que les évaluation initiales individuelles se feront nécessairement au cas par cas (Santé Canada, 2000, p. 5).

La réglementation dans son ensemble est également régie par le déroulement général des étapes du processus décisionnel, qui englobent l’évaluation, la gestion et la divulgation des risques. L’évaluation des risques fait appel à une analyse scientifique examinant la probabilité d’effets nocifs graves sur la santé et l’environnement, la taille de la population exposée et d’autres facteurs connexes. Santé Canada évalue les risques pour la santé attribuables aux aliments nouveaux, tandis que l’Agence canadienne d’inspection des aliments analyse les risques pour l’environnement liés aux végétaux à caractères nouveaux ainsi que les risques concernant les aliments du bétail, les semences et la santé des animaux. La gestion des risques exige une analyse et des mesures concrètes pour atténuer les risques, les éliminer ou prendre des mesures d’interdiction. Ces mesures sont déterminées selon les responsabilités législatives, les engagements et les partenariats ainsi que selon l’évaluation des avantages pour la santé publique ou autres par rapport aux risques. En outre, la capacité de gérer les risques est en partie fonction des ressources disponibles, notamment le personnel, le savoir-faire et les fonds. La divulgation des risques peut se définir comme « tout échange délibéré d’information sur la santé ou sur les risques environnementaux », mais elle peut aussi englober la divulgation de renseignements dans le but de modifier les attitudes et comportements en faisant connaître les risques pour la santé » (Santé Canada, 1997, p. 34).

TABLEAU 1 : RESPONSABILITÉS LÉGISLATIVES EN MATIÈRE DE BIOTECHNOLOGIE

Produits réglementés Organisme fédéral Loi Règlement
Produits d’utilisation non visée dans les autres lois fédérales Environnement Canada, Santé Canada Loi canadienne sur la protection de l’environnement Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles
Drogues, produits cosmétiques, dispositifs médicaux et aliments Santé Canada Loi sur les aliments et drogues Règlement sur les aliments et drogues, Règlement sur les cosmétiques, Règlement sur les instruments médicaux
Suppléments pour engrais, y compris les nouveaux suppléments microbiens Agence canadienne d’inspection des aliments Loi sur les engrais Règlement sur les engrais
Aliments du bétail, y compris les aliments nouveaux Agence canadienne d’inspection des aliments Loi relative aux aliments du bétail Règlement sur les aliments du bétail
Plantes, y compris celles présentant des caractéristiques nouvelles, dont les arbres forestiers Agence canadienne d’inspection des aliments Loi sur les semences, Loi sur la protection des végétaux Règlement sur les semences
Biologie vétérinaire Agence canadienne d’inspection des aliments Loi sur la santé des animaux Règlement sur la santé des animaux
Produits antiparasitaires Santé Canada Loi sur les produits antiparasitaires Règlement sur les produits antiparasitaires
Organismes aquatiques (en cours d’élaboration) Pêches et Océans Canada Loi sur les pêches Règlement sur les pêches

Source : Industrie Canada (1998). Renouvellement de la Stratégie canadienne en matière de biotechnologie – Documents de référence connexes, Ottawa, Industrie Canada, p. 13.

Comme l’indique le tableau 1, le système fédéral de réglementation de la biotechnologie repose considérablement sur les lois qui régissent quatre ministères et organismes fédéraux jouant un rôle direct dans la réglementation, soit Santé Canada, l’Agence canadienne d’inspection des aliments, Environnement Canada ainsi que Pêches et Océans Canada, et sur leur mandat. Dans la présente étude, nous nous concentrons particulièrement sur Santé Canada et l’Agence canadienne d’inspection des aliments, en raison de leur prépondérance dans les domaines touchant la biotechnologie alimentaire ainsi que les végétaux, les aliments du bétail, les semences et la biotechnologie animale. Santé Canada réglemente la biotechnologie alimentaire en vertu de son règlement sur les aliments nouveaux, tandis que l’Agence canadienne d’inspection des aliments ne réglemente pas ce type de biotechnologie, sauf dans la mesure où elle veille à l’application de la loi. Le rôle d’Environnement Canada et celui de Pêches et Océans ne sont pas abordés dans la présente étude, mais ils sont certainement importants pour comprendre le système dans son ensemble.

Nous ne nous attachons pas ici à décrire en détail chacune des lois. Le tableau 1 est présenté simplement à titre indicatif. Ce qui en ressort d’emblée, c’est qu’à mesure qu’on aborde en détail le système de réglementation, on découvre qu’il comporte en définitive plusieurs mécanismes et étapes préalables en matière d’évaluation des produits selon l’utilisation prévue du produit issu de la biotechnologie. Les mécanismes ne découlent donc pas seulement des lois et des règlements en soi, mais aussi de différentes réalités matérielles et techniques quant à la nature des aliments des humains par opposition à ceux du bétail, aux semences, aux produits aquatiques, etc. En outre, chacun des deux organismes de réglementation au cœur de notre étude, soit l’Agence canadienne d’inspection des aliments et Santé Canada, possède sa propre culture institutionnelle (Prince, 2000; Beaver, 1997; Howse, 1997, Doern et Reed, 2000).

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Processus de consultation en vue de l'élaboration de règlements, de lignes directrices ou de normes

Bien que l’homologation des produits issus de la biotechnologie soit l’objet principal de notre étude, il est essentiel dans la présente introduction d’apprécier à leur juste valeur les processus de consultation qui ont accompagné l’élaboration des règlements régissant la biotechnologie (notamment l’établissement des lignes directrices et des normes). Les principales parties intéressées et le public ont participé à la consultation.

Les principaux aspects de cette consultation sont régis par la politique fédérale sur la réglementation (Conseil du Trésor, 1995), notamment par l’obligation de produire un Résumé de l’étude d’impact de la réglementation (REIR). En vertu du processus d’élaboration des REIR adopté en 1988, chaque ministère fédéral est tenu de présenter un Résumé de l’étude d’impact pour chaque nouveau règlement et chaque modification (Mihlar, 1999). Le REIR met au premier plan l’analyse coûts-avantages obligatoire, ainsi que d’autres critères importants, soit la pertinence des renseignements et la transparence. La politique exige que les ministères et organismes tels que l’Agence canadienne d’inspection des aliments et Santé Canada publient dans la Gazette du Canada les modifications et règlements proposés. Certains types de renseignements particuliers sont exigés et la formulation de commentaires par les parties intéressées fait partie intégrante de ce processus en plusieurs étapes. L’intégration du Résumé de l’étude d’impact de la réglementation au processus exige l’évaluation et la divulgation des coûts et avantages liés à la réglementation. L’analyse des coûts porte uniquement sur les coûts financiers du système pour les entreprises et l’État. Elle n’évalue ni les produits ni les coûts sociaux.

En outre, l’Agence canadienne d’inspection des aliments et Santé Canada ont chacun mené leur propre consultation s’inspirant du processus de consultation inhérent au REIR, qu’ils poussaient plus loin tout en intégrant leurs propres modes d’interaction avec les parties intéressées et le public. Dans la présente partie, nous faisons état de deux processus de consultation relativement vastes qui ont entraîné et façonné deux grandes caractéristiques de la réglementation en matière de biotechnologie. Il s’agit du processus de consultation de Santé Canada, dans les années 90, qui a donné lieu à l’homologation actuelle des aliments nouveaux, et de celui de l’Agence canadienne d’inspection des aliments, qui était centré sur la loi régissant l’Agence (lorsque celle-ci est devenue en 1997 un nouvel organisme de prestation de services) mais qui a également été étendu à certaines modifications à la réglementation découlant de la principale loi faisant autorité (Agence canadienne d’inspection des aliments et Santé Canada, 2000).

Les consultations de Santé Canada sur les aliments nouveaux ont débuté en 1992 par une lettre d’information adressée à toutes les parties intéressées. Cette démarche a conduit à la publication en 1993 de la version préliminaire d’un document de consultation structuré, intitulé Lignes directrices relatives à l’évaluation de l’innocuité des aliments nouveaux. Un atelier consacré à l’homologation des produits agricoles a également été tenu en 1993. La publication en 1994 de la version finale des Lignes directrices a été suivie du processus officiel concernant la Gazette du Canada.

Trente-cinq groupes intéressés se sont manifestés par suite d’une étape de publication préalable lancée en 1995. Ils représentaient tout l’éventail des parties intéressées, notamment les groupes de défense des consommateurs, les gouvernements provinciaux, les sociétés du secteur des aliments et de la biotechnologie, les milieux universitaires, les associations de l’industrie et les organisations à vocation normative. Trois ans plus tard, soit en 1998, une deuxième étape de publication préalable dans la Gazette a donné lieu à neuf réactions. Il y a eu également plusieurs réunions et communications orales officielles et officieuses. Les propositions et les lignes directrices ont été affichées dans le site Web de Santé Canada. Par ailleurs, non seulement le REIR a suscité des questions concernant les détails et la pertinence du processus de consultation, mais il a aussi été à l’origine de définitions plus claires et étroites des « aliments nouveaux » et de ce qui constitue un « changement majeur ». On a également reçu certains commentaires sur l’ampleur et la nature des avantages, des coûts et des fardeaux liés à la réglementation.

Les points susmentionnés témoignent d’un processus d’une durée et d’une complexité considérables qui s’est déroulé sur presque dix ans, mais que nous n’avons analysé en aucune façon. Par exemple, on peut retenir au moins deux interprétations quant au fait que le nombre de groupes qui se sont manifestés a chuté de 35 à 9. Il est possible que les 26 groupes qui ne se sont pas manifestés de nouveau officiellement aient été satisfaits de leur contribution. Ou, en dépit du fait que Santé Canada finance la participation de certains groupes, peut-être n’avaient-ils simplement pas les moyens de se lancer dans la grande aventure de la consultation. Qui plus est, cette consultation portait sur les aliments nouveaux qui, comme nous l’avons vu, constituent en matière de réglementation une sphère plus vaste que les produits biotechnologiques proprement dits.

Le processus de consultation de l’Agence canadienne d’inspection des aliments a été présenté lors de l’atelier dans un contexte plus vaste encore puisqu’il mettait l’accent sur la loi régissant l’organisme. Il ne fait aucun doute que la consultation a été à la fois variée et de grande envergure. Pour l’Agence canadienne d’inspection des aliments, toute l’histoire remonte forcément à la période d’avant 1997, alors que certains éléments de l’organisme étaient rattachés à Agriculture et Agroalimentaire Canada. Au fil des ans, les services chargés des semences, des aliments du bétail et de la santé des animaux avaient développé leurs modes d’interaction particuliers avec les parties intéressées et avec le public (Agence canadienne d’inspection des aliments et Santé Canada, 2000; Prince, 2000; Doering 1996). Les processus de consultation concernant les végétaux à caractères nouveaux et les aliments du bétail nouveaux remontent à 1988 et il s’agissait à l’origine de travaux effectués par le truchement de comités consultatifs et d’une plus vaste consultation menée en 1993. Ils se sont ensuite étendus aux étapes relatives à la Gazette du Canada, y compris une étape de publication préalable à laquelle ont participé plus de 2 000 parties intéressées. La comparution de l’Agence canadienne d’inspection des aliments à moult occasions devant des comités permanents du Parlement entre 1995 et 2000 et les processus plus vastes inhérents à la Stratégie canadienne en matière de biotechnologie figurent aussi parmi les processus de consultation publique auxquels elle a été partie prenante.

Comme c’était le cas pour notre examen de la consultation à Santé Canada, il est impossible de porter d’emblée dans la présente étude un jugement sur les approches adoptées par l’Agence en matière de consultation. Ce qui est évident dans les deux cas, c’est que la consultation a été importante et qu’elle est devenue à la fois plus raffinée et plus complexe. Tant Santé Canada que l’Agence canadienne d’inspection des aliments sont conscients qu’on les jugera de plus en plus en tant qu’organismes de réglementation en fonction non seulement des éléments qu’ils réglementent mais aussi de la façon dont ils le font et en regard non seulement de la biotechnologie mais aussi du très vaste mandat qui leur est dévolu en matière de réglementation.

