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Comité consultatif canadien de la biotechnologie
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Régimes de réglementation de la sécurité et de l’efficacité des produits de santé issus de la biotechnologie : Évolution des pressions, des produits et des procédés

G. Bruce Doern

Professeur, School of Public Policy and Administration
Université Carleton et
Politics Department, Université d'Exeter

Document rédigé pour le Comité consultatif canadien de la biotechnologie
Juillet 2003

Table des matières

  1. Introduction

  2. Pressions nouvelles sur le régime de réglementation

  3. Régime actuel de réglementation de la biotechnologie

  4. Valeurs et critères de base des substitutions possibles au régime actuel de réglementation

  5. Substitutions possibles au régime de réglementation et nouvelle régie de la réglementation de la biotechnologie

  6. Conclusions

  7. Références bibliographiques



Introduction

La biotechnologie est une technologie habilitante qui est mise au service d'autres secteurs et qui aussi, à titre d'industrie de plein droit, continue d'attirer énormément d'attention à partir d'un large éventail de perspectives analytiques, de valeurs et de points de vue (Appleyard, 1999; Fukuyama, 2002; Sulston et Ferry, 2002; Bauer et Gaskell, 2002). Elle constitue un grand sujet dans tous les sens du terme. Le présent rapport couvre un sous-ensemble limité de questions reliées à la réglementation de la biotechnologie et porte principalement sur les produits de santé issus de la biotechnologie, également un thème vaste qui évolue rapidement et retient l'attention grandissante des gouvernements, de l'industrie, des groupes de défense du système de santé et des patients, et de la société civile. L'objectif du présent rapport consiste à examiner les principales pressions et les principaux facteurs qui sont susceptibles d'amener, à moyen terme, des changements au régime canadien de réglementation de la biotechnologie dans le domaine de la santé1. Il sera question également de certains aspects de la réglementation de la biotechnologie touchant l'environnement, mais là n'est pas l'objet premier de notre propos.

De façon plus précise, l'analyse vise les quatre objectifs suivants :

  1. définir les pressions à venir sur le régime actuel de réglementation de la biotechnologie découlant directement des nouveaux produits et procédés reliés à la santé issus de la biotechnologie;

  2. déterminer les valeurs et critères fondamentaux devant présider à la conception d'un régime de réglementation, y compris les préoccupations relatives à la souveraineté, à l'évaluation et à la gestion des risques, et à la rentabilité de la réglementation;

  3. formuler et examiner quelques-unes des principales solutions de rechange en vue de modifications éventuelles au régime de réglementation;

  4. offrir des conclusions quant à la meilleure façon de progresser à moyen terme.

Il faut insister au départ sur la nature exploratoire du présent rapport. Pour plusieurs raisons, les propos présentés ici soulèvent inévitablement plus de questions qu'ils n'en élucident ou évaluent à quelque niveau de détail que ce soit. Tout d'abord, certaines des forces, des pressions et des produits prévus sont basées sur des projections générales établies par divers experts à partir des prévisions de l'industrie, mais il est souvent impossible d'obtenir des données exactes et complètes et des mesures précises d'envergure et d'échelle. En deuxième lieu, le système actuel dans son entier et les notions probablement élargies du régime de réglementation de la biotechnologie constituent un mélange complexe faisant intervenir des organismes dont les antécédents, les principes et les mandats diffèrent et, par conséquent, un court document ne peut saisir tous ces facteurs qu'au moyen d'exemples concrets et d'une analyse assez générale. Et tel est le cas autant pour les éléments canadiens que pour les éléments comparatifs de l'histoire de la réglementation. Troisièmement, les sources consultées pour rédiger le présent document sont nécessairement diverses et comprennent des rapports et études dont les entités en cause sont à la fois les auteurs et le sujet; de la documentation canadienne générale sur la réglementation et la régie de la biotechnologie; ainsi que des notions de base en réglementation, en obligation de rendre compte et en régie. Le contenu du rapport s'inspire également de documents sur la réglementation de la biotechnologie et d'écrits institutionnels émanant de divers pays et territoires de compétence, tel que l'Union européenne et les États-Unis, puisque de toute évidence ces derniers doivent composer avec des questions semblables de modification de régimes de réglementation (Ames, 2001; Uchtmann et Nelson, 2000; The Economist, 1999; Kass, 2003; Patterson, 2000; Sheridan, 2001; Abraham et Lawton Smith, 2003). En outre, le présent rapport reprend, en élaborant, certaines des constatations découlant des recherches récentes de l'auteur sur les questions de réglementation et de régie de la biotechnologie (Doern et Sheehy, 1999; Doern, 1999; 2000; 2000a; 2000b; 2002).

Il est essentiel, d'entrée de jeu, de garder à l'esprit plusieurs aspects de l'architecture et l'analyse vastes et mouvantes du régime de réglementation de la biotechnologie. Premièrement, le régime de réglementation de la biotechnologie se compose d'un réseau de valeurs, de méthodes et d'organes de réglementation qui fonctionnent en interaction constante avec toute une gamme d'entreprises, de chercheurs, d'intervenants et de citoyens. Sa fonction de base est d'évaluer et d'approuver des produits avant qu'ils puissent n'être mis sur le marché, et aussi d'effectuer une forme ou une autre d'examen après la mise en marché (Doern, 2002). Le régime a aussi des responsabilités sur le plan du respect et de l'exécution de la conformité. Deuxièmement, jusqu'à très récemment, les définitions pratiques standards du régime de réglementation de la biotechnologie étaient orientées directement sur les organismes qui réglementent les produits alimentaires, les animaux, les graines de semence, les aliments pour bétail et les organismes génétiquement modifiés issus de la biotechnologie. Jusqu'ici, les controverses politiques les plus importantes ont habituellement porté sur les produits alimentaires et il y a eu escalade de ces controverses à l'échelle mondiale en raison de graves différends entre les États-Unis et l'Union européenne, en partie parce que les premiers ont une industrie de la biotechnologie et que la seconde n'en a, à toutes fins pratiques, pas. Par conséquent, pour ces raisons et quelques autres, l'UE est opposée aux produits alimentaires issus de la biotechnologie (Ashford, 1996; Paarlberg, 2000; Ames, 2001; Patterson, 2000; Skogstad, 2003). Dans ce contexte de conflits, et au sein des régimes de réglementation des produits issus de la biotechnologie, la réglementation des produits de santé issus de la biotechnologie s'est trouvée reléguée, pour ainsi dire, au second plan de la conscience politique et de la controverse (Patterson, 2000; Vogel, 1998) (ces questions seront traitées en détail ci-après). Cependant, à l'instar de l'Amérique du Nord, l'Europe a été le théâtre de longs débats sur les dimensions élargies de la santé et de la biotechnologie qui englobent des enjeux clés d'éthique et de santé tels que le clonage, la procréation médicalement assistée et la recherche sur les cellules souches (Abraham et Lewis, 2000; Bauer et Gaskell, 2002).

La situation inhérente aux deux premiers points a changé considérablement au cours des cinq dernières années, et de là vient la nécessité de mettre en évidence un troisième et un quatrième points concernant la définition de base et l'analyse du régime de réglementation de la biotechnologie. Le troisième point est que les percées réalisées au sujet du génome humain et les progrès scientifiques et technologiques connexes ont fait en sorte qu'un très grand nombre de nouveaux produits de santé issus de la biotechnologie ont fait leur entrée dans le processus de réglementation (Royaume-Uni, 2003; Ratcliff, 2003; Morris, 2003). C'est ainsi que le secteur des produits de santé, un thème relativement mineur lors du début du débat sur l'élaboration des règlements (mais non pas sur la pratique actuelle de la réglementation), est devenu un centre d'intérêt et un point de convergence de plus en plus important du débat public. Le quatrième point est que ce fait, à lui seul, a déjà transformé la façon dont le régime de réglementation doit maintenant être défini et la façon dont il est perçu en fonction de la réalité politico-économique mondiale. La définition du régime de réglementation des produits de santé issus de la biotechnologie (et d'autres produits et procédés) doit obligatoirement et sciemment englober l'élaboration des règlements visant des domaines comme la propriété intellectuelle, la reproduction humaine, l'éthique de la recherche et les organes fédéraux et provinciaux chargés de l'évaluation technique de ces technologies nouvelles. Le régime recouvre aussi les fonctions provinciales de contrôle qui déterminent les produits et services pouvant être offerts et payés dans le cadre de l'assurance maladie et régit l'établissement des prix des produits pharmaceutiques par les acheteurs de médicaments des gouvernements provinciaux et les organismes fédéraux tels que le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. Les praticiens professionnels œuvrant dans la fonction publique et dans l'industrie ont toujours été conscients, en accomplissant leurs tâches quotidiennes, de ces liens étendus avec d'autres entités, mais le débat national sur la biotechnologie n'a pas traité de toutes ces questions ni des organismes qui en ont la responsabilité. Quoi qu'il en soit, les produits de santé issus de la biotechnologie doivent être intégrés à la réflexion et à la pratique relatives à la modification du régime de réglementation.

Les perceptions relevées dans les pays du monde au sujet de la politique brute entourant la biotechnologie varient aussi selon l'importance prise par les produits de santé issus de la biotechnologie et la sensibilisation des gens à ces produits. L'UE achève une série complexe de consultations et d'élaboration de règlements sur la biotechnologie dans le domaine de la santé et des sciences de la vie (Commission des Communautés européennes 2001; 2001a; 2002; 2003). Dans ce cas particulier, toutefois, à la différence de ce qui s'est passé pour les aliments et organismes génétiquement modifiés, l'accent est mis sur la recherche des moyens à prendre pour que l'UE et les citoyens européens puissent prospérer grâce à une telle industrie, tirer avantage des produits de santé issus de la biotechnologie et apprendre à concurrencer l'industrie américaine, laquelle se caractérise également par un glissement marqué vers ces mêmes produits (Kass, 2003; Senker, 1998; Weintraub, 2003) (voir aussi plus bas). Cette évolution ne veut pas dire que l'axe mondial États-Unis–Europe soit exempt de préoccupations graves quant à la sécurité de tels produits et aux questions éthiques et sociales connexes. Elle signifie plutôt que la politique planétaire entourant la biotechnologie est beaucoup plus complexe et effectivement plus équitable qu'il n'y paraît, et ce précisément parce que l'avènement de la biotechnologie dans le domaine de la santé force à une discussion plus vaste et fait intervenir un ensemble beaucoup plus complexe d'intérêts dans le débat sur les régimes de réglementation et la régie de la biotechnologie en général.

Le présent rapport est agencé en quatre sections. La première section examine les pressions nouvelles qui se font sentir sur le régime de réglementation de la biotechnologie, surtout celles qui émanent du secteur plus étendu de l'économie axée sur la biotechnologie et des soins de santé. La deuxième section décrit brièvement les caractéristiques principales du régime canadien actuel de réglementation de la biotechnologie et certains aspects apparentés des régimes d'autres pays. Ce tour d'horizon est nécessaire pour déterminer quels sont les systèmes de réglementation actuels et pourraient servir à situer un système réformé. La troisième section porte sur les valeurs et critères de base de l'architecture de tout régime modifié ou régime de substitution pour la réglementation de la biotechnologie. Certaines de ces valeurs ont des points communs avec celles du système actuel, mais elles comportent aussi des différences en raison des impératifs propres aux produits et procédés médicaux issus de la biotechnologie. La quatrième section donne une analyse sommaire de trois régimes de substitution. Viennent ensuite les conclusions.

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Pressions nouvelles sur le régime de réglementation

Le régime de réglementation de la biotechnologie fait l'objet de nombreuses pressions nouvelles ou déjà à l'œuvre. La plupart sont causées par le fait que la biotechnologie, après s'être intéressée au départ aux produits alimentaires, avec les controverses politiques afférentes, axe maintenant son essor sur la santé et le génome, ce qui crée un nouveau mélange de réactions positives et négatives, de préoccupations et de dissensions. Voici certaines de ces pressions multiples et interdépendantes :

  • L'accroissement marqué du nombre de produits, procédés, services et dispositifs issus de la génomique et de technologies connexes et devant tous être réglementés et surveillés.

  • La nature de plus en plus spécialisée de ces produits, procédés, etc. qui sont destinés à de petits sous-ensembles et marchés de personnes, consommateurs et-ou patients. Les entreprises doivent donc consacrer plus de capitaux à des produits de vie utile restreinte.

  • La poussée vers un nouvel équilibre entre les aspects précommercialisation (plutôt que postcommercialisation) du régime de réglementation.

  • L'obligation de redéfinir la nature et le sens de médicament, de diagnostic et de dispositif médical comme des réalités distinctes par opposition à la combinaison de « produits » et de « procédés » demandant une réglementation.

  • La nécessité d'assurer la survie et la prospérité des entreprises canadiennes de l'économie axée sur la biotechnologie (et de créer des emplois) dans un contexte mondial compétitif où l'innovation est de première importance.

  • Le besoin de renouveler et d'étendre le pouvoir de réglementer en rehaussant les compétences et les connaissances du personnel en sciences et technologie (S-T), les sources d'information et le matériel.

