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Interaction entre les capacités de développement des enfants et l’environnement d’une salle d’audience : Incidences sur la compétence à témoigner

Louise Sas, Ph.D., en psychologie de l'enfant

Novembre 2002

Les opinions exprimées dans le présent document sont uniquement celles de l’auteur et ne représentent pas nécessairement le point de vue du ministère de la Justice Canada.


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VII. RECOMMANDATIONS POUR LE SYSTÈME DE JUSTICE : COMMENT OBTENIR UN BON TÉMOIGNAGE DES ENFANTS

Dans l’ensemble, les études sur le développement de l’enfant appuient la participation des enfants aux procès, celles-ci suggérant que les enfants sont en mesure de fournir de l’information juridiquement pertinente aux tribunaux. Les études indiquent également que plusieurs aspects des procédures judiciaires devraient être ciblés afin d’améliorer la qualité des témoignages fournis par les enfants devant les tribunaux. Selon les recherches sur le développement portant sur le langage et les capacités cognitives, il est impératif que la complexité et la nature des questions posées aux enfants qui témoignent devant les tribunaux soient modifiées. Des résultats récents touchant la vulnérabilité émotionnelle des enfants-témoins soulignent l’importance de traiter les enfants-témoins de façon plus sensible et éclairée, de telle sorte qu’ils puissent relater avec succès leurs expériences de victimisation à la Cour. Les enfants-témoins ne sont tout simplement pas des témoins adultes.

Malheureusement, avant même que les enfants plaignants disent une seule parole à la barre, l’entrevue à laquelle ils ont participé quelques mois auparavant peut entraver le dénouement positif de leur cause. De plus en plus de critiques se font entendre relativement aux entrevues suggestives auxquelles on soumet les enfants. Il incombe donc aux organismes responsables tels que la Société d’aide à l’enfance et la police de mener des entrevues de manière à ne pas compromettre le témoignage des enfants et à aider ces derniers à raconter leurs expériences aux personnes qui les interrogent. Pour atteindre cet objectif, davantage d’efforts devront être déployés pour améliorer la formation sur les techniques d’entrevue. La présente partie offre, à cet égard, un certain nombre de recommandations.

Il faudrait que les personnes chargées d’effectuer des entrevues judiciaires reçoivent une formation professionnelle afin que les entrevues soient menées de façon adéquate. En outre, l’adoption de protocoles d’entrevue généralement reconnus et acceptés devrait être obligatoire.

Les recherches réalisées sur la connaissance du système judiciaire chez les enfants a mis en lumière une naïveté surprenante relativement à ce processus. Cette naïveté est due à un manque de connaissances spécifiques chez les enfants de tous âges concernant le système de justice pénale. Tout simplement, les enfants ne comprennent pas la plupart des termes juridiques, non plus que les procédures officielles. Ils ont besoin d’aide pour naviguer dans le système de manière générale, et lorsqu’ils sont à la barre, ils ont besoin de stratégies qui leur permettent de résister aux suggestions inexactes qui leur sont proposées. Il faut les prévenir qu’ils ne doivent dire que les choses qu’ils savent et se rappellent être exactes. On ne peut trop souligner l’importance de préparer les enfants à la comparution.

Il est fortement recommandé d’offrir des services de préparation à la comparution à tous les enfants-témoins afin qu’ils puissent participer au processus de façon plus égalitaire.

Étant donné que la prestation des enfants à la barre sous-entend une interaction entre leurs capacités langagières et cognitives d’une part, et la nature des questions qui leur sont posées d’autre part, la Cour doit exercer un certain contrôle sur la façon dont les enfants sont questionnés à la barre, que ce soit au cours de l’entrevue d’enquête, de l’interrogatoire principal ou du contre-interrogatoire. Il semble exister d’importantes variations dans la capacité des juristes à questionner les enfants adéquatement. Pour cette raison, bon nombre d’enfants–témoins sont soumis à des questions inappropriées à leur développement qui les désorientent et discréditent leur prestation.

Il est recommandé de créer des séances de formation sur l’utilisation d’un vocabulaire et de questions appropriés à l’âge, et de rendre ces séances obligatoires pour les professionnels qui ont des contacts avec des enfants-témoins.

Un procès est par nature confrontationnel, et l’objectif de l’avocat de la défense est de discréditer le témoignage de l’enfant-témoin à la barre. Dans un tel climat, il faut toujours craindre que les questions posées aux enfants visent intentionnellement soit à exercer sur eux une pression afin qu’ils aient tendance à accepter des faits erronés, soit à les désorienter par un vocabulaire qui dépassent leur niveau de compréhension. Les études démontrent clairement des écarts entre les compétences langagières des enfants et celles des adultes, ainsi que la possibilité d’une représentation erronée du témoignage des enfants lorsque ceux-ci sont déroutés par la nature des questions qui leur sont posées. La Cour doit émettre des objections lorsque des questions inappropriées ou tendancieuses sont posées à un enfant au cours d’un contre-interrogatoire. Il est nécessaire de mettre en place des lignes directrices claires qui stipulent une méthode acceptable pour solliciter de l’information des enfants lors des procédures judiciaires. Ces lignes directrices devraient comprendre un éventail d’exemples des questions appropriées pouvant être utilisées pour obtenir des détails au sujet d’un événement auprès d’enfants de différents groupes d’âge, sans que de l’information erronée soit suggérée ou qu’un parti pris soit exposé.

Il faudrait créer un manuel qui indiquerait la nature et le type des questions qui peuvent être posées aux enfants d’âges différents qui témoignent à la barre, et les tribunaux devraient encourager l’adhésion à ces lignes directrices.

À ce jour, les études appuient l’utilisation de diverses dispositions en vue d’accommoder les enfants qui témoignent. Les dispositions relatives aux télévisions en circuit fermé et aux écrans, l’accompagnement par des personnes de confiance et l’acceptation des déclarations enregistrées sur bandes vidéos au lieu de la tenue d’interrogatoires principaux sont des mesures particulièrement importantes car elles peuvent contribuer à minimiser l’anxiété des enfants-témoins.

Il est recommandé que les tribunaux accommodent systématiquement les enfants au moyen des dispositions législatives afin de minimiser leur niveau de stress et d’améliorer leur compétence à témoigner.

De nombreuses études ont été réalisées au Canada et dans d’autres pays quant à la nécessité de soumettre les enfants à une enquête en vue de l’assermentation. Un consensus semble se dégager sur le fait que l’enquête en vue de l’assermentation est un processus lourd et trop abstrait, qui à toutes fins pratiques ne permet pas d’assurer que les enfants diront la vérité à la barre.

Il est recommandé que les tribunaux demandent simplement aux enfants de moins de quatorze ans d’indiquer qu’ils diront la vérité à la barre plutôt que de procéder à des enquêtes en vue de l’assermentation.

Plus un procès est long, plus il est difficile pour un enfant–témoin de se rappeler de tous les détails sur ce qui est arrivé. Les études ont démontré que l’angoisse d’anticipation ressentie au cours des mois précédant une audience au tribunal peut être insupportable pour de nombreux enfants–témoins et peut également nuire à leur prestation. Tant pour la qualité des témoignages rendus devant les tribunaux que pour le bien-être émotionnel des enfants, il ne devrait pas être permis de laisser s’éterniser les procédures judiciaires pendant des mois et des années.

Il est recommandé de prendre toutes les mesures nécessaires pour accélérer les procès mettant en cause de jeunes victimes. On pourrait raccourcir le délai entre les mises en accusation et l’issue des procès en éliminant les audiences préliminaires et en entamant directement les procès.

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