Mentionnons par ailleurs qu’il existe également à cette étape d’autres domaines d’autoréglementation déterminants et d’institutions participantes, notamment des laboratoires publics et privés ainsi que des organismes à vocation normative. Ils font tous partie d’un vaste mécanisme de contrôle qu’on exhorte de plus en plus à rendre des comptes et à faire preuve de transparence (Doern, Hill, Prince et Schultz, 1999). En outre, le régime international, dont nous avons signalé les principales caractéristiques ainsi que les pressions et les exigences au chapitre de l’harmonisation, que nous examinons ci-après, gagne constamment du terrain. Ce régime constitue de plus en plus un volet de ce mécanisme de contrôle pour la biotechnologie et pour les aliments nouveaux, les aliments du bétail et les semences (Santé Canada, 2000a; Agence canadienne d’inspection des aliments, 2000a; Paarlberg, 2000; Lynas, 1999; Doern, 2000a)

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Étude de cas T45 – un exemple éloquent

Une étude de cas portant sur une demande d’AgrEvo Canada Inc. a été examinée au cours de l’atelier pour illustrer des réalités essentielles inhérentes au processus d’évaluation des produits. La demande initiale intitulée « Évaluation de l’innocuité d’un aliment nouveau pour les lignées de canola tolérantes au glufosinate issues de la modification génétique T45 » (ci-après « l’étude de cas T45 ») a été rédigée pour satisfaire aux critères d’évaluation énoncés dans les Lignes directrices relatives à l’évaluation de l’innocuité des aliments nouveaux – Volume II : Microorganismes et plantes modifiés génétiquement (Santé Canada, 2000). AgrEvro Canada a autorisé la Section de biotechnologie alimentaire de la Direction générale de la protection de la santé de Santé Canada à utiliser certains éléments de sa demande pour les besoins d’un guide, dont le Ministère a commencé à se servir pour assurer la formation des nouveaux agents de réglementation, en particulier dans les cours qu’il a conçus à l’intention des agents de réglementation des pays en développement. Dans sa forme imprimée, le dossier de l’étude de cas, auquel Santé Canada a ajouté pour l’atelier du 23 juin de sa propre documentation sur les critères d’évaluation et les lignes directrices connexes, met l’accent sur les aspects techniques des mesures prises ou requises pour mener à bien les éléments de l’évaluation, c’est-à-dire les données moléculaires, compositionnelles, toxicologiques, nutritionnelles et allergéniques.

Dans l’analyse présentée ci-après, nous nous reportons de manière sélective au matériel de l’étude de cas pour illustrer les éléments évalués ainsi que la façon dont on gère et on coordonne les éléments clés de l’évaluation prévue par la réglementation pour observer dans sa totalité le régime « de l’intérieur ». Ces caractéristiques ressortaient généralement dans les discussions au cours de l’atelier et non simplement dans le document de l’étude de cas proprement dit.

TABLEAU 2 : Éléments clés de l’évaluation des aliments nouveaux

  • Organisme hôte. Pour évaluer l’équivalence en substance de tout végétal nouveau, il est important que l’évaluateur dispose de renseignements détaillés sur l’histoire naturelle du végétal hôte non modifié. Le Bureau de la biotechnologie végétale de l’Agence canadienne d’inspection des aliments a examiné la biologie de chacune des grandes espèces végétales au Canada et publié les résultats des travaux connexes.
  • Organisme donneur. Il faut posséder des renseignements sur l’histoire naturelle de l’organisme donneur, en particulier si celui-ci ou des membres de son genre présentent naturellement des caractéristiques de pathogénicité ou de production de toxines ou ont d’autres caractères qui nuisent à la santé humaine.
  • Processus de modification. Une analyse exposant en détail les caractéristiques moléculaires du végétal nouveau est exigée pour montrer que le phytogénéticien a analysé de façon éclairée le végétal et ses produits, notamment les gènes nouveaux et les protéines nouvelles. La méthode employée pour introduire les traits nouveaux dans le végétal hôte détermine, en partie, les renseignements requis pour l’évaluation de la biologie moléculaire du végétal.
  • Analyse de l’ADN du squelette plasmidique. La transformation de végétaux par l’Agrobacterium constitue la méthode employée le plus couramment pour introduire des gènes nouveaux dans le génome végétal. Elle se traduit par l’insertion de copies uniques, ou souvent doubles, de la cassette d’ADN telle que délimitée par la répétition des bordures gauche et droite de l’ADN-T. Comme les séquences provenant de l’extérieur de ces bordures peuvent aussi être intégrées avec l’ADN-T, le demandeur doit déterminer si ces séquences plasmidiques sont présentes dans le génome du végétal hôte.
  • La stabilité génétique de l’organisme modifié. Il faut déterminer la transmission des caractères héréditaires et la stabilité de chaque caractère introduit qui est fonctionnel dans le végétal modifié. Pour chaque caractère nouveau, on doit démontrer la structure et la stabilité de l’hérédité ainsi que le niveau d’expression du caractère. S’il est impossible de mesurer le nouveau caractère directement au moyen d’une technique de dosage (par exemple, ELISA), on devra déterminer son hérédité en examinant directement l’ADN introduit et l’expression de l’ARN.
  • Matériel exprimé ou effet. Il faut caractériser les produits d’un gène ou d’un élément génétique nouveaux issus du processus de transcription ou de traduction, qui a été introduit dans le génome végétal ou ces mêmes produits issus d’un gène ou d’un élément génétique endogène modifié. Si la modification entraîne l’expression d’une protéine ou d’un polypeptide nouveau, on doit caractériser ce matériel génétique en ce qui a trait à l’identité; à la fonctionnalité; et, s’il y a lieu, à la similarité avec des produits de sources traditionnelles. Lorsque la modification est l’expression d’un ARN nouveau non traductible issu du processus de transcription, il faut établir la sensibilité et la spécificité de l’action souhaitée. Mentionnons à titre d’exemple la production d’ARNm anti-sens ou d’autres espèces d’ARN résultant de la production d’une protéine endogène. Tout changement dans la régulation ou l’expression de gènes non visés chez l’hôte devrait être pris en considération dans l’évaluation de l’innocuité et de la valeur nutritionnelle des produits alimentaires issus du végétal modifié.

Source : Adaptation de Santé Canada, 2000, p. 1-24.

Comme le produit sur lequel porte l’étude de cas T45 est sur le marché depuis 1996, il a été soumis au processus de réglementation de la biotechnologie plus tôt au cours des années 90. De plus, avant l’évaluation de l’innocuité de cet aliment nouveau, Santé Canada avait approuvé deux aliments nouveaux issus de lignées de canola tolérantes au glufosinate, HCN92 (Innovator) et HCN10, tous deux issus de la modification génétique Topas 19/2 (Santé Canada, 2000, ch. 1, p. 4). Ce fait revêt une grande importance en ce qui a trait à la réglementation, car il signifie qu’il s’agissait d’un produit pour lequel les organismes de réglementation pouvaient s’appuyer sur des connaissances antérieures très connexes. Comme nous l’avons déjà mentionné, l’étude de cas T45 est trop complexe pour qu’on la présente en détail, mais le tableau 2 résume les principaux aspects des éléments soumis à l’évaluation. Les données moléculaires, compositionnelles, toxicologiques, nutritionnelles et allergéniques nécessaires sont reliées de diverses façons aux éléments indiqués au tableau 2, notamment la caractérisation et la mise en évidence de l’organisme hôte et du processus du donneur. On n’y aborde pas, par exemple, l’évaluation environnementale ni l’évaluation des aliments du bétail; le processus de modification de l’organisme; la stabilité génétique de l’organisme modifié; l’analyse de l’ADN du squelette plasmidique; et le matériel génétique exprimé ou l’effet. Toutefois, le tableau ne montre pas toute la complexité des différents aspects de l’évaluation des produits par l’Agence canadienne d’inspection des aliments.

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PROCESSUS FONDAMENTAL D’ÉVALUATION DES PRODUITS BIOTECHNOLOGIQUES : ÉTAPES, QUESTIONS ET ENJEUX

Pour la plupart des questions et enjeux examinés dans la présente section, nous nous sommes efforcé de suivre le cheminement d’une demande selon les différentes étapes dans le ministère et l’organisme visés. Toutefois, comme nous l’avons déjà mentionné, il s’agit de processus complexes.

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Coup d’œil schématisé sur le processus

L’approche adoptée ici est la première à schématiser le processus d’une manière stylisée et à montrer l’envergure des activités. Toutefois, à mesure que nous aborderons ci-après les autres questions, il faudra rapidement présenter de nouveau les écarts attribuables aux différences au chapitre des lois, des processus d’examen des cas par l’organisme visé, des cultures institutionnelles et des caractéristiques techniques ou physiques (aliments, végétaux, etc.) et les éléments tels que les données moléculaires, compositionnelles, toxicologiques, nutritionnelles et allergéniques pris en compte aux différentes étapes. Toutefois, soulignons également que les contraintes d’espace ne permettent pas de présenter en détail dans la présente étude le domaine respectif de chacun des aliments, des végétaux, des semences, des aliments du bétail et de la santé des animaux. Ces mises en garde étant faites, le tableau 3 répertorie les principales mesures et caractéristiques du processus d’évaluation des produits.

Ce tableau a été élaboré par l’auteur à partir d’analyses et de données fournies par l’Agence canadienne d’inspection des aliments et Santé Canada lors de l’atelier (Agence canadienne d’inspection des aliments, 2000; Santé Canada, 2000d; ) et diffusées dans le site Web des deux organismes 4. Par ailleurs, le tableau 3 ne fait pas état de caractéristiques ou sous-étapes du processus, plus détaillées mais importantes. Par exemple, pour évaluer un produit modifié génétiquement au regard de sa tolérance aux herbicides, on pourrait procéder de trois façons. En tant que produit alimentaire nouveau, il est pris en charge par Santé Canada, qui en évalue l’innocuité. En tant semence ou aliment du bétail, il fait l’objet d’une évaluation de l’innocuité à la Section des aliments du bétail de l’Agence canadienne d’inspection des aliments. Enfin, en tant que semence, il est soumis à une évaluation environnementale au Bureau de la biotechnologie végétale de l’Agence (Agence canadienne d’inspection des aliments, 2000b). Nous reprenons dans chaque section présentée ci-après les étapes et les éléments du tableau 3 pour combler remplir les vides et faire état des niveaux de complexité de notre représentation schématique du processus d’évaluation des produits biotechnologiques. Le tableau 4 constitue un bref guide qui illustre ces complexités et fait le lien avec les réponses et les enjeux se rapportant aux questions de la grille présentée à l’annexe 1.

TABLEAU 3 : Étapes de l’évaluation globale des produits – un premier coup d’œil

  • La première étape de la réglementation est centrée sur la recherche et les essais au champ. Pour les besoins de la présente étude, nous utilisons principalement l’exemple de l’homologation des végétaux à caractères nouveaux, qui relève essentiellement de l’Agence canadienne d’inspection des aliments. Les phases de l’homologation à ce moment-là visent les végétaux à caractères nouveaux qui sont en milieu fermé (dans un laboratoire ou une serre); en conditions confinées (essais au champ – isolement reproductif); en milieu ouvert (isolement reproductif moindre ou inexistant); et à l’étape de la commercialisation (homologation de la variété; utilisation pour l’alimentation humaine; utilisation pour l’alimentation animale). Si la commercialisation implique l’utilisation du produit comme aliment, le processus entier est transféré à Santé Canada aux termes de son règlement sur les aliments nouveaux. Les autres parties de la présente schématisation du processus portent donc sur la façon dont Santé Canada homologue les aliments nouveaux. Toutefois, il est aussi question de l’Agence canadienne d’inspection des aliments(voir aussi l’annexe II).
  • Chaque demande reçue d’un promoteur est confiée à un agent de réglementation. Les demandes ne sont jamais évaluées par une seule personne, car les aspects scientifiques de l’évaluation de l’innocuité sont multidisciplinaires par nature et véritablement très complexes sur le plan scientifique et technique.
  • La demande (qui, au Canada, renferme les données brutes et non simplement des résumés de données) est généralement très volumineuse (à proprement parler plusieurs volumes), si bien qu’aucun agent scientifique ne la « lit » ou l’« évalue » à proprement parler en entier. De fait, un groupe d’agents évaluent chacun des aspects qui relèvent de leur compétence, soit les données :
      - moléculaires;
      - compositionnelles;
      - toxicologiques;
      - nutritionnelles;
      - allergéniques.
    Le groupe devient une équipe officieuse, mais cruciale, qui s’assure que la demande satisfait à certains éléments ou aspects clés de la liste de vérification. Il procède entre autres à des examens et à des analyses des données et discute de leur pertinence et de leurs répercussions. L’aspect très réductionniste par nature du processus d’évaluation se trouve donc renforcé par les discussions de groupe.
  • Le noyau d’agents scientifiques chargés de mener ces travaux concernant les produits biotechnologiques ne compte pas beaucoup plus de dix spécialistes à Santé Canada et dix à l’Agence canadienne d’inspection des aliments (pour les aspects de la biotechnologie touchant les végétaux, les aliments du bétail, les semences et les animaux) et peut-être une vingtaine d’autres spécialistes au sein des établissements fédéraux à vocation scientifique, auxquels on fait appel sur une base plus périodique. Ce sont les agents de première ligne chargés des aspects du système de réglementation de la biotechnologie relatifs à l’innocuité et ils sont titulaires d’une maîtrise ou d’un doctorat dans leur domaine de spécialisation.
  • Si l’équipe d’examen considère que des précisions s’imposent ou que les données et les études comportent des lacunes, elle en fait part au promoteur. Si celui-ci ne fournit pas les renseignements demandés, le processus de demande prend fin et le délai est ramené à zéro (on trouvera plus de détails ci-après sur les délais et les échéanciers inhérents à l’homologation).
  • Les évaluateurs doivent s’en remettre aux données et aux études fournies par le promoteur et ils ne refont pas les études (de a à z), mais ils peuvent s’appuyer sur d’abondantes publications scientifiques et techniques soumises à l’examen critique des pairs ainsi que sur des rapports d’experts et des documents d’orientation provenant d’autres pays.
  • Pour chaque demande portant sur un produit, le processus d’examen peut prendre de 12 à 18 mois dans le cadre du processus d’évaluation des aliments nouveaux à Santé Canada. Toutefois, il y a d’autres périodes et délais précis où certains éléments de la réglementation et de l’information doivent avoir lieu (voir ci-après).
  • À Santé Canada, le cheminement des demandes dans le processus d’évaluation est suivi de près et examiné. On résout les désaccords ou on les renvoie à qui de droit. Le Comité interne de décisions relatives au produits alimentaires, créé il y a quatre ans, se réunit chaque mois pour prendre les décisions concernant un grand nombre de types de produits alimentaires. À Santé Canada, le Bureau de la biotechnologie alimentaire reçoit les commentaires des divers évaluateurs et formule une recommandation à l’intention du comité interne de décisions relatives aux produits alimentaires. Le processus semble donc plus structuré que dans le cas de l’Agence canadienne d’inspection des aliments. En effet, les décisions prises par l’Agence concernant les végétaux, les aliments du bétail, les semences et les animaux ne reposent sur aucun examen effectué par un comité unique équivalent, mais les décisions sont examinées collectivement d’autres façons.
  • Le processus officiel prend fin lorsque Santé Canada informe le demandeur de son « absence d’objection » au produit. Quant à l’Agence canadienne d’inspection des aliments, elle « approuve » les produits dans les domaines relevant de sa compétence en matière de réglementation.
  • Il est possible qu’un appel ou un examen après la mise en marché survienne au terme du processus d’homologation, mais il ne s’agit pas d’étapes bien définies dans le cas des produits issus de la biotechnologique (voir l’explication ci-après).

