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Étude sur les services juridiques au NunavutRapport définitif16 octobre 2002
Page précédente | Table des matières | Page suivante 4.0 COÛT DE LA PRESTATION DES SERVICESLa présente section se penche sur les inducteurs de coûts de la prestation des services juridiques au Nunavut. Certains sont exclusifs au Nunavut, alors que d'autres sont communs aux trois territoires canadiens (Nunavut, T.N.-O. et Yukon). Une sous-section décrit en détail l'influence qu'a le gouvernement fédéral sur le coût de la prestation des services, par l'entremise de ses lois, de ses politiques et de ses décisions relatives à l'affectation des ressources. Enfin, la présente section traite de l'influence du gouvernement du Nunavut sur le coût de la prestation des services juridiques. Bien que la présente section expose de nombreux facteurs qui font augmenter le coût de la prestation des services juridiques, il est important de noter que la majorité des personnes interviewées et des participants aux ateliers estiment qu'il y a un manque de ressources pour le mode actuel de prestation des services. En particulier, il y a trop peu d'avocats salariés au service de la CSJN, de conseillers parajudiciaires et d'avocats de pratique privée. Selon ces répondants, le mode actuel de prestation des services fonctionnerait efficacement s'il bénéficiait de plus de ressources. 4.1 IMPORTANTS INDUCTEURS DE COÛTS AU NUNAVUT
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Itinéraire | Date | Coût | Notes |
Gjoa Haven - Rankin Inlet | Juillet 2001 |
1 900 $
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Gjoa Haven - Iqaluit | Août 2001 |
5 056 $
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Gjoa Haven - Iqaluit | Octobre 2001 |
2 619 $
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Solde de places |
Gjoa Haven - Edmonton | Octobre 2001 |
1 878 $
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La population du Nunavut présente un certain nombre de caractéristiques14 qui contribuent à la forte demande de services juridiques et, donc, aux coûts élevés de la prestation de ces services dans le territoire : population jeune, taux de criminalité élevé, pourcentage élevé de personnes souffrant du syndrome d'alcoolisme ftal. Tous ces éléments contribuent à hausser le nombre de demandes de services présentées à la CSJN.
La démographie du Nunavut a aussi une incidence sur le temps et les efforts nécessaires pour servir les clients. À titre d'exemple, la langue maternelle de la majorité des Nunavutois n'est pas l'anglais; il est donc possible que surviennent des difficultés de communication et que des services de traduction soient requis. De plus, beaucoup de Nunavutois ont un faible niveau de scolarité; il faut donc que le personnel de la CSJN consacre du temps et de l'énergie à mettre ses clients en confiance, à leur expliquer le système juridique, à revoir la documentation et à s'assurer qu'ils comprennent vraiment ce qui se passe en cour. Il est aussi impératif que tout le personnel de la CSJN qui vient du sud du Canada suive une formation interculturelle.
Certains répondants ont signalé que le Nunavut a une économie et une main-d'uvre uniques au Canada. Contrairement à la plupart des autres provinces et territoires, le Nunavut a toujours une économie largement dominée par le secteur public. Le gouvernement est donc le premier employeur du territoire et sa force économique la plus importante. Par conséquent, si un citoyen désire intenter une poursuite contre une institution du gouvernement du Nunavut pour une violation des droits de la personne ou des droits civils, il est fondamental qu'il y ait une source indépendante de conseils juridiques, surtout si l'on considère qu'une grande proportion de résidants du Nunavut n'a pas les moyens de payer les services d'un avocat du secteur privé. Les répondants ont fait observer qu'il était critique que l'autonomie de la CSJN, une entité indépendante en vertu de la loi, soit reflétée dans tous les aspects de son fonctionnement. Pour qu'il en soit ainsi, il est nécessaire que les systèmes de la CSJN, y compris les systèmes de communication et d'information, ne soient pas liés à ceux du gouvernement territorial. Établir et maintenir l'indépendance de la CSJN du gouvernement du Nunavut entraîne des coûts supplémentaires pour la CSJN.
