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Lignes directrices facultatives en matière de pensions alimentaires pour époux — Ébauche d’une proposition

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4. STRUCTURE DE BASE DES LIGNES DIRECTRICES FACULTATIVES

Les lignes directrices facultatives en matière de pensions alimentaires pour époux peuvent se structurer de nombreuses façons. À titre d'information, le document de référence décrit d'autres modèles de lignes directrices. Ce chapitre présente la structure du régime des lignes directrices facultatives que nous proposons. Les chapitres 2 et 3 en donnent un aperçu moins systématique et les chapitres suivants comprennent une description de nombreux éléments particuliers qui les composent. Nous avons toutefois pensé qu'il serait utile d'avoir dès le départ une idée de l'ensemble.

Nous présentons d'abord une analyse du concept de base de partage des revenus, à partir duquel sont construites les lignes directrices, puis un examen méthodique des éléments particuliers. Cet examen comprend trois parties. La première présente les questions préliminaires à étudier avant d'aborder les formules — c'est‑à‑dire les problèmes d'application. La deuxième présente la structure des formules de partage des revenus pour calculer le montant et la durée de la pension alimentaire, qui sont au coeur du régime proposé. Les résultats obtenus grâce à ces formules n'ont par contre pas forcément d'effet déterminant. La troisième expose les possibilités de rectifier les résultats obtenus à partir des formules (par la modulation du montant et de la durée) et de s'écarter des montants et des durées obtenus à partir des formules en recourant aux exceptions.

4.1 Partage des revenus

Le partage des revenus est le concept central à partir duquel sont construites les lignes directrices facultatives. Les budgets ne joueront plus de rôle majeur dans le processus de fixation des pensions alimentaires pour époux. Les lignes directrices proposent plutôt d'examiner les revenus des parties et de se fonder sur une formule mathématique permettant de déterminer la part des revenus conjugaux à partager. Partager les revenus n'équivaut pas à les partager également, contrairement à ce qui prévaut dans l'opinion courante. Il y a, en effet, de multiples façons de partager des revenus, selon la formule retenue.

Vous verrez ci-dessous que d'autres facteurs aussi sont pertinents pour calculer le montant d'après les lignes directrices facultatives que nous proposons, par exemple la présence d'enfants à charge et la durée du mariage. Toutefois, le niveau des revenus des parties et, plus précisément, les écarts entre ces revenus, deviennent le facteur principal dans la fixation de la pension alimentaire. Dans le cadre des lignes directrices facultatives en matière de pensions alimentaires pour époux, de même que dans le cadre des lignes directrices en matière de pensions alimentaires pour enfants, la détermination précise du revenu, notamment l'attribution de revenus, va indéniablement devenir une question bien plus importante qu'auparavant.

Le partage des revenus n'est pas une nouvelle théorie en ce qui a trait à la pension alimentaire pour époux. Nous avons déjà souligné que le projet des lignes directrices facultatives ne visait pas à instaurer un nouveau cadre théorique du droit en la matière. Il vise davantage à répondre aux besoins pratiques des praticiens du droit de la famille et des juges qui sont régulièrement confrontés à des dilemmes lorsqu'il s'agit de conseiller, de négocier, de plaider et de décider en matière de pensions alimentaires pour époux.

Il faut donc souligner que le recours au partage des revenus comme méthode de calcul des pensions alimentaires n'entraîne pas obligatoirement l'adoption des théories touchant la pension alimentaire pour époux qu'expose le document de référence. Selon quelques-unes de ces théories, qui sont sans nul doute contradictoires, le mariage est une relation de confiance et de communauté qui justifie de traiter les revenus conjugaux comme des revenus conjoints.

Toutefois, on peut se servir de la méthode du partage des revenus comme moyen pratique et efficace pour réaliser de nombreux objectifs concernant les pensions alimentaires, notamment la compensation des avantages et des inconvénients économiques du mariage ou la reconnaissance des besoins et de la dépendance économique. Ce recours à des mesures substitutives existe déjà dans le droit en matière de pensions alimentaires pour époux — dans l'usage courant du niveau de vie et de l'analyse des besoins et des moyens pour quantifier la pension alimentaire compensatoire.

Les lignes directrices que nous proposons ne se réclament d'aucune théorie particulière de la pension alimentaire pour époux. Ainsi que le montrera la description des différentes formules proposées, elles sont destinées à prendre en compte les multiples théories qui façonnent le droit et à obtenir des résultats largement conformes aux modèles actuels.

