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Comité consultatif canadien de la biotechnologie
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Réglementation et promotion des aliments GM : Une analyse organisationnelle et décisionnelle de ces deux fonctions dans l'Administration Fédérale Canadienne

Préparé pour

Le Comité de direction du projet sur la réglementation des aliments génétiquement modifiés du Comité consultatif canadien de la biotechnologie

par Michael Prince

Décembre 2000

Table de matières

Résumé
Introduction
Séparation entre les fonctions de l'état : Théorie et pratique au canada Coordination des fonctions de l'état : La biotechnologie comme domaine de politique horizontale Mandat et mission des organismes fédéraux s'occupant des aliments GM Au sein de l'ACIA : Des motifs d'inquiétude?
Fédéralisme biotechnologique : Rôles des provinces et relations intergouvernementales
Expérience des autres pays
Conclusions

Résumé

Ce rapport décrit et évalue l’interaction entre les organes de réglementation et les organes de promotion des produits aliments GM au sein de l’administration fédérale. L’analyse porte principalement sur Agriculture et Agroalimentaire Canada, l’Agence canadienne d’inspection des aliments et Santé Canada et elle est agencée selon les sept étapes suivantes :

  1. la présentation d’un cadre d’analyse au sein duquel examiner la séparation et l’intégration des fonctions de l’État;
  2. un aperçu du contexte de politique horizontale qui entoure le processus décisionnel relatif à la biotechnologie dans l’ensemble de l’administration fédérale;
  3. la description des mandats et des missions des organismes fédéraux de base qui s’occupent de réglementer et de promouvoir les aliments GM;
  4. un examen de la question au moyen d’une étude de cas concernant les rôles et les responsabilités actuels en matière de protection des végétaux à l’ACIA;
  5. un coup d’œil sur le fédéralisme biotechnologique, surtout les rôles de promotion remplis par les provinces et les mécanismes de collaboration intergouvernementaux en place pour gérer les interdépendances;
  6. un examen de ce qui s’est passé dans les autres pays en ce qui a trait à la régie de la réglementation des aliments GM;
  7. un certain nombre de remarques en conclusion ainsi que quelques objets et possibilités de réforme.

Au cœur même des préoccupations concernant les rapports entre la réglementation et la promotion des aliments GM, on retrouve le travail de l’ACIA. Le rapport résumé ici illustre ce débat en examinant les rapports entre le Bureau de la biosécurité végétale (BBV) et le Bureau de la biotechnologie, qui se trouvent tous les deux à l’ACIA. Le BBV est situé au sein du Programme de protection des végétaux, l’un des 14 programmes gérés actuellement par l’ACIA. Le Programme de protection des végétaux a pour objectifs d’empêcher l’introduction et la propagation des parasites et des maladies des plantes et de combattre et éradiquer tout parasite et toute maladie des plantes. Le Bureau de la biotechnologie, par contre, n’a rien du tout à voir avec la réglementation ni avec les évaluations de sécurité; il remplit plutôt une fonction de relations interministérielles, en servant de lien avec le Secrétariat canadien de la biotechnologie (Industrie Canada), et une fonction de communication. Puisque les deux bureaux ont une même résidence, l’ACIA, mais qu’ils sont distincts dans leurs opérations, il semblerait exister entre les deux un cloisonnement suffisant pour assurer l’intégrité et l’autonomie scientifiques du BBV. Néanmoins, la présence du Bureau de la biotechnologie dans la structure globale de l’ACIA est source de difficultés lorsqu’il s’agit de convaincre le public que l’Agence est totalement et uniquement un organisme de réglementation qui s’occupe des questions de santé, de sécurité et de salubrité alimentaire

Le fait d’avoir, à l’intérieur de l’ACIA, un bureau produisant des documents d’information qui sont critiqués comme étant du matériel de promotion, représente une variante de l’antagonisme de rôles. C’est le dilemme auquel se heurte quiconque, personne ou groupe, doit remplir deux rôles dont chacun est peut-être important en luimême mais qui, s’ils sont juxtaposés au sein d’un même organisme, sont incompatibles avec la quête et l’obtention d’un jugement de confiance de la part du public.

Une réforme s’impose, dans l’organisation et la régie du système canadien de réglementation des aliments GM et de la biotechnologie, à partir des questions suivantes :

  • Quels devraient être le mandat et la mission de l’ACIA en ce qui touche la promotion des échanges commerciaux et-ou l’élaboration de la politique commerciale en matière de biotechnologie?
  • Quelles sont les mesures à prendre pour rehausser la transparence et renforcer la participation du public en ce qui concerne la prise des décisions en matière de réglementation des produits alimentaires GM?
  • Convient-il que le Bureau de la biotechnologie reste au sein de l’ACIA ou devrait-il plutôt être réinstallé dans un autre organisme ou un autre ministère fédéral?

La présence continue du Bureau de la biotechnologie au sein de l’ACIA semble poser des problèmes, non pas en raison de difficultés internes, mais à cause de raisons externes, soit les aspirations et les réactions du public quant à ce qu’est et à ce que devrait être le rôle premier et légitime de l’ACIA. Même s’il est permis d’avancer que le Bureau de la biotechnologie remplit une fonction appropriée et qu’il dispose d’un personnel compétent, il y aurait de forts avantages à se demander sérieusement si ce Bureau est situé à l’endroit qui convient le mieux au sein de l’administration fédérale.

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Introduction

La capacité de la science à donner des traits nouveaux aux végétaux a transformé la façon dont nous cultivons les produits alimentaires et elle a changé aussi les caractéristiques des produits que nous consommons. Il est possible également que ce phénomène influe sur les relations intragouvernementales et intergouvernementales du Canada ainsi que sur les relations commerciales entre et parmi les pays du monde. La modification génétique des aliments est l’un des domaines les plus controversés de la biotechnologie1. Les préoccupations soulevées se fondent sur un manque de confiance à l’égard des gouvernements et de leurs capacités de traiter judicieusement cette technologie nouvelle. Certaines personnes et certains groupes disent craindre que les pouvoirs de réglementation puissent se trouver compromis dans les pays dont les gouvernements font également la promotion des aliments et des cultures GM dans le cadre de leurs programmes de croissance économique. Le présent rapport de recherche a pour but de décrire et d’évaluer l’interaction entre les responsables de la réglementation et ceux de la promotion des produits alimentaires GM au sein de l’administration fédérale. L’analyse consistera avant tout à examiner la mesure et la nature de l’autonomie des organes de réglementation, par rapport aux organismes et activités de promotion, au moment d’effectuer l’évaluation des risques et de prendre des décisions en matière d’approbation en se fondant sur des preuves scientifiques.

Le présent rapport se compose de sept objectifs principaux et de sept sections correspondantes. La première décrit et explique brièvement un certain nombre de fonctions cadres gouvernementales de politique en matière de sciences et technologie, y compris la biotechnologie. Elle s’attarde principalement sur les fonctions de réglementation et de promotion et sur leurs objectifs, leurs méthodes et leurs modalités d’organisation. La deuxième section résume le contexte général de la politique horizontale fédérale qui encadre le régime de réglementation des aliments, et elle met ainsi en évidence les instruments de politique déterminants et la position essentielle adoptée par le gouvernement fédéral. La troisième section résume le cadre législatif, le mandat et la mission des principaux ministères et organismes fédéraux chargés de la réglementation et-ou de la promotion des aliments GM. Il s’agit d’Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC), de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) et de Santé Canada. La quatrième section, dont l’objectif est étroitement lié à celui de la précédente, examine certaines des attributions actuelles de l’ACIA qui donnent lieu à la crainte d’un cloisonnement insuffisant entre les activités de réglementation et celles de promotion. La cinquième section porte sur le fédéralisme biotechnologique : elle décrit les rôles des provinces en matière de réglementation et de promotion et relève des zones réelles et éventuelles de conflit et de collaboration entre les ordres de gouvernement. La sixième section replace les tâches canadiennes de réglementation de la technologie des aliments GM dans le contexte de certaines pratiques des pays étrangers.

Enfin, la septième et dernière section du présent rapport offre des conclusions et des orientations en vue de réformes à apporter au système fédéral de réglementation de la biotechnologie pour en rehausser l’efficacité et la légitimité ainsi que renforcer la sensibilisation et la confiance du public à son endroit.

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Séparation entre les fonctions de l'état : Théorie et pratique au canada

La théorie et la pratique de la séparation entre les différents rôles de l’État ont trait aux cadres politiques, organisationnels et administratifs du processus de prise de décisions concernant la biotechnologie. Parmi les questions les plus importantes et les plus courantes posées en matière d’organisation et de gestion du secteur public, on retrouve inévitablement celles qui visent à savoir quelles fonctions il faut retenir et séparer, les raisons de cette séparation et les méthodes administratives à mettre en œuvre pour la réaliser. Ces questions et les réponses que nous y proposons font apparaître un autre enjeu : déterminer comment coordonner ces diverses fonctions pour arriver à conserver un certain degré d’uniformité et d’obligation de rendre compte au regard des priorités et plans d’ensemble du gouvernement.

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Rôle global de l’État en sciences et technologie

Les rôles possibles et réels de l’État en sciences et technologie sont nombreux et peuvent se décrire de façons diverses (de la Mothe, 2000; Doern et Reed, 2000a; Jarvis, 2000; Leiss, 2000; Lindquist et Barker, 2000). En nous fondant sur l’abondante documentation disponible et en l’adaptant à la présente étude sur les aliments GM, nous pouvons déterminer les six fonctions suivantes de l’État :

  • l’élaboration des politiques et des lois;
  • la communication des politiques et des décisions gouvernementales ainsi que des risques afférents;
  • la promotion de la biotechnologie comme industrie et activité commerciale;
  • la réglementation;
  • l’appui scientifique à la réglementation, y compris l’analyse des risques;
  • la vérification et l’évaluation des processus.

L’élaboration des politiques et des lois comporte au moins trois activités, soit la formulation de la politique officielle visant la biotechnologie et les sciences en général, l’élaboration de règlements et de directives, de codes et de pratiques – souvent désignée sous le nom d’établissement de normes, et la négociation et la mise en application de conventions et de protocoles commerciaux au niveau intergouvernemental et international. À l’échelle de l’administration fédérale, cette fonction comprend l’énoncé des mandats de portefeuilles ministériels particuliers et la formulation détaillée d’une stratégie ou d’un ensemble de stratégies. La communication de la politique officielle a trait au rôle de l’État pour ce qui est de transmettre et recueillir des renseignements et d’écouter. Dans ce domaine, il s’agit non seulement de communiquer les risques, mais aussi de diffuser des renseignements sur les lois et règlements actuels et proposés, sur des décisions particulières et sur les dispositions et les pratiques de régie. Un élément important de cette fonction de communication est le devoir d’encourager la conformité aux règles et aux lois. Les auditoires visés par les messages sont nombreux, incluant les autres parlementaires et fonctionnaires administratifs fédéraux, les agriculteurs, les consommateurs, le grand public, les médias, les organismes non gouvernementaux, les entrepreneurs et les partenaires du monde des affaires, les enseignants et les élèves, et les gouvernements provinciaux et étrangers. La communication peut aussi nécessiter la tenue de consultations et l’examen des politiques. C’est une fonction qui touche directement celles de réglementation et de promotion puisqu’elle contribue à assurer la protection des consommateurs et à rehausser la confiance de la population, et aussi à faciliter les échanges commerciaux.

La promotion de l’industrie de la biotechnologie n’est qu’une manifestation récente d’une pratique mise en oeuvre depuis fort longtemps par les pouvoirs publics au Canada et dans d’autres pays et qui consiste à aider et encourager le développement industriel et la croissance économique et à y participer dans le cadre de partenariats. De fait, l’un des buts visés par le gouvernement fédéral en renouvelant sa stratégie en matière de biotechnologie, vers la fin des années 1990, était de renforcer ses capacités de promouvoir l’industrie canadienne de la biotechnologie. Dans son dernier grand rapport, le Comité consultatif national de la biotechnologie (CCNB), qui a précédé le Comité consultatif canadien de la biotechnologie (CCCB), recommandait au ministre de l’Industrie de « se faire le champion de la biotechnologie et reconnaître que l'avenir économique du pays et son rôle dans les affaires mondiales dépendront, dans une large mesure, de l'importance que le Canada accordera à la biotechnologie, à ses applications et à son développement » (CCNB, 1998). La promotion ne vise pas seulement les centaines d’entreprises de biotechnologie actuellement en exploitation au Canada, mais aussi les agriculteurs, les pêcheurs et les exploitants d’autres secteurs de l’économie. Les notions relatives au rôle de l’État canadien comprennent un appui soutenu à la R-D, la reconnaissance des droits de propriété intellectuelle (par la délivrance de brevets) et le soutien à la commercialisation des produits de la biotechnologie. Elles englobent aussi des activités de marketing et l’accès aux marchés du monde entier ainsi que la simplification du processus d’approbation des produits de la biotechnologie afin que les systèmes de réglementation canadiens puissent concurrencer ceux de nos grands partenaires commerciaux. Leiss et Chociolko (1995, p. 259) soutiennent qu’en faisant activement la promotion du développement industriel, certains intervenants de l’industrie et de l’État deviennent des « promoteurs de risque » qui ont « directement intérêt à exagérer les avantages et à sous-estimer les dangers », et qui faussent donc la perception (et la réalité) d’un gouvernement comme évaluateur objectif des risques.

Il faut souligner cependant que le concept de promotion est beaucoup plus complexe et nuancé qu’il pourrait y paraître au premier abord. C’est un concept riche en théorie comme en pratique, comportant tout un éventail de significations et d’activités possibles visant des micro-intérêts privés tout autant que de vastes intérêts publics.

Lorsque l’État se fait promoteur, son action essentielle peut se rapporter à une application ou à un produit conçu et mis au point par une seule entreprise; à un groupe local ou à une grappe d’entreprises de biotechnologie, comme le fait, par exemple, la Saskatchewan; à la biotechnologie dans un secteur particulier – les soins de santé, les produits alimentaires – ou comme industrie canadienne; et même à la biotechnologie en raison de son apport à la réalisation d’autres objectifs de la politique gouvernementale fédérale, provinciale ou intergouvernementale. Autrement dit, la promotion peut viser l’innovation par des entreprises individuelles, le développement économique régional, la politique industrielle ou commerciale au niveau sectoriel ou national, ou encore une quelconque notion de qualité de la vie ou de développement durable.

Le gouvernement comme autorité réglementante exerce également un rôle dont les degrés sont plus nombreux qu’on le reconnaît souvent. « La réglementation fait appel à la capacité la plus fondamentale dont dispose un gouvernement, celle d’ordonner et d’interdire » (Pal, 1997, p. 109). Cette définition plutôt conventionnelle de la réglementation, en mettant l’accent sur un rôle négatif de maintien de l’ordre, laisse entendre que la réglementation est détachée de la promotion des activités économiques et qu’elle en est aussi un antagoniste intrinsèque. La réglementation, ainsi définie, est considérée comme limitant et restreignant le comportement des personnes et des institutions, mais cette façon de voir exclut des domaines et des rôles importants de la réglementation. À titre de comparaison, la réalité politique elle-même se trompe sur la portée du pouvoir de la réglementation, comme le font de plus en plus les auteurs d’études universitaires (Doern, Hill, Prince et Schultz, 1999). Si les règlements sont généralement des règles de comportement qui s’appuient sur des sanctions de l’État, ils peuvent donc, du point de vue d’intérêts différents, être exprimés :

  • à titre de règles constitutionnelles ou quasi constitutionnelles, par exemple, la Charte canadienne des droits et libertés ou l’Accord de 1994 sur le commerce intérieur;
  • dans des lois, par exemple, la Loi canadienne sur la protection de l’environnement;
  • dans des législations par délégation ou « règlements d’application », par exemple, les critères d’admissibilité et les exigences en matière de rapports;
  • à titre de directives nationales ou internationales, par exemple, les directives de Santé Canada concernant les végétaux nouveaux, ou les lignes directrices de l’OMS ou de la FAO;
  • à titre de normes et de codes, par exemple, en matière d’éthique professionnelle.

Puisque la réglementation est de nature multifonctionnelle, il est simpliste de la caractériser entièrement comme négative et réactionnelle en lui attribuant l’intention et l’effet d’entraver l’innovation, de gêner la croissance économique et d’affaiblir ainsi la compétitivité. Bien sûr, discipliner le comportement des entreprises et des industries est une fonction de longue date et toujours importante de l’État; les activités d’inspection, de d’exécution de la loi et de vérification du respect de la loi et des règlements en sont un exemple. Par contre, au Canada, les organes de réglementation se sont aussi attachés à promouvoir le bien-être économique des entreprises et des secteurs soumis aux règlements et ils ont contribué à planifier ce bien-être en orientant les activités économiques vers les objectifs de la politique gouvernementale. Comme le font remarquer Schultz et Alexandroff (1985), chacun de ces rôles est rattaché à un style distinctif de prise de décision et à une gamme plus étroite ou plus exhaustive d’objectifs stratégiques. Et comme les deux auteurs le soulignent aussi, selon la configuration des intérêts et des pouvoirs dans un secteur donné à un moment donné, ces activités de promotion et de planification pourront être dominées par l’intérêt privé ou par l’intérêt public, manifestant divers degrés d’autonomie des entreprises et d’intervention politique. Même si la philosophie du jour peut créer un intérêt dominant, il y a habituellement des intérêts concurrents et des objectifs conflictuels, quel que soit le moment.

L’appui scientifique est une autre fonction essentielle remplie par le gouvernement dans le système de réglementation de la biotechnologie. Doern et Reed (2000a, p. 5) définissent la formulation des politiques et des règlements d’après des bases scientifiques comme étant un mode d’action « dans lequel la connaissance et le personnel scientifiques apportent des contributions importantes ou efficaces au processus décisionnel pertinent ou en constituent des caractéristiques distinctives ». Les activités et les tâches scientifiques effectuées par et pour l’État comprennent l’estimation des risques et l’exécution d’essais; l’évaluation des preuves scientifiques à l’appui d’un produit ou d’un procédé nouveau; la recherche de réponses à des questions et l’explication des bases scientifiques des décisions prises ou des résultats d’essais; les travaux de recherche fondamentale; la publication des résultats de la recherche; la participation à des examens par les pairs et les consultations avec des collègues du monde entier; la conception et la mise au point de technologies nouvelles propres à la commercialisation; la surveillance de l’environnement et la mise en œuvre et le respect des règlements; et l’évaluation des conséquences des règlements pour la biodiversité, y inclus la vie des animaux, des végétaux et des humains.

Quel devrait être le contexte organisationnel de ces activités scientifiques? Faudrait-il que toute activité scientifique ait lieu à l’extérieur du gouvernement? Les activités et les percées scientifiques peuvent provenir de sources diverses – p. ex., de l’intérieur de l’administration fédérale, d’un ou plusieurs gouvernements provinciaux, d’entreprises réglementées, de recherches en association par contrat avec des laboratoires ou des installations de recherche dans les universités, et de scientifiques étrangers travaillant dans le secteur public ou privé. Un nombre petit ou grand de ces activités devrait-il se tenir au sein de l’administration fédérale? En outre, si des activités scientifiques s’exécutent à l’intérieur du gouvernement, l’appui scientifique à la réglementation (et à la promotion) devrait-il se situer dans les organes de réglementation ou plutôt dans un organisme scientifique distinct sans aucun lien de dépendance à l’égard des processus décisionnels de la réglementation? Une étude des écrits canadiens sur la question révèle des opinions diverses et contradictoires (de la Mothe, 2000; Doern et Reed, 2000b; Jarvis, 2000; Leiss, 2000).