Quelques répondants ont souligné la répercussion du manque d'infrastructures de base, par exemple, de salles de réunion, sur le système juridique du Nunavut. Il en résulte que même la mise en place de petits programmes visant à traiter les questions locales requiert des fonds importants de démarrage. À titre d'exemple, au printemps 2002, on a mis sur pied un projet pilote de médiation à Kugluktuk (dans la région de Kitikmeot). Jusqu'à l'automne de la même année, il a été impossible de trouver un local permanent où les participants auraient pu rencontrer le personnel du programme. Comme le projet pilote se terminera en mars 2003, cette pénurie d'infrastructures a eu un effet significatif sur son succès.
« Pour avoir une administration décentralisée comme une grande toile d'araignée, il faut un système de technologie de l'information [TI] efficace, sinon ça ne fonctionnera pas, les coûts seront excessifs. L'absence de système de TI fera grimper les coûts en flèche et nuira au progrès jusqu'à ce qu'on s'en occupe [ ] » |
Le Nunavut est aussi unique parce que sa création est liée au règlement de la revendication territoriale des Inuits. Les politiques découlant des processus de planification et de mise en place issus de la volonté de régler la revendication territoriale et de créer le Nunavut ont fait de celui-ci un territoire bien différent des autres provinces et territoires au Canada. Dès le début, les autorités territoriales et fédérales ainsi que les Inuits se sont engagés à décentraliser le gouvernement. Cette décision a eu des répercussions directes sur les coûts de la prestation des services juridiques au Nunavut, car l'administration centrale de la CSJN a été établie à Gjoa Haven, collectivité éloignée de la région de Kitikmeot, loin d'Iqaluit. La décision de décentraliser en situant le bureau de la CSJN à Gjoa Haven a entraîné des coûts additionnels pour la Commission, notamment des frais de déplacement et d'infrastructure (par exemple, pour l'établissement d'un réseau informatique). Gjoa Haven présente aussi des difficultés pour la CSJN du point de vue de l'accès à des professionnels, comme des comptables ou d'autres avocats, et de la capacité à recruter et à retenir le personnel spécialisé.
« Le Canada et le Nunavut soutiennent la décentralisation des services gouvernementaux. Des commissions et des cliniques régionales reflètent l'entente politique au plus haut niveau. Cela est très efficace, [mais] les déplacements sont extrêmement coûteux. » |
En outre, l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut prévoit
que les Inuits participent à l'exécution des programmes et à
la prestation des services (article 32). Les répondants ont cité
les conseils d'administration des trois cliniques régionales, dont l'effectif
est composé largement d'Inuits, comme exemples de la participation nécessaire
de ceux-ci à la prestation des services juridiques, et comme une façon
importante de faire en sorte que les professionnels du Sud qui sont actuellement
directeurs des cliniques régionales soient tenus de rendre des comptes
aux Inuits dans leurs régions et qu'ils soient sensibles à leurs
besoins. Il existe néanmoins des frais administratifs, de déplacement
et des coûts quotidiens afférents à l'établissement
et à l'entretien de ces conseils que doit assumer la CSJN.
La difficulté d'obtenir et de retenir des ressources humaines au Nunavut ajoute aux coûts que doit supporter la CSJN. D'une certaine façon, cette préoccupation est liée aux autres inducteurs de coûts, en particulier à la situation géographique du territoire, qui rend difficile le recrutement et le maintien du personnel du sud du Canada. De plus :
« Le logement est le facteur le plus important pour que les gens qui s'installent ici. Il est si difficile de trouver un logement raisonnable à prix abordable [ ] Les avocats de l'aide juridique sont loin sur la liste des priorités [ ] Le coût de la vie est tellement énorme. Si on veut garder les gens ici, il faut certainement leur accorder une pension [ ] Sans un régime à long terme pour [la CSJN], comparable à celui offert par la Couronne partout au Canada, les gens ne sont pas incités à rester ici 10 ou 20 ans. » |
Le coût du recrutement peut être élevé. Un répondant a indiqué que le plus récent recrutement avait coûté 30 000 $ pour un poste. Cette somme a couvert la publicité et le déplacement en avion des candidats pour l'entrevue. Cependant, à la fin de ce coûteux processus, aucun candidat n'a accepté le poste, qui est toujours vacant.