Voici un aperçu du cadre entourant le mécanisme de partage des revenus, tel qu'il figure dans les lignes directrices facultatives.

4.2 Questions préliminaires — Applicabilité des lignes directrices facultatives

4.2.1 Forme et force contraignante

Contrairement aux Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, les lignes directrices que nous proposons ne seront pas imposées par voie législative. Elles n'auront pas de caractère officiel, suivant en cela la solution préconisée dans quelques États américains. Elles n'auront pas force de loi. Elles seront strictement facultatives. Elles seront volontairement adoptées par les avocats et les juges qui les trouveront utiles et constitueront un outil pratique dans le cadre législatif en vigueur. Uniquement facultatives, ces lignes directrices ne seront pas établies par voie législative, n'auront pas de caractère officiel et seront surtout un point de départ pour les négociations et les règlements.

Les tribunaux et les avocats auront certainement le loisir d'octroyer ou de négocier des pensions alimentaires pour époux qui diffèrent de celles obtenues grâce aux lignes directrices facultatives. Nous espérons toutefois que l'on s'y ralliera du fait de leur utilité, de la structure et de l'uniformité qu'elles proposent, et parce qu'on estime qu'elles permettront d'obtenir des décisions appropriées. Dans ce cas, elles établiront peut-être certaines présomptions, en ce sens que les parties devront justifier tout écart par rapport au résultat préconisé par les formules. Elles comprennent une liste d'exceptions très précises qui n'est certes pas exhaustive, mais qui donne des balises claires pour encadrer les demandes visant à s'écarter du résultat obtenu.

Les chapitres 2 et 3 expliquent en détail la question du caractère non officiel et facultatif des lignes directrices.

4.2.2 Le droit à une pension

Les lignes directrices facultatives que nous proposons n'abordent pas la question du droit à une pension alimentaire. Leur caractère non officiel implique qu'elles demeurent assujetties aux dispositions concernant le droit à une pension alimentaire prévues par la Loi sur le divorce, notamment les par. 15.2 4) et 6), telles que les tribunaux les ont interprétées. Ce droit demeure donc une question primordiale qui doit être déterminée avant que ne s'appliquent les lignes directrices. Une simple disparité de revenu, qui pourrait aboutir à un montant de pension alimentaire d'après les lignes directrices facultatives, ne donne pas automatiquement droit à une pension.

Nous avons pris en considération, en rédigeant ces lignes directrices, que l'état actuel du droit en matière de pensions alimentaires pour époux, après l'arrêt Bracklow, offrait une portée très étendue au droit à une pension alimentaire. Effectivement, tout écart de revenu significatif entraîne un droit à une pension alimentaire, le montant et la durée étant les questions majeures qui doivent se régler dans les affaires de pensions alimentaires pour époux. Les lignes directrices que nous proposons laissent aux tribunaux la responsabilité de décider quand la disparité de revenu est significative et donne droit à une pension alimentaire. Les tribunaux peuvent déterminer que dans un cas particulier il n'y a aucun droit, en dépit d'écarts de revenus. Les lignes directrices n'abordent pas cette question.

Nous reconnaissons qu'elles vont peut-être progressivement façonner des manières d'aborder le droit à une pension alimentaire. Il s'agirait de l'évolution normale du droit dans ce domaine, contrôlée par les tribunaux. Il se peut aussi qu'avec le temps, les lois portant sur le droit à une pension alimentaire évoluent dans d'autres directions si la Cour suprême du Canada ou une cour d'appel décidait d'affiner ou de limiter la portée de l'arrêt Bracklow.

4.2.3 Application aux ententes

Les lignes directrices facultatives n'abordent pas l'effet d'ententes antérieures liées à des pensions alimentaires pour époux. À l'instar du droit à une pension alimentaire proprement dit, cette question se situe en dehors de la portée des lignes directrices et continuera d'être traitée en conformité avec le droit actuel tel qu'il évolue sous l'impulsion du récent arrêt Miglin[13] de la Cour suprême du Canada.

Quand les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants sont entrées en vigueur, la Loi sur le divorce a été modifiée afin d'établir leur priorité sur les ententes qui ne leur seraient pas conformes. En raison du caractère non officiel des lignes directrices facultatives, aucune modification de ce genre n'est proposée.

Nous nous attendons toutefois à ce que les lignes directrices facultatives jouent un rôle important dans la négociation des ententes, en ce sens qu'elles apportent un cadre plus structuré et des balises permettant d'en jauger l'équité. Elles auront donc peut-être pour effet de réduire le nombre d'ententes qui sont considérées après coup comme non équitables par l'une des parties. Il se peut aussi qu'en cas de contestation, les tribunaux soient plus en mesure de définir les ententes qui ne sont pas équitables.