  • La nécessité croissante d'une réglementation internationale commune dans les domaines de la santé, de la biotechnologie et de l'économie axée sur la biotechnologie.

Voyons maintenant, brièvement, en quoi consiste chacune de ces pressions.

L'accroissement marqué du nombre de produits est surtout le fait du volet santé et génome du processus de réglementation et non pas du volet agriculture et alimentation. Les estimations varient selon les éléments comptabilisés et le stade où en est le produit dans le processus de réglementation. D'après les données de Statistique Canada, le nombre total de produits et de procédés de biotechnologie en cours de développement est passé de 1 752 en 1997 à 6 597 en 1999 pour ensuite presque tripler et se chiffrer à 18 020 en 2001 (Statistique Canada, 2001). En 2001, environ 57 p. 100 de cette activité visait la santé humaine et 37 p. 100, l'agriculture. La même enquête de Statistique Canada révèle que plus de 2 400 produits de santé étaient alors en cours de développement, dont 346 à l'étape préclinique et 121 engagés dans le processus de réglementation. La Direction des technologies biologiques et génétiques, à Santé Canada, signale que les demandes d'essais cliniques ont augmenté de 150 à 183 entre 2000 et 2002. Étant donné que le cycle complet de développement et de réglementation est d'une durée de huit ans, il va sans dire que les demandes s'accumulent et que le système est déjà engorgé, même sans tenir compte des incidences réelles de l'accroissement du nombre de produits et de l'évolution de la technologie et de la nature des produits. Des porte-parole de l'industrie laissent entendre que la base de connaissances a doublé depuis cinq ans et que les activités ont changé d'orientation pour se tourner vers des technologies plates-formes faisant appel à des simulations informatisées pour la mise au point de nouveaux produits et de nouvelles gammes de produits. Dans certains cas, ce mode de fonctionnement a permis à des entreprises de raccourcir le processus d'essai clinique en le ramenant d'une période de 8 à 12 ans à une période de 6 à 12 mois.

Aux États-Unis, il y a aujourd'hui plus de 370 médicaments et vaccins biotechnologiques en cours d'essai clinique, et le nombre de ces produits qui ont été approuvés et sont en vente sur le marché s'est multiplié par sept depuis une dizaine d'années. En 1993, il y a eu 7 produits d'approuvés; en 2002, il y en a eu 35 (voir les détails).

Le volume remarquable de produits nouveaux est sujet, par conséquent, à toute une gamme d'estimations, mais il ne fait aucun doute que ce volume va croissant et que les organes de réglementation tant au niveau national qu'à celui de la planète devront être en mesure d'y faire face.

La pression découlant de la nature de plus en plus spécialisée des produits fait aussi intervenir une dynamique complexe. La notion de base en cette matière, celle d'adaptation spécialisée, a trait à des produits (médicaments et dispositifs) issus de la cartographie du génome et des caractéristiques de l'ADN de petits sous-groupes de population. Elle mène à une plus grande probabilité de produits destinés non pas à d'immenses marchés, comme c'est le cas pour la plupart des médicaments actuels, mais plutôt à de très petits sous-marchés et créneaux de marché (Royaume-Uni, 2003). Il faut ajouter que la mise au point de tels produits dépend de la quantité de capital de risque dont disposent les entreprises et surtout du grand nombre de petites entreprises qui se concentrent sur ce genre d'activités (voir plus bas une analyse des problèmes de capital de risque pour la petite entreprise).

Des pressions semblables, mais d'une moins grande envergure, se sont manifestées par le passé au sujet de ce que l'on a appelé les médicaments non parrainés. Il s'agit de médicaments qui, sans un apport spécial de capitaux, n'auraient jamais atteint la commercialisation, en raison des impératifs du marché, mais qui étaient d'une nécessité et d'une utilité critiques pour de petits sous-marchés de patients. Le gouvernement des États-Unis a éventuellement instauré des mesures incitatives spéciales afin de permettre à ces produits de se rendre jusqu'au marché (Maeder, 2003). En principe, le nouveau marché des produits spécialement adaptés devrait donner naissance à un beaucoup plus grand nombre réel ou potentiel de médicaments non parrainés que l'on pourrait l'envisager aujourd'hui. Il pourrait arriver aussi qu'un nombre beaucoup plus grand de médicaments actuels ou éventuels ne soient pas mis en vente au Canada parce que le marché local est trop petit pour compenser le coût de l'examen réglementaire.

Cette élément est important en lui-même, mais il est finalement lié à d'autres aspects des pressions qui s'opéreront probablement de la part du marché et des patients. Avec l'avènement d'Internet et des groupes de défense des droits des patients, et le fait que les patients d'aujourd'hui savent fort bien s'informer eux-mêmes, les consommateurs seront vite au courant des nouveaux médicaments, dispositifs et produits qui s'annoncent et feront pression sur les autorités réglementantes nationales pour qu'elles les approuvent ou en permettent l'importation. Ce phénomène pourrait avoir comme effet que les autorités de réglementation se verront forcées de recourir plus souvent aux dispositions de circonstances exceptionnelles qui permettent l'approbation accélérée ou l'utilisation temporaire de certains médicaments. Ces dispositions ont été invoquées, par exemple, dans le cas de certains produits ou médicaments contre le VIH/sida. Le Programme d'accès spécial de Santé Canada « qui permet aux médecins qui traitent des patients atteints de maladies graves ou mortelles d'accéder à des médicaments non disponibles sur le marché, lorsque les thérapies habituelles se sont révélées inefficaces, ne conviennent pas ou ne sont pas disponibles » (voir les détails). Toutefois, selon la logique procédant de la combinaison de la variable nombre et complexité des produits et de la variable nature spécialisée des produits, le système pourrait être forcé d'accommoder de plus en plus d'exceptions ou de cas nécessitant un « accès spécial ». S'il s'agit de produits qui sont déjà approuvés et vendus dans d'autres pays et qui entrent probablement sans peine au Canada, augmentant d'autant les quantités de produits couverts par le Programme d'accès spécial, il faut s'attendre à ce que la situation soulève de graves questions quant à déterminer ce qui constitue une valeur ajoutée pour le système de réglementation et à décider si le jeu en vaut la chandelle.

La nécessité de trouver un nouvel équilibre entre les aspects précommercialisation et postcommercialisation de la réglementation doit aussi être incluse parmi les pressions exercées sur le système. En ce qui concerne la réglementation des médicaments, la logique de base du régime actuel reste fortement axée sur la précommercialisation, suivant un modèle qui remonte à la crise de la thalidomide (Doern, 2000b; Vogel, 1998). Ce dernier s'occupe aussi de certains aspects postcommercialisation, mais il consacre beaucoup moins de ressources à ce genre d'activités de surveillance et de reddition de comptes. Le régime actuel de réglementation des médicaments porte de nombreuses conséquences dont l'une des plus générales est que tout produit, une fois approuvé et homologué, peut rester sur le marché presque à perpétuité.

Il convient de mentionner aussi les éléments du régime qui visent à réglementer la recherche ellemême et qui sont de plus en plus source de préoccupation, surtout ceux relatifs à la nécessité d'empêcher la diffusion involontaire de substances chimiques à l'état expérimental. En outre, les intervenants du débat sur la xéno transplantation disent craindre que les greffés ne se retrouvent accidentellement avec une prédisposition à de nouvelles maladies qui leur serait transmise par l'espèce donatrice. Un grand nombre de questions d'éthique et autres ont trait au traitement du matériel génétique provenant de donateurs et utilisé à des fins de recherche scientifique (Foster, 2003).

Il est probable que les pressions conjuguées de l'accroissement du nombre, de la complexité et de la spécialisation des produits mèneront nécessairement à la quête d'un nouvel équilibre entre la réglementation de la recherche et celle des étapes antérieures et postérieures à la commercialisation des médicaments. Il persistera un besoin de processus précommercialisation rigoureux axé sur la sécurité et l'efficacité des produits, mais tout indique qu'il faudra beaucoup plus de réglementation après la commercialisation, ce qui devrait faire augmenter d'autant le nombre de rappels ou de réexamens de médicaments à cause d'effets indésirables ou imprévus qui sont découverts au moment de l'évaluation après-vente de l'utilisation, de l'efficacité et des effets réels des produits.

La nécessité de redéfinir la nature et le sens de médicament, de dispositif médical et de diagnostic est traitée très brièvement dans le présent rapport, mais elle suit logiquement les pressions qui viennent d'être décrites et y est liée. D'abord, il est probable qu'un nombre relativement plus grand de produits futurs combineront l'utilisation de médicaments avec des dispositifs à insérer dans le corps du patient. Or, les médicaments et les dispositifs médicaux sont normalement régis par des lois de réglementation et des entités ou sous-organismes de réglementation entièrement séparés. En deuxième lieu, dans le cas des dispositifs médicaux, la réglementation canadienne entre en jeu surtout après la vente et non pas lors de l'approbation précommercialisation, en partie parce qu'un bon nombre de ces dispositifs sont fabriqués à l'étranger, que ce soit aux États-Unis ou ailleurs (Doern, 2000). Il y a là inversion de la logique exposée brièvement dans la section précédente au sujet des médicaments, pour lesquels la réglementation agit avant tout au moment de l'approbation avant la mise en marché. Par conséquent, lorsque des médicaments et des dispositifs médicaux sont combinés pour former un produit de santé, il n'y a aucun besoin logique de rééquilibrer ou de redéfinir les aspects précommercialisation et postcommercialisation de la réglementation.

La nécessité critique d'assurer la survie et la prospérité des entreprises canadiennes de l'économie axée sur la biotechnologie est un autre impératif de premier ordre, surtout lorsque envisagé dans le contexte du programme d'innovation du Canada (Canada, 2002). Toute analyse de ce facteur doit s'inscrire dans le cadre structurel de l'industrie canadienne de la biotechnologie et tenir compte de la rapidité avec laquelle la composition de ce secteur a changé au cours des dernières années. L'association nationale de l'industrie, BIOTECanada, dans son dernier rapport sur l'état du secteur, en expose comme suit les caractéristiques de base et les facteurs clés de marché :

  • En 2001, le Canada comptait 391 entreprises de biotechnologie, une augmentation remarquable par rapport aux 227 entreprises de 1997, et se classait au deuxième rang mondial après les États-Unis.

  • Les activités de R-D ont monté en valeur de 695 millions de dollars à 1,4 milliard entre 1998 et 2001.

  • La plupart des entreprises canadiennes de biotechnologie signalent des pertes grandissantes; les pertes nettes des sociétés ouvertes ont augmenté de 17 p. 100 entre 2000 (667 millions de dollars) et 2001 (784 millions).

  • Les obstacles découlant de la réglementation et des délais prolongés avant l'approbation se révèlent souvent insurmontables sur le chemin qui mène du laboratoire au marché.

  • En 2001, plus de 50 p. 100 des entreprises canadiennes de biotechnologie œuvraient dans le secteur des soins de santé; en 1999, cette part était de 42 p. 100. Le secteur de l'agriculture, à la suite de nombreux regroupements, a vu baisser de 25 à 17 p. 100 sa part du nombre total d'entreprises de biotechnologie.

  • Le marché mondial des produits de la biotechnologie va croissant : de 20 milliards de dollars en 1995, il devrait atteindre 50 milliards en 2005.

  • La production intérieure ne représentera éventuellement que 26,5 p. 100 des médicaments consommés par les Canadiens. Selon les estimations, en 2005, le Canada importera pour 10,7 milliards de dollars de médicaments pharmaceutiques.

  • L'Office de la propriété intellectuelle du Canada a actuellement dans ses dossiers 20 900 demandes du domaine de la biotechnologie, dont 8 500 demandes d'examen. Il prévoit un accroissement de 4 à 5 p. 100 par an. L'Office signale également une augmentation du nombre de demandes « géantes ». La plus longue jamais reçue jusqu'à présent compte 70 000 pages.

  • En 2001, il y a eu approbation de plus de 20 nouveaux médicaments et vaccins issus de la biotechnologie.

  • De 1997 à 2001, les sociétés canadiennes de biotechnologie ont obtenu par levée de fonds environ 3,7 milliards de dollars des marchés publics. (Adapté de BIOTECanada, 2002, p. 1-2)

Le profil que trace BIOTECanada de son « entreprise membre typique » est également fort intéressant :

  • Il s'agit d'une société ouverte.
  • C'est une entreprise du domaine de la thérapeutique humaine.
  • Un tiers de son effectif est affecté à la recherche et au développement (R-D).
  • Elle a autant de chances que non d'avoir un produit sur le marché.
  • Elle connaît des difficultés à cause du coût et du temps nécessaires à l'obtention de l'approbation réglementaire.
  • Ne disposant que de 12 mois de financement, son développement soutenu à long terme est problématique et elle recherche des partenariats à l'étranger.
  • L'accès aux marchés, aux ressources humaines et à la propriété intellectuelle est un problème qu'il faut sans cesse surmonter.
  • Les décisions relatives au développement de produits sont d'une importance clé, tout comme les alliances et partenariats et le financement.
  • L'entreprise recherche des alliances à l'extérieur du Canada.
  • Elle confie à des sous-traitants certaines des activités du cycle de développement de produits.
  • Elle fonctionne continuellement en mode survie (Adapté de BIOTECanada, 2002 p. 2).

