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Créer un cadre de sagesse communautaire : examen des services aux victimes dans les territoires du Nunavut, du Nord-Ouest et du Yukon

  1. 4.0 Territoire du Yukon
    1. 4.2 Normes sociales et culturelles : contexte
    2. 4.3 Services offerts dans les collectivités du Yukon
      1. 4.3.1 Portée et méthodologie

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4.2   Normes sociales et culturelles : contexte

L'explication qui suit au sujet de la base culturelle des normes sociales pourrait aider à déterminer comment les familles, les collectivités et la société au Yukon s'occupaient et s'occupent des victimes de crime. Les normes sociales concernant le traitement des victimes de violence et tous les aspects du comportement personnel et collectif ne sont pas élaborées en vase clos. Les normes sociales appliquées dans toutes les cultures tiennent à une grande variété d'explications économiques et socio-politiques, certains diraient évolutives. L'explication anthropologique suivante des normes sociales présente un cadre utile permettant de comprendre pourquoi les victimes dans chaque culture sont traitées comme elles le sont.

Les cultures autochtones rattachées au territoire dans le monde entier, y compris la culture des Premières nations du  Yukon, partagent une vision du monde que certains anthropologues ont désignée sous le nom de vision « très contextuelle »[132]. Les cultures reposant une vision très contextuelle sont celles où le contexte général d'une situation est observé, analysé et compris instinctivement par tous les membres du groupe, souvent en même temps. L'information est recueillie et comprise dans le contexte où elle se trouve. Ce contexte comprend le déplacement des animaux, le climat, le comportement des personnes, les événements célestes, en bref toutes les activités et tous les événements qui se déroulent dans le présent, le passé et l'avenir. C'est la raison pour laquelle on parle de vision « très » contextuelle, c'est-à-dire qu'on recueille une grande quantité d'information au moyen des sens afin de tirer des conclusions. Les événements ne peuvent être compris que dans le contexte de leurs rapports avec d'autres événements.

Par contre, les cultures fondées sur une vision « peu contextuelle » sont celles où l'information est recueillie, classée et comprise dans des segments distincts. Dans les cultures peu contextuelles, les individus acquièrent l'information au moyen de méthodes non holistiques largement technologiques. C'est-à-dire qu'ils ont recours dans une grande mesure à la parole et à l'écriture et à des outils technologiques comme le téléphone, l'horloge et la radio. Dans ces cultures, par exemple, on ne tient pas souvent compte du comportement des animaux et des personnes pour tirer des conclusions au sujet du temps. Le temps est considéré comme un phénomène distinct des actions des animaux et des humains. En bref, dans les cultures peu contextuelles, on a recours à ce qu'on appelle le raisonnement déductif, l'analyse systémique et la « méthode scientifique » pour comprendre la vie. Ces cultures reposent moins sur le contexte général des événements. 

Les cultures très contextuelles ne conçoivent pas le temps comme linéaire, mais comme un élément cyclique et inhérent dans les objets et les êtres. Elles ne considèrent pas tout élément de l'univers comme distinct de tout autre élément, y compris les êtres vivants. Rien n'est distinct; toute la vie constitue une entité, un phénomène. Les membres de ces cultures croient qu'ils font partie de ce tout et qu'ils ne dominent pas ou ne dictent pas les événements, mais vivent en quelque sorte en harmonie avec les événements. À l'extrémité opposée du spectre, les cultures peu contextuelles considèrent le temps comme une marche du passé vers l'avenir en passant par le présent. L'univers est conçu comme une collection d'êtres, d'événements et de circonstances distincts qui peuvent ou non être interreliés. De plus, les membres de ces cultures estiment que leur rôle consiste à contrôler ces êtres, ces événements et ces circonstances, et non à en faire partie.