Le chapitre 10 traite plus en détail de l'application des lignes directrices facultatives dans les cas où il existe des ententes liées à des pensions alimentaires pour époux.

4.2.4 Ordonnances provisoires

Il est prévu que les lignes directrices facultatives s'appliquent aux ordonnances provisoires et aux ordonnances définitives. Nous croyons en fait qu'elles seront d'une utilité particulière pendant les étapes provisoires, que domine pour l'instant l'analyse des besoins et des moyens, des budgets et des dépenses, et qui exigent de prendre des décisions individualisées. Des lignes directrices ont été conçues dans de nombreux États américains aux seules fins des mesures provisoires.

Il faut bien sûr inclure les périodes de pensions alimentaires provisoires dans les limites de temps fixées par les lignes directrices facultatives. Si la durée est fixée uniquement dans les ordonnances définitives, cela inciterait à tirer dans les deux sens — on ferait parfois traîner les procédures en longueur ou bien on les accélèrerait, d'où un manque d'équité en général.

Les lignes directrices tiennent compte du fait que le montant peut devoir être fixé de façon différente pendant la période provisoire, pendant que les parties éclaircissent leur situation financière immédiatement après la séparation. Elles comportent donc une exception en cas de situation financière difficile pendant la période provisoire, afin de prendre en compte ces préoccupations à court terme.

Le chapitre 8 décrit plus en détail la question des pensions alimentaires provisoires.

4.2.5 Révision et modification

Ces lignes directrices facultatives s'appliquent avant tout au calcul initial de la pension alimentaire pour époux lors de la séparation ou du divorce, soit par entente négociée ou par jugement. Dans l'idéal, un ensemble véritablement complet de lignes directrices facultatives s'appliquerait non seulement au calcul initial, mais aussi aux révisions et aux modifications subséquentes. Ces questions se sont toutefois révélées les plus difficiles à réduire à une formule, en raison de l'incertitude du droit actuel à propos de l'effet des changements dans la situation des parties séparées.

Nous avons finalement opté pour une voie plus modeste et avons défini les quelques scénarios pour lesquels les lignes directrices facultatives s'appliqueront en cas de révision et de modification, notamment en cas d'augmentation du revenu du bénéficiaire ou de diminution du revenu du payeur. Nous avons laissé d'autres situations — augmentation du revenu du bénéficiaire après la séparation, nouvelle union, remariage, deuxièmes familles — au processus décisionnel discrétionnaire tel qu'il évolue dans le cadre du droit actuel. Il se peut que des lignes directrices facultatives soient élaborées ultérieurement pour aborder quelques-unes de ces questions ardues, après que l'on aura mis ces lignes directrices à l'essai.

Le chapitre 10 décrit davantage l'application des lignes directrices facultatives aux situations de révision et de modification.

4.2.6 Application aux lois des provinces et des territoires

Les lignes directrices facultatives que nous proposons ont été élaborées dans le cadre précis de la Loi sur le divorce, qui est fédérale. La législation des provinces et des territoires concernant les pensions alimentaires relève d'ordres juridiques distincts. Dans la pratique pourtant, il y a souvent des chevauchements.

Les lois fédérales et provinciales sont fondées sur le large cadre conceptuel des pensions alimentaires pour époux qu'a établi la Cour suprême du Canada dans les arrêts Moge et Bracklow. Ce dernier arrêt, qui vise des demandes en vertu de la Loi sur le divorce et de la législation provinciale, ne fait d'ailleurs pas vraiment de distinction entre les deux. Il ne faudrait pas s'étonner, étant donné ces chevauchements, qu'on applique les lignes directrices facultatives de façon non officielle d'après la législation des provinces et des territoires.

Les lignes directrices facultatives que nous proposons n'ont pas de caractère officiel ou contraignant. Elles ne seront employées que dans la mesure où les avocats, les juges et les médiateurs les trouveront utiles pour déterminer les pensions alimentaires pour époux. Puisqu'elles établissent des fourchettes pour le montant et la durée, elles offrent une certaine souplesse afin de prendre en compte les modèles particuliers prévus par la législation des provinces ou des territoires, de même qu'elles peuvent répondre aux particularités locales lorsqu'il s'agit d'appliquer la Loi sur le divorce. Par ailleurs, des écarts par rapport aux lignes directrices facultatives sont toujours possibles si les résultats obtenus grâce aux formules sont à l'évidence inappropriés dans le contexte des régimes provinciaux et territoriaux de pensions alimentaires.

