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Peines imposées : une comparaison des crimes de violence familiale et des autres crimes de violence[2]
Par Marie Gannon[1] et Karen Mihorean[3]


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INTRODUCTION

Malgré les baisses récentes des taux de violence conjugale et d'homicides signalés à la police, la violence à l'endroit de partenaires intimes continue de toucher un nombre considérable de Canadiens et Canadiennes. Selon l'Enquête sociale générale (ESG) de 1999 sur la victimisation, environ 8 % des femmes et 7 % des hommes vivent ou ont vécu au cours des cinq années précédentes dans une relation conjugale où ils ont subi de la violence physique ou sexuelle de la part d'un conjoint/partenaire ou d'un ex-conjoint/partenaire.[4] La violence familiale à l'endroit d'enfants et de personnes âgées est moins fréquente que la violence conjugale, mais les données sur les cas signalés à la police donnent à penser que les taux de violence familiale à l'endroit d'enfants et de personnes âgées ont récemment augmenté (Brzozowski, 2004). En bref, la violence familiale demeure un problème important pour le système de justice pénale au Canada.

La réaction du système de justice pénale à la violence familiale a évolué au fil des dernières décennies. La violence familiale était vue autrefois comme une affaire privée, mais les politiques d'inculpation et de poursuite des années 1980 ont fait en sorte de traiter la violence familiale « comme n'importe quel autre crime » (Brown, 2000). Ces politiques avaient pour objectif d'assurer un traitement égal mais, souvent, elles n'ont pas reconnu les différences marquées qui existent entre la violence à l'endroit de membres de la famille et la violence à l'endroit d'amis, de connaissances ou d'étrangers. Contrairement à d'autres crimes, la violence au sein de la famille signifie souvent que l’auteur et la victime partagent un domicile et sont liés affectivement et financièrement l'un à l'autre. En outre, la nature cyclique et récurrente de la violence familiale laisse croire que les conjoints, les enfants et les membres âgés de la famille craignent souvent les représailles de l'agresseur (Felder, 1996). Ensemble ou séparément, ces facteurs font en sorte que la poursuite et la détermination de la peine dans les affaires de violence familiale sont très différentes et posent souvent plus de difficultés que dans les autres crimes de violence.

En reconnaissance de la nécessité d'une approche mieux adaptée à la violence familiale, des politiques et des programmes en matière pénale ont été mis en œuvre en grand nombre. Par exemple, on a créé des tribunaux spécialisés en matière de violence familiale dans plusieurs administrations afin de mettre l'accent sur la nature particulière de la violence familiale.[5] L'objectif principal de ces tribunaux consiste à accélérer l'audition des causes de violence conjugale pour la sécurité de la victime, d'instaurer des mesures d'intervention précoces pour les délinquants primaires, de créer les conditions propices aux enquêtes, aux poursuites et à la détermination de la peine dans les causes de violence familiale et de responsabiliser les agresseurs (Trainor, 2002). On a également modifié le Code criminel en 1996 afin d'obliger les cours à considérer la violence à l'endroit d'un conjoint ou d'un enfant comme un facteur aggravant dans la détermination de la peine.

C'est en vertu du système actuel que nous avons entrepris une étude de démonstration comparant la réponse des cours aux causes de violence familiale et aux autres causes de violence. L'objectif principal consistait à déterminer l'influence de la relation entre la victime et le délinquant dans la détermination de la peine. C'est-à-dire, impose-t-on des peines différentes aux agresseurs reconnus coupables de violence familiale et aux autres agresseurs? Dans cette étude, nous examinons cette question pour trois formes de violence familiale : la violence conjugale, la violence à l'endroit d'enfants et la violence à l'endroit de personnes âgées. L'étude vise également à examiner l'impact d'autres caractéristiques de l’agresseur et de la victime sur les peines imposées.

MÉTHODE

L'Enquête sur les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes (ETJCA) renferme des renseignements sur les causes criminelles, notamment l'accusation et des renseignements sur l'accusé, mais elle ne saisit pas les caractéristiques des victimes ni la relation qui existe entre la victime et l'accusé. Par conséquent, les données provenant des tribunaux ne permettent pas à elles seules de recenser les causes de violence familiale. Il fallait donc rapprocher les dossiers des tribunaux et les dossiers plus détaillés de la police. En particulier, le Centre canadien de la statistique juridique (CCSJ), a lié pour la première fois la Déclaration uniforme de la criminalité axée sur l'incident (DUC2) et l'ETJCA. Nous pouvons dorénavant comparer la réponse de la cour aux crimes de violence familiale et aux autres crimes de violence, tout en examinant des facteurs comme la relation entre la victime et l'accusé, la gravité de l'accusation ainsi que l'âge et le sexe de la victime et de l'accusé.