La dernière, mais non la moindre, des fonctions gouvernementales à considérer en rapport avec le régime de réglementation des aliments GM et de la biotechnologie est celle de vérification et d’évaluation. Cette fonction de rétroaction ou de réaction comporte la surveillance de l’administration et de la mise en œuvre effectives des programmes d’inspection de la salubrité des aliments ainsi que celles des systèmes de réglementation propres à l’industrie. La mesure du rendement et le compte rendu des résultats obtenus sont d’importants outils de gestion en cette matière, si l’on veut atteindre les objectifs de responsabilisation et de transparence. Tel que mentionné plus haut, la connaissance et le travail scientifiques sont essentiels à la réussite de ces tâches de surveillance. Cette fonction est une caractéristique clé de la démarche « d’équilibre et de contrôle » adoptée pour la régie de l’établissement, de l’inspection et de la vérification des normes de salubrité alimentaire par Santé Canada et l’ACIA (Prince, 2000a).

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Comment et pourquoi le double rôle gouvernemental de réglementation et de promotion de la biotechnologie fait problème

Le rapport entre le rôle du gouvernement fédéral dans la réglementation des risques et son rôle de promoteur de l’industrie de la biotechnologie est perçu par bien des gens, de l’intérieur comme de l’extérieur de l’administration fédérale et du milieu scientifique, comme faisant problème. Du point de vue de ces critiques, les organes scientifiques de l’État et ses organes de réglementation ne sont pas toujours objectifs et impartiaux dans l’exécution de leurs tâches. La façon dont sont acceptés leurs conseils n’est pas non plus objective et impartiale, parce que ces organes sont indûment influencés par des intérêts bureaucratiques, politiques ou commerciaux (Hutchings et al., 1997; Jarvis, 2000; Leiss, 2000).

Deux événements récents montrent clairement l’éminence de cette question. Le premier cas a trait au projet de loi C-80 (loi sur la sécurité alimentaire et l’inspection des aliments), proposé pendant la dernière session du Parlement et mort au Feuilleton. Pour le gouvernement, le projet de loi proposait simplement de regrouper et de moderniser plusieurs lois existantes touchant les aliments et l’agriculture. Cependant, selon les arguments d’opposition politique de divers organismes non gouvernementaux, le nouveau projet de loi aurait affaibli la protection de la salubrité alimentaire et changé la répartition des responsabilités, ce système « d’équilibre et de contrôle » régissant les rapports entre le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, responsable de l’ACIA, et le ministre de la Santé. Un an après, le projet de loi n’a toujours pas encore été déposé de nouveau à la Chambre des communes. Le deuxième événement est la pétition présentée par le Sierra Legal Defense Fund, en mai 2000, en vertu des dispositions de développement durable de la Loi sur le vérificateur général, pour réclamer l’examen de la structure de réglementation fédérale concernant la biotechnologie dans le contexte du développement durable. Parmi les questions posées dans la pétition, on trouvait la suivante : « Le système actuel de réglementation de la biotechnologie prévoit-il une séparation claire des rôles de réglementation et de promotion parmi les différents organismes engagés actuellement dans la promotion et la réglementation de la biotechnologie? ».

Dans l’optique de la sociologie de l’organisation, le problème révélé par ces deux événements en est un d’antagonisme de rôles. Certains fonctionnaires administratifs, ou un organisme en particulier, ou même l’appareil gouvernemental dans son entier, doivent poser des actes qui sont perçus, du moins par certains de leurs concitoyens, comme correspondant à des objectifs stratégiques ou des activités de programme contradictoires ou incompatibles. Dans le cas des aliments GM et de la biotechnologie en général, il est possible de cerner trois variantes de cet antagonisme de rôles. La première est que la sensibilisation du public et-ou les aspirations de l’État sont diffuses et trop mal formulées pour susciter un consensus et donner une orientation cohérente en ce qui concerne l’élaboration des politiques et des règlements. Cette absence de consensus peut être aggravée par le fait que les citoyens ne participent pas effectivement à la mise en place des structures et des politiques nouvelles. En outre, de par sa nature même, la réglementation des risques ne peut pas manquer d’engendrer au moins un certain degré de controverse dans la population sur le plan des attentes et de la sensibilisation, étant donné la diversité des perceptions du risque, les incertitudes et l’impossibilité d’éliminer entièrement le risque.

Une deuxième variante est que les groupes ne s’entendent pas sur ce que devrait être le juste rôle de l’État, pour autant qu’il en ait un, en ce qui concerne la trilogie d’activités scientifiques, promotionnelles et de réglementation. Même en convenant que l’État a des fonctions propres à remplir dans ces trois domaines, la troisième variante amène à se demander si un ministère ou un organisme gouvernemental, par exemple, l’ACIA, a deux rôles à jouer dans le cadre de sa mission et de son mandat, c’est-à-dire, le rôle de réglementer la sécurité et celui de promouvoir le commerce. Dans l’affirmative, il y a lieu de se demander honnêtement si ces deux rôles peuvent être remplis de façon convenable et uniforme.

Cette question a trait en partie au rôle des activités scientifiques et de réglementation et elle consiste à décider si l’évaluation des produits de la biotechnologie devrait s’effectuer à partir de critères sociaux, politiques et économiques. Elle a trait aussi aux valeurs propres à la fonction publique, soit le professionnalisme, l’intégrité et la neutralité. Dans une perspective plus vaste, la question se rapporte à notre compréhension de l’intérêt public et des intérêts privés et des rapports convenables qui devraient exister entre les deux. Comme le dit Jarvis (2000, p. 316) : « L’intérêt public, c’est-à-dire, dans ce cas, la protection des citoyens et l’intendance des ressources communes, et les intérêts privés, qui sont déterminés en partie par l’accès aux marchés et la compétitivité internationale, sont le yin et le yang des règlements à base scientifique. Ces deux ensembles d’intérêts sont à l’origine de la tension qui fonde les choix politiques dans ce domaine comme dans bien d’autres champs de la politique gouvernementale ». Ce commentaire est révélateur car il indique que le problème de réglementation-promotion n’est pas exclusif à la question des aliments GM ou de la biotechnologie et qu’il ne s’agit pas non plus d’un problème nouveau pour le programme d’action d’un gouvernement. En cette matière, d’autres secteurs de l’administration fédérale sont riches en leçons et en pratiques utiles2. Selon Jarvis, ces ensembles d’intérêts, bien qu’opposés, ne sont pas fondamentalement contradictoires et, pour les gouvernements, les défis et les possibilités consistent donc à concilier ces intérêts. La position de Jarvis est semblable à celle prise par le gouvernement en 1998 dans le cadre de la nouvelle Stratégie canadienne en matière de biotechnologie.

Mis à part les défis évidents reliés à la gestion sur le plan politique d’intérêts opposés, ce problème est également critique pour d’autres raisons. La nature de la séparation ou, inversement, de l’intégration de la réglementation et de la promotion a des incidences sur la responsabilité ministérielle et l’aménagement organisationnel. Plus les fonctions sont séparées et plus large est l’étendue des responsabilités des cadres supérieurs, et plus grand aussi est le besoin d’outils de coordination et de supervision.

Le caractère des fonctions gouvernementales et leur combinaison au sein du mandat d’un organisme – élaborer des règlements, les mettre à exécution, statuer sur des différends – sont des facteurs importants quant au droit administratif et au contrôle judiciaire des décisions administratives. Les tribunaux du Canada se basent sur des critères différents en matière de justice naturelle et d’équité procédurale selon la ou les fonctions exercées par une autorité publique. Ils appliquent une norme plus élevée à un pouvoir judiciaire ou quasi judiciaire qu’à une compétence législative ou au pouvoir de formuler des politiques. En outre, lorsque les membres ou le personnel d’un tribunal exercent des fonctions qui se chevauchent au sein d’un processus à plusieurs échelons –p. ex., la fonction d’enquête et celle de décision – les tribunaux ont déjà jugé, dans un nombre considérable de causes (Jones et de Villars, 1999), que des situations de ce genre pouvaient mener à des craintes justifiées de « partialité institutionnelle ». Il s’ensuit un manque réel ou perçu d’indépendance et le sentiment que les décisions finales sont déterminées à l’avance.

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Séparation de la réglementation et de la promotion : Justification et modes d’action

Séparer les activités de réglementation de la biotechnologie des activités de promotion, au sein de l’administration fédérale, voilà une mesure qui touche aux rapports entre l’État et le marché, entre les citoyens et l’État, entre les politiciens élus et les fonctionnaires nommés, entre les scientifiques et les gestionnaires et entre différents genres de connaissances. L’objet du présent rapport est d’examiner les raisons mises de l’avant pour justifier une telle division ou spécialisation du travail dans une bureaucratie et les différents types d’expressions organisationnelles utilisés pour différencier le travail de réglementation des autres genres de tâches. Le tableau 1 résume l’analyse qui suivra. Le tableau classe les formes organisationnelles en allant approximativement d’un isolement minimal à un isolement maximal par rapport au contrôle ministériel et législatif.

Tableau 1 : Séparation des fonctions gouvernementales selon les structures

Forme d’organisation Justification Fonctions possibles Rapport réglementationpromotion
Ministères Contrôle et responsabilité ministériels directs Spécialisation Élaboration des politiques Communication Appui scientifique Réglementation Vérification-évaluation Tendance à mettre l’accent sur l’une ou sur l’autre
Organismes centraux Gestion horizontale dans toute l’administration fédérale et appui au Cabinet Élaboration des politiques Communication Établissement des normes de vérification et d’évaluation Aucune participation directe à l’une ou à l’autre, mais intérêt aux résultats de chacune et à leur interface
Conseils consultatifs Représentation d’intérêts, compétences spécialisées externes, crédibilité, participation du public Élaboration des politiques Communication Conseils scientifiques Évaluation des politiques Par leurs conseils d’orientation stratégique, pourraient contribuer indirectement à la réglementation ou à la promotion
Sociétés d’État commerciales Esprit d’entreprise, représentation des intérêts et des compétences spécialisées du monde des affaires Élaboration des politiques Communication Conseils scientifiques Promotion Accent mis sur la fonction de promotion Sociétés réglementées par d’autres organismes publics
Conseils de réglementation et organes d’appel Impartialité, compétences spécialisées, justice naturelle, souplesse de fonctionnement Élaboration des politiques Communication Réglementation Évaluation Ont un mandat de réglementation mais peuvent aussi servir des objectifs de promotion et de planification
Organismes de services spéciaux et autres mécanismes deprestation diversifiés Innovation, partage du pouvoir, secteur public plus petit et peut-être à fonctionnement plusintelligent Élaboration des politiques Communication Promotion Réglementation Accent mis probablement sur les activités de promotion

Dans l’administration publique traditionnelle, la séparation des diverses fonctions de l’État est reliée à la répartition de la charge de travail, à la représentation des intérêts, à l’esprit d’entreprise et à la justice naturelle (Hodgetts, 1973). Ces motifs servent à justifier la création d’une foule d’organismes non ministériels au sein de la fonction publique, qu’il s’agisse de conseils consultatifs, de sociétés d’État ou d’offices de réglementation. En général, le recours à tous ces organismes est pour mieux gérer la charge de travail grandissante et la complexité technique croissante des tâches que le gouvernement doit accomplir. L’aide aux ministres dans leur ensemble se présente aussi, bien sûr, sous forme d’organismes centraux, qui comprennent le Cabinet du Premier ministre, le Bureau du Conseil privé, le Secrétariat du Conseil du Trésor et le ministère des Finances. Dans le cas des conseils consultatifs, la justification raisonnée a consisté à recruter des gens d’expérience et de compétences spécialisées et peut-être aussi, jusqu’à un certain point, des gens représentatifs de la société canadienne, dans le but de recueillir de l’information, de rechercher l’avis du public et de prodiguer des conseils d’orientation stratégique3. Quant aux sociétés d’État, surtout les sociétés d’État commerciales, elles ont pour but de favoriser l’instauration d’une culture et d’un style de gestion et de prise de décisions, à partir des « bons préceptes décisionnels ». Pour concrétiser une telle culture, l’administration fédérale s’est fondée sur l’idée que les entreprises publiques devaient être distanciées du contrôle direct des pouvoirs politiques et des organismes centraux. Les offices de réglementation, pour leur part, ont comme raison d’être d’assurer l’objectivité et l’impartialité dans la détermination des droits et l’arbitrage des conflits.

Le concept d’impartialité institutionnelle, mentionné plus haut, est lié de près à celui de justice naturelle. Il y a impartialité institutionnelle, comme l’expliquent Jones et de Villars (1999, p. 372), lorsqu’un préjugé réel ou raisonnablement appréhendé est « produit par la structure d’une institution plutôt que par les paroles ou les actions d’un individu ». Les auteurs ajoutent que : « … si le système est structuré de façon telle qu’il crée une crainte raisonnable de partialité à l’échelle de l’institution, l’exigence d’impartialité n’est pas remplie. L’apparence d’impartialité est importante pour que le public continue d’y faire confiance ».

La nouvelle administration publique, un paradigme de rechange récent de restructuration et de fonctionnement des gouvernements, justifie la séparation des fonctions par la nécessité de surmonter le dysfonctionnement des gros systèmes bureaucratiques et d’encourager ainsi l’innovation, une rentabilité accrue et une meilleure adaptation des services aux besoins. Réalisée au moyen de l’impartition, de la privatisation et d’autres modes de prestation des services, la division du travail est, dans un sens, une sorte de débureaucratisation. Pour motiver ce genre de séparation des fonctions, on dit qu’elle permet d’encourager l’expérimentation, de mettre l’accent sur la responsabilisation à l’égard des résultats, de préserver la souplesse de réaction et de réduire les coûts en jouant sur la concurrence entre les fournisseurs de services (Osborne et Gaebler, 1993).

Un des arguments fondamentaux invoqués pour réclamer une séparation totale entre la réglementation et les activités de promotion rappelle l’argument classique en faveur de commissions de réglementation et de cours de justice qui soient complètement indépendantes du Cabinet, du Parlement et de la politique. Dans le respect des règles de la justice naturelle, l’activité de réglementation, surtout si elle dépend d’un mandat mixte accompagné de pouvoirs quasi judiciaires, devrait être séparée pour être impartiale. Comme le souligne Schulz (1978, p. 129) : « … la fonction décisionnelle des organismes de réglementation … [le pouvoir de décision du sort de chaque demande] fournit le seul argument probant en faveur de l’indépendance des organismes. Les organismes de réglementation doivent être indépendants lorsqu’ils sont chargés de prendre des décisions qui touchent des intérêts patrimoniaux concurrentiels, par exemple, dans le cas des demandes de licences ». La théorie causale sous-jacente de ce raisonnement est qu’une structure sans aucun lien de dépendance aide à produire l’impartialité, qui mène éventuellement à la légitimité, laquelle fait naître la confiance du public envers l’organisme.

Ce qu’il est permis de nommer la dichotomie réglementation-promotion est un modèle descriptif et normatif de gestion des risques et de prise de décisions. Le modèle se fonde sur le principe que la réglementation à base scientifique devrait être et est déjà, dans une large mesure, isolée des activités de promotion au sein de l’administration de l’État. Même s’il peut être fort légitime que les gouvernements fassent la promotion du commerce et de l’accès aux marchés en élaborant les politiques relatives aux sciences et à la technologie, les objectifs qu’ils visent alors devraient être distincts de ceux visés par les ressources humaines et les critères et processus décisionnels utilisés pour évaluer les produits de la biotechnologie4. Il ne s’agit pas ici de laisser entendre que la science et la réglementation fonctionnent en vase clos ou que l’analyse et le conseil scientifiques devraient être entièrement détachés des processus décisionnels de la gestion. Le but de ces propos est plutôt de chercher à faire en sorte que la détermination de la qualité, de l’innocuité et de l’efficacité des aliments GM soit fondée d’abord et avant tout sur des essais scientifiques et sur les recherches et les preuves les plus récentes, en conformité avec les dispositions législatives en la matière.

L’organisation même du secteur public canadien illustre plusieurs formes de séparation des fonctions (Kernaghan et Siegel, 1999). Depuis quelques décennies, les efforts consentis pour restructurer la fonction publique fédérale et ses politiques et méthodes ont souvent entraîné la séparation de certaines activités, par exemple : l’évaluation des programmes et leur administration; les conseils en matière de politiques et l’élaboration des politiques; la planification à long terme et l’administration courante; la gestion de l’économie (ministère des Finances) et la gestion de l’État (Conseil du Trésor). Le mouvement américain en faveur de « réinventer le gouvernement » (Osborne et Gaebler, 1993) insiste sur la nécessité de séparer la prise de décisions et la gestion stratégique (appelés « steering » dans le sens de tenir la barre d’un bateau) de la prestation et de l’exécution des services (appelés « rowing », ou tenir les rames). De la même façon, dans le domaine de la biotechnologie, la pratique contemporaine révèle une forte dose de délégation et de différentiation des pouvoirs et des responsabilités.

Voici quelques options organisationnelles pouvant servir à séparer diverses fonctions :

  • situer les fonctions dans des sections différentes d’un ministère ou organisme particulier;
  • situer les fonctions dans des organisations différentes au sein d’un portefeuille ministériel particulier;
  • répartir les fonctions entre différents portefeuilles ministériels;
  • répartir les fonctions entre un ou plusieurs portefeuilles et organismes centraux;
  • rattacher les fonctions au Parlement en les confiant à des fonctionnaires du Parlement.

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Lien entre la réglementation et la promotion

Même si elles sont séparées au niveau opérationnel et à celui des décisions ponctuelles, les activités de réglementation et de promotion doivent absolument être coordonnées et envisagées de concert sur le plan des orientations et de l’action gouvernementale. De fait, la réglementation et la promotion se croisent de plusieurs manières et dans divers secteurs de l’administration fédérale.