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Réglementation de la recherche et des essais au champ (végétaux à caractères nouveaux)

Le principal aspect exploré ici concerne la façon dont l’Agence canadienne d’inspection des aliments réglemente la recherche sur les végétaux à caractères nouveaux. Cette fois encore, notre analyse ne porte que sur les aspects les plus sommaires (voir l’annexe II pour les points ultérieurs). C’est surtout la nouveauté du produit, et non les moyens précis employés pour le mettre au point, qui déclenche l’évaluation. C’est pourquoi les organismes de réglementation sont à l’affût des végétaux à caractères nouveaux, et non des végétaux modifiés précisément selon la technique de l’ADN recombinant. Et la notion d’équivalence en substance constitue également dans ce cas le point de départ de l’évaluation.

La séquence ou le processus d’homologation suit alors les étapes indiquées ci-après (en milieu fermé, en conditions confinées, en milieu ouvert et à l’étape de la commercialisation) – l’autoréglementation ainsi que les organismes de réglementation uniques ou communs peuvent varier d’une étape à l’autre :

  • en milieu fermé (laboratoire, serre) – autoréglementation par des entreprises, des laboratoires ou certification par l’ISO, établissement de règles par les organismes qui subventionnent la recherche;
  • en conditions confinées (essais – isolement reproductif) – homologation selon l’évaluation des essais au champ menés par l’Agence canadienne d’inspection des aliments;
  • en milieu fermé (isolement reproductif moindre ou inexistant) – évaluation environnementale par l’Agence et (si les essais susmentionnés ont été approuvés);
  • à l’étape de la commercialisation (homologation de la variété et utilisation pour l’alimentation animale) – homologation par l’Agence et, pour l’utilisation alimentaire, par Santé Canada (Agence canadienne d’inspection des aliments, 2000).

Premièrement, les étapes initiales en milieu fermé suscitent des questions concernant l’autoréglementation et la mesure dans laquelle le public peut avoir l’assurance concernant la transparence, l’efficacité, l’innocuité et la conformité. Par ailleurs, il est difficile d’envisager comment cet aspect pourrait ne pas reposer sur d’importantes formes d’autoréglementation étant donné les nombreux sites et emplacements pour la recherche et les essais au champ.

Deuxièmement, quelque 5 500 essais au champ ont été effectués au cours des 12 dernières années sur des végétaux à caractères nouveaux (qui ne sont pas tous issus de la biotechnologie). Les règles s’appliquant aux essais au champ en conditions confinées imposent des restrictions quant à la superficie ou au nombre d’hectares à mettre en culture, limitent le nombre d’essais par province et établissent d’autres exigences, notamment la surveillance des lieux d’essai, la destruction du matériel végétal ainsi que les restrictions et la surveillance après la récolte (voir l’annexe II). Au cours des deux dernières années, l’Agence a inspecté la totalité des lieux d’essai durant la saison des essais en cours, mais seulement 10 p. 100 environ des lieux d’essai après la récolte. Le processus de réglementation et de conformité repose essentiellement sur les dossiers tenus. Récemment, l’Agence canadienne d’inspection des aliments a adopté le principe de recouvrement des coûts pour financer certains aspects du processus de réglementation.

Troisièmement, puisque l’analyse entre déjà à cette étape dans le processus d’inspection, signalons que l’inspection est au cœur même des activités de l’Agence (Doering, 1996; Prince, 2000; Moore et Skogstad 1998). Environ 500 employés de l’organisme travaillent à Ottawa, mais les 4 100 autres employés de première ligne chargés de l’homologation sont affectés à ses bureaux locaux. Toutefois, comme l’Agence inspecte les nombreux aspects différents relevant de son mandat, elle embauche ses inspecteurs en fonction d’un mode d’inspection polyvalent. On n’a guère exploré lors de l’atelier la compétence explicite en biotechnologie de ses inspecteurs ou procédés d’inspection.

TABLEAU 4 : GUIDE RÉSUMANT LES ÉTAPES DE L’HOMOLOGATION ET LES QUESTIONS DE LA GRILLE

Étape ou élément (QG indique qu’il s’agit d’une question de la grille présentée à l’annexe I) Principaux enjeux, caractéristiques ou questions (Voir le texte et les sources pour obtenir plus de détails)
Réglementation de la recherche et des essais au champ (végétaux à caractères nouveaux) (QG1) (Voir aussi l’annexe II)
  • L’Agence s’attache aux aspects réglementaires dans le cadre du processus pour l’homologation de toutes les plantes à caractères nouveaux;
  • le concept d’équivalence en substance est le point de départ de l’évaluation;
  • les étapes de la recherche se déroulent en milieu fermé, en conditions confinées, en milieu ouvert et à l’étape de la commercialisation;
  • 5 500 essais au champ ont été menés au cours des 12 dernières années;
  • la totalité des essais sont maintenant soumis aux inspections;
  • il n’est pas obligatoire de publier un avis public concernant les essais au champ;
  • l’Agence évalue les risques environnementaux.
Discussions précédant la réception de la demande (QG2)
  • Santé Canada assure l’homologation en vertu du Règlement sur les aliments nouveaux;
  • le promoteur et Santé Canada ont de nombreux entretiens bien avant l’acheminement de la demande;
  • les lignes directrices précisent les exigences relatives à l’évaluation de l’innocuité;
  • des consultations ultérieures aideront à déterminer les données exactes requises sur les caractéristiques précises du produit et le degré de nouveauté;
  • l’équivalence en substance est le point de départ de l’évaluation.
Qui procède à l’évaluation du produit? (QG3)
  • Une dizaine de scientifiques constituent le noyau d’évaluateurs tant à Santé Canada qu’à l’Agence canadienne d’inspection des aliments;
  • tous les examens sont faits par des scientifiques à l’interne, lesquels font équipe avec d’autres scientifiques qui évaluent les aspects se rapportant à leur domaine de compétence;
  • on a fait appel à un groupe d’experts de l’extérieur dans le dossier de la somatotropine bovine recombinante, mais c’était exceptionnel et il s’agissait d’un cas axé sur la santé animale;
  • les évaluateurs s’appuient régulièrement sur des écrits soumis à l’examen critique des pairs et sur des rapports d’experts d’autres pays;
  • les données figurant dans les demandes sont volumineuses et complexes.
Décisions définitives et règlement des désaccords (QG4)
  • En s’appuyant sur des bases scientifiques, plusieurs évaluateurs scientifiques doivent convenir de l’aspect de l’évaluation qui relève de leur compétence;
  • les membres de l’équipe discutent en cas de désaccord sur le plan scientifique;
  • le règlement des désaccords peut se faire à un échelon supérieur au sein de Santé Canada ou de l’Agence canadienne d’inspection des aliments, au niveau du directeur ou de l’agent supérieur (également des scientifiques);
  • les décisions définitives sont examinées par le Comité interne de décisions relatives aux produits alimentaires de Santé Canada et par le truchement d’un processus moins structuré mais collectif à l’Agence canadienne d’inspection des aliments;
  • on a fait appel à un groupe d’experts de l’extérieur dans le dossier de la somatotropine bovine recombinante, mais il n’y a pas de procédure d’« appel » automatique aux décisions de ce genre de groupes de l’extérieur en cas de désaccord sur un aspect scientifique;
  • le public ne participe nullement au processus d’évaluation des produits issus de la biotechnologie, d’autres aliments nouveaux ou de végétaux à caractères nouveaux;
  • le fait qu’aucun des deux organismes de réglementation n’ait adopté de processus pour examiner les répercussions cumulatives des produits issus de la biotechnologie suscite certaines préoccupations généralisées;
  • il faut tenir compte de la question du secret commercial, liée au droit régissant l’accès à l’information et la protection des renseignements de nature confidentielle.
Durée du processus (QG6)
  • Jusqu’à présent, 43 produits issus de la biotechnologie ont été évalués et mis sur le marché;
  • pour les produits alimentaires biotechnologiques, il faut généralement compter de 12 à 18 mois, mais le délai peut être resserré à 6 mois dans le cas de certains produits;
  • le temps requis varie selon le degré de complexité et de nouveauté inhérente du produit;
  • selon les estimations, les évaluations exigent de 80 à 100 heures-personnes en moyenne, mais aucune donnée précise n’est présentée à cet égard;
  • le promoteur doit respecter d’autres dispositions concernant des échéances précises; en cas de non-conformité, le délai est ramené à zéro;
  • l’efficacité des critères de rendement et d’homologation constitue un élément à prendre en compte dans la gestion générale des évaluations effectuées par tous les organismes de réglementation fédéraux, mais aucun critère ne s’applique expressément au rendement en soi dans la réglementation de la biotechnologie;
  • l’Agence canadienne d’inspection des aliments impose des frais d’utilisation pour certaines activités, mais non Santé Canada.
Aspects interministériels (QG7)
  • Les ministères coordonnent considérablement leurs activités, mais dans le contexte des principales tâches distinctes dévolues à Santé Canada et à l’Agence en vertu de la loi et de leur mandat;
  • Le savoir-faire est mis en commun et il y a beaucoup de consultations entre scientifiques dans les deux organismes;
  • Environnement Canada, Santé Canada et l’Agence canadienne d’inspection des aliments discutent de l’incidence du principe de précaution, mais on n’en est pas arrivé à un consensus définitif quant à l’incidence du principe sur les activités de réglementation réelles;
  • Le Bureau de la biotechnologie alimentaire de Santé Canada et le Bureau de la biotechnologie de l’Agence canadienne d’inspection des aliments n’abordent que partiellement la question de la centralisation des activités d’homologation.
Aspects internationaux (QG8)
  • L’évaluation des produits constitue un processus national, mais les influences internationales se multiplient;
  • les évaluateurs s’appuient considérablement sur les écrits soumis à l’examen critique des pairs;
  • on consulte fréquemment des scientifiques d’organismes de réglementation d’autres pays (en particulier ceux des États-Unis);
  • les principales « approches admises » (par exemple, l’équivalence en substance) sont utilisées et constamment examinées suivant les processus d’examen par des experts de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, de l’Organisation mondiale de la santé et de l’Organisation de coopération et de développement économiques;
  • d’autres ententes bilatérales (Canada– États-Unis; Canada-Union européenne) sur l’harmonisation des méthodes d’évaluation.
Critères de la preuve scientifique par opposition aux autres critères d’examen (QG9; QG10)
  • Au Canada, la loi exige que les évaluations reposent sur des bases scientifiques;
  • la présente étude n’aborde aucun critère non scientifique (social, financier ou éthique), mais des études menées à l’heure actuelle ou récemment par le Comité consultatif canadien de la biotechnologie et, à l’échelle internationale, par la fondation Nuffield au Royaume-Uni en font état;
  • il serait possible de relier le débat à diverses questions et valeurs, notamment les partis pris de chaque évaluateur scientifique en tant que citoyen; les pressions en faveur de l’approbation de produits en raison de la compétitivité mondiale; la signification du principe de précaution; le recours à des non-spécialistes pour la prise de décisions concernant l’évaluation de produits; et les conceptions différentes de la démocratie.
Communication des décisions définitives et procédures d’appel (QG11 et QG 12)
  • Lorsque Santé Canada rend une décision favorable, il fait état de son « absence d’objection » au produit; quant à l’Agence canadienne d’inspection des aliments, elle « approuve » le produit si celui-ci satisfait à toutes les conditions;
  • Santé Canada diffuse dans son site Web les documents faisant état de ses décisions définitives;
  • il y a des choix difficiles à faire en ce qui a trait à la longueur que devraient avoir les documents communiquant les décisions et le volume d’information technique qui devrait y figurer;
  • les types de renseignements pouvant être rendus publics varient selon le secret commercial et, par le fait même, ils influent sur la question de la divulgation des risques; les compromis entre la liberté d’information et le droit de la protection des renseignements de nature confidentielle entrent également en jeu;
  • le processus adopté par Santé Canada pour l’évaluation des aliments nouveaux ne prévoit aucune procédure en bonne et due forme pour que les entreprises, les parties intéressées ou les citoyens examinent les décisions d’homologation définitives ou qu’ils fassent appel de ces décisions;
  • l’Agence canadienne d’inspection des aliments a adopté certains mécanismes permettant de modifier une décision d’homologation par suite de l’obtention de nouvelles données scientifiques.
Examen après la mise en marché (QG13)
  • Aucun programme systématique n’a été prévu pour l’examen après la mise en marché des produits alimentaires nouveaux issus de la biotechnologie;
  • Après la mise en marché, les citoyens pourraient faire part de leurs préoccupations à l’organisme de réglementation de façon informelle;
  • l’Agence canadienne d’inspection des aliments a prévu plusieurs processus de suivi concernant la recherche et les essais au champ (voir l’annexe II), mais il ne s’agit pas à proprement parler d’examens après la mise en marché;
  • le choix et l’information des consommateurs sont des enjeux clés, car nombre d’entre eux ignorent qu’ils consomment des produits alimentaires biotechnologiques – cette question pourtant essentielle inhérente au marché ne fait pas partie intégrante du mécanisme généralement considéré comme un examen après la mise en marché.