Cette étude de démonstration se fonde sur les données des années 1997 à 2002 et se concentre sur 18 régions urbaines sélectionnées dans lesquelles sont collectées les données et de l'ETJCA et de la DUC2. Par conséquent, l'étude ne peut être considérée représentative à l'échelon national. Aux fins de la présente étude, les données des régions urbaines sont fusionnées pour produire une présentation des résultats agrégée.

Pour analyser les résultats de la détermination de la peine, comme la probabilité de recevoir une peine d'emprisonnement, nous avons dû limiter cette analyse descriptive aux causes à condamnation unique, pour deux raisons. Premièrement, le nombre de condamnations dans une cause peut influer sur la sévérité de la peine imposée et par conséquent, les variations du nombre de condamnations imposées à des membres de la famille et à d’autres agresseurs pourraient fausser l'effet de la relation sur la détermination de la peine. Deuxièmement, il n'est possible de relier directement une peine à une infraction que dans les causes à condamnation unique.

RÉSULTATS

Violence conjugale

Les accusés reconnus coupables de violence contre leur conjoint sont moins susceptibles de recevoir une peine d'emprisonnement

Selon les dossiers liés de la police et des tribunaux, les accusés condamnés pour violence conjugale[6] sont moins susceptibles que d'autres agresseurs de recevoir une peine d'emprisonnement (19 % contre 29 %; voir la figure 1). Pour ce qui concerne des infractions particulières, les différences demeurent entre les accusés condamnés pour violence conjugale et les autres agresseurs, mais elles sont moins marquées. Pour les voies de fait simples, l'infraction la plus fréquente, 17 % des conjoints reconnus coupables sont condamnés à la prison, comparativement à 21 % des autres agresseurs. L'écart était le même pour les voies de fait graves : 32 % pour les personnes condamnées pour violence familiale et 36 % pour les autres agresseurs.

Figure 1. Les personnes reconnues coupables de violence conjugale sont moins susceptibles que les autres agresseurs de recevoir une peine d'emprisonnement

Le harcèlement criminel était la seule infraction de violence pour laquelle les conjoints violents étaient plus susceptibles d'être condamnés à une peine d'emprisonnement. En particulier, les résultats de la base de données liée révèlent que les tribunaux ont imposé un emprisonnement à 32 % des conjoints reconnus coupables de harcèlement criminel et à 26 % des autres agresseurs. Cet écart s'explique peut-être en partie par le fait que les juges reconnaissent souvent la gravité potentielle du harcèlement criminel entre conjoints, puisqu'il peut aboutir à d'autres infractions de violence plus grave. En fait, les premières dispositions législatives visant le harcèlement criminel ont été présentées en 1993 en réaction à des causes retentissantes de femmes tuées par un partenaire dont elles étaient séparées après des périodes de harcèlement (Gannon, 1999).

Comme la proportion des peines d'emprisonnement varie, il va de soi que la répartition des autres décisions, comme la probation, les condamnations avec sursis et les amendes, sera différente elle aussi. En accord avec les résultats d'études sur les tribunaux spécialisés en matière de violence conjugale (Ursel, 2003), la probation est de loin la peine la plus souvent imposée aux conjoints violents. En particulier, les trois quarts (72 %) des conjoints condamnés ont reçu une peine de probation comme peine la plus sévère. Cela se compare à 69 % quand d'autres membres de la famille sont reconnus coupables, 55 % quand ce sont des amis ou des connaissances et 42 % quand il s'agit d'étrangers.

Les cours imposent rarement des peines avec sursis et des amendes pour des crimes de violence. Toutefois, certaines infractions et certaines relations entre la victime et son agresseur font augmenter le recours à ces peines. Les cours n'ont imposé des peines avec sursis que dans 2 % des causes de violence conjugale et que dans 4 % des causes de violence non conjugale, mais les condamnations pour agression sexuelle, en particulier à l'endroit de conjoints, étaient beaucoup plus susceptibles d'entraîner une condamnation avec sursis. Par exemple, on a imposé une condamnation avec sursis dans le quart (24 %) des infractions sexuelles commises par des conjoints et dans 15 % des infractions commises par d'autres agresseurs. Quant aux amendes, les cours les imposent plus souvent dans les causes de voies de fait simples et dans les causes n'impliquant pas des membres de la famille. C'est probablement dû au fait qu'une amende peut punir une famille déjà victimisée et possiblement appauvrie (Ruby, 1999).

