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Vie saine

Le renoncement au tabac et la grossesse

Un examen des pratiques exemplaires de renoncement au tabac conçues pour les filles et les femmes pendant la grossesse et la période postnatale

Résultats : Interventions et programmes de renoncement au tabac conçus pour les filles et les femmes pendant la grossesse et la période postnatale

Interventions axées sur le renoncement au tabac

Notre examen a porté sur 58 études. De ce nombre, 20 ont montré des différences statistiquement significatives entre les groupes expérimentaux et les groupes témoins sur le plan du renoncement au tabac. En nous fondant sur les preuves de leur efficacité et de leur solidité méthodologique (voir page 28), nous avons recommandé six interventions et 14, dans la catégorie « approche prometteuse ». Ces interventions sont mentionnées dans les tableaux 4.1 et 4.2 ci-après. Nous avons analysé séparément, sous la section 4f (voir page 41), le matériel relatif aux programmes pour lesquels il n'existait pas de données d'évaluation.

Environ 14 des interventions énumérées dans les tableaux 4.1 et 4.2 ci-après ont été mises à l'essai auprès de la population « générale » de femmes enceintes qui fument; 10 autres, auprès de sous-populations telles que les membres de minorités ethniques, les femmes défavorisées sur le plan socio-économique et les adolescentes. Nous analyserons séparément les résultats applicables à chacun de ces groupes, sous les sections 4c à 4f ci-après. Notre examen de chaque intervention est résumé aux annexes 8b et 8c. Veuillez consulter le tableau 4.3 et la figure 4.1 pour une description détaillée du nombre d'études qui ont été prises en compte ou écartées aux fins de l'examen.

Tableau 4.1 Interventions et programmes efficaces
Tableau 4.2 Interventions et programmes inefficaces

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Faiblesses méthodologiques

Les études que nous avons analysées jusqu'ici présentent plusieurs lacunes méthodologiques. Dans bien des cas, les définitions données aux termes de « fumeur/fumeuse » et « non-fumeur/ non-fumeuse » varient d'une étude à l'autre, d'où un manque de précision et la difficulté ou l'impos-sibilité de comparer les études. Il existe aussi des différences dans les démarches adoptées face à la question du renoncement spontané. Certaines études mesurent le renoncement spontané, d'autres pas. C'est pourquoi il est parfois difficile de déterminer si les taux de renoncement pendant la grossesse sont attribuables à l'intervention ou sont indépendantes de celle-ci. Un autre problème concerne les femmes qui abandonnent l'étude. Doit-on les considérer comme des fumeuses ou pas? Nous avons trouvé que ce point n'était pas toujours clair dans les études que nous avons analysées, mais que le fait de ne pas considérer ces femmes comme des fumeuses pourrait avoir une incidence importante sur les taux absolus de renoncement signalés dans les études.

De nombreuses interventions destinées à aider les femmes enceintes à cesser de fumer sont délibérément conçues pour répondre aux besoins perçus des femmes enceintes. Bon nombre d'interventions sont adaptées, mais le processus utilisé n'est sou-vent pas défini ou expliqué de manière détaillée et les critères utilisés pour adapter les éléments des interventions demeurent obscurs. Si ce processus est évidemment un aspect important des interventions de renoncement, il est souvent difficile d'en déterminer la nature précise et le cadre théorique dans lequel il s'inscrit.

L'efficacité théorique et pratique est une autre question qui se pose. En effet, il arrive que les interventions soient valides et reçoivent l'appui du milieu de la recherche, mais ne résistent pas à l'épreuve de l'application pratique. Le problème est difficile à mesurer lorsqu'on se penche sur les ouvrages qui portent sur les interventions qui se déroulent dans des conditions idéales. Ce qui complique les choses, c'est que la question de l'ap-plication pratique des interventions est rarement abordée et qu'il existe peu de descriptions de la démarche utilisée pour mettre en oeuvre les programmes. Ainsi, l'efficacité clinique et le respect des protocoles cliniques font l'objet d'évaluations dans certaines études; or, la question de savoir si l'intervention résisterait ou non à l'épreuve de la « réalité concrète » est souvent écartée.

