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Étude sur les services juridiques au Nunavut

Rapport définitif

16 octobre 2002

  1. 3.0 PRESTATION DES SERVICES : DEMANDE, STRUCTURE ET QUALITÉ
    1. 3.2 INCIDENCE DE LA GÉOGRAPHIE
    2. 3.3 INCIDENCE DE LA CULTURE
    3. 3.4 SOMMAIRE DE LA SECTION 3.0

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3.2 INCIDENCE DE LA GÉOGRAPHIE

Les répondants ont signalé diverses répercussions des facteurs géographiques sur la prestation des services juridiques au Nunavut.

  • En raison de la distance entre les collectivités, les avocats salariés peuvent difficilement arriver d'avance pour se préparer avec les clients. Lorsqu'il y a plus d'une collectivité à l'horaire de la cour de circuit, une telle préparation n'est possible que dans la première collectivité de la tournée, puisque, après, l'avocat se déplacera par vol nolisé avec les autres membres de la cour. Les distances que suppose le déplacement au Nunavut, liées au faible volume de passagers, ont des répercussions énormes sur le coût de la prestation des services d'aide juridique.
  • Le rude climat arctique entraîne souvent des retards et des annulations de vol, ce qui perturbe les visites dans la collectivité et la capacité d'instruire toutes les causes portées au rôle une fois là-bas.
  • La rareté de vols réguliers reliant les collectivités à l'extérieur des centres régionaux et la fréquence limitée des vols à destination des petites collectivités influent sur le coût de déplacement et la possibilité de l'avocat d'arriver dans la collectivité assez tôt pour se préparer avec ses clients. De plus, cette situation a une incidence sur la perception que se font les gens de l'indépendance des fournisseurs de services d'aide juridique, car ceux-ci doivent souvent voyager sur les mêmes vols nolisés que les autres membres du personnel de la cour.
  • La lourde charge de travail et l'horaire serré liés à ces facteurs géographiques nuisent à la capacité des avocats de faire une recherche juridique ou d'interroger les clients et les témoins, ce qui risque de se faire à la hâte, sans les ressources appropriées.
  • En raison de la petite taille de la population du Nunavut et du fait qu'il compte 28 collectivités très dispersées, il n'y a qu'un seul centre correctionnel, à Iqaluit. Les prisons des postes de police communautaires sont petites et inadéquates pour l'incarcération à long terme. Donc, si une personne se voit refuser une mise en liberté sous caution, elle sera transférée, par avion, à Iqaluit jusqu'au moment de subir son procès. On la renverra alors, par avion, dans sa collectivité. Si elle est reconnue coupable et condamnée à l'emprisonnement, elle devra être transportée à nouveau par avion à Iqaluit pour y purger sa peine. Le nombre de déplacements entraîne des coûts pour le système et a des effets négatifs sur les clients. En les retirant de leur collectivité, on les coupe de leurs amis et de leur famille, qui ne pourront sans doute pas les visiter pendant qu'ils seront à Iqaluit.
  • Les répondants ont aussi observé qu'il peut être démoralisant pour les accusés de se trouver en détention préventive avant leur première comparution, souvent très loin de leur collectivité. En soi, cette situation risque de faire en sorte que les accusés abandonnent et prennent toutes les mesures nécessaires pour mettre fin à cette épreuve le plus rapidement possible, dans l'espoir de retourner chez eux.
  • L'absence d'huissiers et de shérifs dans les collectivités moyennes du Nunavut constitue une difficulté particulière en ce qui concerne la signification des documents en temps opportun et de façon appropriée.
  • Les frais élevés de déplacement entraînent une séparation physique et émotive entre le client et son représentant. Par exemple, au civil, bien souvent l'affaire est traitée sans que le client ait eu l'occasion de rencontrer son avocat. En matière pénale, les clients sont fréquemment interrogés par téléphone lors des audiences de justification (sauf dans les centres régionaux), de même les avocats se voient maintes fois contraints à présenter des arguments par téléphone. Selon eux, il y a un net désavantage à ne pouvoir observer les expressions faciales et le langage corporel des participants dans le cadre d'une conférence téléphonique. Les participants sur place (habituellement la GRC et le juge de paix de la collectivité) ne sont pas désavantagés de cette façon.