Taux d'incarcération plus élevé pour les conjoints masculins, jeunes et séparés

Certaines caractéristiques des personnes accusées de violence conjugale augmentent la probabilité de l'emprisonnement. Comme c'est le cas dans les causes de violence non conjugale, les hommes reconnus coupables de violence contre leurs conjointes sont plus susceptibles que des femmes dans la même situation d'être condamnés à la prison (20 % contre 7 %). C'est aussi le cas pour un éventail d'infractions de violence. Le recours à des peines plus sévères pour les conjoints ne devrait peut-être pas nous étonner, compte tenu que les données de l'ESG révèlent que les hommes sont plus susceptibles que les femmes d'infliger des formes graves et répétées de violence conjugale.

La probabilité de l'emprisonnement augmente encore pour les hommes qui étaient séparés de leurs conjointes. Plus du quart (28 %) des conjoints séparés ont reçu une peine d'emprisonnement, contre 19 % des conjoints non séparés. L'état de la relation conjugale n'a pas semblé avoir une incidence sur les peines imposées aux femmes reconnues coupables de violence conjugale. Ces résultats s'expliquent peut-être en partie par l'évaluation que la cour fait du risque futur. En particulier, des études ont déjà révélé que les ex-conjointes courent un plus grand risque d'être tuées que les conjointes non séparées (Hotton, 2001). Selon l'enquête sur les homicides, c'est particulièrement vrai dans les deux premiers mois de la séparation (Mihorean, 2004). Par conséquent, les cours peuvent décider que l'imposition d'une peine d'emprisonnement est plus indiquée pour un conjoint séparé que pour un conjoint non séparé. On n'a pas constaté d'augmentation du risque d'homicide après la séparation pour les hommes ce qui peut expliquer en partie pourquoi il n'y a pas d'écart entre les taux d'emprisonnement pour les ex-conjointes et les conjointes actuelles.

L'âge de l'agresseur semble également avoir une incidence sur la probabilité de l'emprisonnement. Les résultats montrent que les probabilités d'emprisonnement sont plus élevées pour les conjoints violents âgés de 18 à 24 ans et qu'elles diminuent systématiquement ensuite à mesure que l'âge de l'agresseur augmente. Les jeunes adultes sont peut-être plus susceptibles de recevoir une peine d'emprisonnement parce que les juges savent que le risque d'homicide conjugal est plus grand chez les jeunes couples (Gannon, 2004).

Violence contre des enfants

Les membres de la famille reconnus coupables d'agression sexuelle contre des enfants sont plus susceptibles de recevoir une peine d'emprisonnement que ceux qui sont reconnus coupables de violence physique

Dans l'ensemble, les membres de la famille reconnus coupables d'avoir agressé leur enfant sont moins susceptibles de recevoir une peine d'emprisonnement que ceux qui ont commis des actes de violence contre des personnes ne faisant pas partie de leur famille. Selon les dossiers rapprochés de la police et des tribunaux, 15 % seulement des membres de la famille reconnus coupables reçoivent une peine d'emprisonnement, comparativement à 28 % des amis ou des connaissances et 23 % des étrangers. Ces résultats corroborent des études antérieures qui ont montré que les membres de la famille de la victime reçoivent souvent des peines moins sévères que les agresseurs qui ne font pas partie de la famille (Daly, 1989).

Cependant, lorsque nous prenons en compte le type d'infraction, l'écart entre un membre de la famille et un autre agresseur quant à la probabilité de se voir imposer une peine d'emprisonnement ne tient plus lorsqu'il est question de violence sexuelle contre des enfants. Près de la moitié des membres de la famille reconnus coupables d'avoir agressé sexuellement un enfant ont reçu une peine d'emprisonnement, contre un peu moins de quatre sur dix agresseurs ne faisant pas partie de la famille (39 %). Cette tendance en matière de détermination de la peine peut être fondée sur la nature de la violence sexuelle familiale contre des enfants. Ces actes commis au sein de la famille sont rarement un incident isolé, mais plutôt des actes qui s'étendent sur une période donnée.

