Terrance S. Carter*
Carter & Associates, avocats et procureurs
INTRODUCTION
Considérations générales
Le risque peut être défini comme la possibilité
qu'un événement préjudiciable ou indésirable
survienne. Dans leur travail, les administrateurs des sociétés
sans but lucratif peuvent faire face à deux événements
préjudiciables ou indésirables :
- un événement qui aura des effets préjudiciables
sur la société;
- feront l'objet d'une poursuite ou seront tenus responsables d'une
autre façon d'un événement préjudiciable découlant
de leurs actes ou de leur inaction.
Le présent chapitre traite principalement de la seconde éventualité.
Aucune des diverses mesures de protection disponibles aux administrateurs
- diligence raisonnable, indemnisation par la société, dispositions
législatives, assurances - ne vise à leur accorder une protection
absolue contre les fautes. Elles visent toutefois à offrir une
certaine marge de manoeuvre pour les erreurs de bonne foi, sans mettre
indûment en danger la société.
L'évaluation du risque est un élément clé
du travail de tout administrateur, de sorte qu'il est peut-être approprié
que l'une des premières choses qu'un candidat à ce poste devrait
faire est d'évaluer si des mesures de protection suffisantes existent
pour lui permettre de servir en toute confiance le conseil d'administration
d'une société sans but lucratif. L'information présentée
ci-dessous devrait être utile à cette fin.
Exposition au risque
Les risques de responsabilité pour les administrateurs
des sociétés sans but lucratif peuvent provenir d'un texte
de loi ou de la common law. Un administrateur peut être tenu personnellement
responsable de ses actes ou de son inaction - conjointement (avec un ou
plusieurs autres administrateurs) et solidairement (individuellement).
Le chapitre 3 renferme un résumé des risques de responsabilité
auxquels sont le plus souvent exposés les administrateurs des sociétés
sans but lucratif, avec mention spécifique des sociétés
à vocation caritative le cas échéant.
Portée du chapitre
Le présent chapitre traite de certains risques légaux
auxquels font face les administrateurs des sociétés sans
but lucratif et présente un aperçu de certaines des mesures
qui peuvent être prises pour se protéger contre le risque
de responsabilité. Un examen approfondi de tous les risques de
responsabilité rendrait ce chapitre beaucoup trop long. Le chapitre
débute par un examen de la diligence raisonnable dans divers contextes
pour ensuite traiter de l'indemnisation par la société,
des mesures de protection prévues dans la loi et de l'assurance.
La dernière section traite de certains autres moyens de réduire
le risque de responsabilité.
DILIGENCE RAISONNABLE
Considérations générales
Dans le cadre de leur obligation fiduciaire, les administrateurs
des sociétés sans but lucratif sont tenus de faire preuve
de diligence raisonnable dans la supervision et la gestion des activités
de la société. Cela comprend, par exemple, la participation
aux réunions du conseil d'administration, la supervision des opérations
de la société, et la surveillance de la conformité
à la mission énoncée dans les lettres patentes de
la société; de même, ils doivent s'assurer que les
résolutions adoptées par le conseil sont fondées
sur des décisions éclairées des administrateurs.
La diligence raisonnable signifie aussi que les administrateurs doivent
se familiariser avec tous les aspects de la société. Pour
cette raison, les administrateurs devraient, dans la mesure du possible,
assister à toutes les réunions du conseil d'administration.
Si un administrateur ne peut être présent à une réunion
du conseil, il devrait prendre les dispositions nécessaires pour
examiner le procès-verbal de la réunion et tout état
financier ou rapport qui y aurait été présenté.
Si une question n'est pas claire aux yeux de l'administrateur, celui-ci
devrait faire un suivi approprié en soulevant la question à
la prochaine réunion du conseil.
L'obligation qu'ont les administrateurs des sociétés sans
but lucratif de superviser le fonctionnement de la société
et de s'assurer qu'elle se conforme à son mandat est particulièrement
exigeante. Certains modèles de gouvernance des conseils d'administration
- notamment aux États-Unis - préconisent que les administrateurs
se limitent aux questions de politique en laissant la responsabilité
de l'administration et des opérations au jour le jour au personnel
de direction de la société1.
Ce rôle limité des administrateurs ne reflète pas les
obligations qui leurs sont imposées par la loi, notamment dans
le cas des administrateurs de sociétés à vocation
caritative au Canada.
S'ils ont fait preuve de diligence raisonnable, les membres d'un conseil
d'administration disposent alors d'une bonne défense contre les
accusations de négligence et les allégations d'infractions
à certaines responsabilités d'origine législative.
EXEMPLE
En vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu(Canada),
les administrateurs des sociétés sans but lucratif
ont le devoir de déposer diverses déclarations auprès
du gouvernement et deverser les retenues à la source de l'impôt
sur le revenu à l'Agence des douanes et du revenu du Canada.
Afin d'éviter la responsabilité, les administrateurs
doivent pouvoir démontrer qu'ils ont pris des mesures préventives
pour s'assurer que la société se conformait à
ces exigences de la Loi. Si les administrateurs peuvent démontrer
qu'ils ont exercé le degré de soin, de diligence et
de compétence que l'on attendrait d'une personne raisonnablement
prudente dans les mêmes circonstances, ils ne seront pas tenus
personnellement responsables de l'omission de la société
de se conformer à la Loi.
|
Toutefois, la diligence raisonnable n'offre pas une défense contre
toutes les infractions prévues par la loi. En vertu de la Loi
antiterroriste (Canada), les administrateurs des sociétés
à vocation caritative peuvent être tenus responsables des
actions de l'organisme qui facilitent une « activité terroriste
», même s'ils ont pu faire preuve de diligence raisonnable pour
prévenir de tels événements. Les administrateurs
et leurs conseillers juridiques devraient donc examiner attentivement
la Loi antiterroriste (Canada) et la législation fédérale
connexe pour s'assurer que la société se conforme à
leurs dispositions et prévenir qu'ils ne tombent, à leur
insu, sous le coup de cette législation.
