![]() | ![]() |
|
Divulgation proactive Version imprimable ![]() ![]() | ![]() | ![]() PaléoGalerie La Paléontologie à la CGC
Le premier directeur de la Commission géologique du Canada, Sir William Logan, a étudié les formations de roches fossilifères et les gisements de houille de Joggins en Nouvelle-Écosse dans le cadre d'une tournée géologique en 1841 (Logan est le premier à découvrir en Amérique du Nord des traces d'animaux terrestres), et est retourné à Joggins en 1843, soit l'été suivant la création de la CGC, dans le cadre de la première étude sur le terrain qu'il a entrepris pour la Commission. Auparavant, en 1840, Logan avait posé une hypothèse qui en fera un pionnier de la géologie. Ses études cartographiques et stratigraphiques minutieuses des filons houillers gallois ont révélé que le charbon s'est formé sur place dans des marécages. Pendant que Logan explorait l'est du Canada, Alexander Murray a étudié la géologie de l'ouest (sud de l'Ontario). Les ampélites à trilobites que Murray a étudiées s'étendent de Whitby à Collingwood et vers l'est jusque dans la région d'Ottawa, où elles prennent le nom de Formation de Billings. Entre 1859 et 1863, de vains efforts ont été faits pour distiller du pétrole à partir de ces ampélites à Craigleith. L'inefficacité du procédé et la concurrence des puits de pétrole d'Oil Springs et de Petrolia ont finalement eu raison du projet. Un financement annuel accru en 1856 a permis à Logan d'augmenter la taille et les opérations de la CGC, et l'une de ses priorités a été d'embaucher un paléontologue. Cette décision visait à moins dépendre de paléontologues comme James Hall de New York pour l'identification des fossiles prélevés par le personnel de la CGC. Elkanah Billings a été le choix logique de la CGC comme premier paléontologue parce qu'il avait déjà publié deux articles scientifiques sur les fossiles de la région d'Ottawa (1854), accompagné le géologue de la CGC James Richardson à Lévis (Québec) et dans le comté de Lambton (Ontario) (1854-1855), et fondé au début de 1856 le Canadian Naturalist and Geologist. Durant les vingt ans qu'il a été paléontologue à la CGC, Billings a découvert plus de 60 nouveaux genres et plus de 1 000 nouvelles espèces de fossiles. Il est surtout connu pour son travail sur les échinodermes, mais il a aussi participé à des études stratigraphiques d'autres employés de la CGC. Thomas C. Weston a été lapidaire, adjoint sur le terrain de Logan et de Billings, préparateur de fossiles, aide de musée, photographe et premier bibliothécaire de la CGC. Plus tard, il a recueilli des fossiles dans les environs de Québec, dans l'île d'Anticosti, à Terre-Neuve, à Joggins et à Arisaig en Nouvelle-Écosse, et dans l'ouest du Canada. Les premiers employés de la Commission et leurs collègues universitaires ont participé au débat sur l'ancienneté de la vie grâce à deux découvertes : des traces et des empreintes de pas cambriennes en 1851, et des traces de vie précambrienne vers 1858 (Charles Darwin a publié la première édition de L'origine des espèces en novembre 1859). La première découverte, appelée Protichnites, a été faite à Beauharnois (Québec) et a démontré que des animaux avaient évolué plus rapidement et beaucoup plus tôt qu'on ne l'avait pensé. Différentes traces de la même époque ont été découvertes peu après près de Perth (Ontario). Logan les a appelées Climactichnites wilsoni en l'honneur de leur découvreur, James Wilson. La découverte par James Wilson de ce qu'on a présumé être la preuve de vie la plus ancienne sur terre s'est avérée plutôt controversée. Découverts en premier près de Perth quelque temps avant 1858, des échantillons d'une roche rubanée «concrétionnée» à calcite cristalline et à serpentinite ont été envoyés à Logan en tant que spécimens minéraux. Des roches semblables, comportant toutefois des bandes de pyroxène et de calcite cristallins, ont été trouvées près de Grand Calumet, au Québec, en 1858. Ces roches ont été exposées par Logan en tant que fossiles précambriens «présumés». D'autres échantillons ont ensuite été prélevés à la Côte St-Pierre près de Grenville, au Québec, en 1863, et près de Millbridge, en Ontario, en 1866. Logan a reconnu que les résidus organiques contenus dans ces roches auraient été détruits par cristallisation et que la matière organique originale n'aurait pu être retenue que par remplacement par des minéraux. Le rubanement a été un élément important pour l'interprétation de l'origine organique de ces échantillons. Des comparaisons ont été faites avec des échantillons du stromatoporoïdé beaucoup plus récent «Stromatopora rugosa» dont les «bandes» de calcite ont été remplacées par de la silice. La Commission possède encore des échantillons de la roche de la Côte St-Pierre et de «Stromatopora rugosa» prélevés