Un quatrième aspect de la réglementation porte sur les lieux d’essai en conditions confinées. Il n’est pas obligatoire de publier un avis public concernant les essais ni de communiquer de l’information sur leur emplacement exact. Un avis de 30 jours est donné à l’administration provinciale visée. L’absence d’avis public et d’information sur l’emplacement exact est principalement due à deux éléments. Premièrement, on craint que le site ne subisse des dommages susceptibles d’invalider les essais. Deuxièmement, étant donné les récentes protestations très médiatisées contre les aliments et les végétaux modifiés génétiquement auxquelles on a assisté au Royaume-Uni (où les lieux d’essai avaient été divulgués), il est possible que les organismes de réglementation veuillent éviter de faire la une de cette façon et d’offrir ainsi aux médias une occasion de critiquer l’industrie des aliments modifiés génétiquement.

Par ailleurs, les rejets dans l’environnement font également l’objet d’une évaluation de l’innocuité en milieu ouvert. Après l’approbation d’un rejet en milieu ouvert, il n’y a généralement aucune exigence en matière d’isolement reproductif, de surveillance des lieux d’essai ou de restrictions relatives à l’utilisation du sol après la récolte (sauf pour les végétaux produisant des protéines insecticides Bacillus thuringiensis quand un plan de gestion de la résistance a été imposé (Agence canadienne d’inspection des aliments, 2000).

Un cinquième et dernier point concernant l’ensemble du processus a trait à la façon dont les aspects « environnementaux » sont évalués aux plus vastes étapes des conditions confinées et du milieu ouvert. Les préoccupations à cet égard, à la fois d’ordre scientifique et juridictionnel, vont bien au-delà des produits précis. Sur le plan scientifique, la préoccupation tient à la question de savoir si le processus d’évaluation dans son ensemble permet ou non d’examiner les répercussions cumulatives (Nuffield Foundation, 1999). Les essais au champ ne sont pas évalués suivant un processus de consultation publique, comme le fait l’Agence canadienne d’évaluation environnementale, qui relève d’Environnement Canada, lorsqu’elle procède aux évaluations environnementales en vertu de la loi qui la régit. Toutefois, l’Agence canadienne d’inspection des aliments évalue certains aspects environnementaux à l’étape de la recherche ou des essais et l’évaluation environnementale constitue un aspect de ses inspections et de ses activités d’application de la loi (voir l’annexe II pour obtenir plus de détails).

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Discussions précédant la réception de la demande

À un certain moment après que la recherche et les essais au champ ont été menés à bien, le promoteur ou le chercheur qui a mis au point un produit alimentaire nouveau doit demander à Santé Canada de procéder à son évaluation. Il est tout à fait logique que l’entreprise ou le chercheur ait de nombreux entretiens avec l’organisme de réglementation avant de présenter une demande à l’égard du produit. Dans certains cas, cela pourrait se faire deux ou trois ans avant la demande. Chaque groupe doit suivre des lignes directrices détaillées, propres aux produits visés, qui font état des renseignements exigés pour l’évaluation de l’innocuité. Ces discussions et les lignes directrices constituent des mécanismes nécessaires et souhaitables pour les deux parties. Pour l’organisme de réglementation, ils donnent l’assurance qu’on lui fournira les types d’analyses et de données appropriées et qu’il n’y aura aucun malentendu quant à ces exigences. Pour le promoteur, ils aident à réduire l’incertitude qui entoure inévitablement l’homologation d’un produit. Les lignes directrices font état des exigences pour l’évaluation de l’innocuité, mais on recommande de consulter les agents de réglementation pour déterminer les données exactes qui seront requises d’après les caractéristiques précises du produit et le degré de nouveauté comparativement aux produits déjà sur le marché.

Signalons par ailleurs que les discussions initiales sont également essentielles pour le promoteur, du fait qu’il développe son produit tout en sachant que l’homologation (« absence d’objection ») est essentielle à son acceptation. Par ailleurs, le promoteur a des raisons qui lui sont propres de souhaiter que ses produits reposent sur des bases scientifiques appropriées au sein de l’entreprise même. Ces considérations sont centrées non seulement sur la fierté de l’entreprise face à ses concurrents d’offrir un bon produit, mais aussi, à juste titre, sur la crainte d’en être tenu responsable dans l’avenir si le produit se révèle dangereux ou inefficace.

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Qui procède à l’évaluation ou à l’examen du produit?

Nous avons déjà répondu partiellement à cette question dans l’aperçu schématisé du processus d’évaluation des produits alimentaires nouveaux, en parlant des équipes de base d’évaluateurs et du fait qu’il y a toujours un groupe de scientifiques qui effectue l’examen et qu’une dizaine d’entre eux forment le noyau d’évaluateurs tant à Santé Canada qu’à l’Agence canadienne d’inspection des aliments. Les évaluateurs sont des scientifiques des services internes. On n’a pas recours à des scientifiques contractuels ni à des groupes d’experts spéciaux de l’extérieur. On a fait appel à un groupe d’experts de l’extérieur dans le dossier de la somatotropine bovine recombinante, en grande partie en raison de la pression publique et de la controverse. Toutefois la demande portait alors sur un médicament à usage vétérinaire et non sur un produit alimentaire nouveau. La décision de Santé Canada de ne pas approuver son utilisation sur le territoire canadien est fondée sur l’existence d’un risque inacceptable pour la santé des vaches laitières (MacDonald, 2000).

Les équipes d’évaluation s’appuient également sur les écrits pertinents soumis à l’examen critique des pairs et sur des études pour porter un jugement sur le produit, ses propriétés et ses effets éventuels. Toutefois, les renseignements sur le produit ne sont pas eux-mêmes soumis automatiquement à un examen critique par des pairs de l’extérieur, comme ce serait le cas s’il s’agissait d’une étude à publier dans une revue scientifique reconnue. Cependant, la documentation de l’étude de cas T45 de Santé Canada indique clairement que l’évaluation d’une demande pour l’évaluation de l’innocuité d’un aliment nouveau est comparable à l’examen critique par des pairs d’un manuscrit en vue de sa publication dans une revue scientifique. Par conséquent, la qualité du texte et des données présentées doit être comparable. Il faut décrire suffisamment en détail le déroulement des essais (ou faire les renvois en conséquence) pour permettre de reproduire la méthode (Santé Canada, 2000, Module 2, p. 5). Le même document fait aussi clairement état de la nature volumineuse et détaillée des renseignements à présenter à la fois pour les aliments nouveaux issus de microorganismes modifiés génétiquement et pour les végétaux et leurs produits (Santé Canada, 2000, Module 1, p. 1-27).

Des questions viennent automatiquement à l’esprit dans ce contexte quant à savoir si les deux organismes de réglementation disposent d’une capacité de recherche-développement interne ou autre suffisante directement adaptée à leurs besoin en matière de réglementation scientifique sur laquelle sur laquelle ils peuvent s’appuyer et élaborer. Des fonds supplémentaires de 90 millions de dollars ont été prévus dans le budget fédéral de 2000 et certaines études en cours visent directement à répondre à ce type de besoins. La disponibilité de nouveaux fonds est également cruciale pour permettre aux organismes de réglementation d’attirer et de maintenir à l’effectif des gens qualifiés dans un domaine extrêmement concurrentiel. Il n’existe que deux sources de financement à cet égard : soit les contribuables en assument les frais ou les entreprises visées par la réglementation versent des droits d’utilisation. Toutefois, ces droits ont des répercussions sur la réglementation, car il y va de l’intérêt public par rapport à l’intérêt privé (Doern et Reed, 2000).

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Qui prend les décisions définitives et quels sont les mécanismes de règlement des désaccords?

L’analyse ci-dessus indique que les décisions définitives d’une façon quelconque sont prises de façon concertée au sein de l’organisme de réglementation, car plusieurs évaluateurs scientifiques doivent convenir, sur des bases scientifiques, de l’aspect de l’évaluation relevant de leur compétence. Au cours de ce processus multidimensionnel, il peut certainement y avoir des désaccords et des divergences d’opinion au sein de l’organisme et peut-être entre le promoteur et l’organisme. Essentiellement, il faut parler de ces divergences et les résoudre en équipe dans un esprit à la fois professionnel et collégial. Cette forme de règlement des désaccords repose donc en partie sur la confiance et le respect professionnel mutuel pour les domaines de compétence complémentaires et distincts. Le fonctionnement de tous les systèmes de réglementation doit reposer en partie sur la confiance, mais aucun système ne peut acquérir une légitimité publique uniquement sur cette base (O=Riordan, 1996; Powell et Leiss, 1997; Doern et Reed, 2000; Holmes, 1999).

Si les désaccords ont été portés à un échelon supérieur au sein de Santé Canada et de l’Agence canadienne d’inspection des aliments, il est prévu qu’un agent supérieur en est alors saisi, peut-être au niveau du directeur ou même du directeur général. En règle générale, il s’agit de personnes qui ont une formation scientifique et ont déjà œuvré en qualité d’évaluateurs scientifiques de première ligne. Comme nous l’avons vu, Santé Canada s’est aussi doté d’un comité interne de décisions relatives aux produits alimentaires plus structuré pour la gestion globale de l’évaluation des dossiers des produits et le règlement des désaccords. L’Agence ne compte pas de comité centralisé équivalent pour les aspects touchant l’homologation des produits issus de la biotechnologie (bien qu’il y ait beaucoup de discussions entre les divers secteurs de l’organisme).

Dans la présente étude, nous ne pouvons formuler davantage de commentaires sur le fonctionnement exact de ces processus, car cette dynamique n’a fait expressément l’objet d’aucune recherche. Quelques exemples ont été donnés au cours de l’atelier, par exemple, un cas où une divergence d’opinions au sein de l’Agence canadienne d’inspection des aliments quant au type de données à présenter a été résolue lorsque le chef de l’organisme a communiqué avec le président-directeur général de l’entreprise visée.

Il peut arriver que des entreprises fassent des appels ou exercent des pressions (souvent auprès de ministres ou de députés) lorsqu’elles considèrent que l’approbation ou le processus dans son ensemble prend trop de temps (voir ci-après pour obtenir plus de détails). Cependant, les sociétés de biotechnologie sont généralement fort conscientes de l’importance primordiale de l’évaluation aux fins d’homologation pour que la population accepte un produit alimentaire issu de la biotechnologie et elles sont généralement discrètes en ce qui a trait à la plupart de leurs insatisfactions. Là encore, notre observation n’a que la valeur d’un simple commentaire, car cet aspect de l’homologation des produits issus de la biotechnologie n’a fait l’objet d’aucune étude systématique.

En bout de ligne, si sa demande est approuvée, le promoteur reçoit une lettre du chef de l’organisme ou d’un autre cadre supérieur l’informant que l’organisme de réglementation ne s’oppose pas à la mise en marché du produit. Santé Canada fait état de son « absence d’objection » au produit, tandis que l’Agence canadienne d’inspection des aliments « approuve » le produit pour l’homologation des végétaux, des animaux et des aliments du bétail issus de la biotechnologie. Il arrive parfois qu’un produit biotechnologique soit « rejeté » officiellement, mais le processus d’évaluation des produits peut aussi donner lieu à des retraits de fait. Ces retraits ne constituent certainement pas une étape officielle du processus, mais ils peuvent simplement survenir si le promoteur ne présente pas les données requises ou si le produit ne satisfait pas à un aspect quelconque de l’évaluation. En pareil cas, l’évaluation de la demande prend simplement fin, définitivement ou jusqu’à ce que le promoteur ait pris des mesure pour respecter les exigences.

