Exemple portant sur la région du lac Baker (Nunavut)

R. A. Klassen

Dans les terrains anciennement englacés du Canada, il existe des relations entre, d'une part, la provenance et la composition des matériaux superficiels et, d'autre part, la nature du substratum rocheux, l'histoire glaciaire et les processus associés à l'érosion, au transport et au dépôt glaciaires. En combinant les renseignements géologiques et géochimiques, il est possible de modéliser les propriétés des matériaux superficiels et de poser les fondements des mesures de gestion de l'environnement. Les propriétés en question peuvent être reliées à la répartition des métaux traces, à la fertilité et la réactivité du sol et à la détermination de la provenance des matériaux. Dans le domaine de la modélisation minérale, l'information sur les éléments lithophiles permet de soutenir l'interprétation des données sur la variation des fonds géochimiques.

Les cartes de la région du lac Baker, au Nunavut, qui sont présentées ci-dessous (voir la carte du Canada, dans le carton de la carte géologique, pour situer la région en question), illustrent bien deux faits : l'analyse géochimique reflète la minéralogie d'un milieu et les traînées de dispersion glaciaire peuvent être définies de manière géochimique. La géologie du substratum rocheux est caractérisée par la présence des roches volcaniques et des roches sédimentaires faiblement métamorphisées du bassin de Baker Lake (correspondant à la partie nord, en couleurs, de la carte géologique) et des roches ignées et des roches métamorphiques du socle du Bouclier canadien (correspondant à la partie sud, en blanc, de la carte).

L'écoulement glaciaire, de la période la plus ancienne à la plus récente, s'est effectué vers l'est, vers le sud-est et, dans la région est, vers le sud.

Les bloc erratiques indicateurs de la Formation de Pitz (voir le secteur en violet dans la carte géologique et la carte ci-dessous, qui montre la position de la source dans le substratum rocheux) et les concentrations de cailloux de cette unité dans le till (représentées par des points colorés dans la carte ci-dessous) révèlent l'existence de traînées de dispersion glaciaire bien marquées qui s'étendent sur des dizaines de kilomètres vers le sud-est, en aval glaciaire de la source dans le substratum rocheux (par rapport à l'écoulement régional no 1, représenté par des flèches rouges sur la carte de synthèse des écoulements glaciaires, ci-dessus).

À l'est, les fortes concentrations de débris de roches cristallines dans le till (voir les points rouges, sur la carte ci-dessous) reflètent l'écoulement tardiglaciaire dirigé vers le sud, en provenance de la région située au nord du lac Baker (voir les flèches orange, numérotées 2, sur la carte de synthèse des écoulements glaciaires).

Les analyses géochimiques du sodium (Na) présent dans la fraction de la taille des silts et des argiles (< 0,063 mm) du till, réalisées par activation neutronique (INA), fournissent une concentration « totale ». Les cartes de répartition du sodium (Na) dans le till (voir ci-dessous) caractérisent la répartition du feldspath sodique et revèlent clairement la provenance des matériaux du till ainsi que les traînées de dispersion glaciaire. Les fortes concentrations de Na témoignent de la répartition de débris de roches cristallines à l'est, alors que les faibles concentrations rendent compte de la répartition de débris provenant des formations de Pitz et de Thelon au nord-ouest et dans la région centrale.

Le traitement à l'eau régale entraîne une digestion partielle des minéraux contenant du magnésium. Les cartes de répartition du magnésium (Mg) caractérisent la répartition des sulfures, des sels et des oxydes secondaires, ainsi que des phyllosilicates magnésifères (phlogopite et chlorite) dans le till. Les fortes concentrations de Mg au sud-ouest sont associées à des roches volcaniques mafiques, alors que les faibles concentrations correspondent à la traînée de dispersion glaciaire de direction sud-est des débris des formations de Pitz et de Thelon.

Les traînées de dispersion glaciaire sont aussi définies, de manière géochimique, à l'aide de données sur les métaux traces. Les faibles concentrations de cuivre (Cu) dans le till (les points bleus sur la carte ci-dessous) définissent une traînée de dispersion « négative » de direction sud-est, issue du grès pauvre en métaux de la Formation de Thelon. La traînée s'étend bien au-delà du bassin de Baker Lake, masquant ainsi la nature du substratum du Bouclier canadien sur lequel elle repose.

Les fortes concentrations de chrome (Cr) et de cuivre (Cu) dans le till caractérisent les dépôts glaciaires dont les matériaux proviennent de la Formation de Christopher Island, au sud-ouest (voir la carte géologique du substratum rocheux).

Les graphiques de relation binaire (voir ci-dessous) des concentrations de deux métaux (Cu, Cr) en fonction de celle de Mg présentent de fortes corrélations linéaires positives, ce qui indique que les métaux sont contenus dans des phyllosilicates magnésifères. La pente de la droite de meilleur ajustement représente le rapport métal/Mg ainsi que la proportion constante de métal et de magnésium dans le phyllosilicate hôte.

La variation du rapport métal/Mg indique la présence de traînées de dispersion glaciaire semblables à celles définies par les blocs erratiques indicateurs de la lithologie et par la minéralogie (feldspath sodique, phyllosilicate magnésifère). Les rapports Cu/Mg élevés (voir la carte ci-dessous) observés à l'est sont attribuables au transport glaciaire de phyllosilicates magnésifères provenant de la région située au nord de la zone d'étude.

Les rapports Cr/Mg élevés observés (voir la carte ci-dessous) reflètent la présence d'une traînée de dispersion glaciaire de direction nord-est provenant de la région du lac Pitz. Les cartes de répartition des rapports métal/Mg peuvent donc servir à déterminer la provenance des métaux et à expliquer la variation de leur concentration dans les fonds géochimiques, y compris celle attribuable à des apports de métaux liés à des minéralisations sulfurées, et ce, même à de faibles concentrations globales de métaux. Les phyllosilicates magnésifères (mica, chlorite) constituent d'importants facteurs minéralogiques du contenu en métaux.