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L'art de donner une bonne entrevue
Les entrevues représentent sans aucun doute la principale possibilité qui s'offre aux scientifiques pour vulgariser leurs recherches. Mais voilà, si ces entrevues leur procurent parfois du plaisir, elles peuvent également devenir la source de vives frustrations : « j'ai été mal cité », « le; journaliste n'a rien compris », « il m'a interrogé pendant une heure pour ne garder que 30 secondes! », etc. De fait, les médias, écrits ou électroniques, fonctionnent à leur façon selon leurs exigences et leurs contraintes, que vous avez tout avantage à connaître, même sommairement. Votre performance en entrevue n'en sera que meilleure. Les mauvaises surprises se feront plus rares et votre rapport avec le journaliste a de fortes chances d'être plus harmonieux.
A. Les exigences des médias ou ce que veulent les journalistesDe la nouveauté Vos résultats sont-ils nouveaux? Permettent-ils de jeter un regard nouveau sur certaines idées ou théories? Votre approche est-elle nouvelle? Les journalistes veulent de la nouveauté. Ils veulent rendre compte des derniers développements dans votre secteur d'activité. De l'actualité Pourquoi convient-il de parler de vos travaux maintenant plutôt qu'il y a un an ou dans cinq ans? Les médias se doivent de suivre l'actualité et il faut vous efforcer de faire le lien avec les questions d'actualité. Plus votre propos touchera les préoccupations de l'heure, plus grande sera son incidence. Les changements climatiques, la pollution des cours d'eau, la maladie de la vache folle, les organismes génétiquement modifiés, l'exploration spatiale, le clonage, etc. ce ne sont pas les thèmes scientifiques qui manquent dans l'actualité! Des histoires qui touchent les gens de près Les journalistes veulent des histoires, des anecdotes. Ils veulent raconter comment la science se fait et se vit et parler non seulement des succès, mais aussi des écueils. Ils sont par ailleurs à l'affût de faits qui touchent les gens de près. Un chercheur dont les travaux touchent les populations de la Sibérie orientale ne passionnera pas autant l'auditoire qu'un autre dont les recherches portent sur des problèmes locaux. Des sujets visuels pour la télévision Les journalistes de la télévision ont une exigence supplémentaire : ils doivent pouvoir montrer ce dont ils parlent. Vos expériences peuvent-elles être filmées? Une équipe peut-elle vous accompagner sur le terrain? Peut-on voir des simulations ou des infographies à l'ordinateur? Possédez-vous des photos et surtout des images vidéo de qualité pour illustrer les différentes étapes de vos recherches? Voilà les premières questions que se pose un journaliste de la télévision. Et c'est la réponse à ces questions qui déterminera dans quelle mesure votre sujet sera « attrayant ».
Des personnes qui s'expriment avec aisance et simplement Plus vous vous exprimerez simplement, plus vos explications seront claires et plus vous entretiendrez des rapports agréables avec les journalistes, plus vous serez sollicité. B. Les contraintes des médiasLes contraintes d'espace ou de temps Vous avez certainement beaucoup de choses à dire, mais le journaliste ne dispose que de quelques lignes ou de quelques minutes (quand il ne s'agit pas de secondes!) pour en rendre compte. Il est donc inutile de vous perdre dans les détails ou dans d'interminables rappels historiques ou encyclopédiques de votre science. Faites des phrases courtes, simples et concises en vous limitant aux quelques points qui vous semblent essentiels. Si vous diluez trop votre propos, vous obligez le journaliste à choisir seul le contenu pertinent, au risque de vous décevoir. Les dates de tombée Tous les journalistes doivent respecter une date de tombée parfois très serrée. Dans certains cas, c'est même une question d'heure! Par conséquent, renseignez-vous sur cet aspect quand on vous sollicite. Si le délai est trop court, dites-le tout de suite. Si vous acceptez de donner l'entrevue, aidez le journaliste à respecter ses engagements en respectant les vôtres (heure de l'entrevue, préparation du matériel promis). Il vous en sera très reconnaissant. Par ailleurs, les journalistes apprécient grandement que les chercheurs retournent rapidement leurs appels, même s'ils sont débordés. Le plus tôt le journaliste connaîtra votre disponibilité, le mieux il pourra se préparer à l'entrevue ou le plus vite il pourra se retourner en cas de refus. Des connaissances limitées en science Certains médias ont recours à des journalistes scientifiques, d'autres non. Par conséquent, il peut arriver que vous soyez interviewé par un journaliste qui ne connaît pas bien votre discipline. Ne soyez donc pas trop sévère ou exigeant avec lui et dites-vous que ce journaliste est là pour diffuser de l'information auprès d'un grand public qui n'en connaît pas plus que lui! Parlez-lui en termes simples et imagés, comme vous le feriez avec votre famille ou vos amis. C. Comment se préparerSe renseigner auprès du journaliste Pour bien vous préparer, vous avez besoin d'un certain nombre de renseignements. N'hésitez pas à les demander si le journaliste a omis de vous les donner.