par Weston qui s'est intéressé au débat. Le paléontologue de la Commission, Billings, a toutefois évité la controverse naissante en renvoyant les spécimens au recteur de l'Université McGill, Sir J.W. Dawson, qui leur a donné le nom d'Eozoon canadense, ce qui veut dire «animal de l'aube du Canada», et qui les a qualifiés «d'un des plus beaux joyaux de la couronne scientifique de la Commission géologique du Canada». La controverse s'est déchaînée dans le milieu scientifique pendant des années, se polarisant entre le groupe de Dawson et les minéralogistes. Comme l'a noté Hans Hofmann en 1971 (Bulletin 189 de la CGC), l'importance de la relation sur le terrain d'Eozoon canadense a été complètement ignorée jusqu'en 1895 lorsqu'il a été démontré que l'occurrence de la Côte St-Pierre était associée au métamorphisme. Même si ces roches rubanées ne sont pas organiques, elles ressemblent aux stromatolites rubanés précambriens du Bouclier canadien que l'on connaît maintenant. À la mort de Billings en 1876, Joseph F. Whiteaves est devenu membre à temps plein de la Commission. Il a continué de publier la série sur les fossiles lancée par Billings et a lancé en 1885 une série de publications appelées «Contributions to Canadian Paleontology» qui décrivaient et illustraient des fossiles repères d'unités lithologiques. Cette série existe toujours, la dernière publication datant de 1991. Plusieurs excellentes planches lithographiques de fossiles, contenues dans les premiers volumes, ont été réalisées par L.M. Lambe. Lawrence M. Lambe a étudié les poissons du Dévonien du Nouveau-Brunswick et les coraux du Paléozoïque et a recueilli des insectes et des plantes du Tertiaire de la Colombie-Britannique, mais il est surtout connu pour son travail sur les vertébrés, en particulier les dinosaures, de l'Ouest canadien. Joseph B. Tyrrell, qui s'est joint à la CGC à titre de paléontologue adjoint, a découvert des lits à dinosaures dans la vallée de la rivière Red Deer en 1884 (le mot «dinosaure» n'est apparu que 43 ans auparavant). Tyrrell a découvert le premier crâne d'Albertosaurus près de l'emplacement actuel du Royal Tyrrell Museum of Palaeontology, à Drumheller, en Alberta. Quatre membres de la famille Sternberg ont aussi joué un rôle important pour la Commission et le Canada pendant la ruée vers les dinosaures du début du siècle. Pour lutter contre l'exportation d'os de dinosaures de l'Ouest canadien vers les États-Unis, Charles H. Sternberg et ses trois fils ont entrepris des travaux sur le terrain en 1912. La grande découverte de cette année-là a été celle d'un dinosaure à bec de canard, l'Edmontosaurus, entier. Un de ses fils, Charles M. Sternberg, a poursuivi sa carrière à la CGC et, de 1948 à 1957, au Musée canadien de la nature. N'ayant qu'un seul paléontologue (Lambe) à son emploi en 1910, la Commission, sous la direction d'un nouveau directeur, Reginald W. Brock, est entrée dans une ère nouvelle, faisant passer le nombre de paléontologues à 14, plus les adjoints, en 1914. Trois de ces nouveaux membres ont fait des contributions durables à la paléontologie des invertébrés et à la paléobotanique. La première femme géologue embauchée par la CGC a été Alice E. Wilson qui a étudié en détail les fossiles et les roches de la région d'Ottawa. Elle s'est jointe à la Commission comme aide de musée, remplissant surtout des fonctions de commise, mais a entrepris en 1913 sa carrière en paléontologie en rédigeant un article dans le premier numéro des bulletins du Musée. Elle est devenue une des grandes scientifiques canadiennes à une époque où le milieu professionnel était peu ouvert aux femmes. En 1911, Walter A. Bell a commencé à travailler pour la CGC, faisant l'examen des plantes du Carbonifère de Joggins qui avaient attiré l'attention de Logan au cours des premières années de la CGC. Dans son ouvrage de 1949 sur les plantes fossiles de l'Alberta, Bell a complété ses propres collections par celles constituées au tournant du siècle par des personnalités de la Commission comme George M. Dawson, Alfred R.C. Selwyn, Weston, Tyrrell et les Sternberg. Bell n'a cessé d'être un chercheur productif pendant toute sa longue carrière. Au cours des sept années qui ont précédé sa mort en 1967, ses publications comportaient 220 planches illustrées de plantes fossiles de tous les coins du Canada. Un autre paléontologue a eu une longue carrière; il s'agit de Frank H. McLearn, mieux connu comme spécialiste des mollusques du Jurassique et du Crétacé, et dont le premier ouvrage important, une collection de fossiles du Silurien d'Arisaig (Nouvelle-Écosse), date de 1914. Mentionnée pour la première fois dans le rapport de 1836 de Gesner, la séquence de roches d'Arisaig est déterminante pour la période silurienne en Nouvelle-Écosse. Le mémoire de