Toutes les cultures, qu'elles soient très ou peu contextuelles, se situent sur un point de ce spectre. Les cultures qui ont colonisé le Nord du Canada étaient et sont encore assez peu contextuelles. Les cultures autochtones du Nord canadien étaient et sont encore très contextuelles. Lorsqu'une culture peu contextuelle l'emporte sur une culture très contextuelle, comme cela s'est produit dans la plus grande partie du monde pendant les années 1700 et 1800, période où l'Europe constituait un empire, la culture très contextuelle subit pendant de nombreuses générations et des centaines d'années des soulèvements, de la confusion et des crises. En premier lieu, et dès le départ, la culture autochtone très contextuelle est souvent jugée de manière négative par la culture dominante. La vision mondiale décrite plus haut et la valeur que les cultures très contextuelles accordent aux relations, à la non-ingérence, au partage, à la conservation, à la retenue affective, à la suppression de la colère (parmi les nombreuses autres valeurs qui étaient importantes pour la survie dans une culture de subsistance axée sur le territoire[133], entrent directement en conflit avec les valeurs des cultures peu contextuelles reposant sur le succès personnel, l'ambition, l'individualisme et la concurrence.

Ce choc des visions mondiales fondamentales et du comportement éthique a créé un énorme traumatisme chez les cultures très contextuelles des Premières nations au Yukon et dans le Nord du Canada. Par surcroît de malheur, la douleur et la confusion engendrées par cette perte d'identité et d'intégrité collective ont été accentuées par la violence subie dans les pensionnats, le déplacement des familles dans les collectivités établies et l'intégration par la force d'une population régionale vivant d'une économie de subsistance à une économie capitaliste mondiale. L'un des résultats de cette situation a été les niveaux relativement élevés de traumatisme, de toxicomanie, de violence et de victimisation au sein des populations des Premières nations au cours des dernières générations.

La situation est d'autant plus compliquée qu'on ne sait pas exactement comment ces phénomènes, lorsqu'ils se sont produits, ont été abordés avant cette longue période de colonisation et d'assimilation. Par exemple, il y a divers comptes rendus sur la façon dont les femmes et les enfants étaient traités avant la période coloniale. De plus, il existe différentes descriptions de la façon dont la violence était définie et abordée. Toutefois, la connaissance des normes sociales dans les cultures très contextuelles et peu contextuelles constitue un outil utile pour comprendre pourquoi les membres de ces cultures ont agi comme ils l'ont fait.

4.3 Services offerts dans les collectivités du Yukon

4.3.1 Portée et méthodologie

Au début des travaux de recherche, les organismes qui ont parrainé et entrepris les recherches ont décidé de n'examiner que les principaux fournisseurs de services du territoire du Yukon. Cette décision traduit l'existence d'un nombre relativement important de services complets, à long terme et universellement accessibles aux victimes de violence dans le territoire. En outre, contrairement aux autres territoires éloignés du Nord, toutes les collectivités du Yukon sauf une (Old Crow) sont accessibles par la route, ce qui permet la prestation de services universels. Il y a 17 collectivités principales desservies, toutes administrées à partir de Whitehorse. (Cette situation est différente des autres territoires du Nord, par exemple les Territoires du Nord-Ouest, où 30 collectivités dans six régions administrées de manière distincte, desservies par un réseau routier limité, rendent plus difficile la prestation de services universels.) L'administration centrale de ces services universels se trouve dans la capitale, Whitehorse, où 74 % de la population, 22 879 personnes, résident[134].

Au total, 30 entrevues avec des répondants de 24 services universels offerts au Yukon ont eu lieu. Ces organismes, dont l'administration centrale se trouve à Whitehorse, sont les suivants :

