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Étude sur l'aide juridique et les langues officielles au Canada

PRA Inc. Information Info Strategy

Mai 2002


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La dimension linguistique de l'aide juridique

La dimension linguistique des services d'aide juridique est reliée aux principes de la justice naturelle et, dans le cas des deux langues officielles, à l'engagement général d'appuyer les minorités de langue officielle et de promouvoir l'égalité de statut de l'anglais et du français. On trouvera dans cette section un bref examen de ces aspects contextuels.

2.1 Le contexte législatif

2.1.1 La Charte canadienne des droits et libertés


Le droit aux services d'un avocat en cas d'arrestation et de détention représente bien souvent le premier contact qu'a l'accusé avec les services d'aide juridique et exige que les services de police collaborent étroitement dans ce domaine.

Pour que le procès soit équitable, il faut que l'accusé soit en mesure de comprendre la langue de l'instance. Les tribunaux doivent fournir des services d'interprétation quelle que soit la langue de la personne qui en a besoin.

L'anglais et le français ont un statut égal devant les tribunaux établis par le Parlement.


La Charte crée deux garanties juridiques qui touchent directement la présente étude. L'alinéa 10b) énonce :

« Chacun a le droit, en cas d'arrestation ou de détention :

b) d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat et d'être informé de ce droit. »

La Cour suprême du Canada a déclaré : « Le droit à l'assistance d'un avocat a pour objet de permettre à la personne détenue non seulement d'être informée de ses droits et de ses obligations en vertu de la loi, mais également, voire qui plus est, d'obtenir des conseils sur la façon d'exercer ces droits4. » Ce dernier élément comprend l'obligation d'informer l'accusé de l'existence de services d'aide juridique. Sur le plan pratique, cela veut dire que les autorités policières doivent faciliter les tout premiers contacts avec les services d'aide juridique.

L'article 14 de la Charte énonce ce qui suit au sujet de la langue :

« La partie ou le témoin qui ne peuvent suivre les procédures, soit parce qu'ils ne comprennent pas ou ne parlent pas la langue employée, soit parce qu'ils sont atteints de surdité, ont droit à l'assistance d'un interprète. »

La Cour suprême du Canada a confirmé que l'article 14 s'inspire des principes de la justice naturelle et qu'il convient, à ce titre, de fournir pour toutes les langues, officielles ou non, des services d'interprétation de façon à assurer le caractère équitable du procès. La cour a noté que « le droit à un procès équitable est universel et il ne peut pas être plus important dans le cas de membres des collectivités des deux langues officielles au Canada que dans celui de personnes qui parlent d'autres langues5. »

Le paragraphe 16(1) déclare que le français et l'anglais sont les langues officielles du Canada et le paragraphe 19(1) énonce : « Chacun a le droit d'employer le français ou l'anglais dans toutes les affaires dont sont saisis les tribunaux établis par le Parlement et dans tous les actes de procédure qui en découlent. »

2.1.2 Le Code criminel


L'article 530 du Code criminel accorde à l'accusé le droit absolu de subir son procès dans l'une ou l'autre des langues officielles, quelle que soit la capacité de la personne en question de parler et de comprendre la langue officielle de la majorité.


L'article 530 du Code criminel traite expressément de la question des langues dans le contexte des instances pénales. Selon la Cour suprême du Canada, cette disposition :

« donne à l'accusé le droit absolu à l'accès égal aux tribunaux désignés dans la langue officielle qu'il estime être la sienne. Les tribunaux saisis de l'affaire criminelle sont donc tenus d'être institutionnellement bilingues afin d'assurer l'emploi égal des deux langues officielles du Canada6. »

La Cour suprême du Canada souligne l'importance de mettre sur pied une infrastructure institutionnelle appropriée :

« [ ...] dans un cadre de bilinguisme institutionnel, une demande de services dans la langue de la minorité de langue officielle ne doit pas être traitée comme s'il y avait une langue officielle principale et une obligation d'accommodement en ce qui concerne l'emploi de l'autre langue officielle. Le principe directeur est celui de l'égalité des deux langues officielles7. »