Les difficultés liées à l'évaluation du matériel relatif aux programmes sont en partie attribuables aux données d'évaluation qui font généralement défaut ou, lorsqu'elles existent, se contredisent. Un tel état de choses est une source de complications lorsqu'on cherche à déterminer quelles sont les meilleures pratiques parmi les nombreux programmes et ressources qui existent ou sont adaptés à des situations réelles partout au Canada, mais qui n'ont pas été suffisamment étudiés et évalués. Dans certains cas, nous avons constaté que le matériel relatif aux programmes faisait partie des éléments d'une intervention, mais là encore, souvent, l'évaluation ne distinguait pas les effets de cet élément des effets de l'ensemble de l'intervention, ce qui contribuait au manque de précision concernant les effets du matériel relatif aux programmes. Enfin, il n'existe pas de registre général à jour de tels programmes, utile à la recherche et à des fins cliniques.

Le principal problème méthodologique concerne les rôles précis des divers éléments dans les interventions, et la difficulté de les évaluer séparément. La plupart des interventions comportent plusieurs éléments ou composantes. À mesure que le domaine de la lutte contre le tabagisme chez les femmes enceintes a pris de l'expansion, les programmes qui comportent de multiples éléments semblent être devenus la règle plutôt que l'exception. Toutefois, dans bien des cas, les divers éléments ne sont pas évalués séparément, d'où la difficulté de déterminer l'impact de chacun dans ces interventions.

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Interventions visant les femmes enceintes qui fument, y compris les grandes fumeuses et les adolescentes

Les interventions réussies et non concluantes, visant les femmes enceintes qui fument, comportaient de multiples éléments, mais, dans la plupart des cas, l'efficacité de chaque élément n'a pas été évaluée. C'est pourquoi, il est impossible de recommander avec certitude un quelconque élément d'une intervention donnée comme étant efficace. Il reste que certains éléments se retrouvent souvent dans les interventions conçues pour les femmes enceintes, qui sont couronnées de succès, notamment de l'information personnalisée sous forme de guide d'initiative individuelle. Ces guides peuvent avoir pour effet d'appuyer les efforts de renoncement dans la population « générale » de femmes enceintes qui fument.

Les femmes enceintes qui fument ne forment pas un groupe cible uniforme. En effet, elles diffèrent non seulement par le profil socio-économique et culturel, dont il est question sous la section 4e, mais aussi beaucoup par la quantité de nicotine consommée. Les grandes fumeuses, qui désignent les femmes qui fument 10 cigarettes ou plus par jour pendant leur grossesse, et les femmes qui cessent spontanément de fumer au début de leur grossesse, ont de toute évidence besoin de formes de soutien cliniques différentes dans les efforts qu'elles mènent pour cesser de fumer ou maintenir leur abstinence. Pourtant les deux groupes se retrouvent souvent dans la même catégorie générale des femmes enceintes qui fument. Bien que ces deux groupes soient considérés séparément dans les analyses statistiques de nombreuses études, on ignore dans quelle mesure les interventions sont spécifiquement adaptées à leurs besoins.

Les femmes qui cessent spontanément de fumer ont comparativement peu retenu l'attention exclusive des chercheurs. Aucune des six études examinées, qui proposaient à cette population une intervention, n'a montré qu'elle avait des effets importants. Diverses combinaisons (information générale sur la santé, information personnalisée, counseling, soutien social et information biologique personnalisée) ont été mises à l'essai (Ershoff, Quinn et Mullen, 1995; Lowe, Windsor, Balanda et Woodby, 1997; McBride et coll., 1999; Hajek et coll., 2001; Secker-Walker, Mead et coll., 1995; Secker-Walker, Solomon, Flynn, Skelly et Mead, 1998). D'après notre méthodologie et les preuves recueillies jusqu'ici, on peut affirmer qu'une combinaison de soutien social et de counseling, mise à l'essai par Lowe et ses collaborateurs (1997), ne réussit pas à aider les femmes ayant cessé de fumer au début de leur grossesse à maintenir leur abstinence. Il serait extrêmement important d'approfondir les recherches sur la question, étant donné la forte proportion de femmes qui renoncent à la cigarette pendant la grossesse et recommencent à fumer peu après (Lowe et coll., 1997).

