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JusteRecherche no 13 - ARTICLES

Résumé de l'Étude dans de nombreux lieux sur les victimes de la criminalité et les spécialistes de la justice pénale partout au Canada

Janet Graham, agente de recherche, Division de la recherche et de la statistique

ARRIÈRE-PLAN ET OBJECTIFS

L'Étude dans de nombreux lieux sur les victimes de la criminalité et les spécialistes de la justice pénale partout au Canada est une enquête exhaustive qui a été menée par PRA Inc. pour le compte du Centre de la politique concernant les victimes et la Division de la recherche et de la statistique du ministère de la Justice du Canada. PRA Inc. a été engagée pour réaliser cette enquête dans le cadre de l'Initiative sur les victimes d'actes criminels. Cette initiative, lancée en 2000, vise à accroître la confiance des victimes dans le système de justice pénale et répond aux besoins des victimes d'actes criminels qui se présentent dans les domaines relevant de la responsabilité du ministère de la Justice du Canada.

L'Étude, réalisée en conformité avec ces objectifs, est un des principaux projets de recherche de l'Initiative sur les victimes d'actes criminels. Elle a porté sur différentes questions spécifiques reliées à la promotion de l'accès à la justice, au traitement équitable et à l'aide aux victimes d'actes criminels au sein du système de justice pénale. L'enquête a porté principalement sur les mesures introduites au moyen du projet de loi C-79. Ce projet de loi, adopté en 1999, a apporté des modifications au Code criminel visant à améliorer la sécurité et la protection de la vie privée des victimes d'actes criminels au sein du système de justice pénale. Le projet de loi C- 79 a aussi cherché à donner une voix aux victimes dans les procédures pénales au moyen de déclarations de la victime. Des modifications corrélatives à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition , entrées en vigueur en 2001, ont conféré aux victimes la possibilité de présenter une déclaration préparée à l'avance lors des audiences des commissions des libérations conditionnelles. L'Étude avait pour principaux objectifs de recueillir des renseignements concernant :

  • la connaissance et l'application de ces dispositions législatives par les spécialistes de la justice pénale;
  • les obstacles à la mise en oeuvre de ces dispositions auxquelles se heurtent les spécialistes de la justice pénale;
  • les expériences des victimes relativement à ces dispositions et aux autres services offerts à leur intention tout au long du processus de justice pénale; et
  • les types de renseignements et de services fournis aux victimes d'actes criminels qui participent aux processus de la justice pénale.

Le présent article résume la méthodologie et les conclusions de l'Étude, en plus de donner un aperçu de la profondeur et de la portée des données qui ont été recueillies dans le cadre de ce vaste projet de recherche. Le volet secondaire de l'Étude, concernant des questions reliées au dédommagement, aux peines d'emprisonnement avec sursis et à la justice réparatrice, n'est pas abordé dans le présent article.

MÉTHODOLOGIE DE L'ÉTUDE

L'Étude a été menée dans 16 endroits situés dans les dix provinces du Canada. Au moins trois endroits ont été choisis dans chacune des cinq régions (Atlantique, Québec, Ontario, Prairies et Ouest canadien). Les lieux choisis comprennent un éventail de localités rurales, urbaines et nordiques, de villes de tailles différentes et des populations aux caractéristiques culturelles et linguistiques diverses. Un comité du Groupe de travail fédéral/provincial/territorial sur les victimes d'actes criminels a recommandé certains des lieux et a orienté cette recherche.

Des victimes d'actes criminels et des membres de tous les principaux groupes de spécialistes de la justice pénale ont été sondés dans les 16 lieux sélectionnés en 2002. Le groupe de répondants composé de spécialistes de la justice pénale comprenait des prestataires de services aux victimes et des représentants de groupes de défense des intérêts des victimes, des juges, des procureurs de la Couronne , des avocats de la défense, des policiers, de même que des employés des services de libération conditionnelle, des services de probation et des services correctionnels. L'étude a permis de recueillir des données quantitatives ainsi que des données qualitatives. Des entrevues ont été menées auprès de 112 victimes d'actes criminels et de 214 spécialistes de la justice pénale. En outre, des questionnaires auto-administrés ont été remplis par 1664 spécialistes de la justice pénale [10]. L'utilisation de questionnaires et d'entrevues approfondies a permis de faire un vaste éventail de constatations utiles, qui sont résumées brièvement ci-dessous [11].