La Cour ajoute que l'aptitude de l'accusé de parler la langue de la majorité « n'est pas pertinente parce que le choix de la langue n'a pas pour but d'étayer la garantie juridique d'un procès équitable, mais de permettre à l'accusé d'obtenir un accès égal à un service public qui répond à son identité linguistique et culturelle8. »

2.1.3 Effet des droits linguistiques sur l'aide juridique


Les régimes d'aide juridique relèvent des compétences provinciales; par conséquent, les dispositions provinciales ne peuvent qu'inciter les provinces à offrir des services dans les deux langues officielles.


Les services d'aide juridique relèvent des compétences provinciales et ne sont pas, par conséquent, visés par les dispositions fédérales comme la Loi sur les langues officielles9. Néanmoins,la complémentarité des fonctions fédérales et provinciales est mise en valeur dans le domaine du droit pénal. Alors que la Constitution confère aux provinces la responsabilité d'administrer la justice, et notamment de constituer, maintenir et organiser les juridictions pénales, c'est le gouvernement fédéral qui a compétence sur la procédure en matière civile10. C'est conformément à ce dernier chef de compétence fédérale que le gouvernement fédéral a adopté l'article 530 du Code criminel qui établit le droit à un procès pénal dans l'une ou l'autre des deux langues officielles.

Par conséquent, même lorsque les dispositions linguistiques ne visent pas directement les services d'aide juridique, elles peuvent néanmoins avoir un effet sur la façon dont sont structurés ces services. Par exemple, lorsqu'un client de l'aide juridique choisit de subir son procès dans la langue officielle de la minorité, cela incite les services d'aide juridique à fournir des avocats qui parlent la langue de la minorité11. Selon la même logique, l'action déployée par les gouvernements pour introduire un bilinguisme institutionnel devant les juridictions pénales, comme l'exige l'article 530 du Code criminel, peut inciter les régimes d'aide juridique à au moins envisager la possibilité de fournir des services d'avocat de garde dans les deux langues officielles.

2.2 La prestation de services dans la langue officielle de la minorité


Un certain nombre de politiques et de pratiques ont été élaborées pour assurer la prestation efficace de services dans les deux langues officielles12.

La relation entre l'avocat et son client est fondée sur une communication efficace. Le client prend ses décisions en se fondant sur ce qu'il comprend du droit et de la procédure.

Des aptitudes linguistiques insuffisantes constituent un de plusieursobstacles à une bonne communication et à un accès équitable à la justice.

Dans un système judiciaire de nature accusatoire, l'aide juridique évite aux accusés d'avoir à faire face à un poursuivant expérimenté sans être eux-mêmes représentés par un avocat.


Pour évaluer les politiques et les pratiques en matière de langues officielles, il faut tenir compte d'un certain nombre de principes liés à la prestation des services. Au Canada, ces principes sont généralement reconnust comme étant des règles de bonne pratique dans le domaine de la prestation de services dans les langues officielles .

  • Offre active de services
    Le fait d'offrir activement des services a souvent un effet déterminant sur les clients qui sont membres des groupes de langue minoritaire officielle. D'après une étude récente, « on ne saurait minimiser l'importance et la nécessité de l'offre active dans les deux langues lors de la prestation de services. Il va de soi qu'un bureau qui accueille sa clientèle de manière bilingue fera augmenter la demande de services dans la langue de la minorité, cette dernière se sentant à l'aise de poursuivre dans sa langue13. »
     
    Habituellement, une offre active de services « doit inclure un accueil de vive voix dans les deux langues officielles, que ce soit au téléphone ou en personne, pour informer le public que le service est disponible en français et en anglais14. »
     
  • Offre de services et qualité linguistique
    Les nouvelles méthodes de prestation de services, les nouvelles technologies et le souci nouveau d'axer les services sur le client créent des défis linguistiques particuliers. L'évaluation de l'offre de services dans les deux langues officielles doit tenir compte des diverses méthodes de prestation utilisées et évaluer la qualité linguistique de ces différents services.
     