Les facteurs géographiques du Nunavut posent aussi des problèmes d'infrastructure, comme de mauvaises lignes téléphoniques et un accès restreint à Internet pour faire des recherches ou communiquer. Récemment, un éditorialiste du Nunatsiaq News a fait observer que

[…] seuls les résidants d'Iqaluit, de Rankin Inlet, de Baker Lake et des cinq collectivités de la région de Kitikmeot bénéficient d'un accès Internet par ligne commutée. Dans les dix collectivités à l'extérieur d'Iqaluit qui remplissent les fonctions du gouvernement décentralisé, les fonctionnaires endurent une forme primitive d'accès par satellite tellement lente qu'elle est parfois inutilisable. Il n'y a rien pour les utilisateurs privés dans la plupart des collectivités, sauf les coûteux appels interurbains par modem en passant par les fournisseurs de services Internet du Sud. Nous sommes en 2002; c'est inacceptable. [traduction]

3.3 INCIDENCE DE LA CULTURE

Certains répondants ont reconnu que le système de justice du Nunavut s'efforce de s'adapter à la culture. On a donné comme exemples le recours à la déjudiciarisation, notamment les conférences avec des groupes de familles, les solutions de rechange à l'incarcération, la participation des aînés aux tribunaux ainsi que le récent projet de médiation familiale Inuusirmut Aqqusiuqtiit. Des répondants ont aussi indiqué que, sous la direction des conseils d'administration des cliniques régionales, la CSJN abordait très bien les questions culturelles.

Malgré tout, selon des répondants, quelques-uns des aspects de la culture et des dissociations culturelles continuent d'avoir une incidence négative sur la prestation des services juridiques et la capacité à représenter efficacement les clients. Voici quelques secteurs qui posent problème :

  • la langue;
  • les dissociations et les pressions culturelles;
  • l'alphabétisme et la scolarité.

La langue

L'anglais n'est pas la langue maternelle d'une grande proportion d'Inuits. Même si des services de traduction sont généralement offerts, il est souvent difficile de traduire et de comprendre le concept en cause ainsi que de trouver le mot juste pour le représenter. En guise d'illustration, un avocat de la défense chevronné a confié qu'il avait rarement rencontré des clients qui comprenaient réellement ce que signifiait « subir un procès ». Un mot ou un concept qui va de soi en anglais n'a pas facilement d'équivalent en inuktitut. La barrière linguistique est pire lorsque l'avocat travaille avec le client au téléphone et/ou lorsqu'il n'y a pas de conseiller parajudiciaire présent pour expliquer le mot et son sens au client en inuktitut. Le besoin de traduction requiert du temps et fait hausser les coûts. Dans certains cas, à cela s'ajoute des ressources humaines limitées : il n'y a qu'un traducteur, qui risque, avec la fatigue, de faire des erreurs.

L'inuktitut était la langue maternelle de 11 des 14 clients interviewés. Sur ces 11 personnes, 4 ont indiqué qu'elles étaient bilingues et qu'elles n'avaient pas de préférence quant à la langue de travail. Les 7 autres ont affirmé qu'elles préféraient travailler en inuktitut. Les quatre répondants bilingues ainsi que 3 autres personnes ont mentionné qu'ils pouvaient comprendre la procédure. Par contre, l'une de ces 3 personnes a insisté sur le fait qu'elle avait compris parce que le conseiller parajudiciaire avait pris le temps de lui donner des explications. Les 3 clients restants ont avoué ne pas avoir compris ce qui se passait à cause de la langue.

Dissociations et pressions culturelles

La culture inuite diffère à plusieurs égards de la culture canadienne du Sud, au point que cela rend difficile l'utilisation du système de justice :

  • Certaines stratégies de défense courantes sont difficiles à accepter culturellement pour les Inuits. Par exemple, un avocat a conseillé à son client de ne pas avouer son crime, car les preuves contre lui étaient minces. Le client était insulté que l'avocat lui suggère de ne pas assumer la responsabilité de ses actes.
  • Beaucoup d'Inuits sont exposés aux pressions subtiles des figures d'autorité et sont souvent impatients de régler le litige, même au prix d'abandonner leurs droits. Bon nombre d'Inuits sont connus pour leur impassibilité face à la confrontation.
  • Beaucoup de répondants ont signalé que les Inuites subissent souvent des pressions de leur propre famille afin qu'elles ne prennent pas de mesures contre leur mari, même dans des situations de violence extrême.
  • D'autres répondants ont exprimé leurs inquiétudes concernant le fait que certaines lois, notamment la notion « sans égard aux torts » de la Loi sur le divorce, se fondent sur des prémisses qui sont en désaccord avec les valeurs culturelles inuites de confession et d'acceptation de ses responsabilités.

Alphabétisme et scolarité

Même s'il ne s'agit pas exactement d'une question culturelle, certains répondants se demandent si l'analphabétisme, ou le faible niveau d'alphabétisme, en anglais et en inuktitut n'accroît pas la difficulté de fournir des services efficaces aux clients. L'alphabétisme est nettement lié au niveau de scolarité et, comme on en a fait état à la section 2.1, la population du Nunavut n'a généralement pas un niveau de scolarité élevé.