RÉSUMÉ DES CONSTATATIONS

Le présent résumé vise à rendre compte des principales constatations au regard des réformes législatives et des initiatives qui constituaient l'objet principal de l'Étude. Il décrit les principaux avantages et défis relevés en rapport avec ces dispositions, en plus des principales recommandations formulées par les répondants.

Rôles des victimes d'actes criminels et responsabilités des spécialistes de la justice pénale envers les victimes dans le cadre du système de justice pénale

L'Étude a révélé que les répondants qui étaient des spécialistes de la justice pénale s'accordaient généralement pour dire que :

[Traduction]
[L]es victimes d'actes criminels ont des rôles légitimes à jouer dans le processus de justice pénale. Si les prestataires de services aux victimes et les organismes de défense des intérêts des victimes étaient les plus favorables à un rôle actif pour les victimes, d'autres spécialistes de la justice pénale croient aussi que les victimes ont le droit d'être consultées, en particulier avant la prise de mesures irrévocables.

Les juges, les procureurs de la Couronne et les policiers, par exemple, ont déclaré que leurs principales responsabilités envers les victimes d'actes criminels consistaient notamment à tenir les victimes au courant de l'état d'avancement de leurs causes devant les tribunaux, à donner aux victimes des occasions d'exprimer leur point de vue et à consulter les victimes à divers stades au cours des processus prévus par la loi. Néanmoins, les spécialistes de la justice pénale ont aussi exprimé l'avis que le rôle des victimes devrait être circonscrit. Selon eux, les victimes ne devraient pas être les décideurs finals, étant donné qu'elles ne comprennent pas nécessairement toutes les complexités du système juridique.

Information et services fournis aux victimes d'actes criminels

L'information et la prestation de services sont essentiels à la satisfaction des besoins des victimes et à l'atténuation des épreuves que constituent pour elles les processus de la justice pénale. Soixante-quinze des 112 victimes interrogées dans le cadre de l'enquête (67 %) avaient été victimes de crimes graves avec violence. Au cours des entrevues, presque toutes les victimes ont déclaré qu'elles avaient été aiguillées vers des services d'aide aux victimes et avaient reçu des services. Les répondants victimes ont mentionné le counselling, le soutien affectif et la communication de renseignements parmi les services les plus utiles. Plus de 75 % des prestataires de services aux victimes ont déclaré avoir répondu à ces besoins en offrant un soutien en situation de crise, en fournissant des renseignements au sujet des processus judiciaires et en aidant les victimes à se préparer en vue de leur participation aux procédures. Cependant, seulement la moitié des services d'aide aux victimes offraient du counselling.

Parmi les victimes interrogées, un tiers d'entre elles ont vu leur cause instruite en cour, et parmi ces dernières victimes, presque toutes celles d'entre elles qui ont témoigné ont reçu une aide aux fins de la préparation de leur comparution en cour. En règle générale, cette aide a été fournie par des services d'aide aux victimes. Un peu plus de la moitié des victimes qui ont témoigné se sentaient préparées, le plus souvent grâce au soutien dont elles avaient bénéficié avant et pendant leur témoignage. Les victimes qui estimaient avoir été mal préparées disaient avoir éprouvé de la crainte, s'être senties menacées, avoir été revictimisées ou ne pas avoir eu suffisamment de temps de préparation. Les victimes ont exprimé l'avis que l'on devrait fournir des explications plus détaillées des processus judiciaires et que l'on devrait prendre des mesures de protection plus nombreuses et plus élaborées au profit des victimes pour améliorer leur expérience de témoin. Peu des victimes interrogées avaient été admissibles à des aides au témoignage ou à des mesures de protection visant à faciliter le témoignage, et peu de victimes avaient reçu des renseignements au sujet de ces dispositions.