Les femmes qui fument plus de 10 cigarettes par jour, même lorsque leur grossesse est passablement avancée, représentent aussi un groupe cible distinct pour les interventions personnalisées de renoncement au tabac. Là encore, les interventions qui visent spécifiquement ce sous-groupe de femmes font défaut, mais plusieurs stratégies ont été mises à l'essai. Une intervention qui fait appel à un guide d'initiative personnelle (Valbo et Schioldborg,1994) semble prometteuse. Le remplacement de la nicotine a été testé presque exclusivement auprès de cette population (voir la section 4d), mais jusqu'ici, aucune étude ne nous permet d'émettre un avis définitif sur l'utilité de ce genre de traitement. Du point de vue de la réduction des méfaits, le recours au remplacement de la nicotine pour faciliter l'abandon de la cigarette à un stade avancé de la grossesse chez les grandes fumeuses peut s'avérer particulièrement avantageux.

Il existe de très rares études qui visent spécifiquement le renoncement au tabac chez les adolescentes enceintes, et aucune étude ne répondait aux critères que nous avions fixés sur les plans de la méthodologie et des résultats, à la lumière desquels une recommandation pouvait être faite. En effet, rares sont les programmes de renoncement conçus spécialement pour les adolescents en général, la majorité des interventions destinées à ce groupe d'âge étant des initiatives en milieu scolaire visant à prévenir le début de l'usage du tabac. Il est peu probable que les stratégies conçues pour les femmes enceintes puissent être appliquées directement auprès des adolescentes enceintes, étant donné l'écart considérable qui existe entre les milieux dans lesquels évoluent les deux groupes et les réalités de la vie de chacun. Les interventions visant les adolescentes comprenaient des séances d'information en groupe, des séances individuelles de counseling offertes par une infirmière, le jumelage avec une autre adolescente non fumeuse. Rien n'indique toutefois que ce genre d'interven-tion est plus efficace que les formules couramment utilisées. Étant donné l'abondance des ouvrages indiquant que l'influence des pairs est un important facteur de prédiction du tabagisme chez les adolescentes, il pourrait être utile d'approfondir les recherches sur les stratégies qui comportent un élément « soutien par les pairs ».

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Interventions pharmacologiques destinées aux femmes enceintes qui fument

Si l'efficacité des interventions pharmacologiques, notamment le recours à des produits de substitution nicotinique et à d'autres produits, comme le Bupropion (Zyban), est bien établie dans les populations adultes, elle ne l'est pas vraiment dans le cas des femmes enceintes qui fument. Chez les fumeuses qui ne sont pas enceintes, les diverses formes de traitement à la nicotine et le Bupropion ne comportent généralement pas de risque lorsque les indications sont suivies. Des études ont montré que les interventions pharmacologiques peuvent augmenter, parfois doubler, les taux de réussite du renoncement (Benowitz et coll., 2000). Ces produits servent à atténuer les symptômes de sevrage, même si l'on ne comprend pas parfaitement le mécanisme d'action du Bupropion. Si les taux de renoncement semblent comparables chez les hommes et chez les femmes, les risques de symptômes de sevrage sont plus élevés chez ces dernières. Selon certaines études, les traitements à la nicotine sont plus efficaces chez les hommes que chez les femmes (Okuyemi, Ahluwalia et Harris, 2000).

Les chercheurs commencent à se pencher sur le recours aux interventions pharmacologiques pendant la grossesse. Il n'existe pour ainsi dire aucune recherche sur l'efficacité des traitements à la nicotine auprès des femmes enceintes. Selon les rares études réalisées sur le sujet, si le timbre de nicotine ne produit pas d'effets indésirables sur le foetus (Schroeder et coll., 2002; Wisborg, Henriksen, Jespersen et Secher, 2000), il ne semble pas améliorer les taux de renoncement (Ogburn et coll., 1999; Wisborg, et coll., 2000; Wright et coll., 1997). Il a été prouvé que la concentration de nicotine à laquelle est exposé le foetus en cas d'utilisation du timbre ou de la gomme à mâcher à la nicotine, est inférieure à celle associée à la consommation de cigarettes (Benowitz et coll., 2000; Oncken, Pbert, Ockene, Zapka et Stoddard, 2000). Il ne fait aucun doute qu'il faudrait réaliser des études sur l'efficacité des traitements à la nicotine comme adjuvants pour faciliter le renoncement tabagique pendant la grossesse. À la lumière des recherches réalisées jusqu'ici, voici les recommandations qui peuvent être faites :