  1. D’autres rôles de l’État parmi ceux que nous avons examinés, dont les communications et le soutien scientifique, peuvent appuyer à la fois la réglementation et la promotion. La R-D, par exemple, peut fort bien favoriser le progrès des technologies et des produits innovateurs et mener à des idées, des données et des outils nouveaux pour l’évaluation des incidences environnementales. La R-D crée aussi de l’information pouvant servir à élaborer ou à rajuster la réglementation, notamment en facilitant et en enrichissant la délimitation des problèmes et l’analyse des options.
  2. Pendant les grandes campagnes de consultation auprès des intéressés et de publics variés, comme celle tenue en 1997-1998 dans le cadre du renouvellement de la Stratégie canadienne en matière de biotechnologie, il arrive souvent que les participants rappellent et débattent le rapport entre les deux fonctions.
  3. Les nouveaux comités de coordination de la biotechnologie, à l’échelon des cadres supérieurs et à celui des ministres, sont prévus comme des tribunes importantes où aborder l’interface réglementation-promotion.
  4. Les initiatives de politique horizontale telles que la Stratégie de développement durable, mise en œuvre dans toute l’administration fédérale, ont pour objectif explicite de trouver un équilibre entre les préoccupations d’ordre économique, social et écologique en sciences et technologie et dans d’autres champs de la politique fédérale. Le Comité permanent de l’environnement et du développement durable, lors d’une étude réalisée sur la biotechnologie et le régime fédéral de réglementation, a déclaré chercher, dans ses travaux et ses recommandations, (traduction) « à faire en sorte que les décisions de réglementation prises en matière de biotechnologie protègent la santé des Canadiens et l’environnement, mais sans créer un climat de réglementation qui entraverait injustement le développement de l’industrie au Canada » (Chambre des communes, 1996, p. 1).
  5. Dans le domaine des affaires étrangères et du commerce international, la réglementation et la promotion se rejoignent sans cesse dans le contexte des efforts du gouvernement canadien pour « établir et négocier des normes permettant d’harmoniser le régime canadien et ceux des pays étrangers de façon à protéger les Canadiens et à créer un climat favorable au commerce » (de la Mothe, 2000, p. 44- 45). Cet objectif illustre l’affirmation faite plus haut selon laquelle la réglementation et la promotion ne constituent pas une situation où tout est blanc ou noir. La réglementation peut défendre et favoriser les intérêts des entreprises et des industries, que ce soit par la délivrance de brevets ou par la protection des secrets commerciaux ou en rassurant les consommateurs quant à la mise à exécution incessante du système d’inspection et d’homologation des produits.
  6. Les budgets de l’État ne font pas qu’affecter des ressources. Ils représentent aussi la conciliation de valeurs diverses, d’un ensemble de plans et d’un ensemble de signaux. Certains choix budgétaires récents manifestent l’ascension de biotechnologie dans le rang des priorités fédérales et la façon dont sont traitées les fonctions de soutien scientifique, de réglementation et de promotion. Le budget fédéral de 1999 affectait 55 millions de dollars sur trois ans à la R-D en biotechnologie. Le budget de 2000, soulignant que la biotechnologie était « en voie de devenir l’un des grands moteurs de la nouvelle économie », consacrait 160 millions de dollars au financement des activités de 5 centres de génomique à travers le pays. Le même budget déclarait cependant que les produits de la biotechnologie « requièrent en même temps un cadre réglementaire prudent et un examen attentif », et il accordait une augmentation permanente de 90 millions de dollars sur trois ans aux budgets des ministères et organismes fédéraux chargés de réglementer le développement de la biotechnologie (ministère des Finances Canada, 2000, p.111).

Le lien entre la réglementation et la promotion est donc une association à facettes multiples en raison du nombre et de la diversité de ses interconnexions évidentes au sein de l’administration fédérale. Ce lien prend ses racines et sa configuration dans le système de politique et de gestion horizontales, le système juridique et la constitution.

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Coordination des fonctions de l'état : La biotechnologie comme domaine de politique horizontal

À titre d’objet de fonctions de l’État, la biotechnologie est structurée selon la hiérarchie des ministères et des organismes. À titre de thème d’orientation stratégique, composé de tout un lot d’idées enchevêtrées et d’instruments et mettant en jeu des intérêts divers, la biotechnologie recoupe les portefeuilles ministériels et les organismes ainsi que leurs mandats, leurs clients et leurs intéressés. De même, elle recoupe les ordres de gouvernement au sein du Canada et aussi en rapport avec les autres pays et organismes internationaux. La biotechnologie étant une série de techniques fondées sur la science et le génie, et non pas un type de produit, elle offre un vaste champ d’applications réelles et possibles, chacune avec ses avantages et ses risques propres, qui influent sur le mandat et les pouvoirs de plusieurs organismes fédéraux. Chacun de ces organismes est dépositaire d’un mélange de valeurs et d’objectifs dont chacun forme un élément de l’« intérêt public » et qui sont en relation avec les aspects culturels, éthiques, économiques, sociaux, scientifiques et politiques de la biotechnologie. Les disciplines scientifiques, les spécialistes et les compétences correspondant à la biotechnologie et aux aliments GM sont répartis dans plusieurs ministères et organismes gouvernementaux et organismes non gouvernementaux. Pour emprunter une expression utilisée par les organismes centraux à Ottawa, la biotechnologie a un degré élevé d’« horizontalité » ou d’interdépendance en tant que thème d’orientation stratégique.

Il est possible de dégager cinq niveaux de gestion de politique horizontale applicables à l’ensemble de l’administration fédérale : le programme global du gouvernement; les stratégies politiques d’encadrement; les organes de coordination de l’action gouvernementale en général et de la biotechnologie en particulier; les mesures législatives d’application générale; et les règles et normes constitutionnelles.

Tableau 2

Cinq niveaux du contexte horizontal de la politique en matière de biotechnologie
Programme global du gouvernement
Discours du Trône
Plans budgétaires
Stratégies et politiques d’encadrement
Stratégie de développement durable
Stratégie canadienne en matière de biotechnologie
Politique de réglementation et Normes de gestion du processus de réglementation
Organes de coordination
Organismes parlementaires
Organismes centraux
Entités interministérielles
Mesures législatives d’application générale
Loi sur la protection des renseignements personnels
Code criminel
Loi sur le vérificateur général
Règles et normes constitutionnelles
Primauté du droit
Répartition des compétences
Charte canadienne des droits et libertés

On distingue aussi trois degrés en rapport avec la nature des processus et la propension au changement des cinq niveaux ci-dessus. Ces degrés vont de processus éminemment publics et politiques, dotés d’un contenu symbolique et rhétorique significatif et d’une souplesse raisonnable à court terme, jusqu’à ces processus plus juridiques et relativement plus stables qui dictent un bon nombre des « règles du jeu » pour les autres degrés et activités verticales de l’administration de l’État. Nous allons maintenant décrire brièvement chacun des cinq niveaux mentionnés plus haut en les accompagnant d’exemples rattachés au champ d’action stratégique propre à la biotechnologie canadienne.

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Programme global du gouvernement

Le programme global du gouvernement comprend les priorités absolues de l’État de même que les initiatives et thèmes gouvernementaux de premier plan. Les organes gouvernementaux doivent définir leur propre position au regard de ce contexte. Ce macroprogramme politique est exprimé dans les exposés de politique préélectoraux, les discours du Trône et les exposés et plans budgétaires. Ces documents et processus établissent un cadre d’orientation stratégique dont l’influence se fait sentir dans tous les ministères et organismes s’occupant de biotechnologie, c’est-à-dire, dans leurs priorités organisationnelles, leurs cadres de planification, leurs relations interorganisationnelles et peut-être même leurs relations intergouvernementales. Le discours du Trône de 1999, par exemple, contenait des engagements visant le renforcement du programme de salubritédes aliments, des mesures en matière de salubrité de l’environnement et la modernisation de la protection de la santé. Ces thèmes ont tous de l’importance pour les grands responsables de la réglementation comme l’ACIA, Santé Canada et Environnement Canada. D’autres thèmes mis de l’avant dans le même discours du Trône – p. ex., l’édification d’une économie dynamique, l’appui au renforcement des collectivités et l’action sur la scène internationale pour rehausser la place du Canada dans le monde – trouvent leur écho dans les ministères axés sur la promotion comme ceux de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, de l’Industrie, et du Commerce international.

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Stratégies et politiques d’encadrement

Les stratégies et les politiques d’encadrement désignent habituellement un groupe reconnu de politiques, de programmes et d’activités plus ou moins interdépendants et axés sur un objectif, une vision ou un but commun. Depuis quelques années, les stratégies et les cadres d’action sont de plus en plus reliés à la notion de partenariat, c’est-à-dire, au partage des ressources et des responsabilités entre les organismes fédéraux et entre le gouvernement fédéral et les autres gouvernements ou secteurs (Pal, 1997). Les stratégies et les politiques d’encadrement chevauchent toute la sphère des activités et des intérêts gouvernementaux, allant de la Stratégie fédérale de développement de l’aquaculture à l’Accord-cadre d’union sociale. En ce qui concerne les aliments GM, trois stratégies ressortent : les stratégies de développement durable, les conseils en sciences et technologie et la stratégie en matière de biotechnologie. Aux termes de la Loi sur le vérificateur général, telle que modifiée en 1995, les ministères et organismes gouvernementaux étaient tenus de se doter de stratégies de développement durable avant la fin de 1997 et d’en présenter une version mise à jour avant la fin de 2000. Le développement durable, que Doern et Conway (1994) qualifient de « paradigme politique nouveau », demande que la croissance réponde aux besoins actuels sans nuire à la capacité des générations futures de répondre à leurs propres besoins. Il demande aussi que des objectifs économiques, environnementaux et sociaux soient intégrés à la conceptualisation des politiques et aux décisions organisationnelles. Ces nouvelles exigences ont amené les organismes gouvernementaux à tenir des consultations entre eux et avec leurs intervenants, à examiner leurs activités en cours et à rendre opérationnel le développement durable en fonction de leurs mandats respectifs.

En avril 2000, le Cabinet fédéral approuvait un nouveau Cadre applicable aux avis en matière de sciences et de technologie : Principes et lignes directrices pour une utilisation efficace des avis relatifs aux sciences et à la technologie dans le processus décisionnel du gouvernement (Canada, 2000a). Le Cadre est basé sur les idées et les orientations du Conseil d’experts en sciences et en technologie, un organisme externe de spécialistes créé en 1998 afin de conseiller le gouvernement fédéral sur des questions internes de sciences et technologie qui ont de l’importance pour l’ensemble de l’administration fédérale. Le document présente six principes et lignes directrices ainsi qu’une série de mesures de mise en valeur visant à promouvoir l’adoption du Cadre, à responsabiliser les ministères et organismes qui y adhèrent et en à évaluer l’efficacité.

Le gouvernement fédéral s’est donné une stratégie en matière de biotechnologie dès le début des années 1980. La Stratégie nationale en matière de biotechnologie (SNMB), lancée en 1983, était axée sur le renforcement des capacités scientifiques et la promotion d’un climat commercial favorable à ce secteur économique plein d’avenir. En 1993, dans la foulée d’un accord conclu entre les ministères et organismes fédéraux s’occupant de réglementation, le gouvernement annonçait un cadre d’action fondé sur la SNMB et visant la réglementation des produits la biotechnologie. Voici les principes énoncés dans le Cadre fédéral de réglementation de la biotechnologie :

  • maintenir les normes élevées du Canada en matière de protection de la santé et de l'environnement;
  • appliquer les lois en vigueur et faire appel aux ministères de réglementation pour éviter le double emploi;
  • formuler des lignes directrices claires sur l'évaluation des produits issus de la biotechnologie, pour que ceux-ci soient conformes aux priorités nationales et aux normes internationales;
  • fournir de solides connaissances scientifiques qui permettront d'évaluer les risques et les produits;
  • veiller à ce que l'élaboration et l'application de la réglementation canadienne en matière de biotechnologie se fassent dans la transparence et à y inclure un processus de consultation;
  • contribuer à la prospérité et au bien-être des Canadiens en favorisant l'instauration d'un climat propice à l'investissement, au développement, à l'innovation, et à l'adoption de produits et de procédés canadiens et durables issus de la biotechnologie.

En comparaison à la première déclaration, ce cadre exprime un certain nombre de principes qui accordent une importance relativement plus grande à la fonction de réglementation qu’à celle de promotion, même si les deux fonctions sont présentes.

En 1998, après une opération de renouvellement, était lancée la Stratégie canadienne en matière de biotechnologie (SCB), qui remplaçait la SNMB de 1983 tout en réaffirmant le contenu du Cadre de réglementation de 1993. À titre de cadre de politique horizontale, la nouvelle SCB comporte un énoncé de vision, quatre principes directeurs, huit objectifs et dix thèmes d’action concertée. Son énoncé de vision se lit comme suit : « Rehausser le niveau de vie des Canadiens en matière de santé, de sécurité, d'environnement et de développement social et économique en établissant le Canada comme un chef de file mondial sérieux en matière de biotechnologie ». Les principes directeurs de la SCB sont les suivants : respecter les valeurs canadiennes; tenir un dialogue permanent, limpide et ouvert avec les Canadiens; appuyer une économie innovatrice, le développement durable, la compétitivité, la santé publique et l’excellence scientifique; et assurer une action et une coopération responsables à l’échelle nationale et internationale. Il est intéressant de remarquer que la SCB de 1998, tout en reprenant les idées de base a) de santé, de sécurité et de protection de l’environnement et b) d’innovation, de développement économique et de commercialisation, accorde une importance nouvelle et renforcée à la participation et à la confiance du public, à la communication, à l’éthique et aux capacités scientifiques en ce qui concerne les connaissances et les ressources humaines. La présence de huit objectifs et de dix thèmes d’action reflète une certaine maturation du secteur de la biotechnologie, le développement des enjeux et le contexte politique transformé dans lequel doivent fonctionner aujourd’hui tous les secteurs décisionnels, dont celui de la biotechnologie. Le rôle qui se dégage ici pour le gouvernement fédéral est celui d’un « chef de file responsable » qui sait trouver l’équilibre entre les risques et les avantages et tenir compte de valeurs et d’objectifs multiples tant au pays que sur la scène internationale.

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Structures du mandat de politique horizontale

Les organismes chargés de la réalisation du mandat de politique horizontale assument des responsabilités qui s’étendent à toute l’administration fédérale et consistent à coordonner une série transversale de valeurs publiques et d’objectifs stratégiques. Par définition, les organismes centraux et les organismes parlementaires sont dotés de mandats de nature générale et sont autorisés à apporter leur contribution et leur influence à la plupart sinon à tous les ministères et organismes gouvernementaux. Le Bureau du vérificateur général du Canada, un de ces organismes parlementaires, examine périodiquement le rendement du gouvernement fédéral relativement à ses pratiques de gestion et à son utilisation des ressources dans le secteur des sciences et de la technologie. Rattaché au Bureau du vérificateur général, on retrouve le Commissaire à l’environnement et au développement durable, dont le travail s’appuie sur une foule d’autres structures aux fonctions et aux liens divers. Mentionnons notamment le réseau interministériel des stratégies de développement durable; le Comité sous-ministériel sur le développement durable; la Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie, un organe consultatif auprès du gouvernement; et le Comité permanent de l’environnement et du développement durable, un comité parlementaire chargé de rappeler aux ministres ce qu’ils ont fait (et n’ont pas fait) en matière d’environnement. Parmi les autres organismes parlementaires importants, il y a le Commissariat à l’information du Canada et le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada. Le Secrétariat du Conseil du Trésor et le Bureau du Conseil privé sont les principaux organes de politique horizontale qui secondent et entourent le Cabinet et le Premier ministre.

Le gouvernement a aussi créé un certain nombre de groupes pour la gestion de la stratégie renouvelée en matière de biotechnologie, dont le principal est le Comité de coordination ministérielle de la biotechnologie (CCMB). Présidé par le ministre de l’Industrie et composé des ministres de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, de la Santé, de l’Environnement, des Pêches et Océans, des Ressources naturelles, et du Commerce international, le CCMB est appuyé par un autre comité de coordination de la biotechnologie, au niveau des sous-ministres, composé des sous-ministres des sept principaux ministères s’occupant de biotechnologie et du président de l’ACIA. Juste en dessous dans la hiérarchie, on trouve un comité de coordination de neuf membres à l’échelon des sous-ministres adjoints ainsi qu’un petit Secrétariat de la SCB présidé par un directeur administratif. Au besoin, des groupes de travail formés de fonctionnaires administratifs sont créés afin de s’occuper de questions particulières (Canada, 1998, p. 11).

Un organe externe nouvellement formé, le CCCB, est un des éléments clés de la stratégie renouvelée. Le CCCB est « un comité d’experts indépendants qui a pour mandat d’offrir des conseils éclairés aux ministres sur les questions de biotechnologie, de sensibiliser la population à ces questions et de faire participer les Canadiennes et les Canadiens à un dialogue ouvert sur la biotechnologie ». Un des motifs fondamentaux de la création du CCCB tient à son caractère impartial et à ses compétences spécialisées, et l’un de ses rôles principaux consiste en activités de communication et de consultation auprès du public.

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Mesures législatives d’application générale

Le quatrième niveau du contexte de politique horizontale a trait aux mesures législatives d’application générale. Un bon nombre de ces actes législatifs sont des décisions du Conseil du Trésor et ils forment le cadre de la gestion gouvernementale. Parmi les lois importantes d’application générale, il convient de nommer la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la gestion des finances publiques, la Loi sur la protection des renseignements personnels, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et la Loi sur les immeubles fédéraux. Les organismes centraux ont la responsabilité d’exécution d’autres lois importantes dont la Loi sur le vérificateur général, le Code criminel et la Loi sur les textes réglementaires (et son Règlement), cette dernière régissant l’examen, la publication et l’étude minutieuse des règlements et des autres textes réglementaires. Sauf quelques exceptions, les règlements nouveaux ou révisés proposés par les ministères et les organismes fédéraux sont transmis au greffier du Conseil privé afin d’y être enregistrés. En étudiant les règlements, le greffier pourra demander l’avis du ministre de la Justice. Une fois approuvés, les règlements sont publiés dans la Gazette du Canada, la publication périodique officielle du gouvernement fédéral dans laquelle paraît l’avis des règlements et des décrets en vigueur. Ensuite, des exemplaires du texte des règlements sont distribués à tous les membres de la Chambre des communes et du Sénat et sont dès lors estimés « connus d’office ». Chaque année, tous les nouveaux règlements sont remis à un comité parlementaire en vue d’un examen minutieux.

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Règles et normes constitutionnelles

Les règles et les normes constitutionnelles qui définissent et façonnent l’État réglementant comprennent la primauté du droit, la Charte canadienne des droits et libertés et la répartition des compétences entre l’ordre fédéral et l’ordre provincial de gouvernement5. La doctrine de la primauté du droit prescrit que tout acte officiel doit s’appuyer sur une base juridique; qu’aucune loi ne peut s’appliquer de façon rétroactive; que le même traitement doit être accordé à tous en vertu de la loi, ce qui suppose la protection contre toute action excessive ou injuste de la part de l’État; et que tous les organes de l’État sont tenus d’agir sous le régime des lois, en conformité avec les modalités d’application de la « justice naturelle ». La Charte canadienne des droits et libertés est l’une des institutions déterminantes du système politique canadien et de l’État réglementant canadien. Elle s’applique aux actions des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, aux administrations municipales et aux autres organismes publics, y compris les tribunaux administratifs exerçant un pouvoir conféré par la loi.

Le fédéralisme est une autre institution déterminante de l’ordre constitutionnel canadien. Dans le régime fédéral du Canada, les compétences législatives sont réparties entre le gouvernement fédéral et les provinces. Chaque niveau de compétence assume une série de responsabilités qui sont énumérées dans la constitution. Chacun des 11 États qui réglementent dans le cadre du fédéralisme canadien opère selon un mélange de pouvoirs exclusifs et de pouvoirs partagés.