Nous reconnaissons qu'il y a de nettes différences entre la législation des provinces et des territoires concernant les pensions alimentaires et la Loi sur le divorce. Plusieurs lois provinciales ou territoriales contiennent des dispositions spécifiques sur le droit à une pension alimentaire qui pourraient présenter des obstacles à l'application des lignes directrices facultatives. Quoi qu'il en soit, les lignes directrices que nous proposons traitent uniquement du montant et de la durée, et non pas du droit à une pension alimentaire. Par ailleurs, les lois provinciales et territoriales comportent souvent des dispositions spéciales portant sur l'effet des ententes. Mais puisque les lignes directrices n'en traitent pas et qu'elles ne sont pas applicables s'il existe des ententes antérieures, il n'y aura pas de conflit.

La législation des provinces diffère aussi de la Loi sur le divorce dans son application aux couples non mariés, mais ceci ne causera pas de difficulté pour l'application des lignes directrices. Même si pour appliquer les formules, nous avons qualifié la durée du mariage de facteur pertinent, les formules se fondent en réalité sur la durée de la cohabitation des époux (y compris les périodes de cohabitation avant le mariage), ce qui permet un arrimage sans heurt avec la législation provinciale et territoriale.

Il faut se rappeler que les lignes directrices que nous proposons n'ont pas été élaborées spécifiquement pour les contextes provinciaux et territoriaux, mais bien en en fonction de la Loi sur le divorce.

4.2.7 Application aux mariages de conjoints de même sexe

Lors de la rédaction de cette proposition, la Loi sur le divorce n'avait pas été modifiée en vue d'attribuer aux époux de même sexe le droit au divorce et aux mesures accessoires. Dans l'hypothèse d'une telle réforme législative, les lignes directrices facultatives s'appliqueraient aux couples de même sexe dont le mariage a pris fin et qui demandent une pension alimentaire pour époux en vertu de la Loi sur le divorce, de la même façon qu'elles s'appliquent aux couples hétérosexuels mariés. La législation des provinces et des territoires concernant les pensions alimentaires s'applique aux unions de fait et donc aux unions de conjoints de même sexe qui répondent aux conditions statutaires en matière de droit à une pension alimentaire.

4.3 Formules

Les lignes directrices sont élaborées autour de deux formules de base du partage des revenus, plutôt que sur une formule unique.

4.3.1 Catégories de mariage : avec ou sans enfant

Les lignes directrices facultatives font une distinction fondamentale entre les mariages sans enfant à charge et ceux où il y a des enfants à charge, et plus précisément une distinction entre les cas où il n'y a pas d'obligation alimentaire concomitante pour enfant et ceux où il y en a. Il en résulte deux formules distinctes.

Ce que nous appelons la formule « sans pension alimentaire pour enfant » s'applique dans les cas où il n'y a pas d'enfant à charge. Pour déterminer le montant et la durée de la pension alimentaire, cette formule se fonde surtout sur la durée du mariage (ou plus précisément sur la durée de la relation, y compris les périodes de cohabitation avant le mariage). Le montant et la durée augmentent en fonction de la durée de la relation. Cette formule est construite à partir de la notion de fusion au fil des années, utile pour réaliser, en phase avec les grandes tendances du droit actuel, les objectifs compensatoires et non compensatoires de la pension alimentaire, quand il n'y a pas d'enfant à charge.

Selon la formule de base « sans pension alimentaire pour enfant » :

  • le montant de la pension alimentaire pour époux est de 1,5 % à 2 % de l'écart entre les revenus bruts des époux, par année de mariage;
  • la durée est de 0,5 à 1 année de pension alimentaire par année de mariage; après 20 ans de mariage, la pension alimentaire devient permanente.

La formule « sans pension alimentaire pour enfant » est décrite au chapitre 5.

L'autre formule s'applique dans les cas où il y a des enfants à charge — la formule « avec pension alimentaire pour enfant ». Le traitement différent des mariages où il y a des enfants à charge ainsi que des obligations alimentaires concomitantes à leur égard se justifie par des considérations théoriques et pratiques et trouve d'ailleurs un écho dans la jurisprudence actuelle.

Du point de vue théorique, le mariage comprenant des enfants à charge donne lieu à d'importantes demandes de compensation fondées sur les inconvénients économiques découlant de la responsabilité première du soin des enfants, non seulement pendant le mariage, mais aussi après la séparation. Nous avons identifié cet aspect du principe de compensation comme étant le principe du partenariat parental, car il s'applique lorsqu'il y a des enfants à charge. Cette notion nous a inspirés pour structurer la formule « avec pension alimentaire pour enfant ».