Les deux grandes questions « Qui décide en général? » et « Qui décide lorsqu’on ne s’entend pas à l’interne sur le plan scientifique? » sont reliées en bout de ligne à deux autres aspects litigieux de l’évaluation et de la prise de la décision à mesure qu’un produit biotechnologique passe par les différentes étapes du processus d’homologation. Il s’agit dans le premier cas de déterminer si des scientifiques formant un groupe d’experts de l’extérieur (provenant d’un organisme qui n’a pas une vocation normative) devraient examiner chaque produit ou participer à des procédures d’« appel » exceptionnelles. C’est ce qui s’est produit en fin de compte dans le dossier de la somatotropine bovine recombinante. Si on avait recours à des groupes de spécialistes de l’extérieur dans le cas de tous les produits biotechnologiques, cela pourrait renforcer la confiance du public à l’égard d’une réglementation transparente reposant sur des bases scientifiques. Mais cela aurait sans doute également pour effet d’accroître le délai d’exécution, ce qui pourrait même avoir une incidence négative sur la capacité des entreprises canadiennes à mettre de bons produits sur le marché comparativement à leurs concurrents d’autres pays selon l’efficacité de leur système national de réglementation.

Si on avait recours à ce genre de groupes uniquement dans les cas exceptionnels, le problème consisterait à déterminer les critères d’exceptionnalité applicables. Santé Canada a examiné très minutieusement le dossier de la somatotropine bovine recombinante, mais le recours à des groupes d’experts de l’extérieur (ordinaires et spéciaux) n’a pas été le principal enseignement qu’on en a tiré. Au lieu de prendre exemple sur Santé Canada, les organismes de réglementation se sont attachés à améliorer la clarté et la transparence en général du processus et des procédures relatives à l’obtention des données.

Fait également important, la question du recours à des groupes d’experts de l’extérieur (sans compter les plus vastes modes de participation des citoyens) ne peut être dissociée de celle de savoir pourquoi cette réforme s’appliquerait exclusivement aux produits issus de la biotechnologie. Pourquoi pas à tous les médicaments et produits alimentaires? Mais si elle s’applique à l’échelle du système à tous les domaines relevant de la compétence de Santé Canada et de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (sans compter Environnement Canada ou Pêches et Océans Canada), il y aura d’énormes répercussions sur l’efficacité et l’efficience l’ensemble des processus d’homologation des produits. En définitive, ces questions sont également liées à des conceptions opposées de la démocratie ainsi qu’à l’ampleur de la démocratie participative directe et aux différentes formes qu’elle prend, par opposition à la démocratie des groupes d’intérêt ou des parties intéressées ou encore à la démocratie du Parlement et du Cabinet que l’on privilégie, au nom de la réforme ou de la défense du statu quo (Anderson, 1999; Prince, 2000; Doern et Reed, 2000).

Les règles, les normes et les pratiques concernant le secret commercial influent également sur la question de la participation des groupes d’experts (et des plus vastes formes de consultation publique) dans le processus d’homologation des produits. Le secret commercial constitue une norme puissante appuyée par la réglementation gouvernementale soit pour des raisons légales (notamment les compromis entre le droit de la liberté d’information et celui de la protection des renseignements de nature confidentielle), mais aussi en partie en raison de l’inertie et des conventions. Les promoteurs ne veulent pas que leur secret commercial soit révélé à leurs concurrents pendant que les agents de réglementation de l’État évaluent les produits. Les organismes de réglementation de la biotechnologie sont donc actuellement tenus d’adopter à la fois les principes de transparence et de protection des renseignements de nature confidentielle en tant que valeurs globales inhérentes à la réglementation, car il s’agit de deux principes essentiels, chacun à sa façon, dans un système de réglementation équilibré.

Cependant, il est évident que cette situation pose un dilemme. La nécessité pour les entreprises de protéger l’information qu’elles considèrent comme des renseignements commerciaux de nature délicate a une incidence majeure sur la capacité de l’organisme de réglementation à divulguer les risques à la population. Par conséquent, il est important de demander qui précisément détermine ce qui constitue un renseignement commercial de nature délicate, par exemple, les données recueillies sur l’approbation des produits avant leur mise en marché. La question des produits alimentaires nouveaux est presque entièrement déterminée sans débat public quant à savoir où établir la ligne de démarcation concernant les produits alimentaires nouveaux issus de la biotechnologie.

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Quelle est la durée du processus d’évaluation des produits – en temps de calendrier ou réel?

Comme nous l’avons mentionné, 43 produits issus de la biotechnologie ont été évalués et mis sur le marché. Il est tout à fait logique de se demander quelle est la durée de l’évaluation d’un produit en temps de calendrier (temps écoulé entre la réception de la demande et la fin du processus entier) et en temps réel (nombre d’heures-personnes consacrées au dossier par les évaluateurs scientifiques et les autres intervenants). De toute évidence, tant les entreprises que les organismes de réglementation tiennent en définitive non seulement à ce que le système de réglementation soit efficient, mais aussi à ce qu’il évalue efficacement l’innocuité et les risques.

On ne dispose pas de données complètes, mais les agents de réglementation participant à l’atelier sont généralement d’avis que le processus d’évaluation de produits alimentaires issus de la biotechnologie peut prendre en moyenne de 12 à 18 mois en temps de calendrier, mais que le délai peut être resserré à 6 mois environ dans le cas de certains produits. Il va de soi que le degré de complexité et de nouveauté inhérente du produit biotechnologique peuvent et doivent déterminer le temps réellement nécessaire. On doit par ailleurs se rappeler que les échelles de temps mentionnées par les agents de réglementation se rapportent au processus d’évaluation aux fins d’homologation auquel sont soumis l’ensemble des aliments nouveaux, dont des produits non issus de la biotechnologie.

En ce qui a trait au temps réel ou aux heures-personnes, les participants à l’atelier n’ont pu qu’établir des estimations à titre indicatif. Certains ont mentionné une estimation de 80 à 100 heures-personnes en moyenne pour Santé Canada, mais on ne dispose pas de données publiques fermes quant à cet aspect et rien n’indique que ces données sont consignées, que ce soit sous forme de moyenne ou de plage de temps, lesquelles sont considérablement fonction du degré de complexité et de nouveauté du produit visé.

Le processus d’évaluation aux fins d’homologation comporte d’autres impératifs d’ordre temporel. Par exemple, Santé Canada précise que le fabricant ou l’importateur doit l’informer 45 jours à l’avance avant de vendre ou d’annoncer pour la vente un produit alimentaire nouveau (Santé Canada, 2000d). L’Agence canadienne d’inspection des aliments et l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire sont également informées de toutes les requêtes portant sur des aliments présentées à Santé Canada. Le ministère s’attache à déterminer dans les 45 jours si des renseignements supplémentaires sont requis pour évaluer l’innocuité de l’aliment nouveau. Toutefois, si le promoteur ne donne pas suite aux demandes de renseignements, le délai de 45 jours est remis à zéro. Ce type de disposition procure le pouvoir réglementaire nécessaire pour permettre à l’organisme de réglementation d’obtenir les renseignements dont il a besoin. Signalons en passant que la possibilité de ramener le délai à zéro ne fait pas partie du régime d’homologation des aliments du bétail nouveaux.

Depuis dix ans, pratiquement tous les organismes de réglementation, que ce soit dans le domaine de la santé et de la sécurité ou d’autres domaines (au Canada et ailleurs) ont subi des pressions pour élaborer de meilleures normes de service ou de rendement applicables dans leurs activités de réglementation et y adhérer (Doering, 1996; Doern, Hill, Prince et Schultz, 1999). Les normes de rendement font partie intégrante du cadre redditionnel et des plans d’activités tant à Santé Canada qu’à l’Agence canadienne d’inspection des aliments, mais on n’a pas adopté de mesures du rendement distinctes pour les produits biotechnologiques (Agence canadienne d’inspection des aliments, 1997).

Dans certains domaines, les pressions exercées en faveur de l’adoption de normes de rendement ont été reliées, comme nous l’avons vu, au prélèvement de droits d’utilisation auprès de l’industrie pour financer en partie l’organisme de réglementation. Santé Canada n’impose pas de droits d’utilisation pour le système d’homologation des aliments nouveaux et l’Agence canadienne d’inspection des aliments a également résisté aux pressions à cet égard dans la plupart des sphères relevant de sa compétence. Dans le cas de l’Agence, la résistance provient non seulement de l’organisme de réglementation lui-même, mais aussi des nombreuses petites entreprises qui forment sa clientèle. (Prince, 2000; Doern et Reed, 2000). Toutefois, l’Agence n’impose pas de frais pour l’homologation en ce qui a trait aux essais au champ, aux rejets environnementaux des plantes à caractères nouveaux et aux aliments du bétail nouveaux.

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Aspects interministériels du processus d’évaluation des produits

La prise en charge de l’évaluation des produits issus de la biotechnologie comporte d’importants aspects interministériels. Tout d’abord, comme nous l’avons vu, le système dans son ensemble fait intervenir principalement quatre ministères et organismes ainsi que les lois et lignes directrices qui les régissent. En ce qui concerne les aliments nouveaux issus de végétaux à caractères nouveaux, principal objet de notre étude, Santé Canada et l’Agence canadienne d’inspection des aliments jouent un rôle complémentaire.

L’Agence est chargée de l’administration et de l’application de onze lois, dont la Loi relative aux aliments du bétail, la Loi sur la santé des animaux, la Loi sur les semences et la Loi sur la protection des végétaux, déjà mentionnées au tableau 1, ainsi que de l’importation particulière de différents types de produits biotechnologiques. En outre, l’Agence s’intéresse à la Loi sur l’emballage et l’étiquetage des produits de consommation (plus particulièrement aux dispositions relatives aux aliments), qui constitue un autre aspect de la réglementation de la biotechnologie non abordé dans la présente étude. L’Agence est par ailleurs responsable de l’administration de sept dispositions provinciales de la Loi sur les aliments et drogues qui portent sur les aliments (exception faite des dispositions qui traitent de santé publique, de sécurité ou de nutrition) et de l’application de cette loi. Santé Canada est l’autorité en matière de réglementation dans les domaines de la santé, de la sécurité et de la nutrition.

Les deux organismes de réglementation doivent travailler en étroite collaboration et faire équipe lorsqu’il s’agit de mobiliser et de mettre en commun le savoir-faire afin d’évaluer les produits. Dans la prise de décisions définitives, les tâches sont réparties selon les compétences liées au mandat et à la loi, mais le noyau relativement modeste de savoir-faire de première ligne signifie que dans les faits le partage du savoir-faire ainsi que la confiance et le respect mutuel revêtent une importance cruciale.

Un élément qui nous préoccupe à cet égard est l’évaluation des produits en soi, mais les préoccupations interministérielles au sujet de la signification et de l’application du principe de précaution constituent un autre aspect interministériel qu’il faut mentionner dans ce contexte. Ce principe, généralement énoncé et invoqué d’abord et le plus souvent par Environnement Canada (l’un des quatre ministères faisant partie du système fédéral de réglementation de la biotechnologie) et par les organisations non gouvernementales du secteur de l’environnement, il est également abordé dans les discussions entre les ministères et à l’échelle du gouvernement par le truchement de Santé Canada et des organisations non gouvernementales du secteur de la santé, à l’origine en raison de la Commission Krever et des controverses liées à la réglementation du sang, mais de façon plus générale également. Toutefois, à Santé Canada, les agents de réglementation chargés des aliments et des produits biotechnologiques nouveaux font valoir que leur système d’évaluation des produits dans son ensemble constitue en soi une mesure de précaution même si les lois qui régissent le ministère ne mentionnent pas ce concept (cependant explicite dans les lois environnementales administrées par Environnement Canada, par exemple, la Loi canadienne sur la protection de l’environnement). En d’autres termes, on affirme que le principe de précaution s’applique puisqu’aucun produit n’est pas approuvé sans avoir satisfait au préalable à certaines critères d’innocuité. L’Agence canadienne d’inspection des aliments adopte le même point de vue à cet égard. Nous ne pouvons en dire beaucoup plus à propos de cette question en tant qu’aspect interministériel ou objet de la présente étude, si ce n’est qu’il s’agit maintenant d’un volet beaucoup plus explicite du débat à tous les niveaux : évaluation des produits, réglementation dans son ensemble et régimes internationaux pour le commerce international des aliments (Programme des Nations Unies pour l’environnement, 1999; Stirling, 1999; Paarlberg, 2000; Doern, 2000a; Commission des Communautés européennes, 2000).

Une réglementation obéissant au principe de centralisation des activités constitue un autre problème concernant les aspects interministériels. Bien souvent, les entreprises du secteur privé se plaindront si elles doivent présenter une demande à plusieurs endroits ou points d’entrée et elles voudront éviter le chevauchement et le fardeau excessif lié à la réglementation. Il est même possible que ces chevauchements ne se produisent même pas au niveau « interministériel » entre les quatre organismes visés. Ils pourraient aussi avoir lieu au sein de Santé Canada et de l’Agence canadienne d’inspection des aliments. Pour répondre à ces préoccupations, Santé Canada a créé le Bureau de la biotechnologie alimentaire, dont il a été question précédemment, qui fait office de guichet unique. Quant à l’Agence canadienne d’inspection des aliments, elle s’est dotée d’un Bureau de la technologie, mais il est difficile de déterminer si celui-ci joue un rôle direct dans l’homologation. À l’heure actuelle, son personnel se compose principalement de non-scientifiques dont le rôle premier consiste à assurer la liaison et les communications avec les autres ministères dans le contexte de la Stratégie canadienne en matière de biotechnologie.