La question des ressources humaines montre bien que les liens entre les différentes composantes du système juridique du Nunavut sont tels que des ressources limitées sous un aspect se répercute sur le système au complet, sur la CSJN en particulier.
Il n'y a pas suffisamment d'avocats de la défense ni de procureurs de la Couronne pour s'occuper de la charge de travail à la CJN. Le petit cercle d'avocats de pratique privée, lesquels, jusqu'à présent, ne sont installés qu'à Iqaluit, s'est sensiblement épuisé depuis la création du Nunavut et de la CJN. Dans certains cas, ces avocats ont saisi des occasions intéressantes que leur offraient le gouvernement ou des organismes autochtones. Par ailleurs, les frais généraux d'administration très élevés et les intenses pressions occasionnées par les cours de circuit et les déplacements ont eu raison de cinq avocats qui ont quitté le Nunavut ou qui ne sont plus disponibles pour le travail à l'aide juridique.
Pour les affaires pénales, la CSJN peut faire appel et recourt à des avocats des T.N.-O. Toutefois, en matière familiale ou civile, les T.N.-O. souffrent aussi d'une pénurie d'avocats. Par conséquent, personne ne peut venir en aide à l'équipe de la CSJN dans ces domaines.
La pénurie aiguë d'avocats de pratique privée pour assurer des services d'aide juridique au Nunavut exerce une pression additionnelle sur la CJN et les avocats salariés de la CSJN. Comme il est impossible de donner suite à une affaire sans avocat de la défense, même si des juges et des procureurs de la Couronne sont présents, la réduction du nombre d'avocats de pratique privée disponibles a occasionné des pressions additionnelles considérables sur la nouvelle cour et sur le régime d'aide juridique du Nunavut. De plus, les avocats de pratique privée qui restent dans le territoire se spécialisent en droit pénal, ce qui laisse un très grand vide du côté du droit de la famille et du droit civil dans le secteur privé.
En plus de nuire à sa capacité d'offrir des services d'aide juridique, les ressources humaines limitées empêchent la CSJN d'obtenir des ressources financières pour réaliser d'autres programmes. Par exemple, le ministère de la Justice du Canada a débloqué des fonds pour les activités de VIJ et la formation du personnel de la CSJN sur la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Ce n'est que récemment que la CSJN a réussi à affecter des ressources humaines à l'établissement d'une demande à cet égard.
Les conflits créent aussi des problèmes dans un territoire qui compte peu d'avocats de pratique privée, tous établis à Iqaluit. Dans les affaires familiales, une seule partie à un litige peut être représentée, car il n'y a qu'une clinique par région. Celui qui arrive le premier à la clinique obtient les services d'un avocat et, lorsque des questions de droit pénal et de droit civil sont en jeu, des conflits surgissent qui peuvent mener à des problèmes d'ordre déontologique ou donner préséance aux questions de droit pénal. Ce problème de conflits est l'une des raisons pour lesquelles il faut affecter deux avocats de l'aide juridique aux cours de circuit plus chargées.
Le procureur de la Couronne s'est plaint que, dans certains cas, des procès ont été annulés à la dernière minute parce que des avocats de l'aide juridique de pratique privée étaient surchargés et mal préparés ou encore parce qu'on avait demandé à des avocats en tournée de s'occuper de cas à très court terme. De telles situations provoquent des retards et des ajournements et entraînent un gaspillage d'argent en raison des déplacements inutiles des témoins, y compris des témoins experts. Ces facteurs ajoutent aux coûts du système de justice.
De plus, de nombreux répondants qui étaient avocats de la défense étaient d'avis que, parce que le bureau de la Couronne au Nunavut manque de ressources adéquates pour évaluer les inculpations portées par les détachements de la GRC dans les collectivités, il y a une foule de cas dans lesquels la GRC a lancé trop d'inculpations ou porté de mauvaises accusations. Ces problèmes sont habituellement résolus au moment où les affaires sont traitées en cour, mais elles requièrent du temps et augmentent les pressions les semaines où la cour est surchargée.
Mise à jour : 2006-03-06 | Avis importants |