  • Capacité institutionnelle
    La langue est un aspect qui touche l'ensemble du processus de prestation de services (depuis le contact initial avec le client jusqu'à l'achèvement de la prestation). Si l'on veut évaluer la capacité institutionnelle globale d'offrir des services dans les deux langues officielles, il faut savoir comment l'organisme étudié recrute son personnel ainsi que le genre de formation et de perfectionnement professionnel qu'il offre à ses employés.

2.3 Les services d'aide juridique

La communication entre l'avocat et son client joue un rôle essentiel dans un système judiciaire de nature accusatoire. Compte tenu de la complexité du droit et de la procédure, l'avocat joue un rôle d'intermédiaire entre le système judiciaire et son client et doit veiller à ce que son client comprenne convenablement les différentes possibilités qui lui sont offertes. L'avocat doit en outre défendre son client et représenter ses intérêts. Comme cela est mentionné dans le code de déontologie professionnelle (1991) de l'Association du Barreau canadien : « L'avocat doit maintenir, à l'égard du tribunal, une attitude courtoise et respectueuse, et représenter son client avec fermeté, dignité et en respectant les lois en vigueur15. »

Dans tous les types de services fournis par l'aide juridique (représentation prévue par l'arrêt Brydges, avocat de garde, représentation judiciaire), l'avocat doit interpréter le droit et veiller à ce que son client comprenne les conséquences de ses décisions. L'accusé ne peut donner des directives à son avocat que s'il comprend bien les aspects juridiques de son affaire.

Plusieurs types de difficultés peuvent compromettre la communication entre l'avocat et son client. Il y a notamment le niveau d'alphabétisation et les aptitudes linguistiques du client. L'Association du Barreau canadien a constaté que le niveau d'alphabétisation était bien souvent un grave obstacle à la communication entre l'avocat et son client. Il arrive que des personnes assez instruites aient du mal à comprendre les notions juridiques. La section de la Colombie-Britannique de l'Association du Barreau canadien a lancé un certain nombre d'initiatives dans l'espoir d'aider les avocats à améliorer leur communication avec leurs clients et à faciliter l'établissement d'un lien avec eux16.

L'Association du Barreau canadien a souligné que l'alphabétisme était un élément important de la communication entre l'avocat et son client et a mentionné le cas particulier des clients dont la langue maternelle n'est pas l'anglais. Ces personnes ont beaucoup de mal à comprendre les documents officiels17. Il est donc essentiel que l'avocat ait une bonne communication verbale avec son client. En outre, les études indiquent qu'une personne peut avoir des aptitudes linguistiques suffisantes pour tenir une conversation mais insuffisantes pour comprendre des notions juridiques complexes 18.

L'importance des services d'aide juridique dans un système judiciaire de nature accusatoire fait ressortir la nécessité d'équilibrer l'expertise du procureur de la Couronne et celle de l'avocat de l'accusé19. La situation du client qui n'est pas représenté par un avocat est difficile. Ainsi, la réalisation du principe de « l'égalité devant la loi » anime les politiques relatives à l'aide juridique et englobe le but général de tenter d'en arriver à « une société juste». En principe, tous les citoyens ont accès à la justice et à des services de représentation par avocat, quelle que soit leur situation socioéconomique20 . L'aide juridique a pour but d'assurer une protection juridique à ceux qui n'ont pas les moyens de retenir les services d'un avocat.

Le reste de la section décrit les services fournis par les régimes d'aide juridique des différentes provinces - représentation prévue par l'arrêt Brydges, services d'avocat de garde, représentation judiciaire et autres services (renseignements généraux, conseils et assistance).

2.3.1 La représentation prévue par l'arrêt Brydges


La représentation prévue par l'arrêt Brydges consiste à assurer l'accès à des conseils juridiques gratuits dès qu'une personne est arrêtée ou détenue par la police.