Ce portrait de base comprend cinq traits tout particulièrement rattachés à la survie et à l'expansion de l'industrie. Le premier est le fait que l'industrie est constamment en train de se restructurer et de se transformer en raison de l'avènement de nouveaux sous-secteurs tels ceux composés de sociétés biopharmaceutiques intégrées, d'entreprises de recherche sous contrat, d'entreprises qui se consacrent à la découverte de médicaments nouveaux et d'autres qui se spécialisent dans les outils de diagnostic. Il faut souligner aussi que, malgré ce contexte de restructuration, la quasitotalitéé des quelque 400 entreprises canadiennes de biotechnologie ont vu le jour au cours de la dernière décennie.

Le deuxième trait tient à la pénurie de capital de risque puisque le secteur se compose principalement d'entreprises petites et moyennes qui, tel que mentionné ci-dessus, ne peuvent s'appuyer que sur des encaisses limitées pour survivre aux dépenses initiales élevées affectées à la R-D et à la réglementation. Qui plus est, il faut probablement s'attendre à ce que la pénurie de capital de risque aille s'aggravant avec l'arrivée en masse, notée ci avant, de produits destinés à d'étroits créneaux de marché et susceptibles de créer de plus en plus de médicaments non parrainés.

Le troisième trait tient à la vision claire du secteur selon laquelle le régime de réglementation est beaucoup plus qu'un simple processus d'approbation des médicaments. L'accès aux patients et au marché des soins médicaux gérés exige de prêter attention à tous les aspects de l'élaboration et de la teneur des règles visant les produits. Il faut donc tenir compte des processus de réglementation de la propriété intellectuelle et des compétences et capacités, et aussi des méthodes propres aux formulaires pharmaceutiques dont le contrôle, au Canada, relève surtout des gouvernements provinciaux et en partie de l'administration fédérale par le biais du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. Le système américain d'établissement des prix est le seul au monde qui tient compte de la totalité des coûts réels de développement (encore que certains projets législatifs en cours risquent de mettre fin à cette inclusion). Tous les autres marchés importants utilisent des formules basées sur les coûts moyens dans plusieurs pays. Les entreprises canadiennes de biotechnologie voudraient que les États-Unis figurent à la liste de ces autres pays pour ce qui est de l'établissement des prix au Canada ou, mieux encore, que le Canada adopte une formule tenant plus justement compte des coûts réels. Il convient de souligner, cependant, que tous les scénarios à moyen terme envisagent une forme ou une autre de prix administrés, en raison du coût toujours plus élevé des médicaments dans les régimes privés et publics de soins de santé. Même aux États-Unis, l'administration Bush, pourtant favorable à l'industrie, est de plus en plus soucieuse et compréhensive à l'endroit de la population vieillissante, ou « pouvoir gris », qui mène une campagne active contre les fabricants de produits pharmaceutiques et le prix élevé des médicaments, qui coûtent beaucoup plus cher là-bas que dans de nombreux autres pays.

Le quatrième point clé pour les entreprises, qu'elles l'expriment ou non, est le fait que les forces du marché exigent des régimes de réglementation de plus en plus efficients et efficaces à l'échelle nationale et internationale, une obligation liée directement à la mondialisation des marchés et aussi au nombre considérable d'alliances internationales conclues par les entreprises petites et grandes. Ces raisons et d'autres de même nature font que les intervenants de l'industrie sont préoccupés par ce qu'ils perçoivent comme la longueur exagérée du délai moyen d'approbation des médicaments nouveaux. Ce délai moyen est 608 jours au Canada alors qu'il est de 536 jours en Australie, de 496 jours aux États- Unis, de 360 jours en Suède et de 344 jours au Royaume-Uni (chiffres de Bryant et King, 2003, p. 11).

Il faut également insister sur le fait qu'une réglementation efficace en matière de santé et de sécurité, sur les plans national et international, est essentielle à la prospérité des entreprises. Sans réglementation par l'État, aucun produit n'est crédible aux yeux des patients et des consommateurs (voir plus bas).

Les pressions vers le renouvellement et l'expansion du pouvoir de réglementer vont déjà croissant et ne feront que s'intensifier au cours des dix années à venir. Le pouvoir de réglementer est un concept difficile à définir parce qu'il peut mettre en jeu un grand nombre de capacités, compétences, budgets et systèmes d'information à la fois interdépendants et assujettis au personnel (de S-T ou autre), au matériel des organismes de réglementation ainsi qu'aux ressources de ces organismes en matière de formation permanente et de recrutement et d'acquisition de compétences spécialisées. Il est fort douteux que le système de réglementation actuel, dans lequel les pouvoirs sont répartis entre divers ministères, puisse répondre à la tâche, et ce pour plusieurs raisons.

Il est probable que le personnel de réglementation devra transformer considérablement ses connaissances et compétences actuelles en S-T pour être en mesure d'évaluer les produits fondés sur les toutes nouvelles sciences biologiques et le génome. Ces changements sont déjà en train de s'effectuer dans certains organes de réglementation de la biotechnologie et dans d'autres entités réglementantes, par exemple, les bureaux de brevets. Les connaissances nécessaires en S-T compliqueront encore plus la quête de ressources humaines compétentes déjà difficiles à trouver non seulement parce qu'elles sont rares mais aussi à cause des échelles de salaires relativement basses offertes par la fonction publique.

Le besoin de renouvellement se manifestera probablement aussi sur le plan du matériel technique. Il faudra pouvoir utiliser le meilleur matériel de norme industrielle comme outil d'évaluation et de surveillance. Là encore, compte tenu des restrictions budgétaires imposées à de nombreux organismes du secteur public et de réglementation, il n'est pas du tout évident que les entités canadiennes de réglementation de la biotechnologie aient les moyens de se procurer ce matériel d'avant-garde. Par ailleurs, d'un autre point de vue, il est évident qu'elles n'ont pas les moyens de s'en passer. Étant donné que ce matériel et les autres outils du pouvoir de réglementer sont asservis à des budgets et à des sources de financement, il faudra naturellement répondre à la question concernant la source des fonds nécessaires et décider s'ils sont tirés de l'argent des contribuables ou de ressources de la base A ou, par opposition, mettre en place des frais d'utilisation et d'autres formes de financement commun ou partagé.

Enfin, toujours en ce qui concerne le pouvoir de réglementer, il faut faire entrer en ligne de compte la question des ressources et des avoirs et de leur répartition entre les activités de réglementation antérieures et postérieures à la commercialisation. Si le Canada adopte le principe de « service complet » et un régime de réglementation purement canadien, la reconfiguration des tâches, qui sera adoptée au cours de la prochaine décennie, coûtera sans aucun doute plus cher en budgets, en ressources humaines en S-T de tous genres, en matériel et en systèmes d'information.

Les pressions exercées par la nécessité d'une réglementation internationale commune constituent indubitablement un élément clé de l'économie politique de la biotechnologie dans le domaine de la santé. Ce point sera abordé plus loin dans le présent rapport au moment d'analyser les modèles de l'UE, mais il convient de noter ici les impératifs de base liés à ce genre évident de pressions. Le premier de ces impératifs est simplement que la mondialisation des marchés est une réalité importante pour les entreprises de biotechnologie. Ce qui préoccupe ces entreprises, c'est le système mondial de réglementation au sein duquel elles doivent évoluer et dont elles doivent obtenir les approbations nécessaires. Ces dernières doivent aussi composer avec des réseaux mondiaux de patients et de groupes de défense des droits des patients et avec des responsables de l'achat des médicaments et autres produits de santé dans les hôpitaux régis par les régimes d'assurance maladie publics et privés. Le marché des produits de santé n'est pas un marché entièrement libre et concurrentiel, mais un marché de type interventionniste où entrent en jeu des ensembles complexes d'autorités réglementantes nationales et internationales.

Une autre poussée vers l'internationalisation vient de ce que l'évaluation des risques est forcément une tâche partagée à cause de l'insuffisance à peu près inévitable de compétences de première ligne en ce qui touche les produits nouveaux issus de la biotechnologie et des sciences de la vie, des domaines en évolution constante et rapide. Il est plus probable que jamais que ces compétences d'avant-garde seront partagées et mises en commun (voir plus loin l'analyse de l'évolution des régimes de réglementation de l'UE). Qui plus est, comme nous le verrons plus loin, le modèle européen ne convient pas au Canada. Il ne s'agit pas d'une sorte de réforme « jamais tentée auparavant », mais plutôt d'un système transformé mis à l'épreuve sur une période de 20 ans. Inévitablement, des pressions aussi fortes et nombreuses vers une réglementation mondialisée et internationalisée sont sources de craintes persistantes pour la souveraineté. Il en sera de nouveau question plus loin.

Régime actuel de réglementation de la biotechnologie

Si les pressions et les dynamiques abordées précédemment sont toutes nouvelles et nécessitent peut-être des modifications au régime de réglementation, une question s'ensuit en toute logique : à quel genre de régime actuel de réglementation ces modifications seront-elles apportées? S'il faut des réformes, en fonction de quel genre de système les changements à venir seront-ils évalués et à quel genre de système viendront-ils se greffer ou s'intégrer? La présente section décrit très sommairement le régime actuel canadien de réglementation de la biotechnologie, mais l'essentiel est que le régime y est décrit en fonction de sa raison d'être et de ses caractéristiques fondamentales; du fait qu'il relève de plusieurs organismes et de plusieurs lois; de ses liens avec la réglementation et la régie en vigueur dans d'autres pays; et des principales critiques dont il fait l'objet.

Raison d'être et caractéristiques fondamentales

La biotechnologie a fait graduellement son apparition sur la scène politico-économique nationale et internationale pendant les années 1980 et 1990, et évolue dans trois contextes : dans un système de réglementation en évolution constante appelé par la création de nouveaux produits et procédés issus de la biotechnologie et venus de l'industrie et des instituts de recherche des universités; au sein des stratégies fédérales globales de biotechnologie de 1983, du début des années 1990 et de 1998; et lors de controverses périodiques au sujet de produits nouveaux et des progrès de la science, y compris dans le cadre de commissions royales d'enquête sur les produits sanguins et sur la procréation humaine.

Le mode principal d'émergence de la biotechnologie s'est manifesté dans le façonnement graduel d'un système de réglementation pertinent en réponse à l'avènement de produits nouveaux. Ces travaux ont mené d'abord à l'élaboration d'un Cadre fédéral de réglementation de la biotechnologie (voir détails plus loin). Le Canada ne s'est pas doté d'une seule et unique autorité réglementante en biotechnologie, des bureaux de biotechnologie étant établis à Santé Canada et à l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA). Il a élaboré un cadre de principes destinés à guider l'action des divers organes et ministères qui se voyaient priés d'évaluer les produits de la biotechnologie (Agence canadienne d'inspection des aliments et Santé Canada, 2000; Canada, 1998; Prince, 2002; Doern et Sheehy, 1999).

La biotechnologie, comme enjeu de politique et de réglementation, s'est également manifestée par le biais d'une série de stratégies fédérales pertinentes. La première Stratégie nationale en matière de biotechnologie, en 1983, visait essentiellement à promouvoir la R-D et l'investissement dans cette technologie nouvelle et son acceptation par le marché. Après une mise à jour au début des années 1990, cette première tentative était remplacée en 1998 par la Stratégie canadienne de la biotechnologie (SCB), une initiative aux horizons beaucoup plus larges. La SCB a pour but d'appuyer « une élaboration, une mise en application et une exportation des produits et services de la biotechnologie exécutées de façon responsable » dans un contexte respectueux des « considérations d'ordre social et moral » (Canada, 1998, p. 1). La SCB a mis en place un cadre d'action composé d'une vision, de principes directeurs et d'objectifs qui reflètent l'importance de la biotechnologie tant pour l'économie du Canada que pour la qualité de vie des Canadiens. Elle énonce 10 thèmes d'une « action concertée » aujourd'hui mise à exécution en partenariat avec divers intéressés dont les provinces, l'industrie, les universités, les citoyens et les groupes de défense de l'environnement.

L'élément central de la SCB renouvelée tient dans la création du Comité consultatif canadien de la biotechnologie (CCCB), un groupe d'experts qui conseillent maintenant les ministres du gouvernement fédéral sur « les aspects éthique, social, réglementaire, économique, scientifique, environnemental et de santé de la biotechnologie » (Canada, 1998, p. 1). Le CCCB ne joue aucun rôle particulier dans les processus décisionnels relatifs à la réglementation, mais sa fonction consultative englobe la tâche d'offrir une tribune où les Canadiens peuvent s'exprimer dans « un dialogue ouvert et transparent sur les questions de biotechnologie » (Canada, 1998, p. 1). La rédaction du présent rapport pour le compte du CCCB s'inscrit dans la prestation de ce rôle général.