  1. Il y a lieu d'encourager une thérapie comportementale avant le recours à une intervention pharmacologique. Il est préférable que les femmes comptent sur leurs propres ressources pour cesser de fumer. Les traitements tels que le remplacement de la nicotine et le Bupropion peuvent avoir des effets indésirables qui devraient être expliqués à la femme.
  2. Les traitements de remplacement de la nicotine devraient être utilisés auprès des femmes qui sont incapables d'abandonner la cigarette pendant la grossesse. D'après certaines études, il y a peut-être lieu de préférer les formes de substitution nicotinique, telles que la gomme à mâcher, qui impliquent une exposition intermittente à la nicotine à celles qui supposent une exposition constante, parce qu'elles comportent moins de risques pour le foetus (Benowitz et coll., 2000; Dempsey et Benowitz, 2001). De l'avis de certains chercheurs, le traitement au moyen du timbre doit être interrompu pendant le sommeil pour que les concentrations de nicotine au cours de la nuit ne soient guère plus élevées que celles associées à une consommation normale de cigarettes (Hackman, Kapur et Koren, 1999).
  3. On ne dispose actuellement d'aucune donnée sur l'usage du Bupropion pendant la grossesse. Selon les recherches chez l'animal, ce produit ne comporte aucun risque, mais ce constat n'a pas encore été confirmé chez l'humain. Dans l'état actuel des choses, les cliniciens sont d'avis que l'on peut utiliser du Bupropion chez les femmes enceintes fumeuses (Okuyemi et coll., 2000).
  4. La quantité de nicotine excrétée dans le lait maternel est infime (Dempsey et Benowitz, 2001). L'usage continu du tabac et l'emploi de traitements de substitution nicotinique ne constituent pas une contre-indication à l'allaitement maternel.

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Interventions destinées à des sous-populations de femmes enceintes (membres de groupes ethniques, femmes défavorisées sur le plan socio-économique)

S'il y a eu de nombreuses interventions visant les femmes membres de groupes minoritaires et à faible revenu, il n'est pas toujours facile de déterminer si elles ont été spécifiquement conçues en fonction des besoins de ces sous-populations. On peut établir une distinction importante entre la population pour laquelle une intervention est conçue et celle à qui elle est offerte. Comme les déterminants du tabagisme pendant la grossesse sont liés à la pauvreté et à une situation socioéconomique défavorable, on ne doit pas s'étonner de constater que ce sont les femmes qui correspondent à ce profil qui constituent les populations cibles. Idéalement, les pratiques exemplaires devraient résulter des interventions qui visent les sous-populations de femmes à faible revenu et membres de groupes minoritaires, et qui sont administrées auprès de ces dernières.

Il est difficile de déterminer quelles sont les interventions les plus efficaces étant donné les différences constatées entre les méthodologies, les éléments des interventions, les populations étudiées et les milieux où sont mis en oeuvre les programmes. Aux États-Unis, le quart des femmes enceintes reçoivent leurs soins prénatals dans le cadre des services de santé, des initiatives de santé financées par l'administration fédérale ou des centres universitaires, et les interventions ont surtout été orientées vers ces sous-groupes de femmes à faible revenu. Les femmes qui fréquentent ces milieux affichent des taux élevés d'inscription tardive à des programmes de soins prénatals, de consommation et d'abus de substances autres que le tabac et de faible niveau d'alphabétisation. Ces centres confient souvent au personnel en place le soin d'administrer l'intervention. Toutefois, certains facteurs, tels que le conflit de priorités et le peu de temps à consacrer aux activités de recherche, peuvent nuire à l'intensité et à la constance de l'intervention offerte.