Les répondants victimes voulaient par-dessus tout être informés au sujet de l'état d'avancement de l'enquête et au sujet du système de justice pénale. La vaste majorité des victimes avaient reçu cette information. Soixante pour cent des victimes interrogées étaient satisfaites de la quantité et du type d'information qu'elles avaient reçue ainsi que du moment où elles l'avaient reçue. Les victimes qui se disaient insatisfaites invoquaient généralement l'insuffisance, l'imprécision, l'incohérence ou le manque de clarté de l'information. La plupart des procureurs de la Couronne , des policiers, des employés des services d'aide aux victimes et des groupes de défense des intérêts des victimes estimaient que les victimes avaient reçu des renseignements suffisants au sujet de leur cause. Cependant, des entrevues avec des répondants appartenant à ces groupes ont révélé que les volumes importants de cas compliquent la communication de renseignements aux victimes. Des questions liées à la protection de la vie privée et des mesures de protection contre l'échange de renseignements entre organismes ont aussi été mentionnées comme des obstacles à l'accès à l'information pour les victimes.

D'autres obstacles à la communication de renseignements et à la prestation de services aux victimes d'actes criminels ont été soulignés, et des solutions, expliquées. Dans les entrevues, certaines victimes et certains services aux victimes ont souligné que les victimes sont souvent bouleversées ou traumatisées par le crime. Ces répondants ont souligné qu'en règle générale, les victimes ne sont pas au courant des services disponibles. Ces groupes ont recommandé des solutions comme une communication et un suivi systématiques de la part des policiers et des procureurs de la Couronne pour tenir les victimes au courant, une communication rapide avec les victimes après le crime, la communication verbale et écrite de renseignements plus détaillés, la désignation d'une source ou d'un organisme unique charger d'informer les victimes. En outre, les procureurs de la Couronne , les policiers et les prestataires de services aux victimes interrogées ont suggéré une coopération et un partage clair des responsabilités entre organismes. Les policiers, les services d'aide aux victimes et les groupes de défense des intérêts des victimes ont affirmé que les plus grand défis résidaient dans les barrières linguistiques et culturelles. Étant donné que les réactions à la victimisation peuvent varier en fonction de la culture, une formation à la sensibilisation aux réalités culturelles a été recommandée pour le personnel des services d'aide aux victimes. Des questions financières (p. ex., frais de transport et de garde d'enfants), le manque d'accès aux services dans des régions rurales et des barrières physiques pour les personnes handicapées figuraient également parmi les obstacles mentionnés par les répondants à l'enquête.

Dispositions clés introduites en 1999 au moyen du projet de loi C-79 modifiant le Code criminel

Les victimes se voient conférer le droit de lire leur déclaration au moment de la détermination de la peine

Cette réforme législative a été adoptée pour rendre le système de justice pénale plus sensible aux victimes d'actes criminels. Elle a donné aux victimes une occasion d'informer le tribunal de la perte subie ou du préjudice causé par suite du crime au moyen d'une déclaration de la victime au moment de la détermination de la peine à infliger au délinquant et a obligé les tribunaux à prendre acte du préjudice subi par les victimes d'actes criminels.

Les constations de l'Étude révèlent que l'application de cette disposition est largement répandue. Presque 80% des victimes interrogées avaient reçu des renseignements au sujet de la possibilité de présenter une déclaration, habituellement de la part des services d'aide aux victimes. Près des deux tiers des victimes en cause dans des affaires où des accusations avaient été déposées avaient préparé une déclaration. La plupart des victimes ont choisi de présenter une déclaration écrite (plutôt que de la lire à haute voix en cour), et la plupart des victimes avaient bénéficié de l'aide de prestataires de services aux victimes pour préparer leur déclaration.