Une troisième raison pour laquelle la biotechnologie a gagné en rayonnement à l'échelle nationale et internationale tient au fait qu'elle a donné lieu à des controverses particulières sur les plans de la politique et de la réglementation. Les thèmes de ces débats vont de sujets scientifiques d'envergure mondiale tels que le clonage de la brebis Dolly, l'exploration génétique et ses liens avec la diversité biologique, et l'immense projet de recherche sur le génome humain (Génome Canada, 1999; Grace, 1997; Appleyard, 1999; Rifkin, 1998; Shiva, 1997; Mironesco, 1998). Ces débats peuvent aussi porter des thèmes particuliers, par exemple, le débat qui a eu lieu au Canada concernant la réglementation de la somatotrophine bovine recombinante ou STbr (MacDonald, 2000; Mills, 2002).

Régime de réglementation relevant de plusieurs organismes et de plusieurs lois

Le Cadre fédéral de réglementation de la biotechnologie (1993) énonce les principes déterminants du fonctionnement du régime fédéral de réglementation de la biotechnologie (Canada, 1998; Doern et Sheehy, 1999). La législation canadienne définit la biotechnologie comme « l'application de la science et de l'ingénierie dans l'utilisation directe ou indirecte d'organismes vivants ou parties ou produits d'organismes vivants sous leurs formes normales ou modifiées ». En conséquence, l'élaboration du cadre fédéral de réglementation s'est basée sur les résultats de consultations entre ministères et auprès d'interlocuteurs aux intérêts divers.

Le cadre de réglementation de la biotechnologie s'appuie sur les six principes suivants :

  • maintenir les normes élevées du Canada en matière de protection de la santé et de l'environnement;

  • appliquer les lois en vigueur et faire appel aux ministères de réglementation pour éviter le double emploi;

  • formuler des lignes directrices claires sur l'évaluation des produits issus de la biotechnologie, pour que ceux-ci soient conformes aux priorités nationales et aux normes internationales;

  • fournir de solides connaissances scientifiques qui permettront d'évaluer les risques et les produits;

  • veiller à ce que l'élaboration et l'application de la réglementation canadienne en matière de biotechnologie se fassent dans la transparence et à y inclure un processus de consultation;

  • contribuer à la prospérité et au bien-être des Canadiens en favorisant l'instauration d'un climat propice à l'investissement, au développement et à l'innovation, et l'adoption de produits et de procédés canadiens et durables issus de la biotechnologie. (Canada, 1998, p. 12).

Chacun de ces principes vise à refléter, à sa façon, une démarche raisonnable et axée sur un juste équilibre entre le devoir de protéger la santé et l'environnement, dans un sens général, et celui de favoriser le développement de la biotechnologie et l'exploitation de ses produits et procédés et de renforcer la compétitivité du Canada dans ce secteur. Les principes manifestent également les engagements internationaux pris par le Canada dans le cadre de la Commission du développement durable, de la Convention des Nations Unies sur la biodiversité, de l'Organisation mondiale du commerce et de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) (Buckingham et al., 1999; Phillips et Buckingham, 2000).

Dans une optique globale, cependant, il est important aussi de souligner que ces principes partaient d'un point de vue général selon lequel les produits et procédés nouveaux visés par cette politique étaient semblables à ceux déjà réglementés, une hypothèse qui s'est révélée de plus en plus fausse au fur et à mesure que sont venues s'ajouter au programme des matières telles que les techniques de procréation et la recherche sur les cellules souches (voir analyse ci-après).

En plus des principes ci-dessus, le processus fédéral d'évaluation des produits de la biotechnologie est également régi par les démarches couramment acceptées définies au fil du temps par les autorités réglementantes du Canada et d'autres pays au sujet des aliments non conventionnels. Ces démarches dictent notamment que l'évaluation de la salubrité de ces aliments vise le produit final et se fonde au départ sur une comparaison entre l'organisme modifié et ses homologues conventionnels, le cas échéant (le concept d'équivalence en substances), et que, dans les cas où il n'existe pas de telle équivalence, il est nécessaire de procéder à une évaluation plus large (Santé Canada, 2000; Comité consultatif canadien de la biotechnologie, 2002).

La réglementation dans son ensemble est aussi régie par l'exécution générale des étapes du processus décisionnel, lesquelles comprennent l'évaluation des risques, la gestion des risques et la divulgation des risques. L'évaluation des risques fait appel à une analyse scientifique visant à déterminer la gravité éventuelle des effets nuisibles sur la santé et l'environnement, la taille de la population touchée et d'autres facteurs connexes. Santé Canada se charge d'évaluer les risques liés aux aliments non conventionnels, aux produits biologiques et aux thérapies génétiques, et l'ACIA analyse les risques pour l'environnement qui pourraient découler des végétaux à caractéristiques non conventionnelles et les risques que peuvent représenter ces végétaux pour les aliments du bétail, les graines de semence et la santé des animaux. La gestion des risques se compose d'une analyse et de mesures positives à prendre pour atténuer ou éviter les risques ou pour les empêcher de se manifester. Ces mesures sont déterminées par les responsabilités légales, les engagements et les partenariats et par l'évaluation des avantages pour la santé publique qui pourraient contrebalancer les risques. La capacité de gérer les risques est aussi, en partie, fonction des ressources disponibles en personnel, en compétences spécialisées et en fonds. La divulgation des risques se réalise au moyen d'échanges de renseignements pertinents, entre les autorités de réglementation et les Canadiens, au sujet des risques possibles pour la santé et l'environnement.

En outre, comme le montre le tableau 1, le système fédéral de réglementation de la biotechnologie est régi fondamentalement par les lois et les mandats propres aux quatre principaux ministères et organismes investis de fonctions directes de réglementation, à savoir : Santé Canada, l'ACIA, Environnement Canada et Pêches et Océans Canada. L'ACIA joue un rôle clé en la matière à cause de sa prééminence en ce qui a trait à l'exécution des règlements relatifs à la biotechnologie dans ses applications aux végétaux, aux aliments du bétail, aux semences et aux animaux. Santé Canada réglemente la biotechnologie alimentaire, sauf en ce qui concerne l'exécution des règlements. Les rôles respectifs d'Environnement Canada et de Pêches et Océans Canada ne sont pas abordés dans le présent rapport, mais cela ne diminue en rien l'importance de les connaître pour arriver à bien comprendre le système de réglementation dans son entier.

Tableau 1 : Responsabilité législative concernant la biotechnologie
Produits réglementés Ministères et organismes fédéraux Lois Règlements
Produits d'utilisation non visés par d'autres lois fédérales Environnement Canada
Santé Canada
Loi canadienne sur la protection de l'environnement Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles
Médicaments, produits biologiques et thérapies génétiques, cosmétiques, instruments médicaux et aliments Santé Canada Lois sur les aliments et drogues Règlement sur les aliments et drogues; Règlement sur les aliments nouveaux; Règlement sur les instruments médicaux; Règlement sur les cosmétiques
Suppléments pour engrais, y compris les nouveaux suppléments microbiens Agence canadienne d'inspection des aliments Loi sur les engrais Règlements sur les engrais
Aliments du bétail, y compris les aliments nouveaux Agence canadienne d'inspection des aliments Loi relative aux aliments du bétail Règlement sur les aliments du bétail
Végétaux, y compris ceux présentant des caractéristiques nouvelles, dont les arbres forestiers Agence canadienne d'inspection des aliments Loi sur les semences
Loi sur la protection des végétaux
Règlement sur les semences
Produit biologiques à usage vétérinaire Agence canadienne d'inspection des aliments Loi sur la santé des animaux Règlement sur la santé des animaux
Produits antiparasitaires Santé Canada Loi sur les produits antiparasitaires Règlement sur les produits antiparasitaires
Organisme aquatiques (en cours d'élaboration) Pêches et Océans Canada Loi sur les pêches Réglementation des pêches

Source : Adapté de Canada. Renouvellement de la stratégie canadienne en matière de biotechnologie : Documents de référence connexes, Industrie Canada, Ottawa, 1998a, p. 13.

La présente section ne décrit pas en détail chacune des lois mentionnées ci-dessus. Le Tableau 1 a simplement pour but de servir de guide de départ et de montrer que, une fois « à l'intérieur » du système de réglementation, on se rend compte qu'il y a finalement plusieurs cheminements possibles et donc plusieurs étapes possibles à l'évaluation d'un produit de la biotechnologie, selon l'utilisation projetée du produit en question. Par conséquent, les cheminements ne sont pas en eux-mêmes le seul fruit de lois et de règlements, mais ils découlent aussi de diverses réalités matérielles et techniques inhérentes aux produits issus de la biotechnologie, ou d'oppositions entre, par exemple, aliments pour humains et aliments pour animaux, semences et produits aquatiques. Et il ne faut pas oublier qu'entrent en jeu également la philosophie et le comportement institutionnels de chacun des principaux organes de réglementation (Prince, 2000; Doern et Reed, 2000; Mills, 2002).

L'instantané que donne le Tableau 1 n'a pas changé de façon appréciable, sur le plan législatif de base, depuis le début des années 2000, mais il s'est déjà fait des progrès à Santé Canada pour ce qui est tenir compte de l'évolution, déjà évidente à l'époque, du contexte et de la nature des produits de santé et des procédés médicaux issus de la biotechnologie. Parmi les changements advenus, il convient de mentionner un renforcement de la convergence sur les produits biologiques tels que le sang, les produits sanguins et les vaccins, et sur la génétique, sous l'effet inévitable des volumes et genres nouveaux de produits, mais aussi à cause des retombées de l'Enquête Krever sur les approvisionnements en sang au Canada, de la Commission royale d'enquête sur la procréation humaine assistée, du débat au sujet de la recherche sur les cellules souches, et de la réforme de la nature et des modes de fonctionnement des comités d'éthique de la recherche. Santé Canada a également dû s'intéresser plus directement au terrorisme biologique et à la préparation aux situations d'urgence. Le Ministère a reçu des fonds supplémentaires destinés à lui permettre de renforcer ses capacités en biotechnologie, notamment en lui donnant les moyens d'acquérir des ressources scientifiques supplémentaires. De plus, en 2000, Santé Canada a lancé son Projet de surveillance de la biotechnologie, dans le but de rehausser sa capacité à effectuer le suivi postcommercialisation dans deux domaines précis, celui des aliments génétiquement modifiés et celui des produits pharmaceutiques et vaccins obtenus par manipulation génétique.

Liens avec les normes, la réglementation et la régie mises en œuvre dans les autres pays

Il serait trop long d'expliquer au complet les dimensions internationales de l'évaluation des produits issus de la biotechnologie, mais il convient quand même d'en esquisser certaines caractéristiques de base. Le système d'évaluation des produits alimentaires, par exemple, demeure encore de nature fondamentalement nationale en ce qu'un produit doit obligatoirement subir une évaluation réglementaire nationale dans chaque pays où il doit être commercialisé. En vertu de la souveraineté nationale en matière de réglementation, la permission de commercialiser un produit n'est pas toujours nécessairement accordée dans tous les pays, comme en font foi le cas de la STbr et les différends généralisés qui persistent entre l'Union européenne et l'Amérique du Nord (Safrin, 2002; Paarlberg, 2000; Phillips et Buckingham, 2000; Doern, 2000). Bientôt, cependant, dans le secteur des produits d'alimentation, l'UE mettra en vigueur une réglementation relativement internationalisée et recouvrant plusieurs pays par l'entremise de la nouvelle Agence européenne des aliments.

Le secteur des produits de santé issus de la biotechnologie fait l'objet de pressions grandissantes, depuis assez longtemps, vers la mondialisation et l'internationalisation. Il convient certainement de mentionner un processus qui résulte de ces pressions, le système de l'UE pour la réglementation des médicaments, lequel sera abordé plus bas dans le présent rapport. Un autre des résultats de ces pressions tient dans les travaux de la Conférence internationale sur l'harmonisation des exigences techniques pour l'enregistrement des médicaments à usage humain (CIH). Les délibérations de la CIH ont porté principalement sur les rôles respectifs des organes de réglementation des produits pharmaceutiques aux États-Unis, en Union européenne et au Japon, les trois plus grands marchés mondiaux du médicament, et sur leurs associations de l'industrie pharmaceutique. Une analyse récente de la CIH en vient à la conclusion que (traduction) « le réseau de la CIH… a acquis, à toutes fins pratiques, le pouvoir transnational de fixer les normes de la réglementation de l'innocuité, de la qualité et de l'efficacité des nouveaux médicaments délivrés sur ordonnance » (Abraham et Reed, 2003, p. 82). Le secrétariat du comité directeur de la CIH est assuré par la Fédération internationale de l'industrie du médicament (FIIM, 1997). La CIH procède par l'entremise d'une série de groupes d'experts qui se concentrent sur des enjeux de première importance et sur les besoins d'harmonisation.