Les interventions menées auprès de sous-groupes de femmes défavorisées sur le plan socioéconomique ont surtout été élaborées à partir de matériel et de méthodes conçus au départ par Windsor et ses collaborateurs, et devant être utilisés dans des milieux de soins de santé financés par l'État, par exemple le programme WIC, qui s'adresse aux femmes, aux nouveau-nés et aux enfants, aux États-Unis. L'intervention table sur quatre comportements que l'on retrouve couramment chez les intervenants : interroger, conseiller, aider et prévoir un suivi. La plus récente version de l'intervention (Windsor et coll., 2000) comprend une vidéo de 14 minutes, un guide d'initia-tive personnelle qui propose un programme d'abandon du tabac en sept jours, et une séance de counseling axée sur la patiente, d'une durée de moins de cinq minutes, au cours de laquelle un plan d'action est dressé.

Le transfert d'une intervention d'un cadre à un autre peut nuire à son efficacité si ses éléments sont modifiés ou si des aspects du matériel ne sont pas adaptés à la réalité culturelle de la population cible. Par exemple, le programme élaboré par Windsor s'est avéré efficace à Birmingham, en Alabama (Windsor et coll., 1985; Windsor et coll., 1993), mais pas à Baltimore, dans le Maryland (Gielen et coll., 1997). Toutefois, on ne sait pas au juste si cette différence était attribuable au fait que les femmes de Baltimore étaient un sous-groupe particulièrement défavorisé des vieux quartiers pauvres, parce que l'intervention a fait appel à des pairs agissant en qualité de conseillères, qui possédaient une formation minimale, plutôt qu'à des éducatrices sanitaires dûment formées, ou si elle était imputable à quelque autre facteur. Une seule étude canadienne fait partie de la littérature qui existe sur le programme conçu par Windsor. Elle rend compte d'une intervention menée dans un centre de consultation prénatale, auprès d'une population au profil socio-économique diversifié, et comprenant des femmes francophones. Les femmes qui faisaient partie du groupe d'intervention ont pu bénéficier d'une séance de counseling de 20 minutes dirigée par une infirmière en santé publique et fondée sur le guide élaboré par Windsor, ainsi que d'un suivi téléphonique. Les taux de renoncement tabagique observés dans le groupe d'intervention étaient statistiquement beaucoup plus élevés un mois après le début de la participation (14,9 % contre 5 %) et six semaines après l'accouchement (13,8 % contre 5,2 %) (O'Connor et coll., 1992).

L'emploi d'incitatifs financiers appropriés auprès de sous-populations démunies mérite d'être étudié plus à fond. Donatelle, Prows, Champeau et Hudson (2000) ont passé en revue les résultats de plusieurs études, dont deux méta-analyses sur le renforcement et conclu qu'elles prouvaient de manière convaincante que le renforcement positif entraîne des changements de comportement souhaitables. Dans une intervention menée dans le cadre du programme WIC (Donatelle et coll., 2000) essentiellement auprès de femmes dans la jeune vingtaine, à faible revenu, de race blanche et ayant un partenaire, les taux d'abandon du tabac constatés au huitième mois de la grossesse s'élevait à 32 % (contre 9 % dans le groupe témoin). À la différence d'autres interventions qui proposent des récompenses relativement insignifiantes, celle-ci offrait 10 coupons de 50 $ aux femmes dont l'abandon du tabac était confirmé mensuellement par un test biochimique. Les femmes avec lesquelles elles étaient jumelées ont aussi reçu des coupons. Même si l'on peut s'interroger sur le caractère éthique d'une intervention qui fait appel à une récompense financière lorsqu'elle s'adresse à une population à faible revenu, on peut alléguer que ce genre d'incitatif renforce la liberté d'action de ces femmes. C'est une mesure qui peut être perçue comme une façon de reconnaître l'accom-plissement d'une tâche extrêmement difficile.