Risque de responsabilité pour défaut
d'autorité
Une société sans but lucratif peut uniquement entreprendre
des activités qui entrent dans les limites de ses objets, tels
que définis dans ses lettres patentes et dans toute modification
figurant dans ses lettres patentes supplémentaires. Certaines activités
peuvent aussi devoir être autorisées par un règlement
administratif.
Si les administrateurs permettent à la société
d'entreprendre des activités qui sortent du cadre des objets de
cette dernière ou qui ne sont pas dûment autorisées par
règlement (c'est-à-dire des activités qui débordent
de son mandat), ils s'exposent à une responsabilité personnelle
pour les conséquences de ces activités.
Afin d'éviter ce genre de responsabilité,
les administrateurs devraient :
- obtenir et examiner attentivement les lettres patentes de la société
et toutes lettres patentes supplémentaires au moment où
ils deviennent administrateurs de la société;
- obtenir et examiner attentivement les règlements administratifs
qui régissent actuellement les activités de la société;
- s'assurer que le conseil d'administration procède à un
examen de tous ces documents au moins une fois l'an.
Si la société envisage d'entreprendre de nouvelles activités
allant au-delà de ce qui est énoncé dans ses lettres
patentes, elle doit alors modifier sa mission. Cela se fait au moyen de
lettres patentes supplémentaires. Celles-ci doivent être obtenues
avant d'entreprendre toute nouvelle activité. Les lettres patentes
supplémentaires qui visent à modifier la mission de la société
ne peuvent être accordées de façon rétroactive.
Si une société à vocation caritative envisage de
modifier sa mission, le conseil d'administration doit d'abord obtenir
l'approbation de l'Agence des douanes et du revenu du Canada et, dans
le cas des oeuvres de bienfaisance constituées en vertu de la loi
ontarienne, celle du Bureau du Curateur public général.
Risque de responsabilité contractuelle pour les
administrateurs
Les administrateurs qui signent des contrats pour une société
sans but lucratif peuvent s'exposer à une responsabilité
éventuelle si les contrats conclus n'avaient été
dûment autorisés par une résolution du conseil, ou
si les administrateurs ont sciemment permis un manquement au contrat subséquemment
à sa signature. Afin de réduire ce risque, les administrateurs
devraient s'assurer que les contrats de la société ont été
dûment autorisés par le conseil d'administration, ou même
par les membres de la société si cela est requis par la
loi. Les administrateurs devraient aussi exercer une diligence raisonnable
en s'assurant que les conditions des contrats sont respectées afin
d'éviter toute allégation d'intervention fautive de leur
part en vue d'inciter au non-respect d'un contrat.
Risques de responsabilité pour mauvaise gestion
négligente
Les administrateurs des sociétés sans but lucratif
peuvent aussi s'exposer à une responsabilité personnelle
lorsque les activités de la société sont présumées
avoir été gérées de façon négligente
par le conseil d'administration. Voici quelques exemples de mauvaise gestion
par négligence : les administrateurs ont permis que prévalent
des conditions non sécuritaires dans les installations de la société,
lesquelles provoquent une glissade et une chute; ou encore, ils ont permis
la conduite négligente d'un véhicule de la société
ou d'un autre véhicule utilisé dans le cadre des activités
de la société.
Les administrateurs doivent exercer une diligence raisonnable en s'assurant
que, dans les situations où les préjudices subis par des tiers
peuvent être entièrement ou partiellement imputables à
une politique du conseil, ou découler directement de la conduite
de membres du conseil, ils aient examiné attentivement les conséquences
possibles de leurs actes ou de leur inaction.
Sélection
Un certain nombre de causes retentissantes portées devant
des tribunaux contre des sociétés sans but lucratif ces
dernières années concernaient des allégations d'abus.
Les allégations les plus fréquentes portent sur des abus
sexuels et la violence physique ou psychologique. Jusqu'à maintenant,
ces causes ont mis en relief la responsabilité de la société
plutôt que celle des administrateurs. Toutefois, les administrateurs
doivent se préoccuper de la fréquence de ces allégations
pour deux raisons :
- les dommages-intérêts découlant des allégations
d'abus peuvent entraîner la faillite, l'insolvabilité ou
l'épuisement des ressources d'une société au point
où celle-ci ne pourra plus fonctionner à toutes fins pratiques;
- lorsque l'abus est partiellement attribuable à une politique
de la société ou s'est produit dans des circonstances
qui impliquaient une participation directe des administrateurs, ces
derniers peuvent être tenus personnellement responsables.
Pour ces raisons, dans une société qui traite avec des
clients ou d'autres personnes vulnérables à un abus, par
exemple des enfants, une politique ou un protocole de sélection
devrait être mis en place. Une stratégie de sélection
peut aussi être appliquée afin de réduire d'autres
risques de responsabilité comme la fraude ou le vol.
Un processus de sélection approprié comportera, au minimum,
les éléments suivants :
- l'évaluation du risque (déterminer la nature et l'étendue
du risque);
- l'adoption de mesures raisonnables à prendre dans les circonstances
(à la lumière de l'évaluation du risque, de la norme
de diligence requise, des coûts, etc.);
- l'application systématique de la procédure de sélection
(évaluer de la même façon toutes les personnes qui
occupent ou qui postulent une fonction particulière);
- l'intégration des résultats de la sélection dans
la prise de décision;
- des mesures de contrôle appropriées de l'information recueillie
dans le cadre du processus de sélection;
- l'évaluation continue de l'efficacité et de la mise
en oeuvre de ce processus;
- la vérification du dossier criminel, lorsque cela s'avère
approprié.