Quant aux évaluations effectives de produits à Santé Canada et à l'ACIA, elles prennent assurément des aspects internationaux à trois égards. D'abord, le caractère scientifique de la biotechnologie lui donne une dimension mondiale et, par conséquent, les rapports de recherche font l'objet d'un examen par les pairs à l'échelle internationale et servent de base au processus d'évaluation des produits. Deuxièmement, les scientifiques chargés d'évaluer les produits à Santé Canada et à l'ACIA sont en contact constant avec leurs collègues des organes de réglementation des autres pays (surtout des États-Unis). Cela ne veut pas dire du tout que ces derniers acceptent sans discuter les conclusions tirées par leurs pairs de l'étranger, mais cela leur permet de poser des questions au sujet de problèmes techniques et analytiques particuliers et de demander des conseils, et aussi d'en donner, évidemment, puisque les responsables de la réglementation dans les autres pays sont régulièrement en rapport avec l'ACIA et Santé Canada dans un but de mise en commun des connaissances.

En troisième lieu, l'évaluation des produits au Canada subit l'influence de ce qui se fait dans les autres pays par le biais des « démarches couramment acceptées » dont il a été question ci avant. Il en est particulièrement ainsi du concept de l'équivalence en substances dans la réglementation des produits alimentaires non conventionnels, un concept adopté de façon générale dans les années 1990 à la suite d'expériences et de discussions échangées entre divers pays. Ces discussions ont débouché sur des énoncés d'un concept d'équivalence en substances qui sont apparus sur la scène internationale dans des organismes comme l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), puis à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 1993 (OCDE, 1993). L'appui au concept d'équivalence en substances s'est accru encore plus à la suite de consultations auprès d'experts par la FAO et l'OMS, en 1996, au cours desquelles on a examiné comment divers régimes de réglementation avaient traité certains produits alimentaires (Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, 1996). Le concept a également fait l'objet de consultations conjointes auprès d'experts par la FAO et l'OMS en 2000 (Organisation mondiale de la santé, 2000).

L'équivalence en substance est sans contredit l'un des concepts fondamentaux du processus d'évaluation des produits issus de la biotechnologie, au Canada et dans sept autres pays. Il sert à déterminer le degré d'exhaustivité de la détection de caractéristiques non conventionnelles et, par-là, les genres de données et d'études auxquelles peuvent raisonnablement se fier les équipes scientifiques affectées à la réglementation. Il faut rappeler cependant que le concept d'équivalence en substances n'est pas le processus d'évaluation, mais plutôt le point de départ. Le processus complet est axé sur une évaluation de fond appliquée aux produits par les équipes scientifiques affectées à la réglementation (Santé Canada, 2000a; Doern, 2002). Il s'ensuit que l'équivalence en substances ne peut ni ne doit servir à évaluer un aliment non conventionnel pour lequel il n'existe pas de comparateur convenable, comme le prescrivent les directives de Santé Canada en matière d'évaluation de la salubrité et comme l'explique en détail l'étude de l'OMS sur cette question (Organisation mondiale de la santé, 2000). Dans de tels cas, il faut produire des données plus détaillées et plus exhaustives.

L'équivalence en substances est donc un concept qui, comme point de départ, reçoit un appui considérable de la part des spécialistes de la réglementation, mais c'est aussi un concept contesté, tout spécialement par les intervenants pour lesquels la prochaine génération de produits issus de la biotechnologie est le fruit de formes plus complexes et incertaines de modification génétique (Millstone, Brunner et Mayer, 1999). Qui plus est, il faut souligner que l'équivalence en substances n'est pas le concept de base de la réglementation des médicaments et des nouveaux produits de santé issus de la biotechnologie, en partie parce que ces produits n'ont aucun équivalent rapproché.

Un autre champ d'action à l'échelle internationale est celui de l'harmonisation des régimes et méthodes de réglementation. Entre le Canada et les États-Unis, par exemple, une série de réunions ont mené à un accord, en 1998, sur la méthode à utiliser par les autorités réglementantes des deux pays pour traiter l'application des critères moléculaires à la biotechnologie des végétaux (Agence canadienne d'inspection des aliments, 2000). Dans le même ordre d'idées, le Canada s'intéresse de près et participe activement au processus général de la CIH, dont il a été question précédemment.

Enfin et surtout, en dressant ce répertoire sélectif des aspects réglementaires de la biotechnologie à l'échelle internationale, il faut mentionner le Protocole pour la biosécurité conclu en janvier 2000 et dont les éléments principaux s'articulent comme suit (PNUE, 2000; Environnement Canada, 2000; Doern 2000). En premier lieu, tel que déjà souligné, la portée du protocole est limitée puisqu'il couvre le mouvement transfrontalier, le transit, la manutention et l'utilisation de tous les organismes vivants modifiés susceptibles d'effets nuisibles sur la préservation et l'exploitation durable de la diversité biologique, en tenant compte aussi des risques pour la santé humaine. La référence à la santé humaine est interprétée comme étant les effets que peut avoir sur la santé l'exposition à des risques dans l'environnement et au travail et aussi les effets découlant d'incidences nocives sur la biodiversité. Tel qu'indiqué ci avant, le Protocole ne couvre pas la salubrité des aliments. Il exempte aussi les produits pharmaceutiques qui sont destinés aux humains et ne relèvent d'aucun autre accord ou organe international compétent, et ne contient que quelques dispositions visant les organismes vivants modifiés qui sont en transit ou font l'objet d'un « usage confiné ».

En ajoutant les autres ententes particulières conclues dans des domaines comme l'agriculture, l'alimentation et la santé, ainsi que les dispositions pertinentes contenues dans les accords commerciaux, on se rend compte que, en gros, plus de 25 accords et mécanismes internationaux différents ont trait et part à l'une ou l'autre des nombreuses composantes de la réglementation de la biotechnologie au Canada.

Principales critiques adressées au régime actuel de réglementation de la biotechnologie

En 2000, quelque 43 aliments non conventionnels issus de la biotechnologie étaient déjà passés dans les rouages du système de réglementation, avaient été évalués par les autorités réglementantes canadiennes et étaient en vente sur le marché. Il n'en reste pas moins que le système dans son ensemble, qu'il s'agisse de la réglementation des aliments ou d'autres domaines, fait l'objet de critiques. Certains observateurs et certains intéressés estiment que le système de réglementation est déficient parce que le contrôle n'en est pas suffisamment centralisé à Environnement Canada en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. D'autres commentateurs, par contre, considèrent qu'une telle centralisation enlèverait toute légitimité au système et préfèrent, à cet égard, le régime actuel, qu'ils estiment aussi plus efficace parce qu'il tient compte des variantes sectorielles et de la complexité scientifique et technique de la réglementation.

Diverses critiques adressées au système actuel ont trait à la mesure dans laquelle il permet la prise en compte et l'étude minutieuse des questions d'éthique et une participation réelle et concrète des citoyens et il assujettit les données scientifiques produites à l'interne à des examens et des jugements autonomes et transparents (Comité consultatif canadien de la biotechnologie, 2002; Mills, 2002). Les motivations centrales de ces critiques sont tout spécialement pertinentes et elles ne pourront qu'aller croissant en envergure et en controverse au fur et à mesure que se poursuit le débat sur des enjeux comme le recours à des sujets humains en recherche, la recherche sur les cellules souches et les nouveaux produits de santé issus de la biotechnologie, et que les décisionnaires de l'assurance maladie ont à opérer des choix de plus en plus nombreux quant à ce qui doit être couvert, ou non, par le régime d'assurance. En outre, comme nous le verrons plus bas, les intérêts commerciaux sont préoccupés par l'efficience et l'efficacité relatives avec lesquelles le système de réglementation pourra faire face au nombre grandissant de produits créés, dans le contexte de marchés mondiaux très concurrentiels.

Il convient de rappeler, en terminant, que le régime actuel de réglementation de la biotechnologie est déjà complexe et reçoit plus que sa part de critiques et que sa conception remonte à une époque où le souci essentiel visait avant tout les produits alimentaires et, éventuellement, les organismes génétiquement modifiés. Le régime englobe, bien sûr, la réglementation des médicaments en général, et donc celle des médicaments issus de la biotechnologie mais, somme toute, ces derniers n'occupaient pas, au moment de l'instauration du régime, la place prédominante qui est la leur aujourd'hui dans la réflexion et le débat publics.

C'est dans ce tableau de la réglementation actuelle qu'il faut situer les pressions nouvelles et les nouveaux produits et procédés de santé issus de la biotechnologie esquissés au début du présent rapport.

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Valeurs et critères de base des substitutions possibles au régime actuel de réglementation

Tout système, quel qu'il soit, destiné à remplacer le régime de réglementation des produits de santé issus de la biotechnologie, en réaction aux pressions décrites dans la première moitié du présent rapport, devra répondre à des critères et valeurs de base exigés par les sociétés, les corps politiques et les marchés. La façon dont ces critères sont définis, classés en ordre d'importance et pondérés ne peut prendre de signification réelle qu'en passant par les processus politiques. La plupart de ces critères et valeurs sont déjà présents dans notre description, à la section précédente, du régime actuel canadien de réglementation de la biotechnologie et dans notre compte rendu des forces et des pressions qui entrent maintenant en jeu. En conséquence, la présente section, relativement courte, expose une série sommaire de points concernant cinq critères et valeurs clés.

Efficacité de la réglementation dans les domaines de la santé, de la sécurité, de l'éthique et de l'évaluation et la gestion des risques

L'efficacité de la réglementation se rapporte aux processus, composés de règles fondées sur des bases scientifiques, servant à garantir que les produits nouveaux apportent réellement les avantages allégués, par le biais de leurs effets positifs sur la santé des patients et de leurs incidences favorables sur la santé publique, et que leur utilisation prévue est sans danger ou comporte des risques propres à être gérés à un niveau acceptable. Le secteur canadien de la biotechnologie, de concert avec l'industrie mondiale, ne peut se passer de cette réglementation efficace dont l'État est le seul ou principal pourvoyeur possible. La réglementation par l'entreprise privée ou l'auto-réglementation n'ont pas la crédibilité voulue en cette matière, mais ce que les fabricants font avant que leurs produits en arrivent au processus officiel de réglementation est tout aussi essentiel à l'efficacité globale du régime. Il s'ensuit que l'efficacité de la réglementation repose sur une régie effectivement partagée entre les autorités réglementantes de l'État, les sociétés privées et les chercheurs.

L'efficacité de la réglementation est aussi fonction du temps, c'est-à-dire, en bref, des délais nécessaires à la réalisation concrète d'évaluations minutieuses et scientifiques des produits et procédés nouveaux. Par ailleurs, le temps lui-même est également fonction de la nature et des compétences des spécialistes en S-T et des autres employés affectés à la réglementation. En principe, plus il y a de personnel compétent, plus nombreux seront les produits pouvant être évalués sur le plan de l'efficacité telle que définie précédemment. Cependant, si les produits sont plus complexes que les médicaments et les dispositifs médicaux réglementés jusque-là, le délai moyen d'évaluation pourra être plus long, peu importe qu'il y ait davantage de personnel compétent affecté à la réglementation.

L'éthique, souvent traitée comme une préoccupation singulière, figure en tête des valeurs ou critères énumérés dans le présent rapport. Les Canadiens et les citoyens des autres pays sont nombreux à se préoccuper des problèmes d'éthique créés par l'utilisation de la biotechnologie et à vouloir que l'éthique soit intégrée à tout régime de réglementation en vigueur ou de substitution. Dans son rapport sur la réglementation des aliments et des cultures génétiquement modifiés, le Comité consultatif canadien de la biotechnologie soutient que les inquiétudes d'ordre éthique et social « vont d'une opposition fondamentale à la manipulation artificielle de plantes et d'animaux (l'homme se substituant à Dieu) au point de vue voulant que la justice et la bienfaisance (soit de faire le bien ou de produire un bienfait) ne profitent pas des applications actuelles de la biotechnologie » (Comité consultatif canadien de la biotechnologie, 2002, p. 14). D'autres membres de la société voient des vertus positives à l'utilisation de la biotechnologie, peut-être tout spécialement dans le contexte plus vaste de la santé. Le document récent de l'UE au sujet de la biotechnologie et des sciences de la vie accorde un mérite explicite au fait que ces progrès soient obligatoirement « en harmonie avec les valeurs de l'éthique et les objectifs de la société » (Commission des communautés européennes, 2002, p. 12, traduction).

Efficience de la réglementation et compétitivité dans un contexte mondial

L'efficience de la réglementation peut se rapporter à deux notions différentes. La première est la simple notion d'efficience administrative, selon laquelle il faut trouver un régime de réglementation qui permet d'atteindre le degré souhaité d'efficacité au coût le plus bas possible pour les contribuables et les entreprises désireuses de faire approuver leurs produits. Ce genre d'efficience pourrait s'évaluer, jusqu'à un certain point, en comparant les délais d'approbation réglementaire dans divers pays, mais ces comparaisons sont difficiles à établir parce que les mesures se basent toujours sur le coût des intrants ou sur des durées, des facteurs qui n'ont de sens que s'ils sont reliés à une définition précise de ce qu'est l'efficacité en matière de réglementation.