La réduction des méfaits est aussi une démarche à envisager dans le cas des femmes défavorisées sur le plan socio-économique, qui ne peuvent ou ne veulent renoncer à la cigarette. Il est prouvé que, par rapport aux femmes qui ne modifient en rien leurs habitudes tabagiques, celles qui réduisent de 50 % leur consommation pendant leur grossesse mettent au monde des bébés de poids plus élevé à la naissance (Li et coll., 1993). Windsor a proposé d'u-tiliser comme mesure de la diminution de la consommation du tabac la réduction de moitié du taux de cotinine (Windsor et coll., 1993). De l'avis de certains, il y aurait lieu de revoir ce chiffre de manière à tenir compte des effets du gain pondéral et du volume de distribution (Selby, 2003, communication personnelle). D'autres études ont utilisé comme mesure une réduction de 50 % de l'exposition à la fumée de tabac ambiante, validée par des tests biochimiques, fondés sur la concentration de cotinine dans la salive (Gielen et coll., 1997; Windsor et coll., 1993) ou d'oxyde de carbone (Hartmann, Thorp, Pahel-Short et Koch, 1996).

Des chercheurs ont recommandé que des études soient réalisées sur la réduction de la consommation comme stratégie, sans que l'accent soit mis exclusivement sur le foetus (Windsor, Boyd et Orleans, 1998). Outre les effets favorables sur le foetus, la stratégie de la réduction de la consommation de tabac donne l'occasion d'appuyer, d'encourager et de rendre autonome la femme elle-même.

Bref, malgré les taux de tabagisme invariablement élevés observés dans les sous-populations de femmes enceintes défavorisées sur le plan socio-économique, rares sont les programmes de renoncement au tabac qui s'adressent spécifiquement à ce groupe au Canada (voir à l'annexe 8e une liste de programmes qui visent les femmes autochtones et d'autres sousgroupes de femmes, et qui pourraient être adaptés aux besoins des femmes enceintes). Si l'on se fie à certaines données probantes, les interventions axées sur le renoncement au tabac peuvent s'avérer efficaces auprès de ces femmes, mais on ne connaît toujours pas la relative efficacité d'éléments précis de ces interventions. Selon un groupe d'experts qui ont passé en revue les pratiques exemplaires en la matière, un counseling de courte durée profite essentiellement aux fumeuses légères à modérées (Melvin, Mullen, Windsor, Whiteside et Goldenberg, 2000). Les programmes qui impliquent un contact minimal avec la personne visée seraient moins efficaces chez les femmes de condition socio-économique inférieure que chez les femmes favorisées sur ce plan. Il est probable que les interventions qui visent des sous-populations de femmes défavorisées doivent faire appel à des stratégies plus ciblées, comportant un suivi plus intensif et de multiples éléments. Le recours aux incitatifs financiers et l'inclusion de stratégies axées sur la réduction des méfaits sont des voies prometteuses qui méritent d'être explorées.

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Interventions axées sur le renoncement au tabac/ Programmes mis en oeuvre dans des centres de traitement des toxicomanies

Seules deux des études incluses dans notre examen ont rendu compte d'évaluations dont ont fait l'ob-jet des interventions axées sur l'abandon du tabac, intégrées à des programmes destinés à des femmes aux prises avec des problèmes de toxicomanie (Ker, Leischow, Markowitz et Merikle, 1996; Waller, Zollinger, Saywell et Kubisty, 1996). Les deux évaluations étaient des études préliminaires qui ont eu certains effets prometteurs. Fait important, ces études donnent à penser qu'il est possible d'adapter les interventions visant l'abandon du tabac pour qu'elles soient offertes dans des centres de traitement des toxicomanies, et que l'idée est acceptable pour les femmes qui fument et pour le personnel de ces centres. Ces constats sont étayés par une enquête menée récemment sur les programmes canadiens de lutte contre les toxicomanies, qui révèle que les efforts de renoncement au tabac occupent une certaine place dans plus de la moitié des 223 programmes participants (Currie, Nesbitt, Wood et Lawson, 2003). L'importance accordée à l'abandon du tabac à l'intérieur de ces programmes, et les stratégies utilisées, sont cependant très variables.