Au moment d'élaborer un processus de sélection, on devrait
obtenir un avis juridique pour s'assurer que la politique ou le protocole
respecte les exigences des lois relatives à la protection de la
vie privée et aux droits de la personne, des lois du travail et
d'autres textes de loi.
Les sociétés sans but lucratif devraient obtenir le consentement
des employés et des candidats actuels et éventuels afin
de procéder à une vérification de leur dossier criminel
avant de leur permettre de travailler auprès d'enfants et d'autres
personnes vulnérables à un abus. La vérification
du dossier criminel devrait être complétée par d'autres
moyens de vérification des antécédents et de la fiabilité
de ces personnes.
Les sociétés qui traitent avec des personnes ou des groupes
vulnérables devraient adopter par écrit et appliquer des
politiques sur l'abus et le harcèlement sexuel en abordant explicitement
des questions telles que la sélection, les procédures de
rapport et les mesures disciplinaires. Des politiques écrites permettent
de démontrer que la société et ses administrateurs
ont fait preuve de diligence raisonnable en ce qui a trait à l'abus
potentiel des enfants et d'autres clientèles à risque.
Demander de l'aide et des conseils
Les administrateurs des sociétés sans but lucratif
sont tenus d'exercer une diligence raisonnable au moment de prendre des
décisions au sujet des opérations de la société
et de la gestion de ses avoirs. Cependant, le conseil d'administration
ne possède pas toujours toutes les connaissances, les compétences
et l'expérience requises pour s'acquitter pleinement des devoirs
qui lui incombent en vertu de la législation ou de la common law.
Souvent, il doit compter sur l'aide et les conseils des gestionnaires
de la société et sur les avis de professionnels de l'extérieur.
Compter sur les gestionnaires
Les administrateurs des sociétés sans but lucratif
ont le droit de se fier aux conseils et à l'aide des gestionnaires
de la société dans la mesure où il est prudent pour
eux d'agir ainsi. Le conseil d'administration peut déléguer
la conduite des affaires courantes de la société aux gestionnaires,
mais les administrateurs doivent en demeurer responsables. Ils doivent
maintenir une supervision et un contrôle adéquats sur les
décisions et les initiatives des gestionnaires. La délégation
des responsabilités ou le fait de compter sur les conseils et la
collaboration des gestionnaires ne soustrait pas les administrateurs à
leurs responsabilités. Il est donc important que le conseil d'administration
reçoive et examine des rapports en provenance des gestionnaires à
chaque réunion du conseil.
Recours à des professionnels de l'extérieur
Les administrateurs de sociétés sans but lucratif,
et notamment les sociétés à vocation caritative,
doivent souvent obtenir des avis de professionnels de l'extérieur
(avocats, comptables, fiscalistes, etc.). Ces professionnels sont habituellement
appelés à intervenir lorsque la complexité d'une
question ou le degré de responsabilité en cause va au-delà
de ce que le conseil est en mesure de gérer lui-même de façon
compétente. De fait, il est souvent plus prudent de retenir les
services de professionnels externes parce que :
- L'exploitation d'une société sans but lucratif, notamment
une société à vocation caritative, fait surgir
des questions de droit, de comptabilité et de fiscalité
complexes. Lorsque ni le conseil d'administration ni les gestionnaires
de la société ne possèdent des connaissances suffisantes
sur ces questions, le conseil a alors le devoir de demander de l'aide
et des avis pour garantir la conformité aux lois applicables
et aux devoirs de common law qui lui sont imposés.
- La société et son conseil d'administration pourront
plus efficacement « écarter le risque juridique »,
pour la société et eux-mêmes, en transférant
ces risques à des professionnels de l'extérieur qui seront
vraisemblablement protégés par une assurance-responsabilité
professionnelle.
- Le recours à des professionnels de l'extérieur constitue
une preuve de diligence raisonnable de la part des administrateurs et
peut les aider à se protéger contre la responsabilité.
Au moment de faire appel à des professionnels de l'extérieur,
le conseil d'administration d'une société sans but lucratif
doit :
- s'assurer que les professionnels sélectionnés sont qualifiés;
- s'assurer que ces professionnels ont reçu des instructions et
un mandat appropriés;
- faire preuve de prudence en exigeant des rapports sur le travail exécuté
par ces professionnels et en décidant de donner suite, ou non,
aux conseils de ces professionnels (le simple fait d'obtenir des rapports
de l'extérieur et de les accepter sans en évaluer la pertinence
ou le bien-fondé n'est pas suffisant pour s'acquitter des devoirs
qui incombent à un administrateur).
Les membres du conseil qui sont eux-mêmes des professionnels ne
devraient pas être invités à donner un avis professionnel
à la société. Pour des raisons tant économiques
que pratiques, on devrait éviter de le faire :
- Cela n'est pas équitable pour les administrateurs concernés
parce qu'il est peu probable qu'ils puissent réclamer le plein
montant des honoraires correspondant à leurs services. Si la
société est un organisme de bienfaisance ayant des activités
en Ontario, la loi interdit à ses administrateurs de réclamer
des honoraires pour leurs services.
- Les autres administrateurs pourraient hésiter à remettre
en question l'opinion professionnelle d'un collègue. Si cette opinion
s'avère mal fondée, il pourrait être délicat
et désagréable de tenir un collègue administrateur
responsable de négligence en raison de l'avis qu'il a donné.
Cela est notamment vrai lorsque l'administrateur en question voulait
uniquement agir à titre de bénévole non rémunéré
en donnant son avis.