Les préoccupations concernant la centralisation des activités d’homologation prennent une envergure nouvelle parmi les citoyens et les groupes d’intérêt qui pourraient souhaiter, tout simplement, qu’un organisme distinct soit chargé de la réglementation de la biotechnologie. Toutefois, même si l’on créait cet organisme, les problèmes de coordination pourraient demeurer une préoccupation dominante. Certains deviendraient simplement des problèmes de coordination par cloisonnement au sein de l’organisme de réglementation unique et il resterait entre autres à savoir comment traiter avec d’autres organismes de réglementation de l’extérieur, par exemple, les autres membres du système de réglementation de la santé et de celui des aliments, et assurer une coordination avec eux.

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Aspects internationaux du processus d’évaluation des produits

Il serait trop long dans la présente étude de rendre compte en détail des aspects internationaux de l’évaluation des produits alimentaires issus de la biotechnologie. Le système d’évaluation des produits demeure dans une très large mesure un système national, car le même produit devra être soumis à une évaluation par l’organisme de réglementation des différents pays où il sera mis sur le marché. La souveraineté nationale en matière de réglementation signifie que la permission de vendre un produit n’est pas toujours accordée par tous les pays, comme en témoigne le cas de la somatotropine bovine recombinante et comme il ressort clairement de nombreux désaccords entre la Communauté des Communautés européennes et l’Amérique du Nord (Paarlberg, 2000; Phillips et Buckingham, 2000; Doern, 2000).

L’évaluation de produits réels à Santé Canada et à l’Agence canadienne d’inspection des aliments prend certainement une dimension internationale à trois égards. Premièrement, puisque la biotechnologie est une science d’envergure mondiale, les écrits soumis à l’examen critique de pairs, qui s’appuient sur le processus d’évaluation des produits, proviennent de différents pays. Deuxièmement, les « pairs » des évaluateurs scientifiques à Santé Canada et à l’Agence sont des spécialistes qui œuvrent au sein d’organismes de réglementation d’autres pays (en particulier les États-Unis) et avec lesquels ils sont régulièrement en contact. Cela ne signifie nullement qu’ils adoptent simplement les conclusions auxquelles on en est arrivé ailleurs. Toutefois, cela signifie qu’ils peuvent demander des renseignements concernant des problèmes techniques ou analytiques particuliers et obtenir des conseils (et, bien sûr, donner eux-mêmes des conseils aux agents de réglementation étrangers qui communiquent avec Santé Canada ou l’Agence dans le but de tirer parti de leurs connaissances).

Troisièmement, l’influence des « approches admises » dont il a été question précédemment, tout particulièrement en ce qui touche la notion d’équivalence en substance (voir la définition supra) confère également une dimension internationale à l’évaluation des produits. Ce concept a été adopté à l’issue de l’expérience et de discussions internationales qui se sont déroulées principalement au cours des années 90. Ces discussions et la formulation de l’approche d’équivalence en substance ont vu le jour dans les tribunes internationales telles que l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS), puis l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 1993 (Organisation de coopération et de développement économiques, 1993). L’approche a été adoptée à plus grande échelle et renforcée après une consultation d’experts FAO-OMS menée en 1996 sur la façon dont plusieurs dossiers relatifs à des produits alimentaires avaient été pris en charge dans divers systèmes de réglementation (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, 1996). L’approche a également fait l’objet d’une consultation conjointe des spécialistes de la FAO et de l’OMS en 2000 (Organisation mondiale de la santé, 2000).

La notion d’équivalence en substance est au cœur même du processus d’évaluation des produits biotechnologiques du Canada (et de sept autres pays) en tant que moyen de déterminer dans quelle mesure les équipes de scientifiques du système de réglementation peuvent s’appuyer sur la recherche des caractères nouveaux et, par le fait même, sur les types de données. Toutefois, l’équivalence en substance n’est pas le processus d’évaluation proprement dit. Il s’agit en effet du point de départ, mais comme nous l’avons mentionné précédemment l’évaluation tout entière est centrée sur l’évaluation de fond des produits par les équipes scientifiques de réglementation (Santé Canada, 2000a). C’est pourquoi l’équivalence en substance ne peut s’appliquer et ne s’appliquera pas à l’évaluation d’un produit alimentaire nouveau pour lequel on ne dispose d’aucun élément de comparaison adéquat, selon la signification donnée à cette notion dans les lignes directrices de Santé Canada sur l’innocuité et expliquée plus en détail dans l’étude de l’OMS (Organisation mondiale de la santé, 2000). Dans ces cas, il faudra produire des renseignements plus détaillés et exhaustifs.

L’idée selon laquelle l’équivalence en substance constitue le point de départ reçoit par conséquent un appui considérable parmi les agents de réglementation professionnels, mais elle est également contestée, en particulier par ceux qui considèrent que la prochaine génération de produits biotechnologiques reposera sur des formes plus complexes et incertaines de modifications génétiques (Millstone, Brunner et Mayer, 1999).

Une autre sphère d’interventions internationales est axée sur la promotion de l’harmonisation des systèmes et des approches en matière de réglementation. Par exemple, une série de réunions entre le Canada et les États-Unis ont abouti en 1998 à la conclusion d’un accord sur l’application des critères moléculaires dans la biotechnologie des végétaux par les agents de réglementation des deux pays (Agence canadienne d’inspection des aliments, 2000).

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Critère de la preuve scientifique par rapport aux autres critères d’examen socioéconomiques

Comme nous l’avons déjà mentionné, la preuve scientifique et la prise de décisions sur des bases scientifiques – les scientifiques mettent à profit leur savoir-faire et s’appuient sur des recherches scientifiques soumises à l’examen critique de leurs pairs – sont au cœur même du processus d’évaluation des produits issus de la biotechnologie. Il est tout à fait naturel de se demander si d’autres valeurs et critères socioéconomiques sont ou devraient être pris en compte dans l’évaluation des produits (Nuffield Foundation, 1999). Et cette interrogation soulève la question de savoir comment et quand ils doivent faire partie d’un processus quelconque. Soulignons que cet enjeu complexe et important n’a pas été abordé dans la présente étude ni au cours de l’atelier. Tout ce que l’on peut signaler à cet égard, ce sont les éléments que pourraient englober d’autres enjeux socioéconomiques (Nuffield Foundation, 1999; Stirling, 1999; O=Riordan, 1996; Powell et Leiss, 1997; Holmes, 1999; Doern et Reed, 2000).

Un aspect pourrait simplement être que certains évaluateurs scientifiques travaillant pour un organisme de réglementation ont un parti pris marqué en tant que citoyens et particuliers pour ou contre les produits biotechnologiques. Bien que cette possibilité existe, le fait que des équipes de scientifiques examinent réellement un produit devrait constituer un puissant « antidote » et atténuer ainsi ce risque.

Un deuxième aspect des critères socioéconomiques consiste à déterminer s’il existe dans le système de réglementation un parti pris institutionnel en faveur des entreprises (ou de l’approbation des produits). Un certain doute a surgi, car les mandats et les principes relatifs aux aspects du régime de réglementation touchant le commerce mondial, l’innovation et l’accès aux marchés en font davantage mention. On peut par ailleurs soutenir que le recours accru au versement de droits d’utilisation par l’industrie pour financer les organismes de réglementation exerce une pression en faveur de l’accélération du processus d’évaluation (ou même la perception d’une pression à cet égard). Dans les aspects clés de la réglementation internationale en matière de santé et d’innocuité, les efforts déployés pour mettre au point des classements au chapitre de l’efficacité, afin de comparer les organismes de réglementation de différents pays comme dans le cas de l’homologation des médicaments, procèdent également de ce scepticisme. Les agents de réglementation fédéraux à Santé Canada et à l’Agence canadienne d’inspection des aliments soutiennent fermement qu’il n’existe aucun parti pris systématique de la sorte et que les critères dominants reposent sur une évaluation de la santé et de l’innocuité fondée sur des bases scientifiques et, en fait, que les lois en vigueur ne leur permettent pas de tenir compte d’autres critères.

Un troisième aspect de la question des critères socioéconomiques réside dans le fait que certains opposants au principe de précaution croient qu’il constitue une brèche par laquelle quantité de critères douteux pourraient intervenir dans le processus décisionnel. Pour d’autres, cependant, la prudence est considérée comme un élément naturel d’une bonne évaluation des risques et, de fait, de l’examen critique d’autres scientifiques (Stirling, 1999).

Enfin, l’utilisation réelle ou accrue de critères socioéconomiques est nécessairement liée à notre analyse antérieure quant à savoir si une plus vaste consultation publique fait partie intégrante du processus d’évaluation des produits par opposition au processus général de réglementation de la biotechnologie ou si elle s’y ajoute (voir ci-après). Cette question est également liée à une foule de critères importants, notamment les critères éthiques concernant le choix de chaque consommateur et les conceptions opposées du contrôle démocratique dont il a été question précédemment et les approches en la matière.

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Communication des décisions définitives au demandeur et au public

Nous avons déjà mentionné que les décisions définitives de Santé Canada sur un produit alimentaire nouveau indiquant l’« absence d’objection » de l’organisme de réglementation sont communiquées par écrit au promoteur. Toutefois, l’autre aspect de la communication des décisions définitives est centré sur la communication au public. Santé Canada et l’Agence canadienne d’inspection des aliments publient leurs décisions en matière d’homologation. Toutefois, leurs agents de réglementation ont soulevé lors de l’atelier certains dilemmes et compromis dans cet aspect de la transparence.

Par exemple, les documents faisant état des décisions définitives concernant les produits alimentaires nouveaux sont diffusés dans le site Web de Santé Canada, mais leur contenu pose un défi quant au degré de détail et aux renseignements qu’on doit y présenter. Les documents qui sont trop longs et trop techniques peuvent être la cible de critiques de la part du public. Cependant, toute troncation peut également susciter des critiques selon lesquelles des parties essentielles de l’information ne sont pas révélées.

Le fait que le document doive être rédigé de façon à ne révéler aucun renseignement commercial pouvant être utile aux concurrents du promoteur constitue un autre facteur qui revêt une importance primordiale. Cette contrainte nous ramène à l’analyse antérieure du secret commercial et du privilège ainsi que de la façon dont on établit la ligne de démarcation entre l’intérêt public et l’intérêt privé, notamment les liens avec la législation sur l’accès à l’information et la protection des renseignements de nature confidentielle.

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Procédures d’appel

Les systèmes de réglementation prévoient d’ordinaire des dispositions quant aux appels ou à tout le moins on discute de la question de savoir pourquoi certains types d’appels peuvent ne pas être considérés comme souhaitables. Nous parlons ici de l’appel aux décisions définitives et non de l’appel des décisions pendant le processus d’évaluation, dont nous avons parlé précédemment (notamment les processus extraordinaires comme ceux auxquels a donné lieu la décision concernant la somatotropine bovine recombinante). L’information recueillie au cours de l’atelier et auprès d’autres sources pour les besoins de la présente étude semble indiquer que les règlements de l’Agence canadienne d’inspection des aliments ne renferment aucune disposition selon laquelle une décision rendue pourrait être modifiée à la lumière de nouveaux renseignements scientifiques (voir ci-après). Toutefois, dans le cas des produits alimentaires nouveaux issus de la biotechnologie, ni le promoteur ni le public ne disposent d’une procédure d’appel en bonne et due forme.

L’élaboration de ce genre de procédure susciterait inévitablement des débats majeurs quant à savoir auprès de qui l’appel serait interjeté et pour quels motifs. On pourrait songer à des instances telles que le ministre, les groupes d’experts (pratiquement une forme de « tribunal scientifique ») et les tribunaux ordinaires, qui peuvent chacun à sa façon faire valoir leur efficacité et leur efficience; un savoir-faire pertinent ou douteux; un degré et une base de « politisation » potentielle; ainsi qu’un règlement des désaccords et un processus décisionnel expéditifs.

Dans l’avenir, même en l’absence d’un mécanisme d’appel ouvert pour les produits biotechnologiques (par l’entreprise ou le public), certaines mesures pourraient bien être prises concernant ces produits par le truchement des tribunaux et du système juridique en vertu du droit administratif, de la Charte canadienne des droits et libertés et de la Constitution. Ces mesures pourraient aussi être prises dans d’autres pays ou en vertu du droit commercial et des mécanismes de règlement des désaccords et, par conséquent, influer sur la pratique canadienne. Aucun de ces mécanismes ou domaines n’a été examiné de façon approfondie lors de l’atelier et nous les mentionnons ici uniquement par souci d’exhaustivité.

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Surveillance des produits biotechnologiques après la mise en marché

Cette question appelle en un sens une réponse extrêmement brève, mais plus complexe à d’autres égards. La réponse la plus simple réside du côté de l’innocuité des aliments, tandis que la plus complexe a trait à l’Agence canadienne d’inspection des aliments, où est intégré le suivi post-réglementaire de la réglementation des essais.