Comme dans les causes de violence conjugale, les condamnations avec sursis dans les cas d'agressions contre des enfants commises par des membres de la famille sont relativement rares, quoiqu'un peu plus courantes dans les causes de violence contre des enfants que de violence conjugale (5 % contre 2 %). De plus, comme dans les causes de violence conjugale, les condamnations avec sursis sont beaucoup plus courantes dans les causes d’agressions sexuelles contre des enfants commises par un membre de la famille que dans les causes de violence physique (24 % contre 3 %). De plus, parmi les personnes reconnues coupables d'agression sexuelle contre des enfants, les membres de la famille (24 %) étaient beaucoup plus susceptibles de recevoir une condamnation avec sursis que des amis/connaissances (18 %) ou des étrangers (8 %).

Compte tenu de la rareté relative du recours à l'emprisonnement et à la condamnation avec sursis dans les causes de violence contre des enfants, il n'est pas étonnant que les cours imposent la probation dans près des deux tiers (62 %) de ces causes (67 % des condamnations pour violence physique et 38 % des condamnations pour agression sexuelle contre des enfants). Les membres de la famille étaient plus susceptibles que les autres contrevenants de recevoir une peine de probation dans les causes de violence physique (78 % contre 58 %), mais l'inverse est vrai dans les causes d'agression sexuelle contre des enfants, dans lesquelles les membres de la famille reçoivent une peine de probation dans 29 % des cas, contre 43 % pour les autres contrevenants.

En plus des variations fondées sur la nature de l'infraction, la relation familiale avec l'enfant a aussi une incidence sur la détermination de la peine. En général, les parents reconnus coupables de violence contre leurs enfants sont moitié moins susceptibles d'être condamnés à la prison que d'autres membres de la famille (11 % contre 25 %). Toutefois, c’est différent lorsqu'il s'agit d'agression sexuelle contre des enfants puisque les parents sont alors plus susceptibles que d'autres membres de la famille de recevoir une peine d'emprisonnement (52 % contre 44 %).

Les membres de la famille reconnus coupables de violence contre des filles et des très jeunes enfants sont plus susceptibles de recevoir une peine d'emprisonnement

Le sexe et l'âge de la victime ont une incidence sur la détermination de la peine dans les causes de violence commise par des membres de la famille contre des enfants. Les causes dont les victimes sont des filles sont plus susceptibles d'aboutir à une peine d'emprisonnement que celles dont les victimes sont des garçons (18 % contre 11 %). Cela s'explique surtout par le fait qu'une plus grande proportion de filles sont agressées sexuellement par des membres de leur famille, un crime qui tend à entraîner des peines plus sévères. Même parmi les causes d'agression sexuelle contre des enfants, les causes dont les victimes sont des filles sont plus susceptibles d'aboutir à une peine d'emprisonnement que celles dont les victimes sont des garçons (48 % contre 37 %).

L'analyse révèle également que l'âge a une incidence sur la sévérité de la peine imposée par les tribunaux. Par exemple, les membres de la famille qui ont agressé les enfants considérés les plus vulnérables, c'est-à-dire ceux de moins de trois ans, sont environ deux fois plus susceptibles de recevoir une peine d'emprisonnement (30 %) que ceux qui ont agressé des enfants âgés de trois à onze ans (16 %) et de 12 à 17 ans (14 %; voir la figure 2). Cet écart est particulièrement marqué dans les causes de violence physique commise au sein de la famille contre des enfants, les données de la police montrant que les enfants agressés avant trois ans sont beaucoup plus susceptibles de subir des blessures graves que les enfants plus âgés (Brzozowski, 2004). Par ailleurs, on peut reconnaître que le risque existe que la violence s'aggrave si les tribunaux ne la répriment pas sévèrement, puisque les données sur l'homicide montrent que le risque d'être tué est plus grand pour les enfants de moins d'un an (Gannon, 2004).