Les décisions que prend l'accusé au moment où il est arrêté et détenu peuvent avoir un effet important sur le déroulement des poursuites. Il est impératif que l'avocat et son client aient une bonne communication.

L'obligation de fournir immédiatement les services imposés par l'arrêt Brydges soulève des difficultés particulières pour les régimes d'aide juridique.


Comme nous l'avons mentionné précédemment, l'arrêt R. c. Brydges de la Cour suprême du Canada donne à l'accusé le droit d'avoir immédiatement et gratuitement accès aux services d'un avocat, dès qu'il est arrêté et détenu par la police. Dans le cas où la personne détenue n'a pas les moyens de retenir les services de son propre avocat, l'aide juridique doit lui en fournir un. Il faut donc veiller à ce qu'un avocat soit disponible 24 heures par jour, sept jours par semaine.

En 1990, après cet arrêt de principe, tous les régimes d'aide juridique canadiens ont mis en place les mécanismes nécessaires à la mise en &156;uvre cette décision. Les méthodes utilisées pour fournir ce service particulier varient d'une province à l'autre, mais l'idée fondamentale reste la même : toutes les personnes détenues doivent pouvoir communiquer avec un avocat et obtenir des conseils juridiques gratuits « sur-le-champ ». D'une façon générale, les conseils sont fournis par téléphone et ce n'est qu'exceptionnellement ou lorsque l'accusé fait face à de graves accusations que l'avocat est parfois obligé de le rencontrer en personne.

L'importance de la représentation prévue par l'arrêt Brydges vient du fait que les services d'un avocat doivent être fournis immédiatement. Dès que l'individu est arrêté et détenu par la police, il doit prendre des décisions cruciales, qui peuvent avoir des répercussions très concrètes sur l'affaire - la décision de fournir une déclaration à la police, la décision de fournir des renseignements ou de se taire, etc. Le fait de ne pas de ne pas être bien informé sur ces questions risque de compromettre la défense de la personne concernée, d'où l'importance d'assurer une bonne communication à l'étape initiale du processus judiciaire. Un avocat est capable d'informer l'accusé de ses droits et, donc, de protéger les intérêts de son client. Conformément au principe d'« égalité devant la loi », cette décision permet de « concilier les droits des citoyens et l'obligation de maintenir l'ordre qui incombe à l'État21 . »

L'obligation de fournir immédiatement la représentation par avocat prévue par l'arrêt Brydges complique la prestation de ce service dans la langue officielle de la minorité. Les services d'aide juridique peuvent fournir de façon ponctuelle un avocat parlant la langue officielle de la minorité au client qui en fait la demande (en accordant un mandat à un avocat du secteur privé lorsque le régime utilise cette méthode, ou lorsque l'avocat salarié n'a pas les aptitudes linguistiques nécessaires), mais il est plus difficile de répondre à ce genre de demande lorsqu'il s'agit de la représentation exigée par l'arrêt Brydges.

L'obligation qu'a imposée la Cour suprême du Canada aux agents de police a été par la suite interprétée de différentes façons par les juridictions inférieures. Le débat que cette question a soulevé en Ontario a porté sur l'obligation des agents de police de communiquer à la personne concernée un numéro gratuit permettant d'avoir accès à des conseils juridiques gratuits et immédiats22. L'un des arguments avancé en faveur de cette interprétation était que le système judiciaire et ses diverses composantes intimident la plupart des gens. Si les agents de police n'étaient pas tenus d'informer l'accusé de ce droit, et de lui fournir les moyens d'obtenir des conseils gratuits immédiats, la plupart des personnes détenues ne demanderaient jamais d'avocat. Elles veulent donner l'impression d'être soumises et prêtes à collaborer avec la police, mais elles risquent ainsi de renoncer sans le savoir à des droits fondamentaux23. Par conséquent, compte tenu de la vulnérabilité des membres des minorités linguistiques qui ont besoin de ce genre de service, on pourrait présenter le même argument lorsqu'il s'agit de savoir si les policiers sont tenus de fournir dans les deux langues officielles la représentation imposée par l'arrêt Brydges.