  • Kaushee's Place, Yukon Women's Transition Home Society;
  • Services aux victimes, Section de la prévention de la violence familiale, ministère de la Justice du Yukon;
  • Unité des crimes contre les personnes, GRC;
  • Service de soins aux enfants victimes de violence, Santé et Affaires sociales du Yukon;
  • Bringing Youth Towards Equality and Youth Shaping the Future Council;
  • Programme d'aide aux victimes et aux témoins, Justice Canada;
  • Bureau de promotion des intérêts de la femme du Yukon;
  • Programmes à l'intention des délinquants, Section de la prévention de la violence familiale, ministère de la Justice du Yukon;
  • Yukon Status of Women Council;
  • Centre pour femmes Victoria Faulkner; 
  • Yukon Public Legal Education Association;
  • Committee on Abuse in Residential Schools;
  • Fetal Alcohol Syndrome Society of Yukon;
  • Services aux jeunes victimes, Section de la prévention de la violence familiale, ministère de la Justice du Yukon;
  • Services de probation pour adultes, ministère de la Justice du Yukon;
  • Services de santé mentale, Santé et Affaires sociales du Yukon;
  • Skookum Jim Friendship Centre; 
  • Société des services d'aide juridique du Yukon;
  • Programmes de traitement en établissement, Santé et Affaires sociales du Yukon;
  • Centres de santé communautaires;
  • Programme de traitement des jeunes délinquants sexuels, Santé et Affaires sociales du Yukon;
  • Association des services à la famille du Yukon;
  • Blood Ties Four Directions Society; 
  • Secrétariat de l'alcool et des drogues, Santé et Affaires sociales du Yukon.

Tous ces organismes ont des bureaux dans certaines petites collectivités ou s'y rendent régulièrement. Ils demandent aux collectivités excentriques de leur envoyer des clients[135].

En plus de ces services universellement accessibles, des organismes communautaires offrant des services particuliers aux victimes de violence ont également été contactés. Ces organismes communautaires, situés à l'extérieur de la capitale Whitehorse, comprennent des refuges pour femmes battues, des programmes de justice communautaire et des programmes de guérison des victimes. Au total, 12 organismes communautaires ont été contactés, soit :

  • Magedi Safe House, Ross River;
  • Carmacks Safe House, Carmacks;
  • Help And Hope For Families Society, Watson Lake;
  • Liard Aboriginal Women's Society, Watson Lake;
  • Dena Keh Justice, Première nation de Liard, Watson Lake;
  • Dawson City Women's Shelter, Dawson;
  • Dawson City Group Conferencing Society, Dawson;
  • Southern Lakes Justice Committee, Carcross;
  • Haines Junction Justice Committee, Haines Junction;
  • Programme de justice communautaire de la Première nation de Kwanlin Dun, Services aux victimes, Whitehorse;
  • Projet de justice sociale de la Première nation de Kwanlin Dun, Whitehorse;
  • Centre de santé de Whitehorse, Whitehorse.

Les fournisseurs de services dont le mandat s'étend à l'ensemble du territoire sont tous situés à Whitehorse. Ces fournisseurs de services ont été interrogés en personne entre mai et juin 2002. Les fournisseurs de services communautaires en milieu rural ont été interrogés par téléphone pendant la même période.

Les numéros des personnes ressources et d'autres renseignements pertinents provenaient de plusieurs répertoires du Yukon axés sur la prestation de renseignements sur les services sociaux. Ces répertoires étaient les suivants :

  • « Yukon Family Violence Resource Directory 2001 » (publié par le Bureau de promotion des intérêts de la femme du Yukon  et mis à jour deux fois par année);
  • « Phone Directory of Yukon Agencies and Services », ministère de la Justice du Yukon, site Web des Services aux victimes à www.justice.gov.yk.ca;
  • NorthwesTel Yukon phone directory « Hot Peach Pages - Abuse Help Lines »;
  • « Yukon Community Directory: Resources for Personal Growth and Development, 2002 Edition » (publié annuellement par Nansi Cunningham à titre de solliciteur de fonds des ONG).

[132] Voir Edward Hall, Beyond Culture, 1976. Des aspects de cette vision du monde et de son incidence éventuelle sur la prestation de services aux victimes figurent également dans le chapitre sur le Nunavut de la présente étude.

[133] Voir Clare C Brant, médecin, A Collection of Chapters, Lectures, Workshops and Thoughts, disponible auprès de la Native Mental Health Association of Canada, 1996.

[134] La population totale du Yukon s'élève à 31 070 habitants. Bureau de la statistique du Yukon, juin 2002.

[135] Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de lacunes dans les services. En fait, bien des répondants ont recommandé qu'on s'efforce davantage d'offrir des services moins centralisés et plus de services communautaires. Voir la section 4.4, « Recommandations concernant les services aux victimes au Yukon ».

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