INDEMNISATION
Considérations générales
L'indemnisation est une entente en vertu de laquelle la société
s'engage à assumer le coût ou à dédommager les
administrateurs des pertes ou des dommages-intérêts découlant
d'actions en justice qui visent des actes ou l'inaction d'un administrateur
dans l'exercice de ses fonctions. L'engagement à assumer ces coûts
doit être énoncé dans les règlements administratifs
de la société. L'indemnisation englobe habituellement les
coûts de la défense contre une action en justice. La protection
peut ou non s'étendre aux situations ou le plaignant a gain de
cause et l'administrateur trouvé coupable; cependant, il n'y aura
habituellement pas d'indemnisation dans les situations où un acte
a été posé de façon illégale.
Ensemble des sociétés sans but lucratif
Dispositions de la législation fédérale
La Loi sur les corporations canadiennes2
permet à une société sans but lucratif d'adopter
un règlement administratif pour indemniser les administrateurs et
les dirigeants de la société contre tous les coûts
découlant d'une action ou d'une procédure judiciaire se
rapportant à l'exécution des tâches que comporte leur
fonction. Cela ne s'applique pas aux actions en justice qui font suite
à une négligence ou à un manquement délibéré
de la part d'un administrateur ou d'un dirigeant.
Il est avantageux et recommandé d'adopter un règlement administratif
sur l'indemnisation. Cependant, un tel règlement aura peu d'utilité
dans les situations suivantes :
- la société n'a pas d'avoirs suffisants ou de protection
d'assurance pour couvrir les obligations financières liées
à l'indemnisation;
- les actes posés par l'administrateur ou le dirigeant sortaient
du cadre de ses attributions à titre d'administrateur, ou l'administrateur
a agi de mauvaise foi ou de façon malhonnête;
- les actes ou l'inaction d'un administrateur ou d'un dirigeant constituent
une négligence ou un manquement délibéré;
- les actes ou l'inaction d'un administrateur ou d'un dirigeant constituent
un manquement à ses obligations fiduciaires envers la société,
même si cela n'est pas considéré comme une négligence
ou un manquement délibéré;
- un administrateur ou un dirigeant est tenu personnellement responsable
du paiement d'un montant prévu par la loi, par exemple au titre
des salaires impayés ou des retenues à la source destinées
au gouvernement;
- un administrateur ou un dirigeant est impliqué dans une infraction
en vertu du Code criminel, par exemple un abus sexuel contre
des enfants ou une infraction aux dispositions de la Loi anti-terroriste
(Canada).
Même si la Loi sur les corporations canadiennes permet
aux sociétés sans but lucratif d'indemniser leurs administrateurs
et dirigeants, certaines sociétés n'adoptent pas de règlement
administratif sur la question de l'indemnisation. D'autres négligent
de veiller à ce qu'un tel règlement soit adopté de
façon appropriée. Cela est habituellement attribuable aux
raisons suivantes :
- la société existe depuis déjà un certain
nombre d'années et son conseil d'administration n'a jamais été
informé de l'importance d'adopter un règlement administratif
sur la question de l'indemnisation;
- le libellé du règlement traitant de l'indemnisation reflète,
à tort, la clause d'indemnisation applicable aux sociétés
commerciales, plutôt que les dispositions sur l'indemnisation énoncées
dans la Loi sur les corporations canadiennes pour les sociétés
sans but lucratif3;
- le règlement sur l'indemnisation n'a jamais été
approuvé par les membres de la société comme l'exige
la Loi sur les corporations canadiennes.
Dispositions de la législation provinciale
En Ontario, la Loi sur les personnes morales (Ontario)4
permet aux sociétés sans but lucratif d'adopter un règlement
sur l'indemnisation dont la forme ressemble à celui figurant dans
la Loi sur les corporations canadiennes. En vertu de
la Loi sur les personnes morales (Ontario) et des lois
similaires des autres provinces, une société peut indemniser
ses administrateurs et dirigeants contre la responsabilité personnelle
découlant d'un acte ou d'une omission dans l'accomplissement de
leurs devoirs. Cependant, en Ontario, une société sans but
lucratif ne peut indemniser un administrateur ou un dirigeant contre la
responsabilité lorsqu'il n'a pas agi honnêtement ou de bonne
foi en s'acquittant de ses devoirs.
Au Québec, la Loi sur les compagnies permet l'indemnisation
des administrateurs « avec le consentement de la compagnie donné
à toute assemblée générale » pour les
coûts, les frais et les dépenses engagés en rapport
avec une action ou une procédure intentée contre eux et
portant sur l'exécution de leurs devoirs ou des affaires se rattachant
à leur fonction, si la faute n'est pas en cause5.
Ce règlement administratif peut être pris soit à l'égard
d'un acte en particulier soit en vue d'une application plus générale.
En pratique, un règlement général prévoyant
l'indemnisation obligatoire est préférable. Cela évite
que les administrateurs soient à la merci des membres du conseil
lorsqu'ils ont besoin d'être indemnisés sur une question particulière.
Parfois, les lois provinciales prévoient l'indemnisation dans
le cadre de la procédure judiciaire, ainsi/plutôt que par
règlement.
À titre d'exemple, la Societies Act (Colombie-Britannique)
requiert l'approbation du tribunal pour qu'il y ait indemnisation. Elle
exige aussi l'honnêteté et la bonne foi et - dans certains
contextes - des motifs raisonnables de croire que la conduite était
légitime. Le paragraphe 30(2) de la Loi précise ce qui suit
(traduction) :
Une société peut, avec l'approbation du tribunal,
indemniser un administrateur ou un ancien administrateur de la société,
ou un administrateur ou un ancien administrateur d'une filiale de
la société, ainsi que ses héritiers et représentants
personnels, contre tous les coûts, frais et dépenses,
y compris un montant versé en règlement d'une action
ou pour satisfaire un jugement, réellement et raisonnablement
engagés par lui ou elle, dans une action ou une procédure
de nature civile, pénale ou administrative à laquelle
il était partie en sa qualité d'administrateur, y
compris une action intentée par la société
ou sa filiale si :
- il a agi honnêtement et de bonne foi, au mieux des intérêts
de la société ou de sa filiale dont il est administrateur
et
- dans le cas d'une poursuite ou d'une procédure de nature
pénale ou administrative, il a des motifs raisonnables
de croire que sa conduite était légitime.
|
Les administrateurs des sociétés sans but lucratif doivent
déterminer avec précision quelles dispositions en matière
d'indemnisation s'appliquent, le cas échéant, dans la sphère
de compétence où elles sont établies.
