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Une approche intégrée à la prestation de services en matière d'aide juridique : Réalisation d'une promesse ou perpétuation d'un mythe?


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Annexe B : « Maman est ici illégalement»

Le refus de Protection-santé de l'Ontario aux enfants canadiens en raison du statut d'immigrant de leurs parents : une infraction aux droits internationaux de la personne?

John Dent *

En Ontario, les enfants nés au Canada se voient refuser l'assurance-santé à cause du statut d'immigrant de leurs parents. La clinique Parkdale Community Legal Services a plusieurs clients dont les enfants, citoyens par droit de sang, se sont vus refuser l'assurance-santé pour le seul motif que leurs parents n'avaient pas régularisé leur statut d'immigrant. Dans nombre de cas, le résultat tragique est que les enfants ne reçoivent pas les services de soins de santé dont ils ont besoin.

La politique consistant à refuser l'assurance-santé à des enfants canadiens au seul motif du statut d'immigrant de leurs parents pourrait contrevenir à la loi sur l'assurance-santé de l'Ontario et à ses règlements, à la Charte des droits et libertés ainsi qu'aux responsabilités du Canada en vertu du droit international. Cet article met l'accent sur ce dernier point : le refus d'une assurance-santé à de tels enfants contrevient-il à nos obligations en vertu du droit international, et plus particulièrement, à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant?

Afin d'en arriver à une réponse à cette question, l'article examine d'abord la pratique actuelle concernant le fait d'accorder la Protection-santé de l'Ontario aux enfants d'immigrants, la loi provinciale pertinente et les règlements. Le droit international est présenté comme un recours possible par le biais d'une discussion au sujet des sources pertinentes du droit international, de l'utilité du droit international en matière de litiges intérieurs et de l'importance de la surveillance internationale de la performance du Canada en matière de droit de la personne, puis l'auteur procède à une analyse de la compatibilité de la pratique ontarienne avec les obligations du Canada en vertu du droit international pertinent en mettant précisément l'accent sur le droit à la non-discrimination et sur le droit fondamental à la santé que garantit la Convention relative aux droits de l'enfant.

Tout au long de l'article, l'auteur utilise le cas de Florencia et Anna afin d'illustrer l'incidence et le caractère des règles d'admissibilité de Protection-santé de l'Ontario pour les enfants canadiens dont les parents sont sans statut légal au Canada. Florencia est arrivée au Canada il y a quatre ans en provenance de Colombie, avec son mari qui avait présenté une demande de statut de réfugié. Pendant que la demande était traitée, la famille bénéficiait de la couverture du Programme fédéral de services de santé provisoires. La demande a été refusée, mais Florencia et sa famille craignaient de retourner en Colombie. Entre temps, le mari de Florencia, Enrique, avait trouvé un emploi et Anna était née. Ils espéraient demeurer au Canada et présenter une demande d'admission pour des motifs humanitaires aussitôt que leur anglais se serait amélioré et ils avaient épargné l'argent pour le traitement et le droit exigé pour l'établissement (totalisant environ 3 000 $). Lorsque Florencia a présenté une demande de couverture de Protection-santé de l'Ontario pour Anna, l'employée du bureau de Protection-santé de l'Ontario lui a opposé un refus. L'employée affirmait que, puisque Florencia n'était pas elle-même une résidente permanente ou une citoyenne, sa fille n'était pas admissible à la Protection-santé de l'Ontario. Sur le formulaire d'admissibilité, elle avait écrit «lamère est ici illégalement ». On a dit à Florencia que le fait qu'Anna soit une citoyenne canadienne n'avait pas d'importance. Elle avait peur d'argumenter parce qu'elle croyait que l'employée de Protection-santé de l'Ontario pourrait la signaler à Immigration Canada. Elle avait très peur parce que Anna avait développé des problèmes cardiaques et qu'elle pourrait avoir besoin d'une chirurgie. Une telle opération serait fort coûteuse et elle n'aurait jamais les moyens de payer une telle somme ellemême. Elle est venue à Parkdale en espérant que nous pourrions faire quelque chose pour elle.

Il appert, après une minutieuse analyse des dispositions du droit international pertinent, tel qu'interprété par des chercheurs universitaires et par les organismes de surveillance des traités de l'ONU, que la politique consistant à refuser à Anna et aux autres enfants dans sa situation la couverture de Protection-santé de l'Ontario contrevient au droit fondamental à la santé en vertu de la Convention des Nations Unies relatives aux droits de l'enfant (CRDE). Il appert également que cette politique contrevient au droit à la non-discrimination garanti par la CRDE, au PIRDESC ainsi qu'au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIRDCP).

Plus précisément, on pourrait dire que le contenu obligatoire minimum du droit à la santé en matière de droit international écarte la possibilité d'un refus à des enfants, pour des raisons financières, de leur droit d'accès à des soins de santé nécessaires. Les lacunes des services de santé disponibles aux personnes non assurées en Ontario faisaient en sorte que, dans certains cas, le contenu obligatoire minimum n'était pas respecté. Le cas de Florencia et Anna met en lumière les conséquences éventuellement dommageables qui peuvent résulter du refus de services de santé préventifs.

Pour respecter le droit à la santé, les États parties doivent faire davantage que respecter le contenu obligatoire minimum. En fait, la CRDE exige spécifiquement des États parties qu'ils met-tent en Ïuvre le droit à la santé dans toute la mesure de leurs ressources disponibles. Cette norme éventuelle impose la plus haute responsabilité aux pays riches comme le Canada. Le refus d'une couverture de Protection-santé de l'Ontario à un segment vulnérable de la population en l'absence de toute pénurie grave de ressources rend une telle politique régressive contraire aux obligations en vertu de la CRDE. Le fait de cibler les enfants canadiens d'immigrants sans statut pour les exclure d'une couverture d'assurance-santé provinciale constitue une infraction au principe de non-discrimination, à la fois d'un point de vue théorique et d'un point de vue plus pragmatique auquel ont recours les comités de surveillance des traités de l'ONU sur les droits de la personne.

En ce qui concerne l'approche théorique, le refus de Protectionsanté de l'Ontario à des enfants canadiens en raison du statut d'immigrant de leurs parents représente une discrimination puisqu'une telle décision n'est pas reliée aux capacités ou au potentiel de l'enfant. On a critiqué l'approche de nondiscrimination des organismes de surveillance des traités de l'ONU en affirmant qu'elle manquait de rigueur sur le plan théorique, mais leur emphase sur le « caractère raisonnable » de la différenciation offre l'avantage de permettre d'inclure dans l'analyse une gamme plus vaste de facteurs. En conséquence, les arguments présentés en faveur d'une conclusion de discrimination comportent l'examen de la légitimité de l'objet des modifications législatives qui restreignaient l'admissibilité à la Protection-santé de l'Ontario, de la proportionnalité et de la rationalité des moyens utilisés pour atteindre ces objectifs, des dommages causés aux enfants touchés et de l'incompatibilité de cette politique avec l'obligation du Canada en vertu de la CRDE de toujours accorder priorité à l'« intérêt supérieur de l'enfant ».

Le Comité des droits de l'enfant rendra public son second rapport sur la performance du Canada en vertu de la CRDE au cours de l'année qui vient. Cet article plaide que le gouvernement devra répondre de la façon dont il traite les enfants canadiens dont les parents sont sans statut. Le fait qu'une province aussi riche que l'Ontario ait choisi de maintenir une politique qui contrevient à notre engagement international d'assurer à tous les enfants, sans discrimination, le droit à la santé constitue un profond embarras et contribue à miner la stature du Canada en matière de droits de la personne sur la scène internationale.


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