En ce qui touche la politique en matière de sciences et technologie et la réglementation de la salubrité alimentaire, le gouvernement fédéral détient les compétences législatives exclusives permettant de légiférer dans les domaines suivants : la paix, l’ordre et le bon gouvernement; la réglementation des échanges et du commerce; la navigation et le transport maritime; les pêches côtières et intérieures; les poids et mesures; la mise en quarantaine; les brevets et les droits d’auteur; et le droit criminel. C’est surtout le pouvoir de légiférer en matière de droit criminel qui autorise l’État à édicter des lois sur les aliments et les drogues et sur la protection de la santé (Hogg, 2000). Les provinces tirent leur pouvoir de légiférer et de réglementer de leurs compétences exclusives concernant la propriété et les droits civils; les ressources non renouvelables; les ressources forestières; et, de façon générale toutes les questions de nature locale et privée dans la province. Les provinces et le Parlement fédéral détiennent des compétences simultanées et le pouvoir de légiférer au sujet de l’agriculture et du commerce interprovincial des ressources non renouvelables. La suprématie en cette matière reste cependant au Parlement fédéral, c’est-à-dire que, s’il y a coexistence d’une loi fédérale et d’une loi provinciale dans ces domaines de politiques mais que les deux lois sont incompatibles, la loi fédérale prévaut.

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Mandat et mission des organismes fédéraux s'occupant des aliments GM

À la question de savoir si le système de réglementation existant en matière de biotechnologie prévoit une séparation claire des rôles de réglementation et de promotion au sein des divers organismes fédéraux, plusieurs ministres fédéraux responsables de la biotechnologie ont répondu en déclarant officiellement ce qui suit :

    Le gouvernement du Canada reconnaît l'importance de séparer ses fonctions de réglementation et de promotion. Comme il joue un certain nombre de rôles à l'égard de toutes les technologies, y compris la biotechnologie, les Canadiens s'attendent qu'en plus de protéger l'environnement et la santé des Canadiens, il travaille à promouvoir un développement économique durable conformément aux SDD [Stratégies de développement durables] des ministères et organismes fédéraux. Il incombe également au gouvernement d'informer les Canadiens au sujet de la réglementation des produits de la biotechnologie. Le gouvernement assume chacun de ces rôles et parvient à tenir séparées ses fonctions de réglementation et de promotion en assignant des mandats différents et distincts à ses ministères et organismes. Le Parlement est invité à approuver ces mandats, et les ministres doivent lui rendre compte de la performance des ministères et organismes dans l'exercice des fonctions qui leur sont assignées (Canada, 2000b, p. 4).

Cette déclaration faisant autorité relativement au système existant peut servir avantageusement de point de départ à une analyse plus exhaustive. Elle évoque à la fois les rôles de réglementation et de promotion ainsi que l’importance des rôles de communication et de vérification et des mécanismes de responsabilisation. Le modèle du lien réglementation-promotion est implicite dans la mention du fait que les Canadiens s’attendent à ce que le gouvernement remplisse effectivement tous ces rôles, et ce au sein d’un cadre de politique horizontale de développement durable. Le contenu explicite de la déclaration se rapproche beaucoup plus de la dichotomie réglementation-promotion en soulignant que les organismes fédéraux se partagent des rôles différents en rapport avec la biotechnologie et en faisant ressortir le principe constitutionnel des pouvoirs propres conférés à chaque ministère et l’obligation des ministères de rendre compte au Parlement des « fonctions qui leur sont assignées », c’est-à-dire, l’exécution des mesures législatives et des programmes.

Un coup d’œil sur le mandat et la mission de chaque ministère et organisme offre des renseignements utiles sur les autorisations, les buts et les limites des pouvoirs des ministères et organismes fédéraux s’occupant de biotechnologie et, en particulier, des aliments GM. En ce qui concerne les pouvoirs et des obligations conférés par la loi, cinq organismes fédéraux sont chargés de réglementer les produits de la biotechnologie. Le tableau 3 résume leurs responsabilités législatives et les types de produits biotechnologiques qu’ils ont mission de réglementer.

Tableau 3 : Organes et mandats fédéraux de réglementation de la biotechnologie

Organe Loi Produits réglementés
Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) Loi relative aux aliments du bétail, 1997 Les aliments pour animaux domestiques, y compris les produits non traditionnels
ACIA Loi sur les engrais, 1997 Les engrais et suppléments fertilisants, y compris les suppléments chimiques et microbiens
ACIA Loi sur l’inspection du poisson, 1997 Les poissons et les plantes marines
ACIA Loi sur la santé des animaux, 1990 Les produits biologiques à usage vétérinaire
ACIA Loi sur la protection des végétaux, 1997 Les végétaux des secteurs agricole et forestier
ACIA Loi sur les semences, 1997 Les végétaux, y compris ceux ayant des caractéristiques nouvelles, et les arbres
Santé Canada Loi sur les aliments et drogues, 1997 Les aliments, les médicaments, les cosmétiques et les appareils médicaux
Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire Loi sur les produits antiparasitaires, 1995 Les pesticides, y compris les fonctions organiques de produits chimiques et d’organismes
Pêches et Océans Canada Loi sur les pêches, 1999 Les organismes aquatiques transgéniques
Environnement Canada Santé Canada Loi canadienne sur la protection de l’environnement, 1999 Tous les produits animés de la biotechnologie qui sont destinés à des utilisations non visées par d’autres lois fédérales
Source : Adapté et élaboré à partir de Canada (2000b, p. 7-8).

En ce qui a trait aux aliments GM, leur réglementation relève de l’ACIA et de Santé Canada et leur promoteur principal est AAC. Ce sont donc ces deux ministères et cet organisme qui feront surtout l’objet de notre propos.

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Agence canadienne d’inspection des aliments

Créée en 1997, l’ACIA a pour mandat la prestation de tous les services d’inspection des aliments et de quarantaine ainsi que des programmes de santé des animaux et de protection des végétaux6. L’ACIA est une société ministérielle, ce qui lui confère l’indépendance juridique, et elle a sa propre loi constituante. Elle est gérée par un conseil d’administration et dispose d’une autonomie sensiblement plus grande que celle d’un ministère opérationnel ordinaire. En matière de responsabilité ministérielle et devant le Parlement, l’Agence rend compte à AAC. En plus de son rapport annuel, l’ACIA doit présenter au Ministre, au moins tous les cinq ans, un « plan d’entreprise » à faire approuver. Le Ministre, de son côté, doit déposer une copie de ce plan à la Chambre des communes et au Sénat. Sur le plan des ressources humaines, l’ACIA jouit du statut d’employeur distinct en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, c’est-à-dire qu’elle est entièrement détachée du contrôle des organismes centraux en cette matière et qu’elle dispose ainsi d’une latitude relativement plus grande pour concevoir et mettre en œuvre ses conditions d’embauche. L’ACIA est dirigée par un président autorisé à nommer les analystes, les préposés au classement, les inspecteurs, les inspecteurs vétérinaires et les autres fonctionnaires nécessaires à l’exécution de son mandat.

L'ACIA a le mandat d'assurer l'exécution et le contrôle de 11 lois et de leurs règlements connexes. Ces lois comprennent celles mentionnées au tableau 3 et aussi la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d’agroalimentaire, la Loi sur les produits agricoles au Canada, la Loi sur l’Agence canadienne d’inspection des aliments, la Loi sur l’inspection des viandes et la Loi sur la protection des obtentions végétales. En outre, l’ACIA est chargée de l’exécution des dispositions de la Loi sur l’emballage et l’étiquetage des produits de consommation qui ont trait aux aliments et des dispositions de la Loi sur les aliments et drogues qui ont trait aux aliments, à l’exception de celles qui se rapportent à la santé publique, à la sécurité et à la nutrition.

Cette exception mérite d’être soulignée, car l’article 4 de la loi créant l’ACIA déclare que « Le ministre de la Santé est chargé de l'élaboration des politiques et des normes relatives à la salubrité et à la valeur nutritive des aliments vendus au Canada » et qu’il est également responsable « de l'évaluation de l'efficacité des activités de l'Agence relativement à la salubrité des aliments ». Cet article exprime ainsi le sens légal de la relation « d’équilibre et de contrôle » entre l’ACIA et Santé Canada.

Selon les pouvoirs conférés par la loi constituante de l’ACIA, le Ministre et l’Agence sont autorisés à :

  • conclure avec une personne, un ministère ou un organisme du gouvernement fédéral ou d'un gouvernement provincial ou toute autre personne ou organisation des contrats, ententes ou autres accords;
  • négocier et conclure des accords internationaux en vue de l'application des exigences techniques pour les mouvements internationaux de produits ou d'autres choses régis par une loi ou disposition dont l’Agence est chargée d'assurer ou de contrôler l'application;
  • ester en justice et demander à un juge d'une juridiction compétente une ordonnance provisoire interdisant à quiconque toute contravention à une loi ou disposition dont l’Agence est chargée d'assurer ou de contrôler l'application;
  • obtenir des biens et services à l'extérieur de l'administration publique fédérale, avec l’agrément du Cabinet donné sur recommandation du Conseil du Trésor;
  • rendre disponibles, notamment par vente ou attribution de licence, les brevets, droits d'auteur, dessins industriels, marques de commerce ou titres de propriété analogues dévolus sous le régime des lois ou dispositions dont l’Agence est chargée d'assurer ou de contrôler l'application;
  • fixer des droits à payer, ne dépassant pas les coûts réels, pour l’obtention d’un service, d’un produit ou d’un droit de la part de l’Agence ou pour l’utilisation d’installations de l’Agence;
  • ordonner le rappel d’un produit ou son envoi à un endroit désigné s'il y a des motifs raisonnables de croire que le produit en question présente un risque pour la santé publique ou celle des animaux ou des végétaux;
  • conclure, avec l'agrément du Cabinet donné sur recommandation du ministre des Finances, des accords avec un ou plusieurs gouvernements provinciaux en vue de fournir des services ou d'exercer des activités liés à la mission de l'Agence et qu'il désire exercer en commun avec ces gouvernements, ou en vue de percevoir des droits pour services rendus ou pour l’utilisation de ses installations.

Cette simple énumération de pouvoirs est riche en enseignements sur les intentions qui ont mené à la création de l’ACIA et sur la vision du gouvernement pour l’Agence. En premier lieu, l’ACIA est le principal organisme fédéral de réglementation du système de salubrité des aliments, comme en font foi les nombreuses lois que celle-ci est chargée de mettre en application. Ensuite, le but visé en créant un organisme non ministériel était de saisir certains des avantages propres à la nature même d’une agence, par exemple, une plus grande latitude en matière d’obtention de biens et de services, de gestion du personnel et de traitement des questions de propriété intellectuelle. Troisièmement, bien qu’elle soit séparée d’AAC, l’Agence n’en est pas moins conditionnée par les exigences de responsabilité ministérielle, le contrôle du Cabinet et la surveillance parlementaire. L’influence du contexte de politique horizontale transparaît dans l’obligation de l’Agence de demander l’agrément du Conseil du Trésor et du ministère des Finances avant de procéder à certaines actions. Quatrièmement, en plus de jouir d’une autonomie relative au sein de la fonction publique fédérale, l’ACIA apparaît liée à un réseau d’interrelations avec les provinces, éventuellement les tribunaux, certains organismes du secteur privé, les consommateurs et les organes internationaux.

Pour comprendre le débat réglementation-promotion, il est essentiel de bien saisir les rapports entre le ministre de l’Agriculture et le président de l’ACIA. Officiellement, le Ministre détient le premier rôle en matière de politique pour l’Agence, et le président de l’Agence tient le premier rôle en matière de gestion. Ainsi, par exemple, l’ACIA assume la responsabilité d’élaborer le Plan d’entreprise; le Ministre, pour sa part, a la possibilité d’apporter sa contribution à l’élaboration du Plan, ce qu’il fait effectivement, et il a aussi le pouvoir d’approbation finale de ce plan. Jusqu’à maintenant, le Ministre n’est encore jamais intervenu dans une décision prise par l’ACIA. Le ministre de l’Agriculture n’a aucun rôle à jouer pour ce qui est d’examiner et d’approuver les évaluations environnementales effectuées par l’ACIA concernant les aliments GM. En règle générale, les ministres préfèrent ne pas se mêler des décisions de réglementation basées sur des fondements scientifiques. En outre, la loi ne prévoit aucun mécanisme pour en appeler des décisions de l’ACIA, ni au Ministre ni au Cabinet. Le Ministre et le président de l’Agence ont évidemment des entretiens dans cette zone grise où se croisent la politique et la réglementation. Cela se produit, par exemple, au moment de prendre la décision réglementaire de détruire des bestiaux pour des raisons de santé publique. La question est alors de savoir si le niveau actuel prévu de compensation financière à verser aux agriculteurs touchés est suffisant. L’Agence décide de la mesure à prendre pour assurer la protection de la santé; le Ministre examine le taux de compensation et peut parfois le modifier. Prenons un autre exemple, dans le domaine de l’étiquetage, cette fois. Aux termes de la loi actuelle, la mise à exécution des règlements en matière d’étiquetage est effectuée par le personnel de l’ACIA sans aucune intervention du Ministre. La question de rendre obligatoire, ou non, l’étiquetage des aliments GM en vertu de la loi canadienne est un enjeu stratégique auquel s’intéressent activement et publiquement le ministre de l’Agriculture et celui de la Santé.

Le prisme du cadre d’analyse des rôles gouvernementaux révèle que l’ACIA est une organisation multifonctionnelle. L’Agence élabore des politiques, des mesures législatives et des règlements; elle est dotée de capacités scientifiques internes considérables dans ses services de laboratoire et ses centres d’essais. Elle administre tout un éventail de programmes d’inspection, d’enregistrement des établissements, d’homologation des produits, de délivrance de permis, d’exécution de la loi et de surveillance de la conformité. En outre, l’ACIA remplit des tâches de communication des risques, elle offre des services d’éducation des consommateurs et elle vérifie la mise en œuvre des systèmes de détection et des analyses de risque effectuées par l’industrie (Prince, 2000a).

Mais qu’en est-il du côté de la promotion? L’ACIA, à titre d’organe de réglementation, effectue-t-elle aussi des activités de promotion des aliments GM et de la biotechnologie?

Le gouvernement fédéral a donné une réponse sans équivoque à cette question en déclarant, il y a peu : « La création de l'ACIA par la promulgation de la Loi sur l’Agence canadienne d’inspection des aliments a établi une césure organisationnelle entre cet organisme et tout autre organe du gouvernement jouant un rôle dans la recherche et le développement sur les produits de la biotechnologie. En outre, l'ACIA est séparée de tout autre service du gouvernement chargé de la promotion du commerce, de l'information sur les marchés et de grands enjeux tels que la protection du revenu agricole et le développement rural » (Canada, 2000b, p. 9). Voilà un énoncé concret et bien senti de la dichotomie règlementation-promotion.

D’autres messages et d’autres constatations du gouvernement ne sont pas aussi clairs, ce qui laisse des motifs raisonnables au présent débat sur ce thème. Le préambule de la Loi sur l’Agence canadienne d’inspection des aliments, 1997, aborde la question en affirmant qu’en créant une telle agence, le gouvernement fédéral entend, entre autres objectifs, « promouvoir les échanges commerciaux et le commerce ». Les pouvoirs de l’ACIA en matière d’emballage de consommation et d’étiquetage, de négociation d’accords internationaux concernant les mouvements de produits, et de concession de droits de propriété intellectuelle pourraient être perçus comme étant reliés à la promotion active des privilèges du commerce et des marchés. Par ailleurs, le fait de ne pas percevoir de droits ou de les fixer à un prix très inférieur au coût réel de la prestation de services à une entreprise ou à une industrie pourrait être considéré comme une forme de promotion passive. Dans son premier Plan d’entreprise, couvrant la période de 1997 à 2000, l’ACIA résume sa mission par les mots suivants : « Aliments sûrs, accès aux marchés et protection des consommateurs. »; elle y décrit également son mandat et sa mission en fonction des trois objectifs suivants : « 1) Contribuer à un approvisionnement sûr en aliments et à une information exacte sur les produits. 2) Contribuer au maintien de la santé des animaux et de la protection des végétaux pour protéger notre fonds de ressources. 3) Faciliter le commerce des aliments, des animaux, des végétaux ainsi que de leurs produits. »

Collant de près au mandat et à la mission de l’ACIA, le Plan dégage quatre priorités, soit l’efficacité et l’efficience du système d'inspection; l’accès aux marchés nationaux et étrangers; la protection du consommateur; et la collaboration intergouvernementale. Chacune de ces priorités s’accompagne d’un ensemble de stratégies et d’actions à mettre à exécution entre 1997 et 2000. Toujours selon le Plan, l'Agence se propose réaliser son objectif prioritaire de faciliter le commerce international en participant aux travaux d’organismes régionaux et internationaux d’établissement de normes et aux négociations d’accords commerciaux tels que ceux de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

Osbaldeston (1992, p. 144) rappelle qu’il peut falloir de trois à cinq ans pour mettre en œuvre tout changement organisationnel important au gouvernement fédéral et encore plus de temps « lorsqu’il est nécessaire d’apporter des changements majeurs à la culture organisationnelle » de la fonction publique. L’ACIA n’en est qu’à sa quatrième année d’existence à titre d’organisation et elle doit intégrer ce qui était autrefois la Direction générale de la production et de l’inspection des aliments (à AAC) ainsi que des éléments de Santé Canada, d’Industrie Canada et de Pêches et Océans Canada.

La création de l’ACIA représente une réforme organisationnelle importante qui comporte effectivement des modifications à apporter à la culture de l’organisation. En fait, les tout derniers documents de l’ACIA font état d’un processus d’apprentissage des rapports entre la réglementation et la promotion, un phénomène nouveau qui marque l’abandon de l’objectif de faciliter le commerce international et l’accès aux marchés. Les mentions du commerce et des marchés sont nombreuses dans le premier Plan d’entreprise, dans le Rapport annuel de 1997-98 et dans les Estimations de 1997-1998 à 1999-2000, dans le message du Ministre et dans les descriptions du mandat, de la mission et des objectifs de l’ACIA. Il n’y a pas à s’en étonner si l’on se rappelle qu’au départ, l’Agence a été conçue dans le but de manifester une forme plus entrepreneuriale de gestion générale du secteur public (Prince, 2000b). De plus, environ les trois quarts du personnel de l’Agence venaient de la Direction générale de la production et de l’inspection des aliments (à AAC), et ce sont ces personnes qui ont façonné la culture organisationnelle dominante de l’ACIA, du moins pendant les premières années7.