NOTE
Les commentaires suivants traitent à la fois de l'indemnisation
et de l'assurance; voir ci-dessous pour un examen des aspects plus
généraux de l'assurance.
|
Sociétés à vocation caritative
Le Bureau du Curateur public général de l'Ontario
a adopté la position qu'une société à vocation
caritative en Ontario ne peut indemniser ses administrateurs ou acheter
de l'assurance-responsabilité pour ses administrateurs et ses dirigeants
sans avoir d'abord obtenu l'approbation du tribunal. Le raisonnement sous-jacent
est que ces mesures sont perçues comme des avantages pour les administrateurs.
Ce prolongement de la règle de common law interdisant toute rémunération
des administrateurs des sociétés à vocation caritative
s'est révélé une restriction gênante pour le
fonctionnement de ces sociétés.
En conséquence, la Loi sur la comptabilité des
oeuvres de bienfaisance a été modifiée pour
y inclure un règlement qui permet à une société
à vocation caritative en Ontario d'indemniser ses administrateurs
et ses dirigeants contre la responsabilité personnelle pour des
actes ou des omissions liés à l'exécution de leurs
tâches. Les oeuvres de bienfaisance doivent se conformer aux exigences
du règlement et ne peuvent indemniser un administrateur contre la
responsabilité découlant d'un manquement à son devoir
d'agir honnêtement et de bonne foi.
Le même règlement permet aux oeuvres de bienfaisance d'acheter
de l'assurance à l'intention des administrateurs et des dirigeants
pour couvrir leur responsabilité personnelle en rapport avec des
actes ou des omissions survenant dans l'exécution de leurs tâches.
Cependant, les conditions de l'assurance protégeant les administrateurs
et les dirigeants et les modalités du règlement sur l'indemnisation
ne peuvent entraver le droit d'un tiers d'intenter une poursuite en justice
contre un administrateur ou un dirigeant. Le règlement énonce
également que l'achat d'une police d'assurance ne doit pas gêner
indûment la poursuite des objets religieux, éducatifs, publics
ou de bienfaisance pour lesquels l'organisme possède des biens. Le
conseil d'administration doit tenir compte des critères suivants
avant d'accorder une indemnisation ou d'acheter de l'assurance à
l'intention des administrateurs et dirigeants de la société
:
- le degré de risque auquel peut être exposé un administrateur
ou un dirigeant (un organisme caritatif dont la vocation est de faire
de la recherche sera vraisemblablement moins à risque qu'un autre
engagé dans la prestation de services);
- si, en pratique, le risque ne peut être supprimé ou sensiblement
réduit par des moyens autres que l'indemnisation ou l'assurance
(par exemple l'oeuvre de bienfaisance de bienfaisance peut-elle instituer
des procédures ou désigner un membre du personnel pour
surveiller ce risque et intervenir au besoin);
- si le montant ou le coût de l'assurance est raisonnable en relation
avec le risque;
- si le coût de l'assurance est raisonnable en relation avec les
recettes de l'organisme;
- si le fait d'accorder une indemnisation ou d'acheter de l'assurance
facilite l'administration et la gestion des biens destinés à
des fins de bienfaisance.
Le règlement précise qu'une oeuvre de bienfaisance ne peut
verser une indemnisation ou acheter de l'assurance s'il s'ensuit que le
montant des dettes et du passif de la société dépassera
la valeur des biens destinés à des fins caritatives ou rendra
la société insolvable. De plus, l'indemnisation ne peut
être versée ou l'assurance achetée qu'à même
les biens de bienfaisance auxquels est liée la responsabilité
personnelle et non à même tout autre bien destiné à
des fins caritatives. Cela signifie que le revenu provenant des fonds
conditionnels des donateurs, par exemple les fonds de dotation, qui n'engendrerait
normalement pas la responsabilité d'un administrateur ou d'un dirigeant
ne devrait pas servir à acheter de l'assurance-responsabilité
ou à indemniser des administrateurs ou des dirigeants contre une
réclamation. Le détournement de ces sommes à des
fins d'indemnisation ou d'assurance pourrait être contesté
comme étant une utilisation de biens de bienfaisance à des
fins non appropriées.
Pour les oeuvres de bienfaisance constituées en vertu de la loi
fédérale et dans les provinces de common law autres que
l'Ontario - où cette question est abordée dans la législation
- la question de savoir si l'indemnisation ou l'assurance constitue un
avantage pour les administrateurs de l'organisme n'a pas encore été
réglée. Dans ces sphères de compétence, si de
telles mesures ne sont pas inappropriées, elles peuvent à
tout le moins être contestées sauf si elles ont été
sanctionnées par un tribunal. Puisque le Québec est assujetti
au droit civil, la question ne se pose pas dans cette province.
ASSURANCE
Considérations générales
Les conseils d'administration devraient envisager d'obtenir une
ou plusieurs des diverses formes d'assurance disponibles, selon les activités
et les ressources de leur société.
Ensemble des sociétés sans but lucratif
Assurance-responsabilité pour les administrateurs
et les dirigeants
La police d'assurance-responsabilité générale
d'une société sans but lucratif n'offre qu'une protection
limitée aux administrateurs et aux dirigeants contre une allégation
d'actes fautifs. Ce genre de police, couramment acquise par les sociétés,
offre habituellement une protection contre les réclamations qui
surviennent dans le cadre des activités de l'organisation.