La deuxième notion d'efficience, associée aux valeurs accordées à la compétitivité dans une économie mondialisée, est celle de l'allocation optimale des ressources. Cette notion est beaucoup plus large et dynamique et elle a trait à la manière dont un pays envisage la réalisation dynamique de la création de richesses et de la croissance économique (Thurow, 1999). Dans ce contexte, les diverses incarnations de la biotechnologie sont traitées plus ouvertement comme des technologies habilitantes rendant possibles ces transformations et cette croissance. L'efficience de la réglementation peut facilement et nécessairement se rapporter à des systèmes entiers de réglementation, c'est-à-dire, des régimes intégrés et complexes, et à la mesure dans laquelle ils sont réceptifs et aptes à la promotion des industries en cause, tout en protégeant la santé et la sécurité. D'après cette notion de l'efficience, il faut se demander plus ouvertement et plus systématiquement si un régime entier de réglementation est perçu et évalué en fonction de sa capacité d'être celui au monde qui réussit le mieux à attirer les capitaux, les entreprises et les produits de toute la planète. Dans le jargon technique actuel de la réglementation, ce concept pourrait être qualifié de « réglementation intelligente ».

L'efficience de la réglementation des produits de santé issus de la biotechnologie fait intervenir ces deux notions d'efficience et est intimement liée aussi au besoin de rehausser la réglementation mondiale de toutes les formes de biotechnologie. Les jugements portés au sujet de ces deux critères d'efficience de la réglementation sont toujours complexes et sont toujours contestés lorsqu'il est question de déterminer si le Canada progresse convenablement vers le respect optimal de ces critères.

Responsabilisation et engagement démocratiques

Les régimes de réglementation de la biotechnologie ont un troisième critère à respecter, celui de la responsabilisation et de l'engagement démocratiques. Nous aborderons cette question en deux volets : l'obligation fondamentale de rendre compte qui incombe au Cabinet et aux parlementaires; et les responsabilités complexes liées à d'autres notions de démocratie (Flinders, 2001; Aucoin et Heintzman, 2000).

En ce qui touche le Cabinet, les parlementaires et l'État en général, l'obligation fondamentale de rendre compte se rapporte aux systèmes utilisés par les entités publiques pour informer la population, lui faire rapport et répondre de leurs activités (Sutherland, 1991). À la base, cette responsabilisation englobe l'obligation de rendre compte aux ministres élus et au Parlement. À cet égard, le vérificateur général du Canada est l'un des organismes clés qui appuie le Parlement dans son rôle général. D'autres organes et d'autres lois constituent aussi des éléments de ce régime fondamental de reddition de comptes, qui fait intervenir l'accès du public à l'information, la confidentialité, la protection des renseignements personnels et les lois sur les langues officielles. En dernière analyse, l'obligation de rendre compte se rattache au concept de la responsabilité ministérielle relative aux politiques et aux mesures administratives mises en œuvre par une fonction publique neutre sur le plan politique. Il s'agit également d'un concept démocratique selon lequel, si quelque chose tourne mal, les autorités politiques élues seront capables de remédier à la situation.

D'autre part, la réglementation de la biotechnologie et les ensembles connexes de règles visant la santé et la sécurité doivent, depuis un certain temps déjà, composer avec un univers où l'obligation de rendre compte est beaucoup plus complexe et associée à d'autres notions de démocratie. En bref, le Canada et les autres pays fonctionnent en conformité avec plus d'une définition ou théorie de la démocratie. En régie de la biotechnologie, il s'est déjà établi des relations sans lien de dépendance, à des degrés très divers, et on admet la nécessité de l'indépendance des ministres et de leur accès à des avis autonomes en S-T. Dans plusieurs autres domaines de régie de la réglementation, par exemple, ceux de l'énergie et de l'environnement, les intervenants s'interrogent tout autant sur ce que signifient réellement l'obligation de rendre compte et la régie moderne sans aucun lien de dépendance (Hill, 1999; Flinders, 2001).

La logique générale de ces analyses effectuées depuis une dizaine d'années veut que l'obligation de rendre compte soit maintenant un système d'obligations, au pluriel, y compris celles de rendre compte « vers le haut » au Cabinet et au Parlement, « à l'horizontale » aux autres ministres et intervenants au sein de l'administration fédérale dans son ensemble, et « vers le bas » et « à l'extérieur » aux clients, aux partenaires et aux citoyens pris dans un sens large et collectif (Hill, 1999). Ces formes et orientations récentes de l'obligation de rendre compte sont secondaires pour les observateurs désireux de mettre l'accent avant tout sur l'obligation de rendre compte au Cabinet, au Parlement et aux élus, mais elles prennent de plus en plus la première place. Dans un sens très concret, elles découlent d'autres visions de la démocratie telles que le pluralisme des groupements d'intérêt (démocratie des intéressés) et la démocratie directe engageant la participation constante et systématique de la société civile et de chacun des citoyens (Palast et al., 2003).

Les changements globaux qui adviennent au régime actuel et probablement au régime futur de réglementation de la biotechnologie au Canada donnent à la responsabilisation politique et démocratique de base une configuration de tendance matricielle. L'obligation de rendre compte devient plus complexe, multidirectionnelle et difficile à négocier, à réformer et à évaluer.

Souveraineté et limites de la souveraineté

La souveraineté est un souci important pour le régime de réglementation de la biotechnologie et, à vrai dire, pour toutes les sphères de la réglementation. Or, comme le montre déjà le débat élargi au sujet de la mondialisation et du libre-échange, la souveraineté est une idée aux significations et aux nuances multiples (Camilleri et Falk, 1992; Held et al., 1999; Falk, 1999). Qui plus est, ce mê me débat soulève des préoccupations quant aux limites de la souveraineté ou, en termes plus positifs, à la nécessité de partager la souveraineté ou de la mettre en commun. Le Canada, à titre de fédération constitutionnelle fonctionnelle, est déjà engagé à l'interne dans un partage et une mise en commun de la souveraineté.

La souveraineté juridique confère aux États-nations le droit de promulguer des lois et d'imposer des règlements. La plupart des dispositions de régie mondiale conservent ces notions ultimes de la souveraineté en ce que les États peuvent se retirer d'accords passés avec d'autres pays et, évidemment, édicter les lois qui leur permettent, au départ, de conclure des accords de ce genre. Toutefois, les préoccupations relatives à la souveraineté s'étendent habituellement beaucoup plus loin que les diverses notions de souveraineté politique. L'une des dimensions de la souveraineté politique est ressentie très intensément par les ministres élus, et peut-être tout spécialement dans les questions de réglementation en matière de santé et de sécurité. Pourquoi? Principalement parce que, si un produit est à l'origine d'effets indésirables au Canada, il est fort probable qu'un ministre sera blâmé, qu'il ait ou non compétence « souveraine » sur le produit en question. De là naît l'exigence voulant que les ministres aient le dernier mot, dans une certaine mesure au moins, concernant des enjeux susceptibles de toucher les Canadiens comme consommateurs, patients et citoyens.

Par ailleurs, « souveraineté » est aussi un mot dont peuvent user des intérêts divers pour promouvoir leurs propres notions de cette réalité, des notions qui dépassent de loin le concept de souveraineté des États. Ces notions peuvent facilement s'étendre à des valeurs exprimées comme étant, par exemple, la souveraineté du consommateur, laquelle pourrait englober l'étiquetage explicite des produits et les renseignements sur leur efficacité et leur innocuité, mais qui pourrait aussi, en particulier dans le cas des produits de santé, s'étendre au droit revendiqué par les citoyens d'avoir accès aux meilleurs produits du monde, ou simplement à des produits utiles, même s'il s'agit de produits dont leurs gouvernements n'ont pas approuvé la mise en marché.

Enfin, il convient de rappeler l'existence de normes puissantes qui accroissent le besoin de mettre en commun ou de partager la souveraineté. Ces normes sont habituellement liées à la capacité réelle de régler des problèmes concrets au moyen de mesures de réglementation ou d'autres initiatives stratégiques. La souveraineté, comme forme d'indépendance politique, n'a pas grande utilité en elle-même si les États-nations ne peuvent pas, de leur propre chef, régler un problème de politique ou de réglementation touchant leurs propres citoyens. La capacité de résoudre réellement des problèmes peut se renforcer par la mise en commun des règlements et du pouvoir de réglementer. Les impératifs du commerce et du marché font nécessairement partie de cet univers pratique de souveraineté effective partagée ou mise en commun. Les produits et procédés s'achètent et se vendent dans le monde entier et le cycle de production doit être suivi et réglementé à l'échelle mondiale, parce que le commerce transcende les frontières nationales par à peu près tous les moyens imaginables.

Pouvoir réel de réglementer lorsque les compétences pertinentes sont rares

Il est peut-être inhabituel, mais tout à fait logique, d'exprimer le concept de « pouvoir réel de réglementer » comme une valeur ou un critère en lui-même. Comme on a pu l'entrevoir dans la section précédente, le pouvoir de réglementer a trait à un grand nombre de capacités, compétences, budgets et systèmes d'information à la fois interdépendants et assujettis au personnel (de S-T ou autre) et au matériel des organismes de réglementation ainsi qu'aux ressources de ces organismes en matière de formation permanente et de recrutement et d'acquisition de compétences spécialisées. Si une instance dispose de tous les éléments de ce pouvoir, la réglementation peut répondre à la totalité ou à la plupart des critères énumérés ci avant, mais dans le cas contraire, il y aura échec ou insuffisance grave de la réglementation.

L'ajout de la notion de rareté des compétences pertinentes au cinquième critère ou valeur est fortement à conseiller parce que, comme nous l'avons déjà vu, il est fort probable que les pays ne seront pas tous en mesure de rassembler la gamme complète des éléments nécessaires au pouvoir de réglementer, surtout pour l'évaluation réglementaire des risques, qui nécessite le recours à des mélanges nouveaux et complexes de compétences en S-T.

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Substitutions possibles au régime de réglementation et nouvelle régie de la réglementation de la biotechnologie

Compte tenu des pressions décrites précédemment et des valeurs et préoccupations qui doivent intervenir à titre de part essentielle de tout changement apporté au régime de réglementation de la biotechnologie, quels régimes de substitution est-il possible d'envisager ou de proposer, tant d'un point de vue analytique que d'un point de vue pratique? Le présent document n'a pas pour objet de formuler des recommandations ou des théories détaillées en rapport avec tel ou tel régime de substitution, mais plutôt de décrire, à un niveau architectural assez général, certaines options possibles. Nous allons donc maintenant jeter un coup d'œil à trois régimes aptes à se substituer à l'actuel :

  • Régime de substitution 1 — Aucun changement, mais ajout d'améliorations
  • Régime de substitution 2 — Séparation et indépendance accrues entre les fonctions d'évaluation des risques et celles de gestion des risques
  • Régime de substitution 3 — Régime de l'UE comme modèle commun à plusieurs pays
  • Transposition possible du modèle de l'UE au contexte de l'Amérique du Nord et de l'ALENA
  • Unilatéralisme sélectif

Régime de substitution 1 — Aucun changement, mais ajout d'améliorations

Cette solution de rechange consisterait à conserver le régime actuel canadien de réglementation de la biotechnologie et à chercher simplement à l'améliorer au moyen de ressources nouvelles. Des capacités accrues de réglementation pourraient être et seraient mises en oeuvre afin de relever des défis clés tels que la procréation humaine assistée, la xénotransplantation, les tests de dépistage génétique et la protection des renseignements génétiques personnels, en procédant en fonction des circonstances. Quelques-unes de ces améliorations sont déjà en cours, notamment à Santé Canada qui, comme nous l'avons déjà mentionné, s'est vu accorder des ressources supplémentaires en vue d'accroître ses capacités sur les plans de la main-d'œuvre et du matériel. Des augmentations semblables de ressources seront sans doute favorisées parmi les autres ministères et organismes dont le mandat conféré par la loi comporte des obligations concernant la biotechnologie. Ces demandes de renforcement se fondent en partie sur la conviction réelle de ces praticiens de la réglementation que le système actuel fonctionne raisonnablement bien, et en partie sur les phénomènes normaux d'inertie bureaucratique et de protection des responsabilités acquises.

Les principaux arguments mettant en doute la viabilité de ce Régime de substitution 1 ont trait avant tout à ce qu'il serait incapable de réagir efficacement aux pressions et aux problèmes énumérés cidessus parce que les besoins nouveaux ne sont pas simplement des additions, mais appartiennent effectivement à une échelle et une envergure quantitatives et qualitatives différentes. Les observateurs intéressés doutent, en particulier, qu'un pays comme le Canada puisse rassembler les compétences spécialisées de terrain nécessaires à l'évaluation initiale des risques d'après les connaissances scientifiques ainsi qu'aux tâches connexes de divulgation des risques aux tout débuts du processus de réglementation. Le Régime de substitution 1 présuppose que ces capacités d'évaluation des risques seraient regroupées, comme aujourd'hui, au sein de chacun des ministères et organismes ayant pouvoir de réglementer, mais tout critique du régime actuel fera valoir qu'un tel mode d'action ne fonctionnerait probablement pas, en partie à cause de la nature complexe des disciplines scientifiques nouvelles et de la transdisciplinarité des S-T en présence, surtout en ce qui touche les applications de la biotechnologie à la santé.