À partir de la moitié ou de la fin de 1999, toutefois, comme le montre l’examen documentaire des dossiers de l’ACIA, les activités et les objectifs de promotion ne figurent plus dans les textes décrivant ses plans, ses priorités, ses engagements et ses résultats essentiels et ses activités connexes. Dans le résumé du Rapport annuel de 1998- 1999, le président de l’Agence offre les précisions suivantes concernant l’objectif de faciliter l’accès au marché :

    À distinguer de la « promotion commerciale », l’accès aux marchés désigne les mesures de l’Agence qui visent à protéger les ressources importantes du Canada (le système d’approvisionnement alimentaire, les animaux et les végétaux) et aident à prévenir la propagation des maladies d’origine alimentaire et à maintenir une population animale et végétale saine. Nous contribuons à la salubrité des aliments… en inspectant et en certifiant les producteurs et les importateurs, ce qui protège les Canadiens et contribue à gagner la confiance internationale dans les aliments, les produits animaux et végétaux du Canada; et en influant sur les normes d’inspection internationales et en encourageant l’adoption des exigences canadiennes. (ACIA, 1999, p. 2)

Dans ces lignes, l’accès au marché est représenté comme un aboutissement de la réglementation plutôt que comme un objectif stratégique. La promotion du commerce est le résultat de la tâche principale de l’ACIA, qui consiste à inspecter les aliments, les animaux et les végétaux. Les importateurs et les producteurs sont réglementés dans le but de protéger et de maintenir un circuit alimentaire sûr et sain. Dans la foulée, le Rapport sur les plans et les priorités de 2000-2001 de l’ACIA ne fait aucunement état du commerce ou de l’accès au marché. De fait, on y lit : « L’ACIA a l’intention de proposer, durant le prochain exercice [c’est-à-dire, 2000-01] une nouvelle structure de planification, de rapports et de reddition de compte afin d’officialiser les changements apportés aux objectifs du Programme et du secteur d’activités » (ACIA, 2000a, p. 9). Le nouvel objectif de Programme proposé, qui est effectivement un énoncé de mission révisé, se lit comme suit : « Assurer, avec efficacité et efficience, la prestation des services d’inspection fédéraux et des services connexes pour garantir l’innocuité des aliments, la protection des consommateurs, la protection des végétaux et la santé des animaux. »

Si les mots ont un sens et de l’importance, cette transformation du texte du mandat de l’ACIA laisse entrevoir un désir de souligner la séparation entre la réglementation et la promotion du commerce. Plus la moindre allusion à l’accès au marché ni à l’objectif de faciliter le commerce. L’Agence veut être perçue par tous les intéressés et par le public comme un organisme de réglementation fondé sur des bases scientifiques et voué avant tout à l’innocuité et à la qualité des produits alimentaires.

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Santé Canada

La mission de Santé Canada émane de la Loi sur le ministère de la Santé et elle se définit comme suit : « … aider les Canadiens et les Canadiennes à maintenir et à améliorer leur état de santé ». La façon dont le Ministère voit le rôle du système de soins de santé, une vision qui est partagée par d’autres ministères axés sur la santé et d’autres intervenants, peut s’exprimer ainsi : améliorer la santé de la population et fournir des services de santé modernes avec efficience et équité. Le mandat officiel de Santé Canada découle de plusieurs mesures législatives, y compris, pour les utilisations de la biotechnologie en agriculture, la Loi sur les aliments et drogues et son Règlement, la Loi sur les produits dangereux et le Règlement sur les produits contrôlés, la Loi sur les produits antiparasitaires et son Règlement et, le cas échéant, la Loi sur la quarantaine.

Aux termes de la Loi sur le ministère de la Santé, les attributions du ministre en matière de santé comprennent notamment :

  1. la promotion et le maintien du bien-être physique, mental et social de la population;
  2. la protection de la population contre la propagation de la maladie et les risques pour la santé;
  3. les enquêtes et les recherches sur la santé publique, y compris le contrôle suivi des maladies;
  4. l'établissement et le contrôle des normes de sécurité des produits de consommation ainsi que de l'information relative à la sécurité dont ceux-ci et les produits destinés à l'usage en milieu de travail doivent être accompagnés;
  5. la protection de la santé publique, tant à bord des trains, navires, aéronefs et autres moyens de transport que dans leurs services auxiliaires;
  6. la promotion et le maintien de la santé des fonctionnaires et autres agents de l'État;
  7. l'application, dans la mesure où ils touchent la santé publique, des règles ou règlements pris par la Commission mixte internationale au sujet des eaux limitrophes et des questions d'intérêt commun pour le Canada et les États-Unis;
  8. sous réserve de la Loi sur la statistique, la collecte, l'analyse, l'interprétation, la publication et la diffusion de l'information sur la santé publique;
  9. la coopération avec les autorités provinciales en vue de coordonner les efforts visant à maintenir et à améliorer la santé publique.

Le ministre de la Santé dispose aussi de ce que l’on pourrait appeler un « filet de sécurité » ou, en termes légaux, des compétences non attribuées (Hogg, 2000). Les obligations et les pouvoirs du Ministre comprennent l’application de toutes les lois et tous les règlements fédéraux qui ne relèvent pas d’un autre ministère ou ministre et qui ont trait, en quelque façon que ce soit, à la santé des Canadiens et des Canadiennes. Par conséquent, en plus des attributions énumérées plus haut, le ministre de la Santé détient les compétences non attribuées relatives à la santé publique.

En ce qui concerne la biotechnologie et les aliments GM, la compétence de Santé Canada découle directement de la Loi sur les aliments et drogues, qui définit un aliment comme étant « tout article fabriqué, vendu ou présenté comme pouvant servir de nourriture ou de boisson à l'être humain, la gomme à mâcher ainsi que tout ingrédient pouvant être mélangé avec un aliment à quelque fin que ce soit ». Santé Canada a le pouvoir d’évaluer et de contrôler la valeur nutritive, la qualité et l’innocuité des aliments, l’innocuité et l’efficacité des médicaments et des appareils thérapeutiques destinés aux humains et aux animaux et l’innocuité des cosmétiques. La compétence de réglementation est vaste, autorisant le Ministère à déterminer les conditions de la fabrication, de l’étiquetage, de la vente, de la publicité, de l’importation et du mouvement interprovincial des produits alimentaires. La Loi sur les aliments et drogues et son Règlement sont réputés avoir pour seul et unique objet la protection des consommateurs (Canada, 2000b), mais il semblerait que cet objet puisse aussi recouvrir la protection de l’environnement. La Loi est bel et bien un outil de réglementation et elle contient des détails minutieux concernant l’inspection des aliments, la saisie et la confiscation de produits et les pouvoirs des inspecteurs et des analystes. Toute violation des dispositions de la Loi ou du Règlement dans leur application aux aliments peut entraîner, à la suite d’une déclaration de culpabilité par mise en accusation, une amende maximale de 250 000 dollars et-ou une peine d’emprisonnement maximale de trois ans.

Santé Canada a trois champs principaux de responsabilité : la protection et la promotion de la santé; l’élaboration des politiques en matière de soins de santé; et la santé des collectivités inuits et des Premières nations. Ces responsabilités reposent sur (traduction) « une infostructure intégrée de la santé qui appuie la production, l’organisation et la diffusion des renseignements et des connaissances permettant de prendre de meilleures décisions en matière de politiques et de programmes de santé et en matière médicale » (Santé Canada, 2000, p. 14). Le champ d’activité de Santé Canada qui intéresse le plus la présente étude est celui de la protection et de la promotion de la santé. Dans ce secteur de responsabilité, le rôle de Santé Canada comprend (traduction) « prévenir les maladies et les blessures et en réduire la fréquence au moyen de mesures de réglementation directes et autres dans le but de gérer les risques que les gens ne peuvent à peu près pas ou pas du tout contrôler par eux-mêmes ». Le rôle de Santé Canada consiste aussi à (traduction) « fournir aux personnes, aux groupes, aux collectivités et à la population en général les renseignements et les outils voulus (ou l’accès aux renseignements et outils voulus) pour prendre des décisions éclairées en ce qui concerne leur santé » (Santé Canada, 2000, p. 13-14). Voici quelles sont les priorités et stratégies actuelles du Ministère en matière de protection de la santé :

  • en ce qui a trait aux capacités scientifiques et techniques, axer les efforts et les investissements sur les compétences à l’interne;
  • renforcer les programmes de salubrité des aliments et d’hygiène du milieu et la réglementation des produits thérapeutiques;
  • élaborer des mesures législatives modernes en matière de santé et donner plus de transparence aux processus décisionnels;
  • renforcer les activités de protection de la santé telles que la lutte contre la maladie et la mise à l’essai des aliments, des médicaments et des produits de santé naturels;
  • travailler en partenariat à l’échelle nationale et internationale pour ce qui a trait à la réglementation de la biotechnologie (Santé Canada, 2000, p. 16).

Ce rapide survol des compétences et des priorités de Santé Canada met en évidence la nature fonctionnelle du Ministère. Sa fonction fondamentale est sans contredit celle de réglementation, vu l’importance que le mandat ministériel et la loi constituante accordent à la protection et à la prévention ainsi qu’à l’exercice du droit pénal. Est liée de près à cette fonction de base la fonction ministérielle d’élaboration de politiques sur la santé et sur la salubrité des aliments. La recherche scientifique, la mise à l’essai et la communication (la production et la diffusion de renseignements et de connaissances) sont aussi des fonctions de Santé Canada. Quant au rôle du Ministère dans le domaine de la promotion de la santé, le gouvernement fédéral prescrit que « les organes de réglementation de Santé Canada ne jouent aucun rôle dans la commercialisation des produits ni dans la recherche et le développement sur les produits » (Canada, 2000b, p. 9).

Santé Canada assume aussi une fonction de vérification des activités d’inspection de l’ACIA au sein du système de salubrité des aliments. L’ACIA se charge de toutes les inspections de produits alimentaires à l’échelle fédérale, mais c’est le ministre de la Santé qui met en place les politiques et les normes applicables à la salubrité et à la qualité nutritive des aliments vendus au Canada. Le Ministère est également chargé d’effectuer une vérification systématique et indépendante des éléments de salubrité alimentaire inhérents au programme d’inspection de l’ACIA, afin d’en assurer la conformité aux normes canadiennes de santé et de sécurité. On voit encore ici une manifestation de la nature « d’équilibre et de contrôle » du fonctionnement du système fédéral de salubrité des aliments.

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Agriculture et Agroalimentaire Canada

À la différence de Santé Canada et de l’ACIA, AAC n’a pas fonction de réglementer les aliments GM mais plutôt de promouvoir la biotechnologie agricole. De son propre point de vue, AAC forme « une équipe exceptionnelle vouée à l’excellence des fermes et des aliments canadiens sur la scène mondiale ». Le ministre actuel de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire décrit sa propre mission comme celle « de promouvoir et de protéger les intérêts de notre secteur … partout où je vais » (AAC, 1999, p. 4). Le rôle de promotion d’AAC apparaît de façon plus explicite dans le dernier Rapport sur les plans et les priorités du Ministère :

    (traduction) Aujourd’hui, le Canada est renommé dans le monde entier pour la vigueur de son industrie agricole et ses capacités d’innovation de calibre international. Notre système de salubrité des aliments est reconnu comme l’un des meilleurs au monde. Ces valeurs sont précieuses pour les Canadiens et les Canadiennes. Plus de 13 p. 100 des emplois au Canada sont reliés de près ou de loin à l’agriculture et à l’agroalimentaire, et notre secteur est celui du premier emploi pour plus de la moitié des jeunes arrivant sur le marché du travail.

    Ce sont là les signes d’une industrie dynamique. Au cours de la dernière décennie, l’industrie canadienne de l’agriculture et de l’agroalimentaire a montré sa capacité en matière de commerce international, brisant tous les records d’exportation … et nous avons l’intention d’aider le secteur à poursuivre sa croissance » (AAC, 2000a, p. 4).

Le mandat d’AAC, formulé dans un langage très promotionnel, consiste à (traduction) « optimaliser la contribution de l’agriculture au Canada en créant un contexte commercial fort dans lequel l’industrie et les collectivités rurales peuvent croître et prospérer. Un secteur agricole et agroalimentaire fort, c’est un secteur en plein essor, concurrentiel, axé sur le marché, rentable et réceptif aux besoins toujours nouveaux des Canadiens » (AAC, 2000a, p. 8).

Aux termes de la Loi sur le ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire (1994), les compétences et les obligations du Ministre recouvrent les domaines de l’agriculture, bien sûr, et aussi celui des produits dérivés de l'agriculture et celui de la recherche dans ces domaines, notamment l'exploitation de stations agronomiques. Le ministre a le droit de désigner quiconque comme inspecteur aux services d’inspection visant l’application de toute loi relevant de la compétence ministérielle. Depuis quelques années, le Ministre est également chargé de la coordination des questions rurales, fonction dans laquelle il défend les intérêts du Canada rural.

Dans le cadre des attributions conférées par le portefeuille d’AAC, le Ministre est chargé de l’application de 16 lois et règlements, dont la Loi sur la protection du revenu agricole, la Loi sur les prêts destinés aux améliorations agricoles, la Loi sur la commercialisation des produits agricoles, la Loi sur les stations agronomiques et la Loi sur les offices des produits agricoles. En plus du Ministère lui-même, le portefeuille englobe l’ACIA, la Commission canadienne du lait, la Commission canadienne des grains, la Commission canadienne du blé et la Société du crédit agricole. Chacun de ces organismes a sa propre loi constituante, une gestion basée sur un conseil d’administration et le mandat d’agir dans l’intérêt des producteurs tout en veillant à la fiabilité des produits et des services.

Voici les plans et les priorités d’AAC :

  • ouvrir les portes au commerce et renforcer et étendre les marchés des produits canadiens;
  • améliorer les règles du commerce international applicables aux produits agricoles dans le contexte de l’OMC;
  • assurer un revenu plus stable à un grand nombre d’agriculteurs;
  • promouvoir le développement rural et la vigueur des collectivités rurales;
  • investir dans la recherche et l’innovation en biotechnologie pour donner l’élan à un secteur agroalimentaire dynamique (AAC, 1999, 2000a et 2000b).

Les fonctions gouvernementales exercées par AAC portent principalement sur la promotion et la recherche scientifique, auxquelles s’ajoutent l’élaboration des politiques à l’échelle internationale et une fonction de communication qui appuie toutes les autres.

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Au sein de l'ACIA : Des motifs d'inquiétude?

Le travail de l’ACIA est peut-être au cœur même des préoccupations concernant le rapport entre la réglementation et la promotion des aliments GM. Le débat actuel peut s’expliquer en examinant la relation entre le Bureau de la biosécurité végétale (BBV) et le Bureau de la biotechnologie, qui relèvent tous deux de l’ACIA8. Le Programme des produits végétaux est le creuset de ce problème, et ce pour deux raisons : d’abord, les végétaux à caractères nouveaux (VCN) constituent un domaine de forte activité de recherche à l’aide du génie génétique; en second lieu, les 42 aliments GM dont l’utilisation est approuvée au Canada comprennent jusqu’à maintenant le maïs, le colza canola, la pomme de terre, la tomate, la courge, le soja, le lin et l’huile de graines de coton, tous des produits issus de la biotechnologie. De plus, le BBV a conclu un protocole d’entente avec l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA), à Santé Canada, selon lequel le BBV effectue l’évaluation de l’innocuité des produits antiparasitaires pour l’ARLA avant que ne soit autorisée l’utilisation commerciale de ces produits (Krupa, 2000).

Le BBV est le pivot des fonctions réglementaires et scientifiques de l’ACIA. Appelé autrefois Bureau de la biotechnologie végétale et relevant de ce qui était alors la Division de la production et de la protection des végétaux, le BBV réside maintenant dans le Programme de protection des végétaux, un des 14 programmes gérés actuellement par l’ACIA. Le Programme de protection des végétaux a pour objectif d’empêcher l’introduction et la propagation des parasites et des maladies et de combattre et enrayer tous les parasites et toutes les maladies des végétaux (ACIA, 2000a). Le BBV assume quatre responsabilités : évaluer le risque éventuel d’incidences environnementales négatives des VCN au Canada; autoriser la délivrance de permis d’importation de VCN; autoriser l’essai des VCN au champ en milieu confiné et leur dissémination dans l’environnement; et gérer la certification des semences et l’enregistrement des nouvelles variétés de cultures. Sa compétence législative lui vient principalement de la Loi sur les semences et de son Règlement, auxquels s’ajoutent des directives et des lignes de conduite en matière de réglementation. Le personnel du BBV se compose de scientifiques et de spécialistes de la réglementation qui coordonnent et supervisent les essais au champ en milieu confiné et effectuent les évaluations de l’innocuité. Depuis la fin des années 1980, de nombreux végétaux GM ont fait l’objet d’essais au champ en milieu confiné, ici au Canada, dont la luzerne, le brocoli, le colza canola, la betterave à sucre, le poivron, le tabac et le blé. Selon le BBV :

    Une des composantes importantes du dispositif réglementaire est l’utilisation d’essais en milieu confiné, qui permettent aux créateurs de VCN d’évaluer ces végétaux dans des conditions contrôlées. Les essais doivent être conçus de manière à atténuer les risques d’impact environnemental et à prévenir l’introduction du VCN dans les systèmes d’alimentation humaine et animale, jusqu’à ce que son évaluation complète soit terminée.

    Lorsque le créateur d’un VCN veut commercialiser son produit, il doit entreprendre une évaluation complète des risques environnementaux et fournir au Bureau de la biosécurité végétale des renseignements détaillés sur le caractère nouveau introduit chez le VCN, sur la méthode utilisée pour introduire ce caractère et sur tout risque que pourrait présenter la dissémination du VCN dans l’environnement : possibilité que le VCN se comporte comme une mauvaise herbe pour l'agriculture ou envahisse les milieux naturels; possibilité que des caractères nuisibles soient transférés par flux génétique à des espèces sauvages apparentées; impact possible du VCN ou du caractère nouveau sur les organismes non visés (y compris l’être humain); impact possible du VCN sur la biodiversité. (ACIA, 2000c).

En 1997-1998, le programme d’inspection de la Protection des végétaux disposait d’un effectif de 417 personnes en équivalents temps plein et d’un budget de près de 34 millions de dollars, et il a effectué cette année-là 39 700 essais en laboratoire (ACIA, 1999). Il serait possible de décrire beaucoup plus en détail les activités du BBV, mais la description donnée ici suffit à montrer clairement que le Bureau est un organe de réglementation des produits agricoles et que ses travaux sont fondés sur la science et axés sur le risque.

Le Bureau de la biotechnologie, à l’ACIA, était autrefois à AAC portait le nom de Bureau des stratégies de la coordination de la biotechnologie. Le nouveau Bureau de la biotechnologie n’a pas de personnel scientifique affecté à l’inspection ou aux essais en laboratoire. Il ne participe pas à ces activités, mais sert plutôt d’agent de liaison interministérielle avec le Secrétariat canadien de la biotechnologie, à Industrie Canada, et remplit aussi une fonction de communication.

C’est cette fonction de communication qui a déclenché la critique de la part du public et soulevé des questions sur l’insuffisance possible de la séparation entre la réglementation et la promotion au sein de l’ACIA, certains intervenants contestant même la présence du Bureau de la biotechnologie à l’Agence. Le site Web du Bureau de la biotechnologie offre une page d’accueil puis des pages de renseignements sur la consommation, de l’information technique et une liste de sites connexes. Les pages de renseignements de consommation et d’information technique ouvrent l’accès à d’autres pages contenant des textes plus détaillés sur des thèmes comme l’étiquetage, la biotechnologie végétale et la salubrité des aliments.