L'al. 15.2(6) c) de la Loi sur le divorce reflète ce principe de partenariat parental et prévoit que « l'ordonnance rendue pour les aliments d'un époux vise à répartir entre [les époux] les conséquences économiques qui découlent du soin de tout enfant à charge, en sus de toute obligation alimentaire relative à tout enfant à charge ». Les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants ne prennent pas entièrement en compte les frais indirects du soin des enfants, laissant la compensation de ces frais à la pension alimentaire pour époux. Pour les mariages où il y a des enfants à charge, la durée du mariage n'a pas, comme facteur de fixation de la pension alimentaire, la même importance que la responsabilité du soin des enfants après la séparation.

Du point de vue pratique, la pension alimentaire pour enfant se calcule en premier, en priorité par rapport à la pension alimentaire pour époux. En outre, il faut prendre en compte le traitement fiscal préférentiel des pensions alimentaires pour enfant et pour époux, ce qui complique les calculs. Notre formule « avec pension alimentaire pour enfant » doit donc fonctionner avec des calculs informatisés de revenus nets disponibles d'après des logiciels du type dont se servent souvent à présent les avocats et les juges.

Selon la formule de base « avec pension alimentaire pour enfant » :

  • la pension alimentaire pour époux est un montant qui permet à l'époux bénéficiaire de disposer de 40 % à 46 % du revenu net des époux, après déduction de la pension alimentaire pour enfant (pour désigner le revenu net des époux après déduction de la pension alimentaire pour enfants, nous utilisons l'expression revenu individuel net disponible ou RIND);
  • selon cette formule est plus complexe et plus souple qu'avec la formule « sans pension alimentaire pour enfant » et se fonde à la fois sur la durée du mariage et sur la période de prise en charge des enfants après la séparation.

La formule « avec pension alimentaire pour enfant » est décrite au chapitre 6.

4.3.2 Durée du mariage

Dans les lignes directrices facultatives, la durée du mariage est un facteur important pour fixer les pensions alimentaires dans les cas où il n'y a pas d'enfant à charge. Selon la formule « sans pension alimentaire pour enfant », le pourcentage du partage des revenus varie selon la durée du mariage et augmente progressivement avec celle-ci; il en va de même pour la durée de la pension alimentaire.

La durée du mariage a moins de pertinence dans la formule « avec pension alimentaire pour enfant », même si malgré tout elle y joue un rôle pour déterminer la durée de la pension alimentaire.

Étant donné la pertinence de la durée du mariage dans le cadre des lignes directrices facultatives, il est essentiel d'en préciser le sens. Certes, nous nous servons de l'expression « durée du mariage », qui est pratique, mais il s'agit plus précisément de la durée de la relation, qui comprend des périodes de cohabitation avant le mariage et se termine à la séparation.

Lors de l'élaboration des lignes directrices facultatives, nous avons parfois établi 3 catégories de mariage, en fonction de leur durée — court (moins de 5 ans), moyen (5-19 ans), long (plus de 20 ans). Ces catégories valent surtout quand il s'agit de déterminer la durée de la pension alimentaire et de réfléchir aux circonstances qui exigeront des exceptions à la formule « sans pension alimentaire pour enfant ».

Ces catégories, surtout celles des mariages courts et longs, correspondent à une classification implicitement sous-jacente à de nombreux textes législatifs en vigueur et structurent les décisions actuelles. La législation actuelle est assez uniforme dans la façon d'aborder les mariages longs et courts sans enfant à charge; il y a beaucoup plus d'incertitude pour les mariages de durée moyenne sans enfant. Il ne faut pas s'étonner que ce soit dans cette catégorie qu'il a été le plus difficile d'élaborer des lignes directrices facultatives.

4.3.3 Durée de la pension alimentaire

Les lignes directrices facultatives que nous proposons tentent de présenter une formule pour déterminer la durée et le montant de la pension alimentaire pour époux. Même si les juges et les avocats considèrent souvent qu'il s'agit de deux questions bien distinctes, elles sont liées et se combinent pour déterminer le montant total ou global octroyé.

Les lignes directrices facultatives que nous proposons établissent les conditions présumées de pensions alimentaires indéfinies. Parfois elles précisent la durée de la pension alimentaire. Le fait de préciser la durée est un aspect particulièrement important de la formule « sans pension alimentaire pour enfant ». C'est un aspect moins essentiel, plus souple, dans les cas où il y a des enfants à charge et où s'applique la formule « avec pension alimentaire pour enfant ».