2.3.2 Les avocats de garde


Les services d'un avocat de garde peuvent être fournis aux personnes qui ne sont pas représentées par un avocat au moment de leur première comparution.

Les avocats de garde fournissent un des services les plus importants de l'aide juridique.

Les avocats qui offrent des services d'avocat de garde doivent prendre en main un très grand nombre d'affaires. La capacité de bien communiquer est un élément crucial.


Les avocats de garde sont fournis par l'aide juridique pour représenter l'accusé à sa première comparution. Dans la plupart des provinces, l'accusé qui n'est pas représenté par un avocat peut avoir accès à un avocat de garde quelle que soit sa situation financière. Cependant, certains régimes d'aide juridique ne fournissent un avocat de garde qu'aux personnes qui sont détenues, alors que d'autres fournissent ce service à toute personne qui comparaît pour la première fois devant le tribunal, que celle-ci soit détenue ou non. Selon le modèle de prestation de services adopté par la province, les avocats de garde sont soit des avocats salariés, soit des avocats en pratique privée.

Les études sur l'aide juridique et les consultations auxquelles nous avons procédé dans les diverses provinces indiquent que les services d'avocat de garde sont peut-être l'aspect le plus important des services d'aide juridique. En fait, la première comparution a des répercussions importantes sur le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne concernée.

  • À la première comparution, l'accusé plaide coupable ou non coupable aux accusations portées contre lui. Si l'accusé plaide coupable, il peut demander d'être mis en liberté jusqu'au prononcé de la sentence. Si l'accusé plaide non coupable, il peut demander d'être libéré jusqu'au procès. Lorsqu'un juge estime qu'il serait inapproprié de remettre l'accusé en liberté, celui-ci peut être détenu pendant une période qui peut aller de quelques jours à six mois, voire davantage. La détention préalable au procès peut avoir de graves conséquences sur l'issue du procès. D'après un certain nombre d'études effectuées au Canada, au Royaume-Uni et aux États-Unis, les personnes qui sont détenues en attendant leur procès sont plus souvent déclarées coupables et reçoivent plus souvent des peines d'emprisonnement que les personnes qui ont bénéficié d'une mise en liberté judiciaire provisoire24. On a fourni un certain nombre d'explications à ces conclusions :
    • La détention préalable au procès est généralement une décision qui est prise en dernier recours; c'est ce qui explique que l'accusé détenu soit étiqueté négativement. Il arrive que les juges et les autres professionnels du système de justice pénale aient une opinion négative de l'accusé qui s'est vu refuser un cautionnement.
       
    • Il est plus difficile à l'accusé qui est détenu d'obtenir les services d'un avocat, de communiquer avec son avocat et de rechercher des témoins pour sa défense. Il lui est en outre impossible de faire des démarches susceptibles de faire bonne impression sur le juge, comme rechercher un emploi.
       
    • L'accusé détenu est incité à plaider coupable parce qu'il risque de passer des semaines et des mois en prison avant de subir son procès, en particulier s'il est inculpé d'une première infraction mineure qui devrait normalement n'entraîner qu'une peine relativement clémente. Même si l'accusé est innocent, il peut être amené à plaider coupable parce qu'il ne veut pas perdre un revenu ou un emploi à cause de sa détention25.
  • Le choix du plaidoyer exige une grande expertise juridique parce qu'il dépend principalement de la possibilité de présenter une défense valable. La décision doit être basée sur tous les éléments de l'affaire parce qu'un mauvais plaidoyer peut avoir des conséquences préjudiciables. En plaidant coupable alors qu'il avait une défense valable, l'accusé va se retrouver avec un casier judiciaire qu'il aurait pu éviter. Un plaidoyer de non-culpabilité présenté par un accusé qui n'a pas de défense valable peut également avoir des effets dévastateurs :
    • Le juge, obligé de tenir un procès inutile, risque d'imposer une peine plus sévère.
    • Il est plus difficile pour l'accusé de manifester du remords et des regrets si les témoins qui déposent à son procès donnent de lui une image négative. Cet élément peut également entraîner l'infliction d'une peine plus lourde.
    • L'accusé risque d'être déclaré coupable d'une infraction plus grave s'il plaide coupable trop tôt dans le processus, parce qu'il ne peut plus négocier son plaidoyer26.