Il y a un problème concevable lorsque la communication de renseignements par le Bureau de la biotechnologie est perçue comme ayant un but ou un effet de promotion, c’est-à-dire, lorsque renseigner (information) devient vendre (promotion). Le tableau 4 que l’on retrouve au site Web du Bureau présente des exemples de ce qui constitue la prestation de renseignements, mais ils sont accompagnés d’exemples de messages qui semblent glisser de la neutralité à la subjectivité et faire la promotion de la technologie, d’une position de principe ou de l’industrie canadienne.

« Renseigner » devient « vendre » lorsque le message transmis, comme dans le premier cas, accentue les avantages et bienfaits de la biotechnologie tout en minimisant ou en omettant les risques et dangers pouvant s’y rattacher. C’est un exemple de ce que Leiss et Chociolko (1995) nomment la « promotion à risque » faite par certains fonctionnaires. Dans le deuxième cas, le rédacteur n’inclut pas les opinions critiques affichées à divers sites Web. Que cette omission soit accidentelle ou voulue, elle pourrait être interprétée comme l’indice d’une partialité inhérente au Bureau de la biotechnologie. Dans le troisième cas, le risque de dérive tient au fait que la description de la politique devient la défense de la politique et se mue en une contestation et une attaque en règle pour jeter le discrédit sur les démarches préconisées par d’autres, par exemple, l’étiquetage obligatoire des produits alimentaires GM. Dans les articles qu’elle fait paraître dans les magazines, ses commentaires à la radio et ses communiqués, l’ACIA court toujours le risque d’apparaître partiale. Ce qu’un auditoire acceptera comme de simples données, un autre pourra le prendre comme une affirmation. Dans le quatrième exemple, la description de la réglementation outrepasse la fonction classique de maintien de l’ordre et de protection et laisse entrevoir la promotion d’entreprises, de produits ou de secteurs comme un des objectifs de la réglementation (Schultz et Alexandroff, 1985).

Ces exemples viennent rappeler que la promotion est une activité complexe et nuancée. À certains moments, la ligne de démarcation entre l’information et la promotion est bien mince et, certes, difficile à prévoir; à d’autres, cependant, le danger de glisser de l’information à la promotion apparaît plus évident.

Tableau 4 : Quand l’information devient-elle promotion?

Information Promotion
Définir et décrire la biotechnologie, le génie génétique et d’autres termes. Présenter des faits de nature générale sur les produits agricoles. Souligner l’existence de nombreux avantages immédiats et futurs liés aux produits issus de la biotechnologie, sans mentionner ni les limites ni les risques.
Afficher au site Web une liste de « sites connexes » sur la biotechnologie. Ne mettre dans la liste que des liens avec des sites du gouvernement et de l’industrie.
Donner un aperçu de la politique gouvernementale du Canada concernant l’étiquetage des produits GM. Décrire la démarche de réglementation axée sur la sécurité et sur l’innocuité des produits. Défendre la politique gouvernementale actuelle et insinuer ou exprimer des craintes relativement à des réformes possibles.
Décrire l’objectif de la réglementation agricole. Élargir le mandat de réglementation pour y englober l’aide aux entreprises canadiennes afin qu’elles puissent se lancer dans le commerce international.
Source : Tableau basé sur les documents affichés aux pages Web du Bureau de la biotechnologie, ACIA, en octobre 2000.

Les activités de communication du Bureau de la biotechnologie à l’ACIA ne portent pas atteinte à la qualité scientifique du travail et des décisions du BBV. Que les deux fonctions, réglementation et promotion, résident à l’ACIA tout en étant séparées sur le plan des opérations semblerait une distanciation adéquate pour assurer l’intégrité scientifique et l’autonomie du BBV. Pourtant, à l’échelle de l’Agence, la présence du Bureau de la biotechnologie donne lieu à des défis, dont celui de faire accepter par le public que l’ACIA est entièrement et uniquement un organe de réglementation s’occupant de questions de santé et de salubrité. La présence à l’ACIA d’un bureau produisant des documents d’information qui sont perçus comme faisant la promotion de la biotechnologie représente une variante de l’antagonisme de rôles dont il a été question plus haut dans ce rapport. Il s’agit du dilemme d’avoir à remplir deux rôles, dont chacun a peut-être son importance propre mais qui sont incompatibles, selon le jugement de confiance du public, lorsque combinés au sein d’un même organisme. Nous reviendrons sur cette question au dernier chapitre.

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Fédéralisme biotechnologique : Rôles des provinces et relations intergouvernementales

Le fédéralisme biotechnologique se rapporte au domaine fédéral-provincial de la politique et de l’administration de la biotechnologie, et il englobe la nature et l’importance des relations intergouvernementales pour ce qui est de la réglementation et de la promotion des aliments GM. Au Canada, la biotechnologie est avant tout un champ de compétences dans lequel certaines compétences sont partagées par les deux ordres de gouvernement. Les pouvoirs fédéraux ont trait à la loi pénale, au commerce et aux échanges interprovinciaux et internationaux et aux traités; les pouvoirs provinciaux ont trait à la propriété des ressources naturelles, aux droits de propriété et aux droits de la personne. L’agriculture, tel que déjà mentionné, est une compétence partagée entre les deux ordres de gouvernement, mais la suprématie revient au gouvernement fédéral.

Le fédéralisme biotechnologique se rapporte au domaine fédéral-provincial de la politique et de l’administration de la biotechnologie, et il englobe la nature et l’importance des relations intergouvernementales pour ce qui est de la réglementation et de la promotion des aliments GM. Au Canada, la biotechnologie est avant tout un champ de compétences dans lequel certaines compétences sont partagées par les deux ordres de gouvernement. Les pouvoirs fédéraux ont trait à la loi pénale, au commerce et aux échanges interprovinciaux et internationaux et aux traités; les pouvoirs provinciaux ont trait à la propriété des ressources naturelles, aux droits de propriété et aux droits de la personne. L’agriculture, tel que déjà mentionné, est une compétence partagée entre les deux ordres de gouvernement, mais la suprématie revient au gouvernement fédéral.

À titre de technologie, d’industrie et d’objet de politique intéressant les deux ordres de gouvernement, la biotechnologie est une réalité pancanadienne. Il y a des entreprises de biotechnologie dans toutes les provinces, même si la majorité d’entre elles se trouvent au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique (Canada, 1999). Les applications commerciales de la biotechnologie se classent dans trois secteurs prédominants : les soins de santé, l’agriculture et la protection de l’environnement. Les soins de santé et les produits pharmaceutiques se ménagent la moitié de l’industrie canadienne de la biotechnologie. L’agriculture vient ensuite avec une part d’environ 28 p. 100 du marché canadien, et la biotechnologie agricole a des entreprises dans toutes les grandes régions économiques du pays.

    Au Canada Atlantique, l’accent porte sur la santé des plantes et des animaux, alors qu’en Ontario et au Québec, il porte plutôt sur la santé des animaux. Sur la côte ouest, on fait des progrès dans le domaine du microbouturage, ainsi que des produits de lutte biologique pour le contrôle des insectes. La plus grande concentration d’entreprises biotechnologiques agricoles du Canada se trouve dans les provinces des Prairies, particulièrement en Saskatchewan, où le travail est concentré sur l’utilisation du génie génétique dans le domaine des cultures et des animaux (BIOCON, 1997, p. 12).

Le caractère pancanadien de l’industrie est renforcé par les mesures prises par des organismes fédéraux comme l’APECA, DEO et le CNRC, et des mesures annoncées dans les budgets fédéraux. Ainsi, le budget fédéral 2000 annonçait un investissement de 160 millions de dollars dans Génome Canada, une nouvelle société à but non lucratif, « afin de financer les activités de cinq centres de science génomique, qui seront situés dans la région du Canada atlantique, au Québec, en Ontario, dans les Prairies et en Colombie-Britannique. Ces centres fourniront des services de laboratoire à des chercheurs des universités, du gouvernement et du secteur privé. Par la concentration de leurs activités, ils permettront d’accélérer la recherche génomique au Canada (ministère des Finances Canada, 2000, p. 111)9.

Les gouvernements provinciaux sont présents en biotechnologie de plusieurs façons, mais leur rôle de promotion est plus important que celui de réglementation. Le système canadien d’inspection des aliments paraît complexe du point de vue des champs de compétence puisqu’il peut faire intervenir les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux et les administrations municipales. À titre d’exemple, les gouvernements provinciaux ont leurs propres lois relatives à la salubrité des aliments et à la protection des consommateurs. Les lois et règlements des provinces concernant la biotechnologie agricole à titre de champ d’activités industrielles couvrent habituellement la santé et la sécurité au travail, le transport des marchandises dangereuses, la protection de l’environnement et-ou l’élimination des déchets. En outre, toutes les provinces participent au Système d’information sur les matières dangereuses utilisées au travail (Bravo, 2000). Les organismes gouvernementaux compétents dans ces domaines sont les ministères provinciaux de l’environnement, du travail et des transports ainsi que les commissions des accidents du travail. Les médecins hygiénistes et les médecins de la santé publique des provinces et des localités se chargent d’activités de réglementation touchant la qualité et la salubrité des aliments avec l’appui des laboratoires et des ministères de la santé provinciaux. Ils font l’inspection des usines de transformation des produits alimentaires et des magasins des détaillants en alimentation, ils enquêtent sur les poussées d’intoxications alimentaires et effectuent les retraits de produits, ils analysent et évaluent la qualité des produits alimentaires et, dans les cas de danger pour la santé, ils alertent la population, l’industrie et les autorités. Ces interventions législatives et réglementaires sont autant d’exemples de « réglementation sociale », c’est-à-dire, la mise en œuvre de règlements de l’État destinés à renforcer la sécurité et l’équité du marché pour les travailleurs, les consommateurs et les entreprises, et à protéger l’environnement naturel contre les conséquences néfastes éventuelles de l’activité industrielle (Doern, Hill, Prince et Schultz, 1999).

En ce qui a trait à la réglementation des aliments GM, toutefois, l’attribution des compétences est relativement évidente, puisque le gouvernement fédéral est le seul dépositaire des pouvoirs conférés par la Loi sur les aliments et drogues et par la loi pénale. La mise en place de l’ACIA comme unique organe fédéral chargé des questions de salubrité alimentaire et de l’inspection des aliments, en 1997, visait à préciser cette responsabilité10.

En matière de biotechnologie, le rôle des provinces va beaucoup plus loin que celui de simples intervenants lors des processus de consultation du gouvernement fédéral. La plupart sinon tous les gouvernements provinciaux, de toutes les régions et de toutes les allégeances politiques, reconnaissent les avantages économiques réels et potentiels de la biotechnologie. En outre, la promotion de la biotechnologie est en train de devenir un moyen important de renforcer le caractère de chaque province. La Saskatchewan en est probablement le meilleur exemple car elle s’est déjà dotée d’une stratégie détaillée de développement de la biotechnologie. D’autres provinces, dont la Colombie-Britannique et le Québec, s’occupent activement de la biotechnologie dans le cadre de leurs stratégies visant les sciences et la technologie, et d’autres encore incluent explicitement ou implicitement la biotechnologie à leurs plans et programmes de développement économique (Canada, 1998, p. 4). Les activités provinciales de promotion font appel à un certain nombre d’institutions du secteur public : les universités, les écoles d’agriculture, les collèges de médecine vétérinaire et les collèges communautaires, les hôpitaux d’enseignement et les instituts de recherche médicale, les laboratoires des gouvernements provinciaux, les sociétés d’État provinciales et les organismes de développement et de financement du commerce. Les entreprises de biotechnologie du Canada sont le plus souvent de propriété privée, et non pas des sociétés à participation publique, elles sont relativement petites (moins de 50 employés), hautement spécialisées et axées sur le savoir et elles offrent des salaires supérieurs à la moyenne. Reconnaissant la valeur et le potentiel économiques de l’industrie agroalimentaire, les provinces s’efforcent d’encourager la création et l’expansion des entreprises de biotechnologie et la commercialisation des applications de la biotechnologie (BIOCON, 1997). Tous comme leurs homologues fédéraux – AAC, Industrie Canada, CNRC, APECA et DEO –, les organismes provinciaux de promotion peuvent offrir, selon le cas, le soutien au développement technologique, l’aide au financement, des programmes de formation, et des fonctions de courtage telles que l’encouragement des partenariats et la fourniture d’installations.

Quels sont les risques de conflit entre les gouvernements fédéral et provinciaux au sujet de la réglementation et de la promotion des aliments GM? En théorie, dans le contexte du fédéralisme canadien, quatre scénarios de conflit intergouvernemental sont possibles. En premier lieu, les provinces pourraient voir les politiques ou certaines décisions fédérales en matière de réglementation comme un empiètement sur leurs propres compétences. Ce scénario ne s’applique pas au cas de la réglementation des aliments GM, même si le champ plus vaste de la biotechnologie comme telle touche effectivement aux domaines provinciaux de la santé, de l’environnement et des activités industrielles11. Deuxièmement, un conflit pourrait se produire si les mesures fédérales de réglementation étaient perçues comme contredisant ou tout au moins comme chevauchant les actions et les objectifs de réglementation des provinces. Ce scénario ne semble pas non plus s’appliquer aux aliments GM, puisqu’ils relèvent de la compétence fédérale, mais il deviendra peut-être nécessaire d’apporter « des éclaircissements précis quant au partage des responsabilités relatives au contrôle de la conformité entre le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et les administrations municipales » (Canada, 1998, p. 20).

Ajoutons que, sans égard aux possibilités de redondance et aux besoins de précisions, il pourrait fort bien arriver qu’un ou plusieurs gouvernements provinciaux soient insatisfaits des décisions fédérales concernant les aliments GM, et ce pour des raisons politiques ou tactiques n’ayant rien à voir avec les champs de compétence. Un troisième scénario pourrait tenir à des tensions entre le gouvernement fédéral et les provinces si ces dernières croyaient ne pas avoir été suffisamment consultées au sujet des processus stratégiques et des décisions de réglementation prises au niveau fédéral. De façon générale, les provinces détestent être traitées comme tous les autres intervenants et non pas comme des gouvernements à part entière détenant des pouvoirs souverains et des responsabilités propres. Elles font l’objet d’un traitement à part en ce qui concerne les sites d’essai en milieu confiné pour les aliments à caractères nouveaux. En effet, même si le gouvernement fédéral n’est aucunement tenu d’aviser ou d’informer le public de ce genre d’essais, les gouvernements provinciaux reçoivent un avis de 30 jours (Doern, 2000). Le quatrième scénario possible est que les provinces pourraient considérer l’action ou l’inaction du gouvernement fédéral en matière de réglementation comme une entrave à leurs propres objectifs et stratégies de promotion. Étant donné la répartition des fonctions de réglementation entre les deux ordres de gouvernement et l’importance grandissante que les provinces accordent aux avantages économiques de la biotechnologie, ce scénario de conflit intergouvernemental est le plus probable qui puisse se produire.

Une gamme de mécanismes et de processus bilatéraux et multilatéraux sont en place depuis quelques années pour gérer les relations intergouvernementales et encourager les actions conjointes visant les politiques, la réglementation, la communication, les sciences et la promotion pour tout ce qui a trait aux produits alimentaires. Voici quelques exemples de coopération intergouvernementale dans ces secteurs fonctionnels :

  • Le Groupe de mise en œuvre du système canadien d’inspection des aliments (GMOSCIA). En juillet 1994, les ministres de l’Agriculture avalisaient une Ébauche d’un système canadien d’inspection des aliments qui énonce une vision et des principes directeurs pour la création d’un programme national d’inspection des aliments, fondé sur l’harmonisation des normes et sur la mise en place d’une tribune intergouvernementale de discussion. C’est ensuite qu’a été formé le GMOSCIA afin de concrétiser cette ébauche. Le Groupe se compose de représentants des organismes fédéraux, provinciaux et territoriaux de l’agriculture, de la santé et des pêches. Dès sa création en 1997, l’ACIA en est devenue membre. Le GMOSCIA a réalisé des progrès dans tout un éventail d’initiatives dont l’élaboration de règlements et codes sur les produits laitiers, sur la vente au détail des produits alimentaires, sur les services alimentaires et sur les produits de la viande et de la volaille.
  • Le Comité fédéral-provincial/territorial d’inspection. Il s’agit d’un groupe de fonctionnaires dont la tâche est axée sur les questions techniques et scientifiques. Selon la description qu’en donne l’ACIA, « l’un des principaux rôles du comité consiste à combler les écarts possibles entre la science et les politiques » en matière notamment de normes alimentaires et de questions techniques touchant la santé des animaux, la protection des végétaux et les facteurs de production agricole (ACIA, 1999).
  • Le Comité fédéral-provincial-territorial sur la politique en matière de salubrité des aliments. Ce groupe s’occupe de la protection et de l’amélioration de la santé des Canadiens et met l’accent sur les nouveaux problèmes de salubrité des aliments et sur les problèmes anticipés. « Ses membres évaluent et font la promotion des normes, des politiques et des programmes d’éducation pertinents visant à améliorer la sensibilisation du public aux dangers pour la santé associés aux aliments » (ACIA, 1999).
  • Les ententes intergouvernementales en matière d’inspection des aliments. En juin 2000, l’ACIA avait signé des ententes avec cinq provinces et un territoire (le Québec, l’Alberta, l’Ontario, l’Île-du-Prince-Édouard, la Saskatchewan et les Territoires du Nord-Ouest) dans le but de réduire au minimum le chevauchement des services d’inspection, de combler les lacunes possibles et de favoriser les échanges de renseignements afin de renforcer la salubrité des aliments (ACIA, 2000b).

Ces exemples se rapportent principalement à la réglementation, mais on trouve également des cas de coopération intergouvernementale en matière de biotechnologie dans les domaines de l’appui aux sciences et à la recherche, de la promotion commerciale et de la diffusion d’information sur la biotechnologie agricole et alimentaire12. Le fédéralisme biotechnologique dans son ensemble et, en particulier l’élaboration intergouvernementale de politiques en matière de salubrité des aliments, se distinguent par l’intensité des efforts d’intégration et d’appui réciproque entre gouvernements. Les deux ordres de gouvernement reconnaissent la réalité de l’interdépendance et la vertu des dispositions d’accommodement. Les provinces reconnaissent la nécessité et la légitimité du leadership fédéral en matière de salubrité des aliments, surtout en ce qui concerne la politique commerciale (Prince, 2000b). Le gouvernement fédéral, de son côté, reconnaît le besoin de consulter de près les provinces en tout ce qui a trait à la biotechnologie. Enfin, les actions des promoteurs fédéraux de la biotechnologie, tels que le CNRC, aident à contourner le sempiternel reproche selon lequel les politiques fédérales feraient de la discrimination en faveur de telle ou telle province ou région au détriment des autres (Schultz et Alexandroff, 1985).