Figure 2. Les membres de la famille qui commettent des actes de violence contre des enfants de moins de 3 ans sont plus susceptibles d'être emprisonnés, 1997-2002

Violence contre des personnes âgées

Les autres agresseurs sont plus susceptibles que les membres de la famille d'être reconnus coupables d'infractions graves contre des personnes âgées

Comme dans les causes de violence conjugale et de violence contre des enfants commise au sein de la famille, les membres de la famille reconnus coupables de violence contre des personnes âgées sont généralement moins susceptibles de recevoir une peine d'emprisonnement que les autres agresseurs (22 % contre 36 %). Cela peut s'expliquer en grande partie par le fait qu'une plus grande proportion d'agresseurs n'appartenant pas à la famille sont reconnus coupables d'infractions graves, notamment de voies de fait graves (27 % contre 20 %) et de vol qualifié (15 % contre 1 %).

Même lorsque nous prenons en compte la nature de l'infraction, les écarts entre les membres de la famille et les autres agresseurs demeurent. Par exemple, dans les cas de voies de fait graves, les membres de la famille sont encore moins susceptibles de recevoir une peine d'emprisonnement que les autres agresseurs (22  % contre 34 %). Cet écart s'explique peut-être par le fait que les plaidoyers de culpabilité sont plus fréquents dans les condamnations de membres de la famille que dans les condamnations d'autres agresseurs (95 % contre 86 %).

Parmi les membres de la famille reconnus coupables de violence contre des personnes âgées, les enfants sont les plus susceptibles de recevoir une peine d'emprisonnement

La probation est la peine la plus souvent imposée aux personnes reconnues coupables d'actes de violence contre des parents âgés (voir la figure 3), mais les peines varient selon le lien de parenté. Pour ce qui concerne la peine la plus sévère (c.-à-d. l'emprisonnement), les enfants adultes sont plus susceptibles de recevoir cette peine (38 %) comparativement aux autres membres de la famille (30 %) et aux conjoints (7 %). Même lorsque nous prenons en compte la nature de l'infraction, les écarts demeurent, puisque les enfants adultes reçoivent systématiquement les peines les plus sévères.

Figure 3. La probation est la peine imposée le plus souvent aux personnes reconnues coupables de violence contre des membres âgés de leur famille 1997-2002

La probabilité de se voir imposer une peine d'emprisonnement est particulièrement grande si la victime est la mère de l'accusé. Cette conclusion tient même si l'on constate que les membres de la famille reconnus coupables d'un acte de violence contre une femme âgée sont moins susceptibles de recevoir une peine d'emprisonnement que ceux reconnus coupables d'une infraction contre un homme âgé (21 % contre 25 %). Les enfants adultes reconnus coupables de violence contre leur mère sont plus susceptibles d'être condamnés à l'emprisonnement que ceux qui ont été violents envers leur père (42 % contre 32 %).

DISCUSSION

Les constatations issues de cette étude de démonstration constituent la première comparaison directe des peines imposées dans les causes de violence familiale et dans les autres causes de violence. L'étude montre qu'en général, les cours sont moins portées à imposer une peine d'emprisonnement aux personnes reconnues coupables de violence familiale, mais il est essentiel de ne pas oublier que la détermination de la peine est un exercice complexe nécessitant l'examen de plusieurs facteurs aggravants ou atténuants. Par exemple, dans une cause de violence familiale, les juges doivent souvent prendre en compte de nombreux facteurs propres à la violence familiale, comme le désir de la victime de se réconcilier avec l'agresseur ou sa dépendance financière vis-à-vis de ce dernier. Nous ne pouvions contrôler dans la présente étude ce genre de considérations, ni d'autres facteurs.

En outre, malgré la tendance en faveur de peines plus sévères pour les auteurs des crimes les plus violents hors de la famille, il y a deux exceptions : le harcèlement criminel de conjoints et l'agression sexuelle contre des enfants. Dans ces deux cas, les tribunaux sont plus susceptibles d'imposer une peine d'emprisonnement aux membres de la famille qu'aux autres contrevenants. Le risque d'escalade de la violence dans les cas de harcèlement criminel et la nature à long terme des agressions sexuelles contre des enfants peuvent expliquer en partie pourquoi les tribunaux imposent plus souvent des peines d'emprisonnement aux membres de la famille reconnus coupables de ces crimes.