Une fois le produit alimentaire biotechnologique lancé sur le marché, les organismes de réglementation n’exercent aucune surveillance systématique. Autrement dit, il n’existe aucun programme systématique exigeant que le produit soit soumis à un nouvel examen quelques années plus tard. Il n’existe pas non plus de façon reconnue publiquement de simplement rendre compte par la suite du rendement d’un produit ou de ses effets nocifs éventuels (le cas échéant). Cette situation contraste avec le recours croissant à un examen après la mise en marché dans les plus vastes domaines de la réglementation de la santé, notamment dans le cadre du Programme des produits thérapeutiques de Santé Canada (Doern, 2000b). Bien sûr, la situation après la mise en marché varie d’un cas à l’autre. Par exemple, les médicaments ont des effets toxiques que l’on connaît mieux et c’est pourquoi la comparaison avec les aliments nouveaux risque de ne pas être équitable quant à la portée de l’examen possible ou nécessaire après la mise en marché.

On ne doit pas en déduire qu’il n’existe aucune avenue permettant de porter des préoccupations ou des renseignements à l’attention des organismes de réglementation. Les citoyens peuvent toujours communiquer avec l’organisme de réglementation. Toutefois, un examen en bonne et due forme d’aliments nouveaux issus de la biotechnologie après leur mise en marché ne constitue pas un aspect explicite du processus de réglementation.

L’Agence canadienne d’inspection des aliments souligne qu’il existe certaines formes d’examen de suivi après les essais au champ, bien qu’elles ne fassent pas partie d’une surveillance après la mise en marché comme telle (car les produits réels n’ont pas encore été approuvés en vue de leur mise en marché). L’annexe II en montre quelques-unes, mais comme nous l’avons déjà fait remarquer, on ne s’entend pas quant à la mesure dans laquelle elles sont appropriées et complètes.Bien qu’elle ne s’insère pas dans l’activité de « surveillance après la mise en marché » comme telle, la question de l’information et du choix des consommateurs constitue un dernier aspect du régime d’homologation des aliments issus de la biotechnologie. La plupart des consommateurs de produits biotechnologiques, particulièrement en Amérique du Nord, ignoraient qu’ils consommaient des produits alimentaires biotechnologiques. C’est par suite de cette situation que non seulement certains ont exigé d’avoir le choix entre des produits modifiés génétiquement et des produits ne renfermant pas de composants modifiés génétiquement, mais aussi des entreprises, par exemple, des chaînes de supermarchés au Royaume-Uni, ont percé sur le marché en faisant savoir qu’elles vendaient uniquement des produits exempts de composants modifiés génétiquement. Toutefois, d’autres études vont dans le sens contraire, notamment un récent sondage mené au Canada, selon lequel 61 p. 100 des Canadiens voient d’un bon œil la biotechnologie et 66 p. 100 considèrent que si la science jugeait qu’un produit biotechnologique est bon pour la santé et que son utilisation ne présente aucun danger, elle devrait alors éclipser toute préoccupation éthique (National Post, 2000). Cependant, ce même sondage a également révélé que les aliments modifiés génétiquement soulèvent des préoccupations et que les Canadiens souhaitent être rassurés par la participation d’un organisme de réglementation indépendant à vocation scientifique.

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CONCLUSIONS ET PRINCIPAUX DÉFIS

La présente étude avait pour objet d’explorer de façon approfondie le système fédéral de réglementation de la biotechnologie, de manière à mieux en comprendre les rouages et à formuler les questions et les enjeux relatifs à ses points forts et à ses lacunes. Elle a fait état de la plupart des principaux éléments du système pour en donner une vue d’ensemble, mais notre analyse du processus d’évaluation des produits a mis l’accent sur les végétaux à caractères nouveaux et les aliments nouveaux issus de la biotechnologie. Notre étude s’est inspirée d’écrits pertinents sur la biotechnologie et la nature des organismes de réglementation, en particulier ceux à vocation scientifique, mais rappelons qu’elle ne repose pas elle-même sur un examen complet de l’évaluation des produits au sein de l’administration fédérale aux fins d’homologation.

En nous concentrant sur les 13 questions de la grille et sur d’autres renseignements de base présentés par les agents de réglementation de Santé Canada et de l’Agence canadienne d’inspection des aliments, nous avons sommairement défini et exploré le système de réglementation en procédant à une analyse à deux niveaux. Premièrement, nous avons tracé le portrait du système fédéral de réglementation de la biotechnologie en donnant un aperçu de son contexte historique et de ses principales caractéristiques globales (dispositions législatives; mandat, politiques et lignes directrices des organismes), y compris les processus de consultation sous-jacents à l’élaboration des règlements. Deuxièmement, nous avons examiné l’essentiel du processus d’évaluation des produits issus de la biotechnologie, notamment en jetant un coup d’œil schématisé sur le processus puis en passant en revue les enjeux et caractéristiques clés.

Nous avons également vu le contexte dans lequel fonctionnent le processus global de réglementation de la biotechnologie et ses rouages complexes :

  • plusieurs lois s’appliquant à la biotechnologie et à d’autres objectifs en matière de réglementation;
  • quatre ministères et organismes (tous quatre à vocation scientifique, mais deux seulement sur lesquels a porté notre examen);
  • six principes, qui ne sont pas nécessairement prévus par la loi;
  • une série d’« approches admises » découlant de l’expérience nationale et internationale, dont la notion d’équivalence en substance;
  • une série d’accords et d’obligations au niveau international (dans les domaines de l’environnement et de la santé).

Étant donné la complexité du régime, il est inévitable que l’analyse donne lieu à une combinaison de conclusions, de recommandations et de nouvelles questions pour la recherche et l’élaboration de politiques. La série de conclusions et de défis en dix points examinés ci-après doit être placée dans le contexte des points forts et des limites de la présente étude et des sources sur lesquelles s’est appuyée notre analyse.

    1) L’actuel système fédéral de réglementation de la biotechnologie présente plusieurs points forts, notamment les connaissances, le professionnalisme et les compétences de son noyau d’évaluateurs scientifiques et des données assez fiables témoignant d’une approche ouverte à l’égard de la consultation publique quant à l’établissement de règles en général pour l’élaboration des lois, des règlements, des lignes directrices et des normes. Le fait que le système s’appuie sur le vaste régime d’homologation des aliments nouveaux et de réglementation de la santé et de l’innocuité dans son ensemble et qu’il fonctionne dans leur cadre, représente également un avantage à maints égards (voir les observations ci-après concernant la question d’un organisme de réglementation unique en matière de biotechnologie).

    2) Comme l’a montré notre étude, le système actuel est complexe et il se compose de plusieurs mécanismes qui varient selon les différents besoins législatifs et techniques se rapportant aux aliments, aux semences, aux suppléments d’engrais, aux aliments du bétail et à la santé des animaux (et même dans une optique plus vaste si on ajoute les éléments environnementaux et aquatiques des domaines de compétence d’Environnement Canada et de Pêches et Océans Canada, que nous n’avons pas examinés dans la présente étude). La communication au public canadien de renseignements sur la nature du système actuel se fait de façon plus claire qu’il y a quelques années, mais il reste encore beaucoup à faire pour en arriver à la pleine transparence.

    3) L’affectation de nouveaux fonds à la réglementation de la biotechnologie dans le budget fédéral de 2000 constitue une mesure bienvenue et nécessaire, mais le caractère adéquat de l’aide à la recherche-développement à Santé Canada et à l’Agence canadienne d’inspection des aliments pour les besoins directs de réglementation de la biotechnologie continue de susciter des préoccupations. Ces questions méritent d’être explorées de façon plus approfondie, à plus forte raison étant donné la complexité croissante de la prochaine génération de produits biotechnologiques et les questions qui pourraient à juste titre être soulevées quant à savoir si l’un ou l’autre des organismes de réglementation évalue les répercussions cumulatives de la l’ensemble des produits biotechnologiques. Les questions de financement revêtent également une grande importance compte tenu de la nécessité d’attirer et de maintenir en poste des scientifiques spécialisés faisant office d’agents de réglementation de première ligne. Faute de données pertinentes et de temps, ces enjeux clés de la capacité des institutions et de leur personnel n’ont pu être examinés dans le cadre de la présente étude ni lors de l’atelier, mais tout indique qu’un examen distinct serait justifié.

    4) La question du recours à des spécialistes de l’extérieur pour l’évaluation des produits nécessite également un examen plus approfondi. Notre étude a révélé que les enseignements tirés du dossier de la somatotropine bovine recombinante n’ont pas permis aux deux organismes de réglementation de déterminer s’ils peuvent ou doivent faire appel à des spécialistes de l’extérieur pour le domaine des aliments nouveaux ou ses aspects biotechnologiques. Des options ou des enjeux importants pourraient êtres explorés à cet égard, par exemple, la question de savoir si le Bureau de la biotechnologie alimentaire de Santé Canada ou les agents de réglementation de l’Agence canadienne d’inspection des aliments pourraient ou devraient avoir recours à ces spécialistes pour examiner le résultat des travaux des évaluateurs à l’interne. La question de savoir si l’on devrait faire appel à des spécialistes de l’extérieur sur une base régulière ou uniquement dans les cas exceptionnels et, dans ce dernier cas, quels seraient les critères d’exceptionnalité, constitue de toute évidence un enjeu supplémentaire dans le contexte. Il faut également savoir quels types de compétences devraient posséder les spécialistes de l’extérieur et si on peut les trouver au Canada. Si ces spécialistes étaient mis à contribution, leur disponibilité dans un bref délai serait cruciale pour le système de réglementation tout comme la question des conflits d’intérêts réels ou potentiels concernant les spécialistes choisis pour faire ce travail.

    Nous avons souligné que la question des spécialistes de l’extérieur ne peut être dissociée du recours à ce genre de spécialistes pour d’autres produits nouveaux non issus de la biotechnologie. Il peut être difficile d’isoler la biotechnologie pour ce type d’examen mené par des spécialistes de l’extérieur, mais l’enjeu soulève par ailleurs des interrogations quant à la façon de prendre en charge les nouveaux produits issus de la technologie lorsque le savoir-faire interne risque de ne pas être suffisant et que le public est en droit de s’attendre à un débat de fond sur l’innocuité et l’analyse risques-avantages au niveau des produits.

    5) Une définition plus transparente des limites du privilège commercial constitue un autre enjeu qui se dégage de la présente étude. Notre analyse indique que cette caractéristique de la réglementation, du fait qu’elle a des répercussions sur les produits biotechnologiques, n’a pas été examinée de façon transparente. Il s’agit toutefois d’un enjeu complexe, car il est lié aux compromis dans des domaines connexes du droit, comme l’accès à la formation et la protection des renseignements de nature confidentielle. Cet enjeu relié à la question des spécialistes de l’extérieur, dont fait état le point 4 ci-dessus, touche d’autres enjeux qui doivent être explorés et débattus dans l’arène publique. Mentionnons notamment la capacité de l’organisme de réglementation de divulguer les risques, tant les risques pour la santé que les risques environnementaux, car le privilège commercial et d’autres lois limitent les renseignements sur le produit pouvant être communiqués au public et ils influent également sur les processus éventuels d’examen après la mise en marché ou l’échange d’information. Il faut mener une consultation plus structurée auprès des entreprises et des autres parties intéressées pour déterminer quelles sont les limites réelles du privilège commercial dans le cas des produits biotechnologiques et si la biotechnologie doit faire exception à cet égard par rapport aux autres produits alimentaires nouveaux ou aux autres végétaux à caractères nouveaux.

    6) Les consultations publiques sur l’évaluation des produits et les critères socioéconomiques et éthiques sont deux domaines intimement liés qui soulèvent des interrogations encore plus vastes que le recours aux spécialistes de l’extérieur. Comme nous l’avons vu, les processus généraux de consultation de Santé Canada et de l’Agence canadienne d’inspection des aliments sur la réglementation et les lignes directrices sont très vastes et relativement ouverts. Toutefois, ils ne mettent nullement l’accent sur une consultation plus ouverte au niveau de l’évaluation des produits sur la base de critères aussi vastes. Nous n’avons pas exploré ces enjeux dans la présente étude. Il suffit de dire que cette participation élargie devrait envisager non seulement « sur quoi » serait axée la consultation, mais aussi « quand » et « comment » elle aurait lieu. De plus, aucune analyse de cet enjeu ne saurait esquiver la question du type de démocratie que font valoir différentes conceptions opposées de la réforme : démocratie reposant sur le Cabinet et le Parlement; démocratie reposant sur les groupes d’intérêts et les parties intéressées; ou démocratie directe (de plus en plus présente dans les nouvelles réalités du gouvernement branché ou de la démocratie numérique). Ces questions de réglementation très importantes soulèveraient également la question de savoir si la réforme vise uniquement les produits biotechnologiques plutôt que tous les produits nouveaux et quel effet elle aurait sur l’efficacité du système de réglementation comparativement à celui d’autres pays.

    7) L’étude a jeté un doute sur le caractère adéquat de la transparence du processus de réglementation de la recherche et des essais au champ. À cet égard, notre étude a mis l’accent sur les végétaux à caractères nouveaux, mais nous en arrivons à des conclusions très contrastées. D’une part, on observe certains éléments favorables, notamment le fait que la totalité des lieux d’essai soient inspectés. D’autre part, le processus comporte des lacunes au chapitre de la transparence quant à la communication au public de l’emplacement des lieux d’essai et au processus d’élaboration des lignes directrices pour orienter le choix entre les mécanismes d’atténuation des risques ou l’isolement reproductif. En outre, l’autoréglementation occupe une place importante dans ces aspects de la biotechnologie sur lesquels il faut rassurer davantage le public canadien et l’informer de façon plus transparente.