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Expérience des autres pays

Comment le système canadien de réglementation de la biotechnologie se compare-t-il à ceux des autres pays? Selon les constatations d’une étude récente réalisée par Donald J. MacKenzie (2000) sur cinq autres pays dotés de systèmes de réglementation, soit l’Argentine, l’Australie, le Japon, le Royaume-Uni et les États-Unis, les systèmes de réglementation du monde entier sont en pleine évolution. L’étude révèle aussi des différences nationales, surtout sur le plan de la conception des stratégies et des organisations, et de nombreux éléments communs sur les plans technique et scientifique.

Depuis 10 à 15 ans, des pays élaborent et précisent leurs dispositifs de régie des techniques génétiques et de la biotechnologie, et ces mécanismes sont en évolution constante en ce qui concerne les cadres d’action, les lois, les règlements et les configurations organisationnelles. L’enquête de MacKenzie permet de constater que le Canada est seul, en regard des cinq autres pays étudiés, à se fonder sur un « déclenchement par la réglementation » pour décider d’évaluer un produit alimentaire issu de la biotechnologie. Alors que les autres pays axent leur action sur le procédé de fabrication, le système canadien fait porter son action sur le produit lui-même et, plus précisément, sur les propriétés non conventionnelles de ce produit. Dans le même ordre d’idées, le Canada s’est donné sa propre terminologie et un ensemble de définitions de termes tels que « végétal à caractères nouveaux » (VCN). Une autre caractéristique exceptionnelle du système canadien est la séparation de la fonction d’évaluation de la salubrité alimentaire, qui incombe à Santé Canada, de la fonction concrète de réglementation, d’inspection et d’application des règlements, qui réside à l’ACIA. Cette division des responsabilités n’existe nulle part ailleurs au monde (Santé Canada, 1999).

Un autre trait distinctif du système canadien, par rapport à ceux des autres pays, est la transparence relativement déficiente des processus d’élaboration des politiques et de prise de décisions relativement à la réglementation. En comparaison avec l’Australie et les États-Unis, tout particulièrement, le Canada a un point faible (ou déficit démocratique) du fait que son système pèche par l’absence d’avis public et de commentaires de la population avant la décision finale de réglementation. Lorsque le public a le droit d’être informé et de faire valoir son opinion, l’autorité réglementante y trouve plusieurs avantages, dont la possibilité de produire des renseignements nouveaux ou supplémentaires au sujet d’un produit ainsi que de légitimer le processus et la décision qui en découle.

Sur les plans technique et scientifique, on remarque un certain nombre de pratiques communes aux systèmes de réglementation du monde entier. Mentionnons notamment les suivantes :

  • les gouvernements émettent des directives sur les méthodes à utiliser en matière de santé et de sécurité pour régir les recherches faisant intervenir des OGM;
  • les entrepreneurs doivent assumer la responsabilité de toutes les recherches et de tous les essais concernant un produit proposé;
  • certains renseignements commerciaux et certaines données de recherche sont confidentiels à un degré défini en très grande partie par les entreprises en cause;
  • les gouvernements rendent publics leurs prescriptions en matière d’information relative à l’évaluation des risques;
  • il est obligatoire d’aviser le public et-ou de procéder à une évaluation environnementale avant l’approbation des essais expérimentaux sur le terrain;
  • la notification préalable à la mise en marché est aussi obligatoire;
  • les évaluations de la salubrité sont effectuées par tous les responsables de la réglementation en tenant compte des facteurs de risque semblables, en partant du concept « d’équivalence en substances » et en posant les mêmes questions fondées sur le consensus international;
  • les pays se sont dotés de mécanismes de vérification, d’évaluation ou d’examen, qui fonctionnent en toute autonomie, pour évaluer le travail des responsables de la réglementation.

Ces pratiques généralisées montrent que les autorités réglementantes acquièrent et échangent des renseignements et des conseils à titre de participants d’une vaste « collectivité épistémique » (Haas, 1992) d’experts en la matière aux compétences reconnues dans le domaine de la salubrité alimentaire et de l’analyse des risques. Cette collectivité se compose de spécialistes des sciences naturelles et d’autres scientifiques, elle est d’envergure pancanadienne et adhère à un ensemble de convictions relativement communes concernant les objectifs et outils stratégiques, la causalité et les notions de validité. Puisque les organes de réglementation s’appuient fondamentalement sur les preuves présentées par les entreprises, il est essentiel que les responsables de la réglementation aient accès aux connaissances scientifiques les plus actuelles provenant de sources diverses. Les programmes de l’ACIA visant la protection des animaux et des végétaux, par exemple, reçoivent l’aide des services de laboratoire de l’Agence et de ceux des laboratoires de Santé Canada. En outre, les responsables de la réglementation à l’ACIA ont accès aux connaissances courantes par l’intermédiaire de bases de données internationales et nationales, de périodiques et de conférences scientifiques et de relations qu’ils entretiennent avec des experts du monde entier (Prince, 2000).

Bien qu’il règne un consensus international très large au sujet des questions scientifiques et techniques propres à la réglementation de la biotechnologie, le débat n’en continue pas moins dans les pays et entre pays sur les « questions non scientifiques » ou questions d’éthique et de société entourant les aliments GM. Un examen récent des façons dont les autres pays abordent les questions non scientifiques liées à la réglementation des produits alimentaires issus de la biotechnologie (SECOR, 2000) aide à situer le Canada dans le contexte international. La pratique canadienne est semblable à celle de neuf autres pays et de l’Union européenne en ce que les considérations d’ordre scientifique sont les seules ou presque qui soient prises en compte au moment de l’approbation réglementaire d’un produit ou d’une technique. En règle générale, les préoccupations d’ordre éthique et social ne sont pas présentes dans les grandes lois régissant la biotechnologie et la salubrité des aliments. L’examen a permis de constater que les craintes du public au sujet de la biotechnologie variaient en nature et en intensité selon les États et qu’elles évoluaient aussi au fil du temps et sous l’influence des convictions religieuses et culturelles, des progrès scientifiques et des propos des médias et des groupes d’intérêts. On remarque aussi des différences entre pays quant à la manière dont les gouvernements traitent ces préoccupations d’éthique et de société, mais il apparaît clairement que toutes les autorités traitent ces questions comme des enjeux politiques importants (SECOR, 2000, p. 15).

Dans la plupart des pays ayant fait l’objet de l’examen, les gouvernements ont établi des structures et des méthodes pour s’occuper des principes sociaux et éthiques au sein du processus décisionnel. Ces structures sont habituellement des organes consultatifs de bio-éthique qui opèrent séparément des processus effectifs d’approbation réglementaire. Un autre moyen utilisé pour intégrer les préoccupations sociales, éthiques et publiques est d’en prescrire la représentation dans les comités scientifiques d’experts, les comités de consommateurs et les autres groupes d’intervenants.

Au Canada, les principales « questions non scientifiques » reliées à la biotechnologie sont les craintes pour l’environnement – p. ex., la pollinisation d’autres cultures par les graines GM; la sensibilisation des consommateurs; l’acceptation des produits alimentaires biotechnologiques en général et des aliments GM en particulier; la confiance de la population à l’égard des organes de réglementation; et la transparence du fonctionnement de ces organes et de leurs processus décisionnels. Comme la plupart des autres pays, le Canada n’a pas intégré les facteurs non scientifiques aux mesures législatives régissant la biotechnologie13, préférant plutôt aborder les principes d’éthique et de société dans ses cadres d’action stratégique et ses structures consultatives. Mentionnons, à titre d’exemples, la nouvelle SCMB, le Protocole sur la diversité biologique et la Stratégie de développement durable, ainsi que le mandat et les membres du CCCB et les conseils consultatifs auprès de ministres particuliers tels que ceux d’AAC, Environnement Canada et Santé Canada. Toutes ces structures sont séparées des organismes décisionnels.

Bien que l’examen plus poussé du contexte international dépasse le propos du présent document, certaines questions méritent d’être posées. Pourquoi le Canada a-t-il opté pour une voie différente de celle de nombreux autres pays industrialisés et quelles sont les conséquences de ce choix? À titre d’exemple, pourquoi les autres pays s’attachent-ils à réglementer le procédé plutôt que le produit? Et pourquoi le Canada a-t-il adopté une terminologie à part? Ces différences pourraient-elles être à l’origine des difficultés du Canada à vendre certains de ses produits GM à l’étranger? Les choix du Canada en matière de modes de réglementation de cette industrie influeront-ils sur ses possibilités futures de débouchés commerciaux?

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Conclusions

L’étude décrite dans ces pages tentait d’examiner, sur les plans théorique et empirique, le lien entre la réglementation et la promotion des aliments GM dans l’administration fédérale et au-delà, dans le contexte des relations intergouvernementales et des pratiques adoptées par les autres pays. Pour décrire cet examen, le présent rapport a procédé en six étapes :

  1. la présentation d’un cadre d’analyse au sein duquel examiner la séparation et l’intégration des fonctions de l’État;
  2. l’analyse du contexte stratégique de la politique horizontale – soit à l’échelle de l’administration fédérale – entourant les processus décisionnels relatifs à la biotechnologie;
  3. la description du mandat et de la mission des principaux organes gouvernementaux chargés de réglementer et de promouvoir les aliments GM, à savoir l’ACIA, Santé Canada et Agriculture et Agroalimentaire Canada;
  4. une étude de cas concernant les rôles et responsabilités actuels en matière de protection des végétaux à l’ACIA, afin d’explorer plus à fond la question précédente;
  5. un coup d’œil sur le fédéralisme biotechnologique et en particulier sur les fonctions de promotion exécutées par les provinces et sur les mécanismes de collaboration intergouvernementale mis en œuvre pour gérer les interdépendances;
  6. un examen de l’expérience de pays étrangers en matière de régie de la réglementation des aliments GM.

Cette dernière section présente certains objets de réforme et quelques observations en guise de conclusion.

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Objets et orientation d’une réforme éventuelle

Un des plus grands défis lancés par les organismes non gouvernementaux de plusieurs pays est celui de savoir si les gouvernements sont capables de gérer efficacement leurs fonctions multiples en rapport avec la biotechnologie. Il s’agit là aussi d’un enjeu légitime et grave pour la politique gouvernementale canadienne. En considérant les perspectives futures de réforme dans ce domaine, il est intéressant de s’arrêter à la pensée et à la position propres du gouvernement fédéral au sujet du système de réglementation de la biotechnologie. Dans plusieurs documents, le gouvernement offre l’image d’un système rigoureusement fondé sur la science, appliqué universellement, appuyé sur des consultations avec les intéressés et mis en œuvre de façon efficace et efficiente, ce qui en ferait un des systèmes les plus sûrs au monde. Comme l’ont exprimé récemment les ministres s’occupant de biotechnologie : « Le gouvernement du Canada estime que l'utilisation des lois existantes, qui dans certains cas protègent efficacement l'environnement et la santé des Canadiens depuis plus d'un siècle, est judicieuse et comporte un certain nombre d'avantages par rapport à la rédaction d'une toute nouvelle législation pour tenir compte de progrès technologiques tels que les nouvelles techniques de la biotechnologie » (Canada, 2000b). Une telle position écarte d’emblée toute autre proposition de réforme telle que celle de l’élaboration et de la promulgation d’une « loi sur les gènes » par Santé Canada ou par un organisme qui serait créé à cette fin. Une proposition apparentée à cette dernière vise le transfert de tous les pouvoirs de réglementation des produits de la biotechnologie à Environnement Canada et au champ d’application de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (Chambre des communes, 1996).

La démarche privilégiée par le gouvernement fédéral en matière de réforme consiste en un engagement à améliorer constamment le système de réglementation au moyen de l’examen et de la modification des lois et règlements et à accroître le financement public du système afin de lui assurer de fortes capacités scientifiques. Cet engagement fait également intervenir la recherche de conseils auprès d’experts canadiens de l’extérieur de l’administration fédérale tels que ceux de la Société royale du Canada, et la consultation de spécialistes des autres pays et des organismes internationaux.

Cette attitude des autorités fédérales devant la réforme du système de réglementation devrait s’exprimer et s’évaluer continuellement par rapport aux principes de régie de la biotechnologie formulés par le gouvernement au cours de la dernière décennie. Les principes de régie formulés dans le Cadre fédéral de réglementation de la biotechnologie, en 1993, prévoient recourir aux lois et règlements existants et aux autorités de réglementation déjà en place pour préciser les responsabilités et éviter les chevauchements, et prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que l’élaboration et l’exécution des règlements canadiens s’effectuent dans la transparence et fassent appel à la consultation. La SCB renouvelée de 1998 contient quatre grands principes directeurs dont les deux premiers sont de manifester les valeurs canadiennes et de faire participer les Canadiens et les Canadiennes à un dialogue permanent, ouvert et transparent sur la biotechnologie. En comparaison avec la stratégie nationale de 1983, celle de 1998 accorde plus d’importance à la participation du public, à la communication et à l’éthique. Encore plus récemment, le gouvernement fédéral affirmait qu’il lui incombait également « d’informer les Canadiens au sujet de la réglementation des produits de la biotechnologie » (Canada, 2000b, p. 4). Le thème prépondérant et fondamental de ces principes est un idéal démocratique selon lequel les processus d’élaboration et ensuite d’application des règlements devraient être ostensibles pour le public et toujours ouverts à la contribution et à la consultation des Canadiens et des Canadiennes.

En réfléchissant aux questions de réforme des principes de régie, il est important de se rappeler les autres plans et réalisations inscrits aux programmes fédéraux de politiques scientifiques et alimentaires. Il faudra suivre de près, dans le prochain Parlement, les plans de Santé Canada pour remplacer la Loi sur les produits antiparasitaires par un nouveau régime de réglementation soutenu par une participation accrue du public. Mentionnons aussi la probabilité d’une nouvelle présentation du projet de loi sur la salubrité et l’inspection des aliments au Canada, en vue de regrouper la législation fédérale existante sur les produits et sur les facteurs de production agricole en ce qui concerne, entre autres, le poisson, les viandes ou les végétaux. Cette réforme est conçue dans le but de fixer un ensemble de normes et de mesures d’application uniformes pour tous les secteurs de l’agriculture. En 2001, les ministères et organismes fédéraux doivent présenter leurs stratégies révisées de développement durable au Commissaire à l’environnement et au développement durable. Ces stratégies offrent la possibilité de rehausser la coopération et la coordination interorganisationnelles et de magnifier le rôle du développement durable à titre de paradigme d’action apte à faire le pont entre les fonctions gouvernementales de réglementation et de promotion.

Une autre tendance de régie à surveiller de près est évidemment celle que suivra le CCCB pour interpréter et réaliser son mandat. Tout comme dans le cas de l’ACIA et d’autres réformes organisationnelles mises en œuvre récemment, le CCCB aura besoin de temps pour définir sa mission et déterminer ses méthodes de fonctionnement. Parmi les points à observer, il y aura le degré d’attention accordé par le nouvel organe consultatif aux questions non scientifiques, c’est-à-dire, les dimensions sociales, culturelles et éthiques de la biotechnologie. Du côté des pratiques, il faudra aussi voir la mesure dans laquelle le CCCB informe le public et le fait participer à un dialogue sur ces questions, et offre des conseils indépendants et proactifs au gouvernement (SECOR, 2000). Le CCCB se compose de Canadiens et de Canadiennes venus milieux divers tels que l’éthique, la théologie et les sciences, et cette diversité vise avant tout à ce que le Comité représente tous les points de vue et les intérêts du domaine de la biotechnologie. Le degré d’efficacité dont fera preuve le CCCB dans l’accomplissement de son mandat aidera à déterminer s’il y a lieu, ou non, de créer un organe consultatif distinct en matière d’éthique.

Les questions de réforme de l’organisation et de la régie du système canadien de réglementation des aliments GM et de la biotechnologie touchent les points suivants :

  • la nature que devraient prendre le mandat et la mission de l’ACIA relativement à la promotion du commerce et-ou l’élaboration des politiques commerciales en rapport avec la biotechnologie;
  • les moyens à prendre pour rehausser la transparence des processus décisionnels relatifs à la réglementation des produits GM et pour renforcer la participation du public à ces processus;
  • la question de savoir si le Bureau de la biotechnologie devrait rester à l’ACIA ou être transféré à un autre organisme ou portefeuille fédéral.

La première réforme concerne l’orientation future et le contenu du mandat et de la mission de l’ACIA. La clarification du mandat de l’Agence est en cours, comme nous l’avons déjà mentionné, en ce qui a trait à la planification, aux rapports et à la structure de reddition de comptes pour l’exercice 2001-2002, et à d’autres modifications à apporter à la présentation écrite de la mission et des priorités de l’ACIA. Cette volonté de faire disparaître toute mention de la promotion de l’accès aux marchés et du commerce international serait renforcée en remplaçant des termes comme « plan d’entreprise » par d’autres qui expriment plutôt l’intérêt du public envers la santé et la salubrité des aliments. Dans le domaine de la politique commerciale, il est permis de se demander quel rôle, s’il en est, l’ACIA devrait remplir afin d’influencer les normes internationales de produits alimentaires pour favoriser les intérêts et les objectifs stratégiques du Canada ou dans celui de contester l’abus présumé des mesures techniques concernant le commerce clandestin. Il est évident que les fonctionnaires de l’ACIA peuvent faire partie de délégations internationales et offrir des conseils scientifiques et techniques sur les normes de salubrité ou de qualité ou les répercussions des changements apportés aux politiques. Ce genre d’activités semble respecter la dichotomie réglementation-promotion, mais conviendrait-il que les fonctionnaires de l’ACIA prennent la tête de telles délégations et interviennent directement dans les débats d’orientation stratégique et l’élaboration des normes commerciales? Des actions de ce type soulèveraient probablement la crainte que l’ACIA soit en train d’effacer la ligne de démarcation entre la fonction de réglementation et celle de promotion.

L’ACIA est essentiellement un service d’inspection qui ne veut pas dire son nom. Le ministre de l’Agriculture conserve la responsabilité et l’obligation de rendre compte de tout ce que fait l’Agence. Celle-ci diffère des ministères ordinaires en ce qu’elle jouit d’une plus grande souplesse administrative que la plupart d’entre eux. Le point crucial n’en reste pas moins que l’ACIA n’est pas un organe de réglementation indépendant parce qu’elle est comptable à un Ministre dont le ministère est l’un des principaux promoteurs de ce qu’elle réglemente. C’est là d’ailleurs l’une des préoccupations avouées de ses critiques.