Il ressort d'un programme de renoncement au tabac qui a été intégré à un programme de traitement en établissement destiné aux femmes aux prises avec des toxicomanies pendant la grossesse et la période postnatale que les programmes traditionnels d'abandon du tabac conçus pour des personnes ayant déjà la motivation voulue pour se défaire de l'habitude de la cigarette ne donnent pas de résultats efficaces dans un tel cadre (Ker et coll., 1996). Parmi les mesures prises en vue de concevoir un « programme involontaire d'abandon de la cigarette », on pourrait citer un système de surveillance de l'oxyde de carbone, le renforcement positif pour l'abandon ou la réduction de l'usage du tabac et les activités éducatives visant à aider les femmes à être mieux préparées à faire le saut. D'après les réactions favorables au programme observées même chez les fumeuses auparavant réticentes, la démarche pourrait être appliquée avec succès auprès de femmes, quel que soit leur état de préparation à l'égard de l'abandon du tabac. Même si l'on attend les résultats d'études bien conçues avant de présenter des recommandations précises au sujet de l'intégration d'interven-tions visant l'abandon du tabac à la lutte contre d'autres formes de toxicomanies, il est évident qu'il faudrait offrir dans les centres de traitement des toxicomanies des interventions axées sur le renoncement tabagique adaptées aux besoins des femmes pendant la grossesse et la période postnatale, tant aux femmes qui ont besoin d'aide pour se défaire de l'habitude de la cigarette qu'à celles qui n'ont pas la motivation voulue pour y arriver.

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Interventions destinées aux fumeuses pendant la période postnatale

D'après notre analyse de la littérature, il existe relativement peu de programmes ou d'interventions conçus pour faciliter le maintien de l'abstinence tabagique après l'accouchement chez les femmes ou les filles ayant cessé de fumer pendant la grossesse. La volonté accrue d'aider les femmes enceintes à réaliser l'objectif du renoncement durable a donné naissance à des interventions et à des programmes visant la prévention des rechutes pendant la période postnatale, qui consistent à : 1) offrir de l'informa-tion et des conseils aux femmes au sujet des avantages d'un arrêt durable tant pour leurs enfants que pour elles-mêmes, et 2) faciliter l'acquisition de compétences voulues pour réagir aux situations à haut risque et aux écarts (Dunphy, 2000; Johnson et coll., 2000/Ratner, Johnson, Bottorff, Dahinten et Hall, 2000; Van't Hof, Wall, Dowler et Stark, 2000; Wall et Severson, 1995/Severson, Andrews, Lichtenstein, Wall et Akers, 1997; Secker-Walker et coll., 1995; McBride et coll., 1999; DiClemente et coll., 2000/Mullen, DiClemente et Bartholomew, 2000). Les interventions comprenaient divers guides d'initiative personnelle (documents imprimés ou vidéos), des lettres ou des bulletins personnalisés, de brèves séances individuelles de counseling (en personne ou par téléphone) et des rappels sur les dossiers. Ces interventions, sauf une, mettaient l'accent sur les femmes proprement dites. Le projet PANDA, toutefois, vise aussi bien les partenaires que les femmes. Il fait appel à des bulletins et à des vidéos qu'il distribue au cours des dernières semaines de la grossesse et des six premières semaines suivant l'accouchement dans le but d'éviter une reprise des habitudes tabagiques (DiClemente, Muller et Windsor, 2000/Mullen, DiClemente et Bartholomew, 2000).

Certaines des interventions ayant pour objet de prévenir les rechutes après l'accouchement ont été plus intensives que d'autres. Toutefois, elles ne se sont pas prolongées au-delà des trois à quatre mois suivant l'accouchement. Bien que certains effets bénéfiques (arrêt ou diminution de la consommation) aient été observés à court terme (par exemple, six mois après l'accouchement), la plupart des études ont montré que cet effet s'atténuait au fil du temps, ce qui donne à penser que les interventions axées sur le post-partum pourraient tout simplement ralentir ou retarder les rechutes (McBride et coll., 1999; Ratner et coll., 2000; Secker-Walker et coll., 1995; Severson et coll., 1997). Certaines études indiquent que les interventions n'ont pas porté fruit auprès de certaines catégories de femmes qui ont cessé de fumer pendant la grossesse (par exemple, celles qui ont un partenaire fumeur; les grandes fumeuses et celles qui ont une santé mentale plus fragile). Les vidéos et le matériel imprimé du projet PANDA, qui sont conçus dans une perspective masculine, laissent entrevoir des possibilités nouvelles sur le plan de la prévention des rechutes pendant le post-partum. Il semble que le matériel ait été utilisé et lu par la population masculine et qu'il ait eu une certaine incidence sur sa consommation de tabac (DiClemente et coll., 2000). C'est là une piste qui mérite certainement d'être explorée et évaluée.