Cependant, plus de la moitié des avocats de la défense et des procureurs de la Couronne ont déclaré avoir éprouvé des difficultés en rapport avec l'utilisation de déclarations de la victime (à comparer à moins d'un tiers des prestataires de services d'aide aux victimes et des policiers). Environ un cinquième des répondants appartenant au groupe des procureurs de la Couronne , des policiers et des prestataires de services aux victimes estimaient que la présence de renseignements dénués de pertinence dans les déclarations de la victime constituait un problème réel. Quelques victimes ont déclaré ne pas avoir été autorisées à lire leur déclaration en cour en raison de son contenu inapproprié, et plusieurs avaient été frustrés par les obstacles auxquels elles s'étaient heurtées au moment de présenter leur déclaration. Environ un tiers (33 %) des prestataires de services aux victimes ont affirmé qu'un manque d'information et d'orientation des victimes constituait le principal obstacle à la préparation d'une déclaration de la victime. Un autre tiers d'entre eux attribuaient les problèmes éprouvés par les victimes dans le cadre de la préparation de déclarations de la victime à l'analphabétisme ou à des barrières linguistiques. Certains des procureurs de la Couronne interrogés estimaient qu'une déclaration de la victime peut miner leur cause et renforcer celle la défense.

Néanmoins, les quatre cinquièmes des victimes qui avaient préparé une déclaration étaient contentes de l'avoir fait. Environ la moitié des victimes interrogées estimaient que la déclaration de la victime leur avait donné une voix. Un cinquième des victimes trouvaient important d'avoir eu l'occasion de sensibiliser le juge et l'accusé aux répercussions du crime. Lors d'entrevues, les prestataires de services aux victimes se sont dits d'accord sur ce point.

Un cinquième des victimes ont déclaré avoir produit leur déclaration aux premiers stades du processus pénal, alors que tout juste un peu plus de la moitié l'ont produite avant l'inscription du plaidoyer de culpabilité ou le prononcé de la déclaration de culpabilité. Le moment de la production d'une déclaration de la victime était controversé. D'une part, 44 % des procureurs de la Couronne ont fait remarquer que si la déclaration de la victime est produite trop tôt, la victime s'expose davantage au risque d'être contre-interrogée par la défense sur la déclaration. À leur avis, la déclaration de la victime devrait être produite seulement après que la culpabilité a été établie. En revanche, environ la moitié des procureurs de la Couronne et plusieurs prestataires de services aux victimes estimaient qu'un dépôt rapide de la déclaration de la victime était préférable, étant donné que cela pouvait aider la Couronne à négocier et les juges à déterminer des peines indiquées.

  • Le juge est tenu de s'enquérir avant la détermination de la peine si la victime a été avisée de son droit de produire une déclaration

Bien que près de 80 % des victimes aient reçu des renseignements sur la production d'une déclaration de la victime, on relevait certains problèmes. Un quart des victimes dans des affaires où le délinquant avait admis sa culpabilité ou avait été déclaré coupable ont affirmé que bien qu'elles n'aient pas produit de déclaration, le juge ne leur avait pas demandé si on leur avait donné l'occasion d'en préparer une. Plusieurs victimes ont déclaré ne pas avoir été informées de la possibilité de lire leur déclaration, de ce qu'elles devaient ou pouvaient inclure dans leur déclaration ou de l'endroit où elles devaient la produire. Ces omissions peuvent avoir des répercussions sur l'issue de la cause, étant donné qu'environ 80 % des juges ont déclaré avoir utilisé la déclaration de la victime au moment de déterminer la gravité de l'infraction et la sévérité de la peine. Cependant, dans des entrevues, les juges ont expliqué que bien que la déclaration de la victime fournisse des renseignements, son utilisation est soigneusement circonscrite, étant donné que les juges doivent rendre leurs décisions en conformité avec le Code criminel . Lors d'entrevues, les procureurs de la Couronne se sont dits d'accord sur ce point.