La limite de la durée fait indéniablement problème dans le cadre de la législation actuelle au Canada. Depuis l'arrêt Moge, les ordonnances limitées dans le temps sont devenues plus rares. Depuis l'arrêt Bracklow, des juges ont rétabli des limites de durée, au moins pour les ordonnances alimentaires non compensatoires. Même si les parties négocient encore souvent des limites de durée dans des ententes et des ordonnances obtenues sur consentement des parties, de nombreux tribunaux répugnent encore à en limiter la durée, sauf pour les mariages courts.

La durée demeure très incertaine dans la législation actuelle, surtout pour les mariages de durée moyenne. Le problème de la durée est souvent remis à plus tard, aux révisions et aux modifications régulières. Dans la pratique actuelle, les incertitudes autour de la durée peuvent générer des montants de pension alimentaire peu élevés, les juges et les avocats craignant que les montants accordés, que ce soit par ordonnance ou dans le cadre d'une entente, le soient pour très longtemps, voire indéfiniment.

Des limites de durée raisonnables sont, selon nous, un élément essentiel des lignes directrices facultatives en matière de pension alimentaire pour époux, lesquelles sont censées favoriser une plus grande certitude, surtout si elles permettent d'établir des montants mensuels raisonnables. Les limites établies selon nos formules sont potentiellement très généreuses; pour les mariages de durée moyenne, elles peuvent s'appliquer pendant très longtemps — 19 ans au maximum. Ces limites sont donc très différentes des limites brèves et arbitraires de trois à cinq ans qui sont devenues la norme dans le modèle de la « rupture nette » de la pension alimentaire pour époux. Dès lors que le mariage a eu une certaine durée, nos limites dans le temps se conjuguent avec des montants mensuels généreux.

Si le droit actuel ne peut s'accommoder des limites de durée que proposent les lignes directrices facultatives, limites que nous estimons raisonnables et susceptibles d'être très généreuses, il faudra alors reconfigurer les lignes directrices et diminuer les montants obtenus à partir des formules proposées. Le montant et la durée sont des éléments étroitement liés aux formules, le tout formant un ensemble indissociable. Se servir d'un élément et ignorer l'autre nuirait à l'intégrité et à la cohérence du régime que nous proposons. Les lignes directrices facultatives prévoient un mécanisme de restructuration, qui permet d'augmenter la durée en diminuant le montant de la pension alimentaire.

4.3.2 Fourchettes

Les lignes directrices facultatives ne produisent pas de chiffre fixe ni pour le montant, ni pour la durée, mais plutôt une fourchette de résultats possibles, ce qui constitue un point de départ pour la négociation ou la décision judiciaire. Les fourchettes que nous avons élaborées pour la durée selon la formule « sans pension alimentaire pour enfant »sont remarquablement larges, ce qui reflète la fluctuation et l'incertitude dans la pratique actuelle. Après une période initiale de tâtonnement, on pourra préciser les lignes directrices facultatives.

Les fourchettes proposent un spectre suffisamment large pour permettre des décisions plus individualisées et elles laissent assez de place pour les discussions sur la question de savoir à quel endroit de la fourchette la pension alimentaire doit se situer, au regard de la multiplicité des objectifs et des facteurs de la Loi sur le divorce en matière de pensions alimentaires. Les fourchettes permettent aussi de prendre en compte quelques-unes des fluctuations de la pratique actuelle, notamment les variations dans les perceptions locales de ce qu'est l'obligation alimentaire.

4.3.5 Déterminer le revenu

Les régimes de partage des revenus fonctionnent directement à partir du revenu — les niveaux de revenu déterminent en fait le montant de pension alimentaire à verser. Avec ces lignes directrices, la détermination exacte du revenu va devenir un facteur beaucoup plus important qu'auparavant dans les cas de pension alimentaire pour époux et il y aura davantage de raisons de contestation en regard de la question des revenus. La précision absolue pour déterminer le revenu ne sera peut-être pas aussi essentielle qu'avec les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, du fait que les lignes directrices facultatives produisent des fourchettes et non des montants spécifiques. Dans de nombreux cas, il y aura des demandes combinées de pension alimentaire pour enfants et pour époux, et la détermination précise du revenu est déjà exigée quand il s'agit des enfants.