Une société ayant des activités qui pourraient
exposer les administrateurs et les dirigeants à une responsabilité
personnelle devrait acquérir une police d'assurance distincte pour
ses administrateurs et dirigeants en supplément de l'assurance-responsabilité
générale qu'elle possède. Les polices d'assurance-responsabilité
pour les administrateurs et les dirigeants protègent habituellement
ces derniers contre les réclamations découlant des décisions
ou des omissions du conseil, ou encore des actes ou des activités
exécutés directement sous la gouverne du conseil d'administration.
Lorsque les administrateurs et les dirigeants agissent à titre
de fiduciaires, les réclamations visant cet aspect de leur travail
ne sont pas couvertes par l'assurance-responsabilité habituelle
des administrateurs et des dirigeants. Une police d'assurance « responsabilité
fiduciaire » est requise pour les protéger contre ce genre
de réclamations.
Il y a autant de catégories de polices d'assurance-responsabilité
pour les administrateurs et les dirigeants qu'il y a de compagnies d'assurance.
Habituellement, ces polices protègent les administrateurs et les
dirigeants des sociétés sans but lucratif contre les réclamations
suivantes :
- les dommages-intérêts qu'ils deviennent légalement
obligés de verser et que la société ne paiera pas
ou ne pourra payer;
- les réclamations contre un administrateur ou un dirigeant que
la société est obligée d'indemniser.
Voici certaines des considérations les plus importantes à
garder à l'esprit au moment d'acquérir une assurance-responsabilité
pour les administrateurs et les dirigeants :
- La police devrait couvrir tous les administrateurs, dirigeants et
membres de comités, passés et présents, de la société.
- Les polices d'assurance pour les administrateurs et les dirigeants
sont habituellement émises « sur la base des réclamations
». Cela signifie que la société doit aviser l'assureur
avant la fin de la période visée par la police de toute
réclamation possible ou éventuelle contre des administrateurs
et des dirigeants de la société.
- La police devrait inclure une disposition prévoyant que l'avis
de l'annulation de la police soit envoyé non seulement à
la société, mais aussi au président du conseil
d'administration. Cela garantira que le conseil soit avisé de
toute annulation envisagée de la police.
- L'assurance-responsabilité pour les administrateurs et les
dirigeants vient en complément de la protection générale
d'assurance-responsabilité de la société sans but
lucratif. Par conséquent, le montant de la protection devrait,
si possible, correspondre à celui de la police d'assurance-responsabilité
générale, en supposant que cette protection est disponible
et que la société sans but lucratif peut se permettre
de défrayer les primes.
- Une police d'assurance-responsabilité pour les administrateurs
et les dirigeants couvre les risques qui ne sont pas assurés
en vertu de la police d'assurance-responsabilité générale,
mais elle ne couvre pas toutes les actions pouvant être intentées
contre les administrateurs et les dirigeants. Par conséquent,
il est important que les administrateurs prennent connaissance des exclusions
que comporte la protection et, si cela est possible, d'envisager d'obtenir
toute protection additionnelle requise (comme une police d'assurance-responsabilité
fiduciaire).
- L'assurance-responsabilité pour les administrateurs et les
dirigeants d'une société sans but lucratif ne couvrira
probablement pas les poursuites que pourraient intenter des autorités
publiques pour abus de confiance par suite d'une mauvaise gestion des
fonds en fiducie, de placements non appropriés, d'infractions
à la Loi antiterroriste ou toute autre infraction
à des lois.
Restrictions de la protection de l'assurance-responsabilité
générale
Les polices d'assurance-responsabilité générale
renferment souvent des restrictions à la protection accordée.
Les administrateurs d'une société sans but lucratif devraient
examiner leur protection générale contre la responsabilité
et connaître toute restriction qui s'applique. Parmi celles-ci, il
y a :
- un montant d'assurance insuffisant pour couvrir tous les risques anticipés;
- l'exclusion de la protection pour les abus sexuels et/ou la violence
physique envers des enfants;
- l'exclusion de la protection pour le harcèlement sexuel;
- des restrictions relatives à la région couverte par
la police;
- des restrictions quant aux personnes couvertes en vertu des modalités
de la police;
- l'exclusion de la couverture pour les peines et les amendes;
- des restrictions relatives à la couverture des frais juridiques;
- l'exclusion de la couverture lorsque la société a omis
d'aviser l'assureur des changements survenus dans les risques assurables;
- l'exclusion de la couverture lorsque la société a omis
de déclarer des réclamations à l'assureur dans
un délai raisonnable.
Couverture de l'assurance pour abus et/ou harcèlement
sexuel
Si la police d'assurance actuelle de la société sans
but lucratif ne renferme pas une protection pour les cas d'abus et/ou
de harcèlement sexuel, mais que la société est exposée
à un risque à cet égard, le conseil d'administration
doit être informé de cette absence de couverture. Les administrateurs
peuvent courir un risque important d'être tenus personnellement responsables
dans l'éventualité d'une telle réclamation.
Lorsqu'une protection d'assurance pour les cas d'abus et/ou de harcèlement
sexuel est disponible, il serait avisé de l'obtenir, « sur
la base des événements » plutôt que « sur
la base des réclamations ».
Les polices émises « sur la base des événements
» fournissent une protection pour tous les incidents qui surviennent
au cours d'une période donnée (la période de couverture
de la police), peu importe le moment auquel la réclamation est
présentée et nonobstant qu'un futur conseil d'administration
se rappelle ou non de la nécessité de maintenir cette police
d'assurance.
Par contre, les polices émises « sur la base des réclamations
» n'offrent une protection que si la police est en vigueur au moment
où la réclamation est présentée, peu importe
la date de l'événement à l'origine de la réclamation.