Les victimes ont exprimé des points de vue divers quant à savoir si les juges avaient tenu compte de leur déclaration. Certains des procureurs de la Couronne , des avocats de la défense et des prestataires de services aux victimes ayant participé à l'enquête s'interrogeaient aussi sur la question de savoir si les spécialistes de la justice pénale s'acquittaient de leurs responsabilités en rapport avec les déclarations de la victime. Les questions n'étaient pas claires de savoir, d'une part, si les policiers informent régulièrement les victimes au sujet de la déclaration de la victime, d'autre part, si les procureurs de la Couronne font preuve de diligence pour tenter d'obtenir des déclarations des victimes et pour produire celles qu'ils reçoivent. Les constatations de l'enquête ont permis de répondre à ces questions. Environ 80 % des procureurs de la Couronne ont affirmé qu'ils rappellent aux juges que des déclarations de victimes ont été produites, le cas échéant. Cependant, seulement environ 25 % des procureurs de la Couronne interrogés ont déclaré avoir pour pratique habituelle de communiquer avec les victimes et de les relancer lorsqu'elles n'ont pas produit de déclaration. Bien que les prestataires de services aux victimes soient généralement d'avis que les victimes sont informées au sujet des déclarations des victimes, 20 % d'entre eux croient qu'elles ne le sont pas. Lors des entrevues, plusieurs suggestions importantes ont été faites, notamment : une procédure d'avis obligatoire ou systématique relativement aux déclarations des victimes, la communication aux victimes de renseignements sur les déclarations des victimes par tous les spécialistes de la justice pénale et les organismes de services d'aide aux victimes à différents stades du processus de justice pénale, un travail de suivi mené auprès des victimes, des campagnes d'information publique. Ces suggestions visaient à parvenir à une connaissance et une utilisation optimales des déclarations des victimes au stade de la détermination de la peine.

  • Tous les délinquants sont tenus de payer une suramende compensatoire de 15 % lorsqu'une amende est imposée ou un montant fixe de 50 $ ou 100 $ selon qu'il s'agit d'une infraction sommaire ou d'une infraction poursuivable par voie de mise en accusation

Le projet de loi C-79 oblige le délinquant à payer une suramende compensatoire. Celle-ci s'applique dans tous les cas, sauf si le délinquant parvient à établir que cela lui imposerait une contrainte excessive. Cette suramende procure un revenu supplémentaire aux provinces et aux territoires aux fins de l'amélioration et de l'extension des services d'aide aux victimes. Ces montants ne sont pas versés directement aux victimes.

Les constatations de l'Étude ont cerné d'importantes difficultés relativement à la suramende compensatoire. Les principaux obstacles se présentaient au moment de la perception de la suramende compensatoire auprès des délinquants. Un peu moins de 60 % des juges interrogés ont déclaré qu'ils imposaient généralement la suramende compensatoire. Environ un tiers des juges qui n'imposent habituellement pas la suramende ont affirmé qu'ils ne le faisaient pas parce que le délinquant n'était pas capable de payer. On relevait un désaccord entre d'autres groupes de spécialistes de la justice pénale quant à savoir si les juges renonçaient à la suramende dans des cas appropriés. La vaste majorité des avocats de la défense (90 %) croient que le pouvoir discrétionnaire de ne pas imposer la suramende compensatoire est exercé judicieusement. En revanche, les deux tiers des procureurs de la Couronne et des prestataires de services aux victimes ne sont pas d'accord. Les répondants qui estiment que les tribunaux renoncent trop souvent à imposer la suramende compensatoire croient que cela tient à des aspects tels que des attitudes judiciaires ou le défaut d'inclure la suramende comme partie intégrante des processus judiciaires. Très peu des victimes interrogées (3) ont déclaré que le délinquant dans leur cause s'était vu ordonner de payer une suramende compensatoire. En outre, peu de victimes étaient au courant de cette suramende, et son imposition n'était pas rendue publique par tous les tribunaux.

  • L'application d'interdictions de publication est clarifiée et les ordonnances discrétionnaires, dans les cas qui s'y prêtent, sont prononcées relativement à des renseignements qui pourraient permettre d'identifier des victimes qui agissent comme témoins

Seulement environ un quart des magistrats qui ont participé à l'Étude ont déclaré avoir accueilli une demande d'ordonnance de non-publication dans des causes relatives à des infractions à caractère non sexuel, ou avoir exclu le public de l'enceinte du tribunal lors de l'instruction d'une cause. En rapport avec les ordonnances de non-publication, les juges, les procureurs de la Couronne et les avocats de la défense s'accordaient sur l'importance de préserver le principe de l'audience publique, qui est essentiel à la confiance du public dans les processus de la justice pénale. Les répondants à l'enquête ont déclaré que les ordonnances de non-publication sont habituellement réservées aux infractions à caractère sexuel et sont appliquées dans d'autres causes uniquement dans des circonstances exceptionnelles.