Régime de substitution 2 — Séparation et indépendance accrues entre les fonctions d'évaluation des risques et celles de gestion des risques

Une autre solution pour modifier ou remplacer le régime canadien de réglementation de la biotechnologie, soit dans son entier, soit en combinaison avec la nouvelle dynamique décrite ici de l'application de la biotechnologie à la santé, serait d'essayer de séparer, puis de renforcer chacune de leur côté, les fonctions ou étapes de l'évaluation des risques et celles du processus de réglementation. Certains intéressés préconisent ce genre de modèle car ils croient que les activités scientifiques de l'État doivent être plus transparentes et entièrement séparées des processus de gestion des risques (Leiss, 2000). La concentration, dans un seul ministère ou organisme, des compétences spécialisées en réglementation présentes dans la fonction publique pourrait aussi mener à l'utilisation optimale de ces ressources humaines limitées. Vu l'incertitude relativement plus grande qui entoure les S-T utilisées, cet argument en faveur d'une séparation découle aussi de l'opinion selon laquelle l'évaluation des risques doit se faire encore plus ouvertement, sous l'œil du public et avec la participation des citoyens. S'il est appliqué à la biotechnologie dans le domaine de la santé, cet argument en faveur d'une séparation et autonomie institutionnelles pourra même s'en retrouver renforcé à cause des vastes enjeux socioéconomiques et éthiques soulevés par l'adaptation spécialisée et le volume accru des produits, et aussi en raison de la concentration sur les technologies plates-formes permettant la création simultanée de groupes de produits.

Toute tentative d'instaurer ce régime de substitution, en concentrant littéralement en une seule entité institutionnelle tout ce qui compose l'évaluation des risques de tous les produits de santé et d'alimentation destinés aux humains, déclencherait une opposition basée sur plusieurs arguments naturels. Le premier de ces arguments contradictoires est que certains aspects clés de l'évaluation des risques relèvent exclusivement de secteurs particuliers tels que l'alimentation, la biotechnologie appliquée à la santé, les pêches, les plantes ou les animaux et que, par conséquent, l'accomplissement des fonctions d'évaluation devrait être réparti entre les divers endroits où s'exerce le mandat pertinent, comme c'est le cas aujourd'hui. Le deuxième argument contradictoire tient au fait que, de par sa nature même, le recours à un « guichet unique » pour l'évaluation de tous les produits de santé et d'alimentation serait tout simplement trop radical, soulèverait des perturbations et des incertitudes et entraînerait d'énormes coûts de transition. Selon le troisième argument contradictoire, si un régime de ce genre était adopté, il ne permettrait peut-être pas les économies d'échelle et d'envergure nécessaires à un petit pays comme le Canada pour rassembler les compétences à la fois pointues et toujours en évolution rapide qui devront présider à l'évaluation de produits nouveaux en quantités grandissantes et de nature de plus en plus spécialisée. Enfin, dernier argument contre, il est faux de penser qu'il est possible de séparer l'évaluation des risques et les tâches connexes de gestion des risques, parce que ces activités sont en interdépendance très étroite et s'imbriquent partiellement les unes dans les autres.

Régime de substitution 3 — Régime de l'UE comme modèle commun à plusieurs pays

Les sections précédentes du présent rapport décrivent les changements récents advenus en Union européenne et le climat général dans lequel y évolue la biotechnologie, un climat né de la politique de biotechnologie alimentaire et où l'opposition était et demeure forte, mais qui est en train de changer sous l'effet de l'explosio n des produits de santé issus de la biotechnologie, et où les Européens aspirent maintenant à faire concurrence aux États-Unis L'analyse présentée ici porte sur l'UE comme modèle de régime commun à plusieurs pays (Régime de substitution 3) et se limite aux produit médicaux, en esquissant brièvement, encore une fois, la façon dont le système européen évolue et les éléments de base qui le composent.

La démarche adoptée par l'Union européenne en matière de réglementation des produits de santé issus de la biotechnologie évolue graduellement depuis le milieu des années 1970 (Vogel, 1998; Abraham et Lewis, 2003; 2000). Son centre nerveux se trouve à l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments (EMEA) qui en est maintenant à sa neuvième année d'opération (Agence européenne pour l'évaluation des médicaments, 2003). Voici comment se lit l'énoncé de mission de l'EMEA :

« Contribuer à la protection et à la promotion de la santé humaine et animale par :

  • la mobilisation des ressources scientifiques à travers l'Union européenne afin d'assurer une évaluation de haut niveau, de fournir des avis sur les programmes de recherche et de développement et de produire des informations claires et pertinentes pour les utilisateurs et les professionnels de la santé;

  • la mise au point de procédures efficaces et transparentes permettant aux utilisateurs d'avoir accès dans les meilleurs délais à des médicaments innovants par le biais d'une seule autorisation européenne de mise sur le marché;

  • le contrôle et la sécurité des médicaments à usage humain et vétérinaire, grâce, en particulier, à un réseau de pharmacovigilance et à l'établissement de limites sûres pour les résidus dans les animaux destinés à la consommation » (Agence européenne pour l'évaluation des médicaments, 2003, p. 5).

L'EMEA gère deux procédures, l'une centralisée et l'autre décentralisée, pour l'autorisation des médicaments.

  • La procédure centralisée est obligatoire pour les médicaments issus de la biotechnologie et disponible à la demande de sociétés pour d'autres produits novateurs. Les demandes sont soumises directement à l'EMEA. À la clôture de l'évaluation scientifique menée en 210 jours au sein de l'Agence, l'avis du comité scientifique est transmis à la Commission européenne afin d'être transformé en une autorisation de mise en marché valable dans l'ensemble de l'Union européenne.

  • La procédure décentralisée (ou procédure de reconnaissance mutuelle) s'applique à la majorité des médicaments traditionnels et repose sur le principe de reconnaissance mutuelle des autorisations nationales. Elle permet l'extension des autorisations de mise en marché délivrées par un État membre à un ou plusieurs autres États membres identifiés par le demandeur. Lorsque l'autorisation nationale d'origine ne peut pas être reconnue, les points litigieux sont soumis à l'arbitrage de l'EMEA. L'avis du comité scientifique est transmis à la Commission européenne.

    La Commission européenne arrête sa décision avec l'assistance d'un comité permanent composé de représentants des États membres (Agence européenne pour l'évaluation des médicaments, 2003, p. 5).

Le système d'évaluation dirigé par l'EMEA fait intervenir le Comité des spécialités Pharmaceutiques (CSP) et le Comité des médicaments orphelins (CMO), de même que la Direction européenne pour la qualité des médicaments, un organisme du Conseil de l'Europe qui coordonne le tout et rend publiques les données du processus de contrôle de la qualité une fois que les produits sont homologués.

Les unités fonctionnelles de base de l'EMEA se chargent notamment de :

  • l'évaluation avant autorisation pour les médicaments à usage humain,
  • l'évaluation après autorisation pour les médicaments à usage humain,
  • les médicaments à usage vétérinaire et l'inspection.

Lorsque les premiers produits issus de la biotechnologie ont fait leur apparition en UE dans les années 1970 et au début des années 1980, les entreprises ont presque immédiatement exercé des pressions afin que la procédure d'homologation des produits médicaux soit centralisée pour l'Europe entière. D'aucuns se sont cependant opposés à la centralisation en invoquant la souveraineté des États membres et certains doutes relativement à la possibilité de garantir la protection de la santé et la sécurité dans le contexte de chaque pays.

La réaction initiale s'est manifestée par la création du CSP relié à un système paneuropéen de reconnaissance mutuelle des médicaments homologués par les États membres de l'UE. Le processus de reconnaissance mutuelle a d'abord porté le nom de processus CSP, mais il s'est révélé ne pas fonctionner très bien à cause de la tendance des États membres à réclamer l'arbitrage. Le CSP se composait de délégués scientifiques et techniques, venus de chaque État membre, qui devaient émettre chacun des avis consultatifs relativement à chaque produit. Dans les cas d'avis consultatif positif, l'organe de réglementation de l'État membre concerné pouvait accepter ou refuser le produit, mais s'il refusait, il devait expliquer pourquoi.

Dans la foulée des premiers efforts importants de l'UE pour ouvrir et concrétiser son marché interne (1986-1992), des pressions se sont exercées sur tous les États membres pour qu'ils atténuent les obstacles commerciaux d'origine réglementaire et politique et favorisent activement l'avènement du marché européen unique. En 1987, sous l'effet de ces pressions, l'UE a rendu obligatoire une procédure de concertation visant les médicaments issus de la biotechnologie, ce qui a mené au système de « rapporteurs » dont il sera question ci-après. Des changements plus importants sont advenus en 1995 lorsque les opinions du CSP, découlant de l'un ou l'autre des procédés, sont devenues exécutoires dans les États membres. L'EMEA, née dans le cadre de cette réforme, a servi à promouvoir une centralisation beaucoup plus poussée de l'approbation des produits médicaux et de santé. L'essentiel de la question, devenu évident beaucoup plus tôt, ne tenait pas seulement aux pressions du monde des affaires pour mettre en place un système d'approbation à guichet unique, mais aussi à la reconnaissance croissante du fait que les gouvernements des États membres disposaient de pouvoirs fort inégaux de réglementation et surtout de réglementation scientifique de base. Alors que le Royaume-Uni, la France et les Pays-Bas avaient le plein pouvoir de réglementer, ce n'était pas le cas de l'Irlande, de l'Espagne ni du Portugal.

Aux termes du régime en vigueur depuis la création de l'EMEA, les décisions se prennent au moyen de l'un ou l'autre des deux procédés décrits précédemment. Les États membres ont toujours le droit de refuser une décision, mais ils s'en prévalent rarement et les normes à respecter dans ces cas sont extrêmement élevées. Le procédé décentralisé, comme on l'a vu, s'applique habituellement aux produits biologiques et aux médicaments conventionnels et il fait intervenir la sélection d'un des États membres de l'UE, la France, par exemple, comme pays rapporteur ou État membre de référence. Le pays choisi se charge ensuite de l'évaluation scientifique des risques et en fait parvenir les résultats à l'EMEA. L'État de référence peut recommander l'homologation d'un produit, mais le CSP offre une tribune à la discussion et aux objections et une de ses dispositions permet aux sociétés d'obtenir une audience devant le Comité en plénière.

Au départ, le choix du pays rapporteur ou État membre de référence relevait de la société requérante, mais cette façon de procéder a graduellement donné lieu à deux critiques. D'abord, les mêmes pays étaient toujours choisis alors que d'autres ne l'étaient jamais, ce qui, en soi, a fait naître du ressentiment parmi ces derniers. En second lieu, des observateurs ont craint, également au début, que les sociétés requérantes ne choisissent comme rapporteurs des pays dont les autorités de réglementation étaient trop favorables à l'industrie ou insuffisamment rigoureuses. En conséquence, aujourd'hui, c'est l'EMEA qui choisit le pays rapporteur. L'EMEA a son siège à Londres, mais sa philosophie et sa légitimité ont évolué au point que ses analystes et évaluateurs, venus des divers États membres, ne sont pas considérés comme des spécialistes « nationaux », mais comme des experts européens en matière de sélection. En fait, nombreux sont ceux qui parlent de l'EMEA comme d'une agence européenne virtuelle puisqu'elle fait appel à la collaboration de chacune des agences nationales, lesquelles se retrouvent ainsi faire partie de l'EMEA, et que tous les États membres de l'UE en sont aussi membres en vertu de leur participation au CSP (Abraham Lewis, 2003).

Le processus européen de réglementation des médicaments et des produits de santé issus de la biotechnologie ne se limite pas à l'homologation; il contient aussi de nombreux contrôles de mise en circulation de certains produits biologiques, vaccins et produits sanguins. Les systèmes nationaux se chargent de l'évaluation de chaque lot de produits. Encore une fois, ce volet de la réglementation a soulevé des inquiétudes en Europe alléguant qu'il pourrait peut-être constituer un autre obstacle posé par les règlements à l'ouverture d'un marché interne, et c'est ainsi que les États membres ont été pressés de pratiquer la reconnaissance mutuelle des approbations et des mises en circulation par lots, à l'instar d'autres pays. La Direction européenne pour la qualité des médicaments, mentionnée précédemment, est l'organe officiel de coordination de ce volet du processus de réglementation.

La réglementation européenne des produits de santé issus de la biotechnologie a donc donné naissance à un système de réglementation multipays qui s'est graduellement centralisé, mais en restant conforme à ses 15 à 20 années continues d'acceptation, de légitimité et de pratique. L'évaluation des risques y est considérablement centralisée à l'échelle de l'UE ou par le biais du mécanisme de pays rapporteurs. La gestion des risques y est aussi centralisée dans une mesure appréciable, même si le rôle des organismes nationaux demeure important. Le processus d'approbation et d'homologation des produits est plus efficient que l'ancien système où les entreprises devaient littéralement obtenir toute une série d'approbations, un pays à la fois. Le système aide aussi à combler le besoin évident de mise en commun des compétences spécialisées des divers États membres dont certains, même incapables de réglementer par eux-mêmes, n'en ressentent pas moins quelques craintes pour leur souveraineté nationale, lesquelles semblent apaisées par ce nouveau système européen évolué. L'intérêt que nous portons à ce système se situe au niveau de ses processus de base et de son évolution et, par conséquent, nous n'avons pas procédé à une évaluation détaillée. Comme il faut s'y attendre pour tout système complexe, celui-ci a fait l'objet de critiques visant surtout l'équilibre difficile à maintenir entre les compétences scientifiques et non scientifiques, entre l'efficacité de la réglementation et les valeurs commerciales, et entre les États membres de l'UE (Abraham et Lewis, 2003; 2000).