3.4 SOMMAIRE DE LA SECTION 3.0

Le tableau suivant résume les points importants de la section 3.0.

Tableau 3.2 : Sommaire de la section 3.0

Incidence de la structure des tribunaux
  • On estime généralement que la Cour de justice du Nunavut est bénéfique pour le territoire. Néanmoins, il y a une perception que le nombre de circuits et la durée du séjour dans une collectivité sont à la baisse.
  • La structure des tribunaux influe de diverses façons sur les clients, sur la nature des conseils et de l'aide juridiques et sur le mode de prestation et la qualité des services.
    • Les rôles des tribunaux sont longs, ce qui entraîne des contraintes de temps pour toutes les parties.
    • On recourt fréquemment à des juges suppléants, qui connaissent mal la collectivité et la culture. (On s'attend cependant à ce que ce problème soit atténué grâce à la récente nomination d'un troisième juge à la CJN.)
    • Le traitement d'affaires sensibles, comme les cas de violence conjugale et d'agression sexuelle, inquiète en raison de l'attitude des non-Autochtones du système de justice qui, par souci de tenir compte des différences culturelles, risquent de causer involontairement des difficultés aux femmes.
    • Les avocats ont de la difficulté à avoir accès à leurs clients, faute de temps et d'installations.
    • Tous les intervenants du système subissent des pressions pour éliminer des cas du rôle, ce qui ajoute au stress et réduit le temps que l'avocat peut passer avec ses clients.
    • Le nombre de reports et d'ajournements à la CJN est considéré comme trop élevé, et les délais, trop longs. Des données recueillies dans les rôles définitifs de la Cour indiquent que ce problème est surtout répandu dans la région de Baffin et que plus de la moitié de ces ajournements le sont pour des raisons normales qui surviendraient dans n'importe quel tribunal.
    • Les répondants perçoivent aussi les changements d'avocat comme étant trop fréquents. On croit que cela est attribuable à l'admissibilité présumée, pratique que les interviewés appuient par ailleurs. Il y a de deux à quatre fois plus d'inculpations couvertes par l'admissibilité présumée que celles couvertes à la suite d'une demande d'aide juridique.
    • Les cours des juges de paix n'ont pas pu prendre autant de travail de la CJN que ce qui était espéré, ce qui contribue à la pression à laquelle font face la CJN et les avocats
Incidence de la géographie
  • La distance entre les collectivités du Nunavut, conjuguée difficultés découlant du climat rigoureux et de l'absence de vols réguliers vers certaines collectivités, a une incidence sur la prestation des services juridiques et sur :
    • le temps de préparation;
    • l'accès aux collectivités;
    • la charge et l'horaire de travail une fois dans la collectivité;
    • l'accès aux établissements de détention préventive appropriés (Le seul centre correctionnel du Nunavut se trouve à Iqaluit.);
    • l'accès aux autres ressources humaines, dont des huissiers, des shérifs et des témoins experts;
    • l'état des infrastructures telles que les lignes téléphoniques et l'accès Internet.
Incidence de la culture
  • Selon les répondants, le système de justice s'efforce d'être plus sensible à la culture.
  • Cependant, la culture et les différences culturelles continuent à avoir une incidence négative sur la prestation des services. Parmi les enjeux principaux, on trouve les problèmes linguistiques, le rôle des aînés, les dissociations et les pressions culturelles ainsi que les faibles niveaux d'alphabétisme et de scolarité.
Incidence du manque de ressources humaines
  • Le manque de ressources humaines dans une des composantes du système juridique du Nunavut risque de déclencher une réaction en chaîne dans tout le système, avec des effets marqués sur la CSJN en particulier.
  • Ces ressources limitées entraînent principalement un grave manque d'avocats de pratique privée prêts à œuvrer pour l'aide juridique au Nunavut. Les domaines du droit de la famille et du droit civil sont tout particulièrement touchés par cette grande lacune.
  • La pénurie d'avocats de pratique privée en droit de la famille et en droit civil est source de conflits, étant donné qu'il n'y a qu'une clinique dans chaque région et que celle-ci ne peut représenter qu'une seule partie à un litige.
  • Les ressources humaines limitées à la CSJN (et l'accès aux avocats de pratique privée) entraînent parfois l'annulation de procès à la dernière minute, ce qui cause des reports et des ajournements.
  • Les ressources humaines limitées à la Couronne signifient que celle-ci supervise moins les inculpations de la GRC que ce qui serait souhaitable. La Couronne et les avocats de la CSJN doivent investir temps et efforts pour résoudre les questions liées aux mises en accusation pendant les semaines de cour.

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