  • Les victimes et les témoins âgés de moins de 18 ans sont protégés contre les contre-interrogatoires par un accusé se représentant lui-même dans les causes impliquant des infractions à caractère sexuel ou des infractions avec violence contre les personnes

Cette disposition a pour principal objet de protéger les victimes extrêmement vulnérables contre une revictimisation par l'accusé. Le contre-interrogatoire d'un enfant victime et de témoins âgés de moins de 18 ans est restreint dans les causes relatives à des infractions à caractère sexuel ou des infractions contre la personne avec violence en vertu du paragraphe 486(2.3) du Code criminel . Seuls 20 % des juges et 25 % des procureurs de la Couronne interrogés ont déclaré avoir pris part à une cause dans laquelle cette disposition avait été appliquée. Une importante majorité des procureurs de la Couronne au sein de ce groupe et plus de 80 % des juges ont déclaré se conformer à cette disposition et désigner un avocat aux fins du contre-interrogatoire dans ces causes. L'on a cependant relevé des exceptions, puisque plusieurs juges ont déclaré avoir permis à l'accusé de contre-interroger une jeune victime après l'adoption du paragraphe 486(2.3). En outre, quelques prestataires de services aux victimes interrogés ont mentionné que certaines victimes ne préparent pas de déclaration parce qu'elles craignent d'être contre-interrogées au sujet de son contenu.

L'idée d'élargir le champ d'application de cette disposition de manière à viser un plus vaste éventail de situations recueillait l'appui des trois quarts des services d'aide aux victimes et des groupes de défense des intérêts des victimes, de la moitié des procureurs de la Couronne et d'un quart des avocats de la défense ayant participé à l'Étude. Les victimes et les témoins adultes dans des causes relatives à des infractions sexuelles et des infractions avec violence contre la personne étaient considérés comme d'autres groupes auxquels il serait particulièrement opportun d'accorder une protection contre le contre-interrogatoire par un accusé se représentant lui-même.

  • Les victimes et les témoins souffrant d'une déficience physique ou mentale peuvent être accompagnés par une personne de confiance au moment de leur témoignage

Cette disposition vise principalement à protéger les victimes particulièrement vulnérables. Au sein de tous les groupes de répondants ayant participé à l'Étude, on relève un accord généralisé quant au recours à des personnes de confiance pour accompagner les victimes ou les témoins en bas âge ou souffrant d'une déficience mentale ou physique. Les victimes interrogées ont aussi indiqué que cette disposition avait été la disposition la plus souvent appliquée pour faciliter le témoignage. Environ 75 % des procureurs de la Couronne ayant participé à l'Étude ont déclaré qu'ils demandaient généralement ce type de soutien, et plus de 80 % des juges ont déclaré qu'ils faisaient habituellement droit à ces demandes.

  • La sécurité des victimes et des témoins doit être prise en considération dans les décisions judiciaires relatives à la mise en liberté provisoire (enquêtes sur le cautionnement)

La majorité des spécialistes de la justice pénale interrogés dans le cadre de l'Étude étaient aussi bien au fait de cette disposition et l'appliquaient régulièrement. La sécurité des victimes est une considération importante dans les décisions relatives à la mise en liberté provisoire selon les juges, les procureurs de la Couronne , les avocats de la défense et les policiers interrogés. Les policiers ont déclaré que la méthode à laquelle ils recouraient le plus fréquemment pour s'assurer de la prise en compte de la sécurité des victimes lors des enquêtes sur le cautionnement consistait à adresser des observations écrites aux procureurs de la Couronne , contenant des recommandations quant aux conditions dont il conviendrait d'assortir la mise en liberté provisoire du délinquant. Une majorité importante (environ 70 %) des victimes interrogées ont déclaré avoir fait connaître leurs préoccupations en matière de sécurité, généralement aux policiers. Cependant, les constatations de l'Étude révèlent que les victimes qui n'avaient pas exprimé leurs préoccupations en matière de sécurité n'avaient généralement pas été interrogées au sujet de questions de sécurité par les spécialistes de la justice pénale. En outre, les victimes sont rarement appelées par le Couronne comme témoins lors des enquêtes sur le cautionnement.