    Les avocats de garde n'exercent aucun contrôle sur le nombre des personnes non représentées qui peuvent être amenées à comparaître pour la première fois un jour donné. Il leur arrive donc souvent d'avoir à s'occuper d'un très grand nombre de dossiers, et ils doivent travailler sans grande préparation. Les avocats de garde rencontrent habituellement les accusés le matin de leur première comparution pour obtenir un bref résumé des faits. Ils n'ont pas beaucoup de temps pour leur offrir des conseils et de l'aide, même si les enjeux sont graves.

    Comme dans le cas de la représentation exigée par l'arrêt Brydges, le caractère immédiat des services requis complique la prestation de services d'aide juridique dans la langue officielle de la minorité. Outre le caractère immédiat des services d'avocat de garde, l'aide nécessaire doit être fournie sur une période extrêmement brève. Comme nous l'avons mentionné ci-dessus, l'ampleur des conséquences que peut avoir la première comparution de l'accusé fait ressortir toute l'importance d'être en mesure de communiquer efficacement avec l'avocat de garde.

    2.3.3 La représentation au procès


    L'avocat qui parle et comprend la langue de son client est mieux à même de le représenter.

    À la différence de la représentation prévue par l'arrêt Brydges et des services fournis par les avocats de garde, la représentation au procès dans la langue officielle du choix de l'accusé n'est pas un service qui doit être fourni sur-le-champ.

    La difficulté est de trouver un avocat qui soit capable de conduire un procès dans la langue officielle de la minorité.


    La personne qui n'a pas les moyens de retenir les services d'un avocat pour son procès est parfois admissible à l'aide juridique à cette fin. Selon le modèle de prestation des services adopté par la province, le client de l'aide juridique peut être conseillé par un avocat salarié ou peut choisir un avocat de la pratique privée qui accepte les mandats de l'aide juridique.

    La qualité de la représentation au procès dépend, comme c'est le cas des autres services fournis par l'aide juridique, de la capacité de l'avocat à interpréter le droit pour l'accusé, à représenter les intérêts de ce dernier et à lui exposer toutes les solutions possibles. Le droit et la procédure sont des domaines complexes et il est très difficile à un accusé non représenté de bien présenter ses arguments, ainsi que ses moyens de défense27. Au-delà des considérations reliées aux langues officielles, il est impératif que l'avocat soit en mesure de communiquer avec son client. Pour que le client puisse donner des directives à son avocat, il doit avoir une parfaite compréhension des possibilités qui s'ouvrent à lui et des conséquences de ses décisions.

    L'accusé qui doit subir son procès se trouve dans une situation particulièrement vulnérable. Le caractère officiel de l'instance impressionne toujours l'accusé. En adoptant l'article 530 du Code criminel, le législateur a étendu le statut officiel du français et de l'anglais aux instances pénales. Cette disposition permet à l'accusé d'être jugé dans la langue officielle qui lui est la plus familière. Comme nous l'avons déjà noté dans la section 2.1.3, les régimes d'aide juridique ne sont nullement tenus de fournir à leur client un avocat qui parle la langue officielle de ce dernier, mais le fait que l'accusé ait le droit d'être jugé par un tribunal désigné dans la langue officielle de son choix ne peut qu'inciter les régimes d'aide juridique à agir dans ce sens.