La deuxième réforme a trait à l’expansion et à l’officialisation des possibilités offertes au public de participer à la prise des décisions de réglementation des produits de la biotechnologie. La création du CCCB est un pas dans cette direction et il y en a un autre dans le plan de Santé Canada visant à présenter un nouveau projet de loi qui remplacerait la Loi sur les produits antiparasitaire et renforcerait la participation du public aux décisions de réglementation. Selon le Ministère, la participation du public s’étendrait à l’examen des études scientifiques confidentielles présentées à l’appui de l’enregistrement des pesticides. Elle comprendrait aussi (traduction) « des consultations du public au sujet des grandes décisions relatives à l’enregistrement des produits et elle donnerait le droit aux particuliers (et non seulement aux fabricants, comme le prévoit la Loi actuelle) de demander au Ministre de réexaminer ces décisions » (Santé Canada, 2000, p. 31). Si cette politique était adoptée, elle constituerait une réforme positive en rapprochant le Canada de la mise en œuvre des pratiques exemplaires de transparence en ce qui concerne les décisions de réglementation visant la biotechnologie, tout comme en Australie et aux États-Unis. Après avoir étudié les pratiques en usage dans d’autres pays, MacKenzie (2000, p. 3) conclut que le Canada a un système solide, mais que (traduction) « le renforcement de la transparence, au moyen d’avis publics et de l’invitation du public à présenter ses commentaires, est une mesure qui mérite d’être étudiée sur le plan de sa faisabilité au sein du cadre de réglementation canadien ». MacKenzie est persuadé du bien-fondé d’une telle réforme. « Une transparence accrue concernant les risques et les avantages des produits de la biotechnologie et la façon dont se prennent les décisions gouvernementales est un des éléments essentiels du renforcement de la confiance de la population à l’égard des technologies nouvelles. La franchise totale est une force stabilisatrice non pas parce que le grand public lit des rapports scientifiques ou les documents relatifs aux décisions gouvernementales, mais parce que les leaders d’opinion et les diffuseurs d’information le font » (MacKenzie, 2000, p. 62). Il faudrait étudier les composantes du projet de loi devant remplacer la LPA et procéder à l’examen des politiques et des pratiques en usage en Australie et aux États-Unis, en vue de dégager un modèle à appliquer aux autres lois fédérales et aux ministères et organismes fédéraux à vocation scientifique.

La constatation probablement la plus importante de la présente étude, et qui a des incidences sur la réforme organisationnelle, est que l’ACIA n’est pas entièrement détachée des activités de promotion de la biotechnologie. Cette conclusion découle de l’examen du mandat et de la mission de l’Agence ainsi que d’une analyse des activités de communication du Bureau de la biotechnologie. Le mandat et la mission de l’ACIA, comme nous l’avons déjà mentionné, font actuellement l’objet d’une révision afin d’en préciser le rôle de réglementation et le domaine de concentration des fonctions. Il reste cependant à déterminer le lieu ou, tout au moins, la fonction de promotion qui convient le mieux au Bureau de la biotechnologie. La présence continue de ce Bureau au sein de l’ACIA semble faire problème, non pas à cause de difficultés internes, mais en raison d’attentes et de réactions externes quant à ce qu’est ou à ce que devrait être le rôle premier et légitime de l’ACIA. Il existe actuellement une sorte d’antagonisme de rôles à l’Agence aux yeux de certaines personnes et de certains groupes qui perçoivent une incompatibilité dans l’exercice simultané des fonctions de réglementation confiées à l’ACIA et d’autres fonctions de nature promotionnelle. Même si les gestionnaires de l’ACIA ne veulent pas admettre ou accepter l’existence réelle ou possible d’un tel conflit, il est fort possible que les intervenants et autres intéressés voient une contradiction dans ce double rôle. Il est clair que cette apparente contradiction est le motif dominant de la pétition présentée au gouvernement fédéral par le Sierra Legal Defense Fund en mai 2000. Pour des raisons peut-être nombreuses et variées, la question des aliments GM en est une qui suscite chez bien des Canadiens un faible degré de tolérance à l’endroit d’un antagonisme de rôles, réel ou perçu, au sein du principal organisme chargé de réglementer la salubrité des aliments au Canada.

Si la présence du Bureau de la biotechnologie dans la structure de l’ACIA risque de nuire à la confiance du public envers l’Agence, de quelle façon le gouvernement peutil réagir? Si la fonction de communication du Bureau de la biotechnologie comprend une part de promotion, il conviendrait peut-être de replacer le Bureau à Industrie Canada ou de confier cette fonction à ce ministère, ce qui concorderait avec le mandat du ministère de l’Industrie et avec le rôle de son Ministre, premier responsable de la SCMB. En revanche, s’il s’agit de veiller à ce que le Bureau de la biotechnologie produise et diffuse des renseignements visant avant tout la santé et la sécurité du public, le meilleur endroit où recaser le Bureau serait probablement à Santé Canada. Et si le but recherché est de trouver un équilibre permettant de concilier les objectifs de santé des humains et de l’environnement et ceux de promotion du commerce, il est possible qu’un lieu acceptable pour le Bureau de la biotechnologie soit le ministère de l’Environnement, en raison du paradigme de développement durable que comporte son portefeuille. Bien que l’on puisse affirmer que le Bureau remplit une fonction pertinente, il serait fort utile de se demander si la fonction de communication réside à l’endroit qui lui convient le mieux au sein de l’administration fédérale.

Il est possible que l’ACIA soit le lieu de conflits éventuels plus vastes que ceux créés par les activités de promotion du Bureau de la biotechnologie, des conflits susceptibles d’englober les politiques gouvernementales en matière de sciences et d’industrie. Ce que nous apprennent les difficultés récentes vécues à Santé Canada et à Développement des ressources humaines Canada, c’est que les difficultés administratives et la possibilité de conflits d’intérêts et de problèmes de responsabilisation doivent être réglées avant que n’éclate une crise dans le secteur de la santé publique. L’ACIA n’échappe pas au risque de devenir le prochain objet de contestation publique, que ce soit au sujet de la biotechnologie ou d’autres champs d’activité, même celui de l’inspection des aliments. Revient-il à l’État de promouvoir le secteur de la biotechnologie ou est-ce là une fonction qui incombe au secteur lui-même? La même question se pose évidement au sujet d’autres secteurs et elle aggrave le scepticisme général concernant la capacité du gouvernement à choisir et à favoriser des industries « gagnantes ». Quelles seraient les structures de régie les plus efficaces, en incluant les organes autonomes et les processus de participation des citoyens, pour faire en sorte que l’État assume sa responsabilité de protéger les disponibilités alimentaires du Canada? C’est seulement par un engagement public authentique à l’élaboration des politiques que les décideurs pourront espérer restaurer la confiance des citoyens envers le gouvernement.

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Observations finales

L’étude faisant l’objet du présent rapport portait sur les rôles et les mandats organisationnels de l’État et sur les rapports officiels d’autorité. Certes, la confiance du public à l’endroit des aliments GM et de la biotechnologie repose sur beaucoup plus que l’agencement des structures et des pratiques administratives du gouvernement. Il n’est reste pas moins que ces éléments institutionnels sont d’une grande importance en raison des valeurs qu’ils portent et de la façon dont ils les mettent en évidence, des relations créées et maintenues en matière d’obligation de rendre compte, et des perceptions de la population. Il n’existe probablement aucun ensemble particulier de dispositions organisationnelles internes au moyen desquelles le gouvernement fédéral pourrait se charger de la promotion et de la réglementation des aliments GM. Néanmoins, il y a certainement des structures plus ou moins acceptables et raisonnables qui permettraient d’y arriver en tenant compte des aspirations du public, des capacités nécessaires en matière technique et scientifique ainsi que des pratiques et des engagements de nature intergouvernementale et internationale.

Le contexte des institutions donne naissance à des idées, des mots et des concepts de type particulier, bref, à un discours propre qui est utilisé par les membres de l’organisation, dans son champ d’intervention et dans la population en général. Pour produire un dialogue réel, ce discours a besoin d’un vocabulaire commun à tous les intervenants et de la diffusion de renseignements accessibles, opportuns et faciles à comprendre, et de consultations effectives. Tous ces éléments sont les fondements essentiels de la sensibilisation, de l’information, de la confiance et de la responsabilisation du public.

En conséquence, il y a lieu de s’interroger plus à fond sur la signification et le bien-fondé du recours aux mots « réglementation » et « promotion » et aux concepts connexes de dichotomie et de lien entre les deux fonctions. Ces mots recouvrent un champ sémantique plus complexe et plus subtil que ne le croient encore bien des gens. Les idées qu’ils véhiculent se prêtent à des éclairages et des interprétations multiples et méritent une étude plus intégrale que celle permise par le présent travail. Le mot « promotion » est-il le plus juste pour décrire les activités de développement économique propres à la biotechnologie? Le projet de séparer la réglementation et la promotion est-il la meilleure façon de formuler la nécessité d’assurer l’intégrité du système de réglementation? Que nous utilisions les mots « dichotomie », « lien » ou d’autres termes, le vocabulaire adopté est important du point de vue politique et organisationnel, car les concepts que nous choisissons se rapportent à des activités qui devront être structurées et gérées; ces concepts façonneront le débat public et fixeront la norme qui servira à évaluer l’efficacité et la crédibilité du système canadien de salubrité des aliments. Indépendamment des liens et des rapports entre la réglementation et la promotion, il demeure important d’établir une distinction entre les activités de réglementation et les activités de promotion des aliments GM. Cette distinction est nécessaire en raison de l’obligation d’impartialité et de décisions fondées sur les faits, et aussi pour assurer la légitimité des processus et des décisions.

La dichotomie réglementation-promotion a trait à la spécialisation, à la répartition des tâches et à la séparation des fonctions, alors que l’idée du lien réglementationpromotion met l’accent sur l’intégration des fonctions et sur la coordination et le contrôle organisationnels. Dans un système vaste et complexe comme celui du gouvernement du Canada, il faut que soient à l’œuvre à la fois la dichotomie et le lien. Le défi fondamental que doit relever la politique gouvernementale est de trouver un équilibre entre cette différentiation et intégration simultanées des fonctions de l’État, autrement dit, de décider quels fonctionnaires administratifs et quels organismes seront chargés de telle fonction, de telle façon et à tel endroit.

En administration des affaires, les justifications classiques de la division des tâches comprennent, entre autres, un accroissement de l’efficacité, la qualité et la quantité des extrants de production et les économies permises par la spécialisation, qui renforcent d’autant la compétitivité. En administration publique, par contre, la répartition des fonctions vise habituellement à rehausser des valeurs complémentaires d’impartialité et de légitimité et à répondre à un souci pour le processus autant que pour le produit, comme en fait foi la relation « d’équilibre et de contrôle » entre l’ACIA et Santé Canada. En dernière analyse, dans l’administration fédérale, la question organisationnelle est de déterminer si les conditions dans lesquelles s’effectuent la séparation et la coordination concordent avec la nécessité de spécialisation et d’objectivité de même qu’avec le besoin de cohérence des politiques et l’obligation de rendre compte aux citoyens. Le paradigme du « leadership mondial prudent en biotechnologie » – la nouvelle expression utilisée par le gouvernement fédéral pour illustrer l’intérêt public du Canada dans le domaine – exige que toutes ces valeurs soient prises en compte par les chefs politiques.

Par ailleurs, le défi ne pourra qu’aller s’intensifiant. À une époque où les différents secteurs de la biotechnologie au Canada, y compris celui de la biotechnologie alimentaire, cessent de se concentrer sur la recherche et tournent leur attention vers la commercialisation, et où s’accroît la concurrence commerciale des autres pays du monde entier, on verra aussi augmenter les intérêts et les institutions en cause et les enjeux à affronter. La fonction de promotion et la biotechnologie elle-même deviendront de plus en plus politisées au fur et à mesure que le rôle gouvernemental de champion de la technologie se fera plus explicite dans la sphère publique et plus dynamique sur le plan des programmes, en réaction à ces tendances. Plus les fonctions de réglementation et de promotion se différencient de façon marquée, plus il y aura risque de conflits et plus il sera difficile d’apaiser les tensions et, en conséquence, plus il devient vital de disposer des structures et des méthodes permettant de réussir l’intégration des fonctions. Les fonctionnaires de l’État devraient retenir ce dernier point au moment de conseiller les ministres relativement aux rapports qui conviennent entre la réglementation et la promotion. À cet égard, la formation d’un comité de coordination au niveau du Cabinet, et d’un secrétariat pour l’appuyer, et la création de comités interministériels composés de cadres supérieurs et chargés des questions de biotechnologie, sont des initiatives positives en vue de mettre en place les mécanismes de régie nécessaires à l’intégration. En définitive, le défi à relever par les Canadiens et les Canadiennes et par leurs gouvernements est d’édifier des institutions beaucoup plus efficaces et démocratiques, aptes à régler les conflits éventuels entre les rôles et les responsabilités de l’État.

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1 La biotechnologie englobe tout un éventail de techniques, depuis la fermentation jusqu’à la sélection amélioratrice des végétaux et des animaux, la production d’antibiotiques et le génie génétique. Les règlements fédéraux la définissent habituellement comme « l’application de la science et du génie à l’utilisation directe ou indirecte d’organismes vivants, ou de parties ou produits d’organismes vivants, sous leur forme naturelle ou modifiée ». Les aliments nouveaux sont des produits qui n’ont jamais été utilisés comme aliments; des produits alimentaires fabriqués au moyen d’un processus qui n’avait jamais été utilisé auparavant en production alimentaire; ou des aliments qui ont été modifiés par le génie génétique. Le génie génétique, également appelé modification génétique ou technologie de l’ADN recombinant, se pratique en modifiant le code ou l’agencement du matériel génétique (ADN ou ARN) d’un organisme. Ces manipulations peuvent comprendre le transfert d’un ou plusieurs gènes d’un organisme à un autre. Selon le Règlement sur les aliments et drogues, modifier génétiquement veut dire « manipuler intentionnellement les caractères héréditaires d’un végétal, d’un animal ou d’un micro-organisme ».

2 Prenons un exemple récent, celui de la réorganisation de Santé Canada. En avril 2000, Santé Canada annonçait une restructuration en profondeur en vue de s’assurer que le Ministère disposait des capacités voulues pour offrir des services de qualité aux Canadiens tout en restaurant la confiance de la population à son endroit. Depuis quelques années, Santé Canada faisait l’objet de critiques dures et de menaces de poursuites en justice à cause de sa gestion d’un certain nombre de dossiers et de services, tout spécialement les services transfusionnels canadiens. En outre, la collectivité scientifique accusait le Ministère d’avoir influencé les résultats des recherches de ses propres scientifiques. Bien plus, la contamination du système canadien d’approvisionnement en sang remettait en question le rôle « promotionnel » de Santé Canada par opposition à son mandat fondamental de protéger la santé des Canadiens. En raison des pressions politiques et publiques croissantes, le Ministère a séparé ses responsabilités de protection de ses responsabilités de promotion en les répartissant entre des directions générales différentes. La Direction générale de la protection de la santé et celle de la promotion et des programmes de santé ont été refondues en trois nouvelles directions générales, soit celle des Produits de santé et des aliments (qui englobe les produits biologiques et les applications connexes de la biotechnologie); celle de la Santé environnementale et de la protection des consommateurs; et celle de la Santé de la population et de la santé publique. La restructuration a aussi mené à la création du bureau de l’Expert scientifique en chef, dans le but de protéger la capacité des scientifiques à « conseiller les autorités en toute conscience » au sein du Ministère. Le contexte et les motivations propres à cet exemple n’ont peut-être rien en commun avec ce qui se passe du côté de la biotechnologie et des aliments GM, mais il n’en offre pas moins des leçons importantes et des mesures possibles à prendre, et il s’inscrit tout de même dans le contexte plus vaste où se tient le débat sur la biotechnologie. Le site Web de Santé Canada présente plus en détail le déroulement de ce remaniement.

3 Pris dans leur ensemble, les conseils consultatifs englobent les commissions d’enquête parlementaire, les groupes de travail et les conseils permanents rattachés aux ministères ou aux organismes centraux. Le gouvernement reçoit aussi des conseils des comités parlementaires créés par le Parlement pour la conduite des travaux de l’autorité législative.

4 Certains observateurs poussent encore plus loin la dichotomie. Voici ce que dit Leiss (2000, p. 71-72) au sujet de la stratégie fédérale concernant la biotechnologie : « Je me demande pourquoi quiconque pourrait penser qu’un même gouvernement, censé réglementer les risques pertinents, pourrait être un agent de publicité pour l’industrie? C’est un mystère pour moi – d’autant plus qu’il est parfaitement évident que l’industrie privée est déjà remarquablement capable de faire toute seule sa propre promotion ».

5 Au Canada, l’État réglementant comporte d’autres dimensions constitutionnelles fondamentales dont le gouvernement de cabinet et la souveraineté du Parlement. Pour plus de détails à ce sujet, voir Prince, 1999.

6 On trouvera une analyse détaillée des origines et du fonctionnement de l’ACIA dans Prince (2000a) et (2000b).

7 La Direction générale de la production et de l’inspection des aliments, avait comme objectif de programme de « rehausser le potentiel commercial des produits agricoles et alimentaires ». La Direction générale, qui comptait environ 4 000 employés équivalents plein temps, était chargée d’établir et de faire respecter des normes visant, entre autres, à « faciliter le commerce national et international ».

8 Un autre motif de préoccupation pourrait être le rôle de l’ACIA dans les négociations internationales et le règlement des différends commerciaux. Ce sont des domaines d’activité qui pourraient éventuellement estomper la ligne de démarcation entre les fonctions de conseil technique, de défense des politiques et de promotion du commerce. Dans une telle occurrence, le concept de dichotomie réglementation-promotion s’en trouverait contesté. Aux termes des Normes de gestion du processus de réglementation fédéral, le personnel d’exécution peut participer à l’élaboration de normes ou d’exigences nouvelles.

9 Comme l’explique le budget fédéral 2000, « La science génomique joue un rôle essentiel dans l’avancement de la biotechnologie. Il s’agit de l’étude du code génétique des êtres humains, des plantes et de tous les autres organismes vivants » (ministère des Finances Canada, 2000, p. 111).

10 Le règlement des questions entourant les relations intragouvernementales et intergouvernementales reste à l’ordre du jour. La gestion d’une poussée d’intoxications alimentaires est examinée dans le rapport du vérificateur général, chapitre 15, 1999.

11 Au sujet de la réglementation de la biotechnologie, voir le rapport minoritaire des députés du Bloc québécois membres du Comité permanent de l’environnement et du développement durable (Chambre des communes, 1996).

12 Les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de l’Agriculture ont avalisé l’objectif commercial ambitieux de doubler les exportations canadiennes de produits agroalimentaires entre 1998 et 2003. Les gestionnaires de la nouvelle SCMB ont remarqué des occurrences de coopération et d’interaction fédérales provinciales au niveau opérationnel, par exemple, l’utilisation commune de locaux pour la recherche en agriculture, en santé et en foresterie (Canada, 1998, p. 9). Le Centre d’information sur la biotechnologie alimentaire (CIBA), qui offre toute une gamme de services dont « un service complet d’aiguillage de l’information sur la biotechnologie alimentaire, un réseau régional d’experts, un site Web et des activités de gestion des enjeux », est subventionné par AAC. Le CIBA est formé d’intervenants du secteur non gouvernemental et du secteur privé, mais son conseil d’administration compte aussi des fonctionnaires des ministères de l’agriculture de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick. Parmi les autres membres provinciaux, mentionnons le gouvernement du Manitoba et la Saskatchewan Canola Development Commission (CIBA, 2000).

13 Cette intégration se fait peut-être indirectement par le biais de la Loi sur le vérificateur général et des fonctions du Commissaire à l’environnement et au développement durable. À ce sujet, voir MacKenzie (2000, p. 50-51) et l’analyse figurant plus haut dans le présent rapport.

http://cccb-cbac.ca


    Création: 2005-07-13
Révision: 2006-07-07
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