Néanmoins, presque tous les procureurs de la Couronne ont déclaré qu'ils demandaient que la mise en liberté du délinquant soit assortie de conditions propres à répondre aux préoccupations de la victime sur le plan de la sécurité, et ces témoignages s'accordaient aussi avec les expériences rapportées par les avocats de la défense. En outre, les juges imposaient généralement des conditions visant à protéger les victimes. Une majorité importante de juges ont affirmé qu'ils s'enquéraient au sujet des préoccupations relatives à la sécurité de la victime lorsque la Couronne n'avait pas abordé ces questions. Dans des entrevues, les juges ont expliqué qu'ils ont rarement besoin de rappeler ces considérations, étant donné que les procureurs de la Couronne veillent consciencieusement à ce que la sécurité des victimes soit assurée. Par contraste, seulement un tiers des services d'aide aux victimes et des groupes de défense des intérêts des victimes et les deux cinquièmes des victimes mises en cause dans des affaires où le prévenu avait été accusé sont d'accord pour dire que les préoccupations relatives à la sécurité de la victime sont prises en compte dans les décisions relatives à la mise en liberté provisoire. Les victimes qui sont de cet avis considéraient le plus souvent que les problèmes découlaient de l'insuffisance des conditions ou du défaut des délinquants de respecter les conditions qui leur avaient été imposées. En outre, bien que 80 % des victimes aient déclaré avoir été avisées si des conditions avaient été imposées aux délinquants dans les cas où le délinquant se voyait imposer une période de probation, seulement la moitié des victimes avaient été informées des conditions de la remise en liberté lorsque le délinquant était remis en liberté en attendant son procès.

Les constatations de l'Étude fournissent des renseignements utiles sur l'application des dispositions du projet de loi C-79 modifiant le Code criminel . La section qui suit fournit des indications quant à la connaissance et à l'application des nouvelles dispositions relatives au stade postsentenciel des processus de la justice pénale.

Des modifications à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition ont créé la possibilité pour les victimes d'actes criminels de produire une déclaration de la victime lors des audiences des commissions des libérations conditionnelles

Les constatations de l'Étude montrent que la mise en oeuvre de cette réforme législative demeure un défi. Environ 75 % des répondants des services de libération conditionnelle et des services correctionnels voyaient des obstacles à la participation de la victime aux stades ultérieurs à la détermination de la peine. Les membres du personnel de la Commission nationale des libérations conditionnelles qui ont été interrogés ont affirmé qu'il y avait des lacunes sur les plans de l'aide financière aux victimes désireuses d'assister aux audiences, de l'information des victimes au sujet des services disponibles et des possibilités de participation. Les membres du personnel des commissions provinciales des libérations conditionnelles ont déclaré que le manque d'informations des victimes constituait le principal obstacle à leur participation aux audiences.

Néanmoins, les déclarations de la victime étaient jugées utiles. Les répondants à l'enquête oeuvrant au sein des commissions des libérations conditionnelles ont affirmé que celles-ci tiennent compte des déclarations produites par les victimes tant avant qu'après la détermination de la peine sont prises en compte. Les membres du personnel de la Commission nationale des libérations conditionnelles ont déclaré qu'ils utilisent ces renseignements pour évaluer le risque, préciser des conditions et évaluer les progrès réalisés par les délinquants. Des membres du personnel des commissions provinciales ont affirmé que les déclarations des victimes les aidaient à prendre des décisions. Parmi les 112 victimes interrogées dans le cadre de l'enquête, une seule victime a déclaré avoir produit une déclaration auprès d'une commission des libérations conditionnelles. En outre, seuls quelques répondants oeuvrant au sein des services de libération conditionnelle et des services correctionnels ont déclaré que les victimes participent aux audiences de libération conditionnelle.