Une telle police n'est pas rétroactive. Cela signifie que les réclamations
pour les allégations d'abus commis avant la date d'entrée
en vigueur de la protection « sur la base des réclamations
» seraient expressément exclues de la couverture de la police.
Cela peut entraîner des lacunes dans la protection d'assurance pour
des incident passés ou futurs, ce qui pourrait aggraver le risque
de responsabilité auquel sont exposés les administrateurs
de la société.
En résumé, il est généralement dans l'intérêt
du conseil d'administration de s'assurer que la société
dispose d'une police d'assurance pour les cas d'abus et/ou de harcèlement
sexuel et, si possible, que cette police soit négociée «
sur la base des événements ».
Sociétés à vocation caritative
Tous les commentaires qui précèdent au sujet de l'assurance
pour les sociétés sans but lucratif s'appliquent également
aux sociétés à vocation caritative, sauf pour l'achat
des polices d'assurance-responsabilité à l'intention des
administrateurs et des dirigeants. En Ontario, comme nous l'avons expliqué
précédemment, le Bureau du Curateur public général
a adopté la position que l'achat d'une assurance-responsabilité
pour les administrateurs et les dirigeants par une société
à vocation caritative conférait un avantage personnel aux
administrateurs. Cependant, le règlement en vertu de la Loi sur
la comptabilité des oeuvres de bienfaisance (Ontario)
permet maintenant aux sociétés à vocation caritative
d'acheter de l'assurance à l'intention des administrateurs et des
dirigeants, pourvu que ces derniers se conforment aux exigences énoncées
dans le règlement. (Pour un résumé du règlement
ontarien et une analyse des dispositions législatives en vigueur
dans d'autres sphères de compétence, veuillez consulter la
rubrique Sociétés à vocation caritative
de la section du présent chapitre traitant de l'indemnisation.)
PROTECTION D'ORIGINE LÉGISLATIVE
Considérations générales
Dans une large mesure, les administrateurs des sociétés
sans but lucratif ne bénéficient pas de la même protection
législative que leurs homologues des sociétés commerciales.
La Loi sur les corporations canadiennes n'offre qu'un
nombre limité de mécanismes de protection législatifs
aux administrateurs des sociétés sans but lucratif. Ces
mécanismes sont décrits ci-dessous.
Protection contre la responsabilité civile en matière
de contrat
En vertu de la Loi sur les corporations canadiennes6,
les administrateurs et les dirigeants d'une société sans
but lucratif ne sont pas, dans le cours normal des affaires, assujettis
à une responsabilité personnelle à l'égard
de tiers lorsqu'ils concluent un contrat, un accord ou un engagement avec
une autre entité, aussi longtemps qu'ils agissent dans le cadre
de leurs attributions à titre de représentants ou d'employés
de la société. (À noter, toutefois, que dans ces transactions,
l'article 27 de la Loi tient les administrateurs éventuellement
responsables dans les circonstances où l'identification de la société
est inexacte ou incomplète dans l'instrument écrit de la transaction.)
Protection à l'égard des conflits d'intérêts
Les administrateurs des sociétés sans but lucratif
ont le devoir d'éviter de se placer en conflit d'intérêts
et même d'une apparence de conflit d'intérêts. Cela signifie
que si un administrateur profite directement ou indirectement de ses transactions
avec la société sans but lucratif, ou de la fonction qu'il
y occupe, il violera sa responsabilité fiduciaire et sera tenu
de rendre des comptes à la société pour les avantages
ainsi reçus. Cependant, la Loi sur les corporations canadiennes
a assoupli cette règle de common law en permettant aux administrateurs
de conclure des arrangements par ailleurs indus sans courir le risque
de manquer à son obligation fiduciaire.
La Loi sur les corporations canadiennes7
affirme que s'il y a conflit d'intérêts, l'administrateur
doit déclarer ce conflit à la réunion du conseil
d'administration et ne prendre part à aucune discussion ni à
aucun vote (voir le chapitre 2 pour un examen plus détaillé
de ces dispositions). Si ces exigences législatives sont respectées,
l'administrateur intéressé ne sera pas tenu de rendre compte
de l'avantage reçu et il ne sera pas responsable du bénéfice
touché dans le cadre de tout contrat dans lequel il détient
directement ou indirectement un intérêt lorsque ce contrat
a été confirmé par vote des membres à une
assemblée générale spéciale convoquée
à cette fin.
AUTRES MOYENS DE RÉDUIRE LE RISQUE DE RESPONSABILITÉ
Il y a un certain nombre d'autres mesures pratiques qu'un conseil d'administration
peut prendre afin d'atténuer le risque de responsabilité.
Voici quelques-unes des mesures les plus simples qui peuvent être
adoptées :
- Constituer un comité de gestion du risque juridique pour identifier
les aspects à risque, recommander des mesures correctives et,
de façon générale, donner des avis au conseil d'administration
sur la mise en place de procédures ou de mesures appropriées
pour établir la diligence raisonnable du conseil.
- Encourager les administrateurs à obtenir un avis juridique
indépendant dans les situations où ils pourraient courir
un risque élevé de responsabilité personnelle (par
exemple lorsque la société fait face à l'insolvabilité).
Cela permet aux administrateurs de déterminer de façon indépendante
le niveau de risque personnel qu'ils sont prêts à accepter.
- Réduire le nombre de personnes servant à titre de membres
du conseil d'administration (réduire la probabilité qu'une
mauvaise décision soit prise).
- Recourir davantage à des comités et à des conseils
consultatifs formés de personnes qui ne sont pas membres du conseil
(créer une structure qui augmente les ressources tout en diversifiant
la responsabilité pour la gestion de divers aspects des opérations
de la société).
- Transférer les avoirs personnels des membres du conseil à
leurs conjoints avant qu'ils ne joignent les rangs du conseil d'administration.