Transposition possible du Régime de substitution 3 au contexte de l'Amérique du Nord et de l'ALENA

L'analyse du modèle européen à pays multiples donne à penser qu'en toute logique, si le Canada souhaitait s'associer ou s'intégrer officiellement à un modèle de ce genre, il faudrait que ce soit une version nord-américaine du régime européen. C'est du moins ce qui vient immédiatement à l'esprit. Les autorités canadiennes de réglementation des produits de santé collaborent déjà de très près avec la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis. Un modèle véritablement nord-américain devrait évidemment inclure le Mexique, mais il ne fait aucun doute que toute prise en considération du modèle européen comme solution viable à moyen terme s'articulerait sur la réalité concrète ou perçue d'un Canada lié plus étroitement aux États-Unis qu'au Mexique. À la différence du modèle européen regroupant un bon nombre de pays dont plusieurs d'à peu près la même dimension et la même puissance, tout modèle nord-américain doit tenir compte au départ des problèmes pouvant découler d'une association où l'un des pays est une puissance dominante.

Il est peu probable qu'un modèle nord-américain de réglementation des produits de santé issus de la biotechnologie puisse naître des processus d'entente commerciale propres à l'ALENA, mais des intérêts commerciaux clés dans les deux pays percevraient le partage ou la mise en commun de la réglementation comme un facteur de promotion du commerce. Le Mexique, comme partenaire nordaméricain, pourra peut-être voir la situation sous un jour très différent même s'il a des défis à relever qui sont encore plus grands que ceux auxquels fait face le Canada pour ce qui est de rassembler les capacités accrues de réglementation, une nécessité notée précédemment. À certains égards, donc, la situation du Mexique ressemble beaucoup à celle de l'Espagne et du Portugal au moment des premières étapes de la réforme de la réglementation européenne des produits médicaux, au début des années 1990.

Il ne faut pas oublier, cependant, qu'un régime de réglementation commun ou partagé serait conçu en très grande partie hors du système des accords commerciaux conclus entre le Canada et les États-Unis, tout simplement parce que ces accords visent avant tout, et logiquement, à favoriser le commerce en limitant ou en freinant l'action de l'État. Les accords commerciaux contiennent bien certaines dispositions relatives aux normes de santé et de sécurité et à la façon dont de s'y conformer, mais tout modèle nord-américain de réglementation des produits de santé issus de la biotechnologie nécessiterait la passation d'ententes distinctes. Les avantages évidents d'un tel régime de substitution viendraient surtout de ce que la FDA est pratiquement le seul organisme de réglementation qui aurait quelque chance que ce soit de rassembler l'éventail complet des pouvoirs de réglementer l'évaluation des risques dans la nouvelle économie axée sur la biotechnologie. En outre, la FDA met en pratique des processus de réglementation passablement ouverts et transparents et elle est fort consciente d'occuper déjà, de fait, la position d'autorité réglementante mondiale.

Au Canada, toutefois, l'adoption d'un tel système soulèverait certainement des inquiétudes graves quant à des pertes réelles ou perçues de souveraineté et aux bases exactes sur lesquelles s'édifieraient ou pourraient s'édifier les rapports de partage des fonctions globales de réglementation. D'autre part, les autorités réglementantes canadiennes collaborent déjà et réglementent conjointement avec les autorités américaines, de façon courante, dans de nombreux domaines dont celui de la santé. L'idée d'un modèle nord-américain vaut donc largement la peine d'être étudiée et élaborée.

La mise en place d'un tel système dépend aussi en très grande partie des attitudes politiques générales des États-Unis Les intéressés devront se demander, par exemple, s'il y a vraiment lieu de transformer l'Amérique du Nord en une communauté politique nord-américaine plutôt que de conserver la situation actuelle d'une simple zone de libre-échange. La position des États-Unis, seule superpuissance mondiale, et la tendance de l'administration Bush à préférer faire cavalier seul, du moins dans certains domaines, laissent à penser que nos voisins du sud ne sont pas du tout intéressés à ce que leur FDA deviennent le centre de coordination de toutes les activités d'évaluation des risques en Amérique du Nord, selon un modèle de base calqué sur celui de l'Europe et mis sur pied au moyen d'accords avec le Canada et le Mexique.

Unilatéralisme sélectif

Enfin et surtout, dans ce plan général de modification du système canadien de réglementation, le Canada pourrait opter pour un unilatéralisme sélectif. Plutôt que d'attendre les résultats de la lente évolution des grands régimes internationaux et multinationaux en cette matière, le Canada pourrait accepter certaines évaluations effectuées dans d'autres instances (par exemple, l'Australie, l'Union européenne ou les États-Unis) relativement aux risques liés à des produits déterminés. La décision finale visant la gestion des risques et l'approbation effective du produit pourrait alors continuer d'incomber à Santé Canada ou à d'autres organismes canadiens de réglementation, mais le système y gagnerait en efficience sans perdre d'efficacité. En un certain sens, il s'agirait d'un processus par lequel le Canada accepterait les conclusions d'un pays ou d'un ressort « rapporteur », un peu comme en UE, mais sans avoir à attendre l'avènement d'un modèle nord-américain formel. Cette façon de procéder, si elle était plus largement adoptée, pourrait éventuellement permettre au Canada de réorienter son régime de réglementation nationale afin d'en concentrer les activités sur des domaines à problèmes particuliers tout en contribuant aussi à l'édification et au fonctionnement du système mondial de réglementation.

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Conclusions

Le présent rapport se donnait pour but d'examiner les principales pressions et les principaux facteurs susceptibles d'amener, à moyen terme, des changements au régime canadien de réglementation de la biotechnologie dans le domaine de la santé. Un des éléments essentiels de cette analyse globale a consisté à cerner les valeurs et critères de base qui ont présidé à la conception du régime de réglementation et à décrire et à envisager trois possibilités de substitution. Il faut rappeler encore une fois que le présent rapport est nécessairement de nature générale et exploratoire, en raison de la rapidité des changements qui se produisent dans l'économie axée sur la biotechnologie dans le domaine de la santé, et aussi du fait que l'auteur ne visait pas à présenter une analyse détaillée de la conception de nouveaux régimes possibles ni un compte rendu détaillé du régime actuel. Ces limites étant posées, le présent rapport débouche finalement sur plusieurs conclusions et observations concernant le cheminement le plus prometteur à choisir pour l'avenir à moyen terme et les principales contraintes avec lesquelles le Canada devra composer en réformant son régime de réglementation des produits de santé issus de la biotechnologie, tant sur le plan de la sécurité que sur celui de l'efficacité.

La première conclusion à laquelle nous en arrivons est que les principaux changements et les principales pressions dont il est question dans les présentes témoignent du fait que le centre de gravité des régimes canadien et étrangers de réglementation de la biotechnologie a déjà commencé à se déplacer. Son orientation première sur l'alimentation et l'agriculture, même si elle demeure et garde de l'importance, est en train de changer sous l'effet de l'essor pris par la création de produits nouveaux et des progrès réalisés en S-T dans le domaine des produits de santé et des procédés médicaux issus de la biotechnologie. Ce glissement se produit aussi bien à l'échelle mondiale où s'opposent deux grandes orientations, celle des États-Unis et celle de l'Union européenne, qu'à l'échelle nationale dans le contexte de la biotechnologie et de ses applications à la santé, autant d'éléments clés des stratégies d'innovation mises en œuvre aux États-Unis, en Union européenne et au Canada. Ces changements conjugués veulent dire aussi qu'il faut absolument garder à l'esprit une vision nouvelle de l'envergure du régime de réglementation de la biotechnologie et s'en inspirer au moment d'élaborer toute stratégie de modification de ce régime. En fin de compte, il faut admettre que le régime de réglementation est un ensemble de règles et de valeurs qui non seulement englobe les divers processus d'approbation des produits, mais aussi des domaines intimement liés tels que la régie de la propriété intellectuelle et l'établissement des prix des produits pharmaceutiques au sein de systèmes de soins de santé qui fonctionnent pour la plupart comme des marchés de type interventionniste.

La deuxième conclusion découlant du présent rapport est que les pressions diverses qui y sont analysées, qu'elles proviennent du volume accru de produits ou de leur adaptation de plus en plus spécialisée, du nouvel équilibre à trouver entre l'évaluation précommercialisation et l'évaluation postcommercialisation, des combinaisons nouvelles de médicaments, de dispositifs et d'outils de diagnostic, ou du financement de l'industrie, se conjuguent et exigent ainsi que des améliorations à la fois quantitatives et qualitatives soient apportées aux capacités de réglementation. Tout compte fait, il est à peu près certain que le maintien du statu quo ne suffira pas. Le système devra acquérir et exploiter d'importantes capacités nouvelles et variées.

Par ailleurs, les valeurs et critères qui devront s'appliquer à la conception de toute réforme du système de réglementation dégagent une certaine impression de continuité. Les valeurs de base énumérées dans le présent rapport n'ont pas beaucoup changé depuis l'arrivée de la biotechnologie. En matière de régie de la réglementation, les Canadiens et les citoyens des autres démocraties recherchent un mélange équilibré au sein du même ensemble de valeurs fondamentales : efficacité de la réglementation sur les plans de la santé, de la sécurité, de l'éthique et de la gestion des risques; efficience de la réglementation dans les marchés mondiaux; responsabilisation et engagement démocratiques démontrables et manifestant les diverses incarnations de la démocratie; protection de la souveraineté et acceptation des limites de la souveraineté; et pouvoir effectif de réglementer. Ces valeurs peuvent s'exprimer avec certaines différences dans des systèmes économiques et politiques complexes et variés, mais il reste, au fond, que les changements apportés au régime de réglementation doivent répondre à des critères semblables.

La troisième conclusion a trait à l'orientation générale de changements éventuellement apportés au régime de réglementation, en fonction de trois régimes de substitution possibles. Chacune de ces solutions de remplacement (aucun changement, mais ajout d'améliorations; séparation et autonomie accrues des fonctions d'évaluation des risques; régime multipays semblable au modèle européen) demande une analyse plus poussée que celle permise dans le présent rapport, mais le premier coup d'œil global posé par l'auteur sur l'architecture de base des solutions proposées laisse à penser qu'une forme de modèle multipays amélioré, fondé sur ce qui se fait en UE, pourrait bien être la voie la plus prometteuse à emprunter, à moyen terme, par le Canada. Il est difficile d'imaginer un scénario de réglementation des produits de santé issus de la biotechnologie qui ne mènerait pas à un plus grand partage de la réglementation entre les pays du monde. La rareté des compétences spécialisées, les capacités réelles permettant d'examiner les questions de santé et de sécurité et de procéder à l'évaluation solide des risques, et le pouvoir réel de réglementer avec efficience sont autant d'enjeux qui poussent à une réglementation mondialisée.

La quatrième et dernière conclusion souligne la nécessité probable d'une forme ou une autre de modèle multipays nord-américain. Ce genre de modèle ne fait pas l'objet d'une analyse détaillée dans les présentes. Il pourrait sans doute s'élaborer à partir du système institutionnel européen, mais les possibilités qu'il offre au Canada en matière de réglementation des produits de santé issus de la biotechnologie seront différentes et controversées en raison de la prédominance des États-Unis et d'organismes tels la FDA en Amérique du Nord. Quoi qu'il en soit, ces réalités et ces craintes ne devraient pas, à elles seules, suffire à bloquer des réformes concrètes et la mise à l'essai d'un système à l'européenne en Amérique du Nord, puisque le Canada (et le Mexique) sont forcés depuis toujours de composer avec l'hyper-puissance des États-Unis. L'Amérique du Nord pourrait bien, éventuellement, se transformer en une sorte de communauté nord-américaine plutôt que de demeurer simplement une zone de libre-échange, et il est donc inévitable que les trois pays qui la composent envisagent de plus en plus sérieusement à l'idée d'une régie nord-américaine de réglementation de la biotechnologie et d'autres domaines.

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1 L'auteur remercie profondément Richard Konchak, Marnie McCall et Roy Atkinson, du Comité consultatif canadien de la biotechnologie, pour leur bienveillante coopération, leurs conseils judicieux et aussi leurs commentaires constructifs sur les plans et les premières ébauches du présent document. L'auteur a également pu bénéficier de discussions qui ont eu lieu lors d'un atelier tenu par le Comité les 25 et 26 mars 2003 et réunissant des experts canadiens en biotechnologie provenant du domaine de la santé, du monde des affaires, de la fonction publique et des universités.

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    Création: 2005-07-13
Révision: 2005-07-13
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