En particulier, les constations de l'enquête montrent que la communication de renseignements et la prestation de services adéquats aux victimes au cours de la phase postsentencielle posent des défis de taille. D'après l'enquête :

[Traduction]
Un peu moins de la moitié des victimes mises en cause dans une affaire où le délinquant était admissible à une libération conditionnelle ont reçu des renseignements relatifs à l'admissibilité du délinquant. Parmi les victimes mise en cause dans une affaire où une audience de libération conditionnelle avait été prévue ou avait été tenue, un tiers ont été informées des dates, et dans les cas où une libération conditionnelle avait été accordée, environ un tiers ont été informées des dates de remise en liberté, des conditions imposées relativement aux dates de mise en liberté, des conditions imposées lors de la remise en liberté, et de la destination du délinquant au moment de sa remise en liberté.

Les membres du personnel des services de libération conditionnelle et des services correctionnels ont affirmé que si les victimes ne reçoivent pas d'information au stade postsentenciel, cela tient dans une large mesure au fait que les victimes sont tenues de s'enregistrer auprès de la Commission nationale des libérations conditionnelles ou du Service correctionnel du Canada pour pouvoir recevoir de l'information. Dans les entrevues, peu de victimes ont déclaré être au courant de cette exigence. Le stade postsentenciel semble être une des phases clés des processus de la justice pénale auxquels il faudra apporter des améliorations à l'avenir.

CONCLUSIONS

L'Étude dans de nombreux lieux sur les victimes de la criminalité et les spécialistes de la justice pénale partout au Canada fournit d'importantes indications quant à la connaissance et la mise en oeuvre de plusieurs initiatives et réformes législatives entreprises au profit des victimes d'actes criminels. L'étude porte sur les rôles des victimes d'actes criminels et les responsabilités des spécialistes de la justice pénale envers les victimes dans le cadre des procédures pénales, sur les renseignements et les services aux victimes d'actes criminels, et sur la connaissance et l'application du projet de loi C-79 et de certaines modifications précises apportées à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous conditions . Les constatations faites à partir des réponses de victimes d'actes criminels et de tous les principaux groupes de spécialistes de la justice pénale qui ont participé à cette étude font ressortir des succès, des obstacles et des suggestions potentiellement utiles relativement à ces réformes.

L'information recueillie au moyen de l'Étude contribue à raffiner les connaissances quant aux moyens de protéger la sécurité et la vie privée des victimes. Cette information fait aussi ressortir des moyens d'améliorer la participation et les expériences des victimes dans le système de justice, en soulignant l'importance d'un meilleur accès à la justice, d'un traitement équitable et de l'aide aux victimes d'actes criminels dans le cadre des processus de la justice pénale.

Cette vaste étude constitue une source exceptionnelle de renseignements utiles pour les membres du public qui s'intéressent aux questions touchant les victimes, pour les victimes d'actes criminels et pour les professionnels de la justice pénale. En bout de ligne, les constatations de cette étude contribueront à la réalisation des objectifs de l'Initiative sur les victimes d'actes criminels en étayant les politiques et les réformes législatives futures visant à permettre de mieux répondre aux besoins des victimes d'actes criminels et d'accroître la confiance des victimes dans le système de justice pénale.


[10] Il se peut que la sélection ait été biaisée, étant donné que les principaux contacts dans certains des lieux choisis ont aidé à identifier d'éventuels répondants aux fins des entrevues et des questionnaires, et des employés des services d'aide aux victimes ont aidé à communiquer avec des victimes et à obtenir leur consentement à participer à cette recherche.

[11] En plus du texte intégral du rapport, un rapport sommaire facile à consulter a été élaboré relativement à chaque groupe de répondant. Ces rapports seront disponibles sur le site Web du ministère de la Justice du Canada à l'avenir.


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