    8) L’étude a également révélé des lacunes sur le plan de l’information et de la compréhension quant au fonctionnement de la procédure d’appel par suite de l’évaluation des produits et aux types de processus d’examen intégrés après la mise en marché. Il n’existe aucun procédure d’appel ni aucun mécanisme d’examen après la mise en marché bien distinct pour les aliments nouveaux issus de la biotechnologie ou certainement aucun qui soit communiqué d’emblée au public canadien. Ces aspects clés du processus doivent faire l’objet d’une recherche et d’un débat supplémentaires concernant les types de mécanismes d’appel et d’examen après la mise en marché qui sont nécessaires.

    9) Dans notre étude, nous avons signalé que Santé Canada et l’Agence canadienne d’inspection des aliments sont tous deux dotés d’un bureau de la technologie et nous avons loué les efforts déployés dans le but de mettre en place un guichet unique pour coordonner le processus de demande et améliorer la coordination de la politique fédérale en matière de biotechnologie. Toutefois, selon certains Canadiens, il faut encore déterminer si l’on doit confier à un organisme autonome unique la réglementation de la biotechnologie. L’idée d’un organisme unique a été rejetée dans le passé. Et cette question vient éluder cette fois encore différentes versions de la question ultime « En quoi les produits issus de la biotechnologie diffèrent-ils des autres produits nouveaux? » Ou même, dans une optique plus vaste, nous pourrions soulever les mêmes questions au sujet des organismes de réglementation pour d’autres nouvelles technologies habilitantes telles qu’Internet et les cyberproduits.

    Il serait utile d’explorer plus à fond l’option d’un organisme de réglementation unique, à tout le moins en tant que véhicule permettant d’intervenir dans certains domaines particuliers mentionnés précédemment. Des enjeux tels que le rôle des spécialistes de l’extérieur et celui des consultations publiques surgiraient indubitablement tout comme les enjeux scientifiques complexes concernant l’utilisation de différents types de produits biotechnologiques. Inévitablement cette fois encore, l’existence d’un organisme unique suppose des compromis quant à savoir en quoi la biotechnologie est particulière ou différente par rapport aux autres domaines de la santé et de l’innocuité. Cependant, l’analyse a également attiré l’attention sur le fait que tout organisme unique chargé de la réglementation de la biotechnologie ne serait pas une panacée institutionnelle ou démocratique. Même si on créait cet organisme de réglementation autonome, la complexité et les défis inhérents à la coordination interministérielle subsisteraient. Certains problèmes de coordination deviendraient simplement des problèmes de coordination par cloisonnement au sein de l’organisme de réglementation unique et il resterait entre autres à savoir comment traiter avec d’autres organismes de réglementation de l’extérieur, par exemple, les autres membres du système de réglementation de la santé et d’homologation des aliments (et par conséquent d’autres produits nouveaux non issus de la biotechnologie) et assurer une coordination avec eux.

    10) L’analyse a fait ressortir l’importance des principales « approches admises » dans l’évaluation des produits, par exemple, la notion d’équivalence en substance. Il ne fait aucun doute que le système de réglementation de la biotechnologie s’appliquant aux aliments nouveaux et aux végétaux à caractères nouveaux s’en sert comme point de départ de l’évaluation. Et les agents de réglementation soulignent à juste titre que cette notion en soi ne constitue pas le processus d’évaluation. Il est certainement possible, cependant, que la notion d’équivalence en substance puisse être critiquée ou qu’elle nécessite un examen plus approfondi à mesure que des produits biotechnologiques plus complexes entreront dans le processus d’évaluation ou que des pressions seront exercées en faveur de l’évaluation des répercussions cumulatives.

    Tout système de réglementation doit mettre au point une certaine forme d’« approches admises » éprouvées sur une base professionnelle ou institutionnelle, comme le rôle que joue l’équivalence en substance dans l’homologation des aliments nouveaux et des végétaux à caractères nouveaux. Toutefois, ces systèmes sont également assujettis à d’autres notions et idées que des intérêts différents au sein de la société (à l’échelle nationale ou internationale) souhaiteraient voir devenir plus influents. Le principe de précaution, auquel nous avons fait allusion dans la présente étude, constitue l’un de ces notions. Il ne figure pas parmi les six principes énoncés du système fédéral de réglementation de la biotechnologie, mais on assiste indubitablement à un débat croissant entre les organismes de réglementation (les quatre ministères ou organismes) et entre les parties intéressées quant à savoir exactement l’incidence qu’il aurait sur les décisions et les processus en matière de réglementation. Et ce principe est certainement au cœur des débats sur la nature et l’évolution des régimes pour la réglementation de la biotechnologie à l’échelle internationale. La présente étude ne permet pas d’en arriver à des conclusions définitives quant à l’incidence de cette notion sur les organismes de réglementation auxquels nous nous sommes intéressé au premier chef, même si l’on peut affirmer que d’une certaine façon elle remet partiellement en question l’idée maîtresse selon laquelle la réglementation reposera uniquement sur des bases scientifiques. Le rôle du principe de précaution constitue lui-même une question complexe et il s’agirait indubitablement d’un enjeu dans l’analyse de plusieurs éléments déjà soulignés dans les observations figurant ici à titre de conclusions.

En général, nous concluons donc que notre étude plus approfondie du système fédéral de réglementation de la biotechnologie a révélé certains points forts du système, mais il est également évident que le régime dans son ensemble comporte d’importantes lacunes qui nécessiteraient des recherches supplémentaires, un débat public et une réforme de la réglementation. Le système de réglementation de la biotechnologie est complexe à juste titre, mais on doit préciser et mieux cibler le débat dont il fait l’objet pour aider les Canadiens à mieux comprendre le rôle qu’il joue dans un aspect clé de l’économie et de la société canadiennes du début du XXIe siècle.

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ANNEXE I : QUESTIONS DE LA GRILLE POUR L’ATELIER DU COMITÉ CONSULTATIF CANADIEN DE LA BIOTECHNOLOGIE S’ADRESSANT AUX AGENTS DE RÉGLEMENTATION

1) Comment la recherche sur les nouveaux produits alimentaires modifiés génétiquement se déroule-t-elle (par exemple, modifications, pratiques en laboratoire, pratiques en serre)? Est-elle réglementée par les entreprises? Par les organismes de financement public (par exemple, les universités, les mécanismes interconseils, les ministères)? Par les organismes de réglementation publics?

2) Avant que l’organisme de réglementation reçoive le produit ou la demande en bonne et due forme, quels types de discussions officieuses ou d’échange de renseignements observe-t-on entre les scientifiques ou les dirigeants du promoteur et les scientifiques ou les dirigeants de l’organisme de réglementation?

3) Quand l’organisme de réglementation a reçu le produit ou la demande, qui procède à l’examen ou à l’évaluation aux fins d’homologation? Les scientifiques à l’interne? Des scientifiques contractuels? Ou a-t-on recours à un examen critique par les pairs?

4) Qui prend la décision définitive? Les dirigeants? Le scientifique (seul ou en équipe)? A-t-on observé des divergences d’opinions considérables quant à l’aspect scientifique ou à l’analyse des risques et, le cas échéant, comment ont-elles été résolues ou prises en charge (appel à un niveau supérieur de la hiérarchie, mécanisme particulier ou autre mesure)?

5) Pourquoi soumet-on le produit ou la demande au processus de réglementation? Quels sont les lois, règlements, lignes directrices et politiques qui ont sous-tendu et orienté le processus d’examen?

6) Précisez les dates auxquelles correspond chaque étape du processus d’examen réglementaire et le temps réel consacré à chaque étape (non seulement le temps de calendrier). Comment ces données se situent-elles par rapport au délai moyen d’examen et d’approbation d’autres produits issus de la biotechnologie? D’autres produits non issus de la biotechnologie? Quels sont les délais le plus court et le plus long jamais observés pour cette étape et la moyenne pour tous les produits à cette étape?

7) A-t-il fallu mettre en place un mécanisme d’examen interministériel (officiel ou officieux)? Le cas échéant, de quel type? Quels autres organismes ont participé à l’examen?

8) A-t-il fallu mettre en place un mécanisme ou un processus d’examen international (officiel ou officieux)? Le cas échéant, de quel type?

9) D’où provenaient les données sur lesquelles a reposé la décision ou l’approbation? De l’entreprise ou du promoteur? De rapports d’examen critique par des pairs? De laboratoires publics? De travaux effectués au pays ou bien de tests ou d’essais réalisés à l’étranger?

10) Quels étaient les critères objectifs utilisés pour l’évaluation du produit? Quelles données ont été prises en compte et quelles données ne l’ont pas été? Comment abordez-vous les éléments non scientifiques (par exemple, les avantages et coûts financiers, les questions éthiques, les répercussions sociales)?

11) Comment la décision a-t-elle été communiquée au demandeur? Au public?

12) Quelles sont les procédures d’appel en bonne et due forme qui s’offrent au demandeur? Aux autres parties intéressées? Au public?

13) Une fois la décision rendue ou l’approbation donnée, qui assure la surveillance (le cas échéant) du produit après la mise en marché? Comment cette surveillance est-elle exercée? Comment les résultats sont-ils communiqués? Est-ce que certaines dispositions prévoyaient un examen obligatoire pendant une certaine période après la mise en marché?

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ANNEXE II : ASPECTS CLÉS DE LA RÉGLEMENTATION, PAR L’AGENCE CANADIENNE D’INSPECTION DES ALIMENTS, DE L’EXPÉRIMENTATION AU CHAMP PAR DISSÉMINATION EN CONDITIONS CONFINÉES (selon les conditions de la Directive 95-01, intitulée Expérimentation au champ de végétaux à caractères nouveaux au Canada)

PRINCIPAUX ÉLÉMENTS

  • Isolement reproductif
  • Surveillance des lieux d’essais
  • Destruction du matériel végétal
  • Restrictions et surveillance après la récolte

PRINCIPALES ÉTAPES EN BREF

  • Réception de la demande (examen et sollicitation de renseignements supplémentaires en cas de besoin)
  • Autorisation et conditions connexes
  • Inspection des lieux d’essais (année en cours; après la récole)

ISOLEMENT REPRODUCTIF (Distance)

  • Brassica rapa : 400 m
  • Brassica napus : 200 m
  • Soja : 3 m
  • Blé : 3 m

SURVEILLANCE DES LIEUX D’ESSAI

  • Le demandeur doit surveiller régulièrement les lieux d’essais et s’assurer que les essais respectent les exigences établies.
  • Il doit tenir un registre des activités de surveillance.
  • L’Agence canadienne d’inspection des aliments inspecte les lieux d’essais au hasard pour vérifier la conformité aux exigences établies.

DESTRUCTION DU MATÉRIEL VÉGÉTAL

  • Le matériel végétal ne doit pas entrer dans la chaîne alimentaire humaine ou animale sans l’approbation du gouvernement fédéral.
  • Il doit être stocké de façon sûre et non détruit.
  • Il peut être détruit d’une manière qui le rendra non viable.

RESTRICTIONS RELATIVES À L’UTILISATION DU SOL APRÈS LA RÉCOLTE (Il est interdit de planter la même espèce dans la parcelle d’essai pendant une période déterminée.)

  • Brassica rapa : 5 ans
  • Brassica napus : 3 ans
  • Pomme de terre : 2 ans
  • Maïs : 1 an

Source : Texte adapté d’après l’Agence canadienne d’inspection des aliments, 2000.

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1 L’auteur tient à remercier particulièrement les agents de réglementation présents à l’atelier, les membres du Comité consultatif canadien de la biotechnologie, M. Michael Prince ainsi qu’un intervenant du secteur privé chargé de l’examen critique par des pairs de l’extérieur, pour leurs commentaires utiles et constructifs sur les versions préliminaires du présent document.

2 Toutes les questions de la grille présentée à l’annexe 1 sont abordées dans la présente étude, mais pas toujours exactement dans le même ordre. Comme il est expliqué ci-après, il a fallu adopter à l’occasion une séquence légèrement différente pour les besoins du présent rapport. Le tableau 4 constitue un très bref guide résumant les enjeux et les points soulevés par ces questions. Toutefois, le lecteur devra consulter le tableau 4 en parallèle avec l’analyse plus globale présentée dans le texte de l’étude proprement dite et avec les autres sources mentionnées, en particulier l’information que les organismes de réglementation diffusent dans leurs publications et dans leur site Web, qui est par définition plus détaillée et technique. Il est indubitablement difficile de décrire dans un document relativement court le système complexe de réglementation de la biotechnologie. Ce système, qui comporte plus d’un processus, n’est pas toujours de nature linéaire ou par étapes.

3 Essentiellement, la présente partie en entier traite des enjeux se rapportant à la question 5 de la grille. Toutes les autres questions y figurant sont traitées dans la partie suivante de l’étude. Voir aussi le tableau 4.

4 Sites Web du Bureau de la biotechnologie végétale de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (http://www.cfia-acia.agr.ca) et de Santé Canada (http://www.hc-sc.gc.ca/foodaliment).

http://cccb-cbac.ca


    Création: 2005-07-13
Révision: 2005-07-13
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