EXEMPLES DE QUESTIONS QUE LES ADMINISTRATEURS ACTUELS OU ÉVENTUELS
PEUVENT POSER À L'ORGANISATION
- Les politiques de la société sont-elles énoncées
par écrit et ont-elles été distribuées à
tous les membres du conseil?
- La société a-t-elle procédé à
une évaluation de ses risques juridiques? Quand cela a-t-il été
fait? Par qui?
- Les règlements administratifs de la société prévoient-ils
l'indemnisation des administrateurs?
- La société fait-elle tout ce qu'elle peut pour informer
les administrateurs au sujet de litiges possibles et de les protéger
dans cette éventualité?
- La société traite-t-elle régulièrement
avec des enfants ou d'autres groupes vulnérables? La société
a-t-elle mis en place une politique de sélection? Le cas échéant,
quelle est-elle et comment est-elle appliquée? La politique de
sélection prévoit-elle l'obtention du consentement des
personnes qui feront l'objet d'une vérification de sécurité?
La société dispose-t-elle d'une politique écrite
sur l'abus sexuel?
- La société a-t-elle acquis une police d'assurance adéquate
pour couvrir la responsabilité éventuelle? À quelle
fréquence la protection d'assurance fait-elle l'objet d'un examen?
Par qui?
- La société a-t-elle acquis une assurance-responsabilité
à l'intention de ses administrateurs et dirigeants? Quelle est
la protection offerte et quelles sont les exclusions?
EXEMPLES DE QUESTIONS QUE LES ADMINISTRATEURS ACTUELS OU ÉVENTUELS
PEUVENT SE POSER À EUX-MÊMES
- Ai-je lu et compris toutes les politiques de la société?
- Est-ce que je comprends tous les risques légaux auxquels peut
être exposée la société?
- Est-ce que je comprends les risques légaux auxquels je suis
exposé en qualité d'administrateur d'une société
sans but lucratif?
- Suis-je informé de la façon de limiter ma responsabilité
à titre d'administrateur d'une société sans but
lucratif?
- Ai-je l'assurance que les méthodes de sélection de
la société sont adéquates compte tenu de la nature
de ses activités?
- Est-ce que je comprends la protection d'assurance qui est en place
pour la société et ses administrateurs?
- Est-ce que je comprends ce qui est couvert et ce qui ne l'est pas?
LISTE DE VÉRIFICATION - PROTECTION CONTRE LE RISQUE
SUJET
|
RESPONSABILITÉ
|
FRÉQUENCE
|
COMMENTAIRES
|
1. Diligence raisonnable
|
Ensemble du conseil
|
Annuellement et/ou au moment de la décision ou de la transaction
|
Les exigences relatives à la diligence raisonnable ont-elles
été respectées avant qu'une décision
particulière ne soit prise ou qu'une transaction particulière
ne soit conclue?
|
2. Sélection
|
Ensemble du conseil
|
Annuellement
|
Les méthodes de sélection de la société
sont-elles adéquates à la lumière de ses activités
actuelles? Quel est le mécanisme de surveillance de l'application
des modalités de sélection et celui-ci est-il adéquat?
|
3. Compter sur les gestionnaires
|
Ensemble du conseil
|
Annuellement
|
Y a-t-il une supervision adéquate et régulière
des gestionnaires à la lumière des responsabilités
qui leur ont été déléguées?
|
4. Recours à des spécialistes
|
Ensemble du conseil
|
Au moment de la décision ou de la transaction
|
Le Conseil est-il satisfait des titres de compétence du
spécialiste et de la qualité du travail ou des avis
fournis? Le conseil a-t-il étudié attentivement l'avis
du spécialiste avant de prendre une décision indépendante
sur la question?
|
5. Indemnisation
|
Ensemble du conseil
|
Annuellement
|
Les règlements administratifs de la société
prévoient-ils l'indemnisation et celle-ci est-elle conforme
aux exigences de la législation sur la constitution en société?
Si la société est une oeuvre de bienfaisance, l'indemnisation
est-elle permise par la loi ou doit-elle être autorisée
par un tribunal? Sinon, quelles mesures (p. ex. l'obtention d'un
avis juridique) la société a-t-elle prises avant d'offrir
une indemnisation?
|
6. Assurances générales
|
Ensemble du conseil
|
Annuellement
|
La société a-t-elle une protection d'assurance adéquate
et convenable en regard de son mandat et de ses activités?
Quelle est la portée et quelles sont les restrictions des
polices d'assurance qu'elle a contractées?
|
7. Assurance-responsabilité pour les administrateurs et
les dirigeants
|
Ensemble du conseil
|
Annuellement
|
La protection d'assurance s'étendelle au travail des comités
auxquels participent des membres du conseil et/ou au travail des
comités dont les membres ne font pas partie du conseil? S'étend-elle
aux personnes qui pourraient intervenir dans la gouvernance de la
société même si elles ne siègent pas à
titre de membre du conseil - par exemple des membres de conseils
consultatifs? Sinon, une assurance est-elle nécessaire et
prévue pour ces situations?
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8. Autres mesures visant à atténuer la responsabilité
|
Ensemble du conseil et administrateurs à titre individuel
|
Annuellement
|
Les administrateurs, collectivement et individuellement, ont-ils
pris toutes les mesures possibles pour limiter leur risque de responsabilité?
|
* B.A., LL.B. Le cabinet
de monsieur Carter, Carter & Associates (www.charitylaw.ca)
est établi à Orangeville, en Ontario. Il agit à titre
de conseilller juridique auprès du cabinet Fasken, Martineau, DuMoulin
LLP, à Toronto. L'auteur tient à souligner la collaboration
précieuse de Jacqueline Connor, associée au sein du cabinet
Carter & Associates, qui a révisé le présent
chapitre, ainsi que de Wen Wu, étudiant en droit, pour son aide
au niveau de la recherche.
|