McLearn (1924) a été la première étude complète portant sur les fossiles d'Arisaig. McLearn n'a pas seulement fouillé à fond ces couches, mais il a aussi eu recours aux collections d'Arisaig de Hall, de Billings, de Dawson, de Weston et d'autres. Il s'est joint aux membres de la Commission en 1914 dans la foulée de la recherche de pétrole et de gaz (et de charbon et d'eau) dans l'Ouest canadien. Les résultats de leurs études effectuées au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta ont été publiés dans une série d'états récapitulatifs annuels, et finalement sous la forme d'un mémoire de la CGC en 1919. McLearn a aussi étudié les roches mésozoïques houillères du nord de l'Ontario en 1926, année où Bell recherchait les gisements d'hydrocarbures de l'île du Cap-Breton. Aujourd'hui, les six bureaux de la CGC, sauf un, comptent des paléontologues dans leurs rangs. Comme nombre de leurs prédécesseurs, la plupart des paléontologues de la CGC d'aujourd'hui sont des spécialistes engagés dans un programme de travaux sur le terrain. Leurs propres collections sont complétées par celles d'autres collègues, de sorte qu'ils continuent de servir les géologues de la Commission de la même manière dont Billings et ses successeurs l'ont fait, en identifiant et en interprétant les fossiles prélevés par les géologues travaillant sur le terrain. Ce rôle de service a été étendu aux services de datation offerts aux géologues de l'industrie, des universités et d'autres organismes publics de recherche, et au grand public. Comme à l'époque de Logan, les spécialistes des universités et d'autres établissements de recherche sont souvent appelés à participer à l'identification de fossiles. Les paléontologues utilisent les données provenant de fossiles pour mettre au point et modifier l'échelle chronostratigraphique utilisée dans les travaux de corrélation intercontinentale. Cette échelle est «l'horloge géologique» ou le calendrier des événements géologiques, et est constamment modifiée pour qu'elle soit plus précise. Les paléontologues utilisent aussi des fossiles pour comprendre les milieux sédimentaires anciens et l'écologie des organismes fossiles. Les études paléontologiques sont inséparables de la recherche stratigraphique et sont essentielles à l'étude et à la corrélation des roches sédimentaires de surface et de subsurface. Certains fossiles voient leur couleur ou d'autres propriétés physiques changer lorsqu'ils sont exposés à des températures plus élevées, ce qui permet de suivre l'évolution thermique des bassins sédimentaires et d'étudier les gisements d'hydrocarbures et de plomb et zinc. Les études sur la géochimie des fossiles et des roches renseignent sur les modifications des caractéristiques physiques et chimiques des milieux sédimentaires dans le temps. Certains phénomènes suscitent un intérêt particulier aujourd'hui, comme la limite entre le Crétacé et le Tertiaire, et l'extinction des dinosaures, ainsi que d'autres grands bouleversements biologiques plus anciens et moins connus. Les résultats de la recherche effectuée par les paléontologues de la Commission sont présentés dans des publications de la CGC et d'autres revues scientifiques. Les fossiles étudiés constituent une ressource très abondante, très utile et très accessible. Ils sont systématiquement documentés, classés et conservés dans des collections à des fins de recherche future, de référence générale, d'enseignement et d'exposition. Dans un sens, ces collections sont les archives de la CGC, les premières étant les collections de fossiles que Logan a constituées lors de sa première campagne comme géologue de la CGC. Les personnes qui visitent l'affleurement de calcaire fossilifère de la Formation d'Ottawa à l'administration centrale de la rue Booth peuvent immédiatement constater que la Commission géologique du Canada s'inspire d'une base de fossiles. Cette «base de fossiles» n'est pas uniquement structurale; après 150 ans, le rôle fondamental des paléontologues de la Commission, qui est de déterminer l'âge de spécimens, a peu changé. Mais l'avantage qu'a maintenant le paléontologue de la Commission est d'hériter des documents d'interprétation et de description de fossiles, et des fossiles eux-mêmes, qu'ont laissés Billings et les autres. En bâtissant sur le passé et en utilisant la nouvelle technologie, les paléontologues peuvent maintenant extraire plus d'information des biotes anciens. Le Canada est vaste, et d'importantes découvertes de nouveaux fossiles sont faites chaque année.
Une première version du présent document a été publiée dans WAT ON EARTH (vol. 5, n 2, avril 1992), bulletin publié à l'intention des professeurs de sciences de la Terre par le Département des sciences de la Terre de l'Université de Waterloo, Waterloo (Ontario) N2L 3G1.
|