Dans les deux formules que nous proposons, le point de départ pour déterminer le revenu est la définition de « revenu » donnée dans les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, y compris à l'annexe III (rajustements du revenu). Ceci est conforme à la pratique actuelle. Dans les cas associant des demandes de pension alimentaire pour enfants et pour époux, le revenu du payeur, tel que le déterminent les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, sert aussi de base pour le calcul de la pension alimentaire pour époux.

Ces lignes directrices facultatives ne résolvent pas les problèmes ardus de détermination du revenu, qui surgissent en cas de revenu de travail indépendant et d'autres formes de revenu hors travail. Ce sont des cas difficiles à résoudre avec les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants et qui le demeureront avec les lignes directrices facultatives en matière de fixation des pensions alimentaires pour époux. Il peut s'avérer nécessaire de fixer un revenu fictif si le revenu réel d'un époux ne reflète pas correctement ses capacités financières. Il s'agira parfois d'attribuer un revenu à l'époux payeur; en cas de modification et de révision, il pourra s'agir d'attribuer un revenu à l'époux bénéficiaire s'il est établi qu'il n'a pas fait les efforts requis pour acquérir son autonomie.

L'attribution d'un revenu fictif est, dans le cadre de ces lignes directrices facultatives, le mécanisme privilégié pour répondre aux préoccupations concernant l'effet dissuasif que peuvent avoir des pensions alimentaires généreuses sur la volonté d'acquérir son indépendance économique, particulièrement dans des scénarios de revenus élevés. Dans la pratique actuelle, de telles préoccupations entraînent souvent des ajustements à la baisse du montant de l'ordonnance initiale. Avec des lignes directrices, le montant de la pension alimentaire est déterminé par le revenu des époux et de tels ajustements ne sont pas possibles. Si un époux ne parvient pas à gagner sa vie, on peut ultérieurement attribuer un revenu au niveau approprié, à l'occasion d'une révision ou d'une modification.

4.3.6 Revenu net, revenu brut

Les modèles actuels de lignes directrices varient; ils sont fondés aussi bien sur le revenu brut (c'est‑à‑dire avant impôt) que sur le revenu net (c'est-à-dire après impôt) dans leurs formules de partage des revenus. L'une et l'autre méthode peut tout autant se justifier.

Le revenu brut peut se calculer plus facilement, sans logiciel, et la plupart des époux peuvent le comprendre plus facilement. Il est également conforme aux Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants.

Les chiffres du revenu net sont plus exacts et règlent mieux les questions du traitement fiscal préférentiel de la pension alimentaire pour enfants et pour époux et les divers avantages fiscaux qui entrent en jeu lorsqu'il y a des enfants. Les logiciels informatiques, sur lesquels se basent souvent désormais les juges et les avocats, fonctionnent aussi avec le revenu net pour calculer les rentrées de fonds mensuelles.

Au bout du compte, nous avons choisi de nous servir de deux méthodes de calcul du revenu :

  • dans la formule « sans pension alimentaire pour enfant », qui s'applique quand il n'y a pas d'enfant à charge et donc pas d'obligation alimentaire concomitante à l'égard des enfants, on se sert du revenu brut pour faciliter les calculs;
  • dans la formule « avec pension alimentaire pour enfant », on se sertdes calculs du revenu net.

Les deux formules génèrent un montant brut de la pension alimentaire pour époux, qui sera soumis aux règles de déduction et d'inclusion en vigueur aux fins de l'impôt. Compte tenu de leur caractère non officiel, les lignes directrices facultatives ne modifient en rien le traitement fiscal actuel des pensions alimentaires pour époux.

Les définitions du revenu utilisées dans chaque formule sont détaillées aux chapitres 5 et 6.

4.3.7 Plafonds et planchers

Comme dans le cas des Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, les lignes directrices facultatives en matière de pensions alimentaires pour époux établissent des plafonds et des planchers des revenus auxquels elles s'appliquent. Elles proposent davantage de flexibilité pour les montants au-delà d'un plafond donné (comme pour les revenus de plus de 150 000 $ selon les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants) et fixent un plancher en dessous duquel il n'y aura pas de pension alimentaire pour époux (comme le plancher de 7 000 $ des Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants).

À l'instar des Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, nous avons établi le plafond et le plancher en regard du revenu annuel brut du payeur. Le plafond se situe à 350 000 $ (revenu annuel brut du payeur) et le plancher à 20 000 $ (revenu annuel brut du payeur).

Plafonds et planchers sont davantage détaillés au chapitre 7.