Choisissez deux ou trois messages clés À trop vouloir en dire, plus rien ne passe. On ne le répétera jamais assez! Pensez à une façon de vulgariser les phénomènes étudiés Avez-vous des exemples pour illustrer les points théoriques? Des données, des faits concrets? Vous pouvez également chercher des analogies ou des métaphores pour simplifier et illustrer vos explications. Vous trouverez plus de détails sur la façon de bien vulgariser en consultant la section 3 du présent ouvrage ou certains guides et manuels de communication. D. Pendant l'entrevueRegardez toujours le journaliste Dans le cas d'une entrevue réalisée en duplex (situation où le journaliste vous interviewe à partir d'un autre lieu), fixez toujours la caméra pour bien faire passer vos propos au grand public, afin que chaque personne ait l'impression que vous vous adressez à elle individuellement (si le réalisateur installe quelqu'un à la place qu'aurait occupée le journaliste, il faut regarder cette personne). Si l'on vous fait tenir un micro, gardez-le toujours à la bonne distance de vos lèvres. Pour ce faire, évitez de « parler avec vos mains »! Précisez à quel titre vous parlez Est-ce en votre propre nom? Au nom d'un établissement? Écoutez les questions qui vous sont posées Répondez de façon concise et surtout directe à chaque question, sans livrer tout votre message d'un seul coup. L'entrevue constitue avant tout un échange de propos, et non un monologue. Si l'intervieweur n'aborde pas un point qui est capital à vos yeux, vous devez le lui indiquer. Par contre, ne cherchez pas à imposer une direction à l'entrevue ni à profiter de l'occasion pour défendre une cause qui n'est pas directement reliée au sujet traité. Les journalistes détestent se sentir manipulés, utilisés Assurez-vous d'être bien compris N'hésitez pas à demander au journaliste si vos explications sont claires et apportez des précisions, au besoin. Si vous avez des doutes, demandez-lui habilement ce qu'il a compris (la plupart des journalistes font naturellement ce genre de vérification). Par ailleurs, évitez de perdre votre interlocuteur dans un excès de nuances, ce qui ne veut pas dire qu'il ne faille pas nuancer votre propos. Toutefois, le journaliste qui essaie de récapituler l'information présentée et se fait souvent répondre que « non, ce n'est pas tout à fait ça » finit par ne plus savoir du tout ce qu'il en est vraiment et il se perd. Résultat? Une fois devant son ordinateur ou dans une salle de montage, il va se retrouver comme il le peut. Vous risquez alors d'avoir une mauvaise surprise. Soyez honnête Si vous ne pouvez pas répondre à une question, dites-le. Vous pouvez également offrir à votre interlocuteur de vous renseigner et de lui fournir plus tard l'information. Évitez les propos prononcés en toute confidence À moins que vous n'ayez une confiance absolue dans le journaliste, évitez de lui faire des confidences, même si vous lui précisez qu'elles ne doivent pas être diffusées (principe du « off the record »). Les paroles restent et il est parfois difficile de les oublier, surtout si elles ont du mordant! N'oubliez pas les autres Personne ne travaille seul de nos jours. Vous devez donc donner le crédit à vos collaborateurs ainsi qu'aux organismes, comme le CRSNG, qui financent vos travaux. Toutefois, pour tenir compte des contraintes d'espace et de temps, limitez-vous à quelques noms. N'exigez pas une copie de l'entrevue avant diffusion La plupart des journalistes vous la refuseront. Outre les considérations de temps, d'énergie et de coûts, ils percevront votre demande comme une tentative d'ingérence dans leur pratique. Dites-vous toutefois que la majorité des journalistes sont des professionnels consciencieux. Vous pouvez leur faire confiance. Vous pouvez cependant leur mentionner que vous serez disponible au cas où ils auraient certains points à vérifier. Ils apprécieront votre collaboration. E. L'entrevue difficileSi vos travaux font l'objet d'une controverse, voire si certains groupes d'individus s'y opposent, il est possible que le journaliste pose un regard critique sur vos recherches. L'entrevue sera plus difficile, mais elle vous donnera une occasion unique de faire changer d'avis votre interlocuteur et son public. Voici donc quelques conseils. Ne dénigrez pas systématiquement les réserves ou les préoccupations dont le journaliste vous fait part. Au contraire, montrez-lui que vous êtes un citoyen responsable et que vous vous préoccupez vous aussi des répercussions de la science et de la technologie. Expliquez-lui simplement pourquoi vous ne partagez pas ces craintes et montrez-lui comment les scientifiques s'en préoccupent. Saisissez toutes les occasions possibles de faire valoir les aspects positifs de vos travaux. Demeurez calme et pondéré. Vous n'amélioreriez pas votre crédibilité en vous emportant, bien au contraire. Dans le feu de la discussion, évitez d'avancer des choses dont vous n'êtes pas sûr. Évitez surtout de porter des accusations sans fondement. Admettez vos erreurs et dites ce que vous avez fait pour rectifier le tir. Tous les spécialistes des relations publiques vous diront que la franchise est de loin la stratégie la plus fructueuse. Répondez aux questions une par une, sans chercher à combler
les vides. |
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