La valeur de ces constatations, qui sont fondées sur le rapprochement de dossiers de la police et de dossiers des tribunaux, milite en faveur de la poursuite de ces activités. Nous espérons que ces activités de rapprochement ouvriront la voie au retraçage du comportement délinquant à travers le système de justice pénale, notamment les services policiers, les tribunaux et les services correctionnels. Autrement dit, ces activités permettront d'évaluer mieux la carrière criminelle des agresseurs reconnus coupables de violence familiale, en nous aidant à comprendre les contacts répétés avec la police, la progression des infractions, la perpétration d'infractions sous le coup d'une mise en liberté sous caution et les condamnations. Ces renseignements contribueraient non seulement à informer la population générale du Canada sur les interactions des personnes reconnues coupables de violence familiale avec le système de justice pénale, mais ils serviraient également à éclairer les décideurs et les intervenants du système de justice pénale pour qu'ils puissent mieux saisir l'effet et l'efficacité des réponses et des interventions du système.

RÉFÉRENCES

Brzozowski, J (éd.). La violence familiale au Canada : profil statistique. Numéro 85-224 au catalogue. Ottawa : Statistique Canada, 2004.

Brown, T. Politiques en matière de mise en accusation et de poursuite dans les affaires de violence conjugale : synthèse des réactions des chercheurs, des universitaires et du milieu judiciaire. Ottawa  : Justice Canada , 2000.

Daly, K. Neither Conflict nor Labeling nor Paternalism Will Suffice: Intersections of Race, Ethnicity, Gender, and Family in Criminal Court Decisions. Crime and Delinquency. 1989, vol. 35, n o 1, p. 136-168.

Felder, R. At Issue: Domestic Violence: Should victims be forced to testify against their will? American Bar Association Journal . Mai 1996.

Gannon, M. Harcèlement criminel, 1998. Bulletin. Ottawa : Statistique Canada, octobre 1999.

Gannon, M. Homicide dans la famille. In J. Brzozowski (éd.). La violence familiale au Canada : profil statistique. Numéro 85-224 au catalogue. Ottawa : Statistique Canada, juillet 2004.

Hotton, T. Spousal violence after marital separation. Juristat. Numéro 85-002 au catalogue, vol. 21, n o 7. Ottawa  : Statistique Canada , juin 2001.

Mihorean, K. What statistics can tell us about spousal violence in Canada , communication présentée au colloqueEnhancing Judicial Skills in Cases of Violence & Abuse in Intimate Relationships. Whitehorse : Institut national de la magistrature, 24 juin 2004.

Pottie-Bunge, V. Violence conjugale. In V. Pottie-Bunge et D. Locke (éd.), La violence familiale au Canada : profil statistique. Numéro 85-224 au catalogue. Ottawa : Statistique Canada, 2000.

Ruby, C. Sentencing. Cinquième édition. Toronto  : Butterworths, 1999.

Trainor, K (éd.). La violence familiale au Canada : profil statistique . Numéro 85-224 au catalogue. Ottawa : Statistique Canada, 2002.

Ursel, J. Recours au système juridique à Winnipeg». In H. Johnson et K. AuCoin (éd.), La violence familiale au Canada : profil statistique. Numéro 85-224 au catalogue. Ottawa : Statistique Canada, 2003.


[1] Adapté de Gannon, M. et J. Brzozowski. « Peines imposées dans les causes de violence familiale », in J. Brzozowski (éd.). La violence familiale au Canada : un profil statistique, numéro 85-224 au catalogue. Ottawa : Statistique Canada, 2004.

[2] Analyste, Centre canadien de la statistique juridique, Statistique Canada.

[3] Chef de programme, Centre canadien de la statistique juridique, Statistique Canada.

[4] L'écart entre les femmes et les hommes qui ont déclaré subir de la violence de la part d'un partenaire intime dans la période de cinq ans est significatif du point de vue statistique. Les taux généraux semblent relativement similaires pour les hommes et les femmes, mais l'enquête a révélé que les femmes sont beaucoup plus susceptibles que les hommes de subir une violence plus sévère et répétée. En particulier, les femmes étaient plus susceptibles de subir des formes de violence plus graves, trois fois plus susceptibles d'être blessées, cinq fois plus susceptibles de recevoir des soins médicaux et cinq fois plus susceptibles de craindre pour leur vie à cause de la violence (Pottie-Bunge, 2000).

[5] Le premier tribunal spécialisé a été créé à Winnipeg (Manitoba) en 1990. Depuis, on a mis sur pied des tribunaux spécialisés en matière de violence conjugale en Ontario, en Saskatchewan, en Alberta et au Yukon.

[6] La violence conjugale s'entend de la violence commise par des partenaires légalement mariés, de fait, séparés et divorcés.

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