4.4 Après application des formules : restructuration et exceptions

Les lignes directrices facultatives autorisent beaucoup de latitude pour prendre en compte les faits de l'espèce. Ainsi que nous l'avons exposé ci-dessus, il y a place à beaucoup de latitude pour fixer avec précision des montants et des durées dans les limites des fourchettes découlant des formules. Nous exposons ici deux autres possibilités d'exercice du pouvoir discrétionnaire dans le régime que nous proposons : l'une est la capacité de rectifier les décisions obtenues grâce aux formules en compensant le montant par la durée et l'autre, la possibilité de s'écarter des décisions obtenues au moyen des formules en évoquant des exceptions.

4.4.1 Restructuration

Même si les formules génèrent des chiffres distincts pour le montant et la durée, les lignes directrices facultatives reconnaissent explicitement que l'on peut restructurer ces chiffres en modulant le montant et la durée. On pratique couramment de telles modulations dans les ententes de séparation et les ordonnances convenues. Les lignes directrices facultatives reconnaissent également que les juges peuvent de la même façon ajuster le montant et la durée.

La Cour suprême du Canada a reconnu dans l'arrêt Bracklow que le montant et la durée de la pension alimentaire pouvaient se configurer de différentes façons afin d'obtenir des pensions alimentaires de valeur similaire (ce qu'elle appelle quantum). Elle souligne ainsi qu'une pension alimentaire d'un faible montant accordée pour longtemps peut équivaloir à une pension alimentaire d'un montant plus élevé accordée pour une durée plus courte.

La restructuration peut se faire de trois façons :

  • attribuer d'emblée un montant plus élevé au-delà de la fourchette de la formule et raccourcir la durée;
  • allonger la durée au-delà de la fourchette de la formule et diminuer le montant de la mensualité;
  • soit enfin, fixer une somme forfaitaire combinant montant et durée.

Nous prévoyons que la restructuration permettra de résoudre de nombreux cas où la décision obtenue grâce aux formules ne semble pas convenir. C'est ce que nous avons constaté lors de l'élaboration des formules. Quand on fait appel à la restructuration pour résoudre des problèmes liés aux décisions obtenues à partir des formules et qui ne conviennent pas, les pensions alimentaires accordées demeurent conformes aux montants généraux ou globaux obtenus à partir des lignes directrices facultatives. La restructuration ne constitue donc pas une exception, ni un écart par rapport aux formules.

La restructuration est détaillée aux chapitres 5 et 6, dans le contexte des discussions sur les deux formules. L'exposé du chapitre 5 est plus approfondi, la restructuration s'appliquant davantage aux cas traités selon la formule « sans pension alimentaire pour enfant ».

4.4.2 Exceptions

Les formules sont destinées à obtenir des résultats appropriés dans la majorité des cas. Nous reconnaissons toutefois que parfois, les décisions obtenues grâce aux formules n'aboutiront pas à des résultats qui correspondent aux objectifs et aux facteurs concernant les pensions alimentaires prévus dans la Loi sur le divorce, même après avoir envisagé une restructuration. Les formules sont conçues pour donner des résultats appropriés pour une vaste gamme de cas types; il faut prévoir des exceptions pour les cas inhabituels.

La nature non officielle et facultative des lignes directrices fait que lesdécisions obtenues grâce aux formules ne sont jamais contraignantes et que des écarts sont toujours possibles selon le cas d'espèce, lorsqu'on estime que les résultats obtenus ne conviennent pas. Les lignes directrices facultatives comprennent une liste d'exceptions qui, même si elle n'est pas exhaustive, est destinée à aider les avocats et les juges à cerner et à évaluer les possibilités de s'écarter des formules. Ces exceptions permettent de tenir compte de théories divergentes concernant les pensions alimentaires pour époux et de mieux prendre en considération les faits de l'espèce si l'exercice de restructuration n'a pas permis de le faire.

Au nombre des exceptions, il y a notamment l'exception compensatoire, qui permet d'accorder des pensions alimentaires de valeur plus élevée que celle obtenue à partir des formules pour les mariages brefs, où il y a eu des pertes économiques consécutivement au mariage ou des apports non indemnisés à la carrière de l'autre époux qui sont hors de proportion avec la durée du mariage. L'incapacité d'être financièrement autonome du fait de la maladie ou de la déficience peut aussi constituer une exception, de même que la responsabilité disproportionnée à l'égard des dettes du mariage ou d'obligations alimentaires au profit d'enfants ou de l'époux d'une relation antérieure.

À l'instar de la restructuration, les exceptions sont détaillées aux chapitres 5 et 6 dans le contexte de l'exposé sur les deux formules.

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