    À la différence de la représentation prévue par l'arrêt Brydges et celle qui est assurée par les avocats de garde, il est plus facile d'aménager sur une base ponctuelle la représentation judiciaire. Néanmoins, la question de la représentation au procès et des langues officielles comporte des aspects clés qu'il convient d'examiner :

    • Il arrive que les clients ne sachent pas qu'ils ont droit à subir leur procès dans la langue officielle de leur choix, et encore moins, qu'il existe des avocats de l'aide juridique qui parlent la langue de la minorité.
       
    • Pour qu'un avocat soit en mesure de conduire un procès dans la langue officielle de la minorité, il doit bien connaître la terminologie juridique spécialisée.
       
    • La capacité des services d'aide juridique de fournir des avocats capables de représenter leurs clients dans un procès tenu dans la langue officielle de la minorité dépend principalement de l'existence d'avocats qui parlent cette langue, qui pratiquent le droit pénal et qui sont prêts à accepter les mandats de l'aide juridique.
       
    • Même lorsque le client ne souhaite pas subir son procès dans la langue officielle de la minorité, il souhaite parfois obtenir les services d'un avocat qui peut communiquer avec lui dans les deux langues.

    4. Voir R. c. Brydges [1990] 1 R.C.S. 190.

    5. Voir R. c. Beaulac [1999] 1 R.C.S. 768.

    6. R. c. Beaulac [1999] 1 R.S.C. 768.

    7. Ibid.

    8. Ibid.

    9. Voir la Loi sur les langues officielles, L.R.C., 1985, ch. 31; cette loi énumère les cas où les services gouvernementaux fédéraux doivent être fournis dans les deux langues officielles.

    10. Voir les paragraphes 91(27) et 92(14) de la Loi constitutionnelle de 1867.

    11. Cette situation crée une incitation mais pas une obligation. L'alinéa 530.1f) énonce que le tribunal visé est tenu d'offrir des services d'interprétation à l'accusé, à son avocat et aux témoins pendant le déroulement de l'instance.

    12. Le Bureau du Commissaire aux langues officielles a effectué un certain nombre d'études sur cette question. Deux sont particulièrement pertinentes à notre étude : L'utilisation équitable du français et de l'anglais devant les tribunaux fédéraux et devant les tribunaux administratifs fédéraux qui exercent des fonctions quasi judiciaires (2001), et Bilan national des services au public en français et en anglais - un changement de culture s'impose (2001).

    13. Bilan national des services au public en français et en anglais - un changement de culture s'impose (2001).

    14. Ibid.

    15. David M. Tanovich, « Charting the Constitutional Right of Effective Assistance of Counsel in Canada » Criminal Law Quarterly, 36, , (1994). p. 415.

    16. Janice Mucalov, « Overcoming Barriers to Client communication: Lawyers for literacy » The Advocate, 55(6), (1997). p. 857-858.

    17. Ibid., p. 859.

    18 David J. Heller « Language Bias in the Criminal Justice System » Criminal Law Quarterly, 37, , (1995) p. 366.

    19. Conseil national du bien-être social. L'aide juridique et les pauvres. (Ottawa : Ministre des Approvisionnements et Services Canada, 1995).

    20. Dieter HoehneLegal Aid in Canada. The Edwin Mellen Press(1989) p. 100.

    21. Wendy E. Oughtred, « Hotline to Duty Counsel: Who Benefits? Implications of R. v. Baldwin » Journal of Motor Vehicle Law, 5, (1994), p. 310.

    22. Ibid., p. 311; voir R. v. Baldwin (1993), 14 O.R. (3d).

    23. Wendy E. Oughtred, « Hotline to Duty Counsel: Who Benefits? Implications of R. v. Baldwin » Journal of Motor Vehicle Law, 5, 1994). p. 314.

    24. Conseil national du bien-être. La justice et les pauvres. (Ottawa : Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux du Canada, 2000). p. 28 à 30.

    25. Ibid., p. 30 et 31.

    26. Ibid., p. 38.

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