On ne possède pas suffisamment de preuves pour recommander une intervention donnée ou un élément de programme en vue de prévenir les rechutes après l'accouchement. Toutefois, certains facteurs jouent un rôle important dans le maintien de l'abstinence pendant la période postnatale : 1) la période pendant laquelle il pourrait être nécessaire d'offrir du soutien pour maintenir une abstinence durable (une aide qui s'étend au-delà de la période qui suit immédiatement l'accouchement semble indiquée), et 2) la prise en compte d'autres variables qui influent sur la capacité des femmes de demeurer non-fumeuses (par exemple, les habitudes tabagiques du partenaire, la santé mentale de l'intéressée). Comme aucune initiative de prévention des rechutes pendant le post-partum n'a été spécialement conçue pour les adolescentes, on ne sait toujours pas comment adapter ces initiatives aux besoins de ce groupe.

À notre connaissance, aucune intervention axée sur le post-partum n'a été spécialement conçue pour aider les femmes et les filles qui ont continué de fumer pendant la grossesse ou qui ont recommencé à fumer avant leur accouchement. Il faudra mettre au point une série distincte d'interventions pour ce sous-groupe. La promotion de l'abandon du tabac auprès de ce sous-groupe de femmes et de filles pourrait poser des difficultés, mais il ne faut pas perdre de vue qu'il est important de viser une réduction du tabagisme et d'aider les femmes et les filles à créer un environnement sans fumée pour leurs enfants. Un groupe de chercheurs a commencé à se montrer favorable, quoique de manière très timide, à une intervention individuelle, axée sur la motivation, auprès de fumeuses « irréductibles » qui persistent à fumer à un stade avancé de la grossesse (Stotts, DiClemente et Mullen, 2002). Leur approche pourrait inspirer de nouvelles interventions orientées vers les femmes qui fument après leur accouchement.

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Programmes d'abandon du tabac destinés aux femmes et aux filles enceintes

Dans notre analyse, un « programme » désigne une méthode d'abandon du tabac repérée essentiellement au moyen du matériel qui s'y rattache, plutôt que par les évaluations de son efficacité faites dans des ouvrages spécialisés. Comme nous l'avons signalé aux pages 31 et 36, les programmes non assortis de données concernant leurs effets sur le tabagisme ont été analysés séparément. Les éléments de ces programmes non évalués ont été comparés aux éléments des interventions recommandées (voir page 27), et les programmes dont le contenu était comparable ont été classés dans la catégorie « approche prometteuse ».

Au total, nous avons examiné neuf programmes ayant spécifiquement pour cibles les femmes pendant la grossesse et la période postnatale. Quatre d'entre eux étaient assortis de données d'évaluation et ont été analysés à la lumière des critères applicables aux interventions axées sur l'abandon du tabac, décrites à la page 28. Les quatre programmes ont reçu un score de zéro ou moins selon notre échelle d'évaluation des études, et ont par conséquent été éliminés de notre examen (voir description à l'annexe 8c). Les cinq autres programmes, qui n'étaient pas accompagnés de données d'évaluation, sont présentés au tableau 4.3.

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Tableau 4.3 Études visées par l'examen

Étape de l'examen

Nombre d'études (n)

Collecte de données

70

Système de notation des études

58 (12 études ont obtenu une note ≤ 0)

Critère d'efficacité

20 (38 études où il y avait absence d'effets)

Critère de qualité de la preuve

6 (14 études où les données probantes étaient insuffisantes)

Critère de vraisemblance

6 (aucune étude ne manquait de vraisemblance )

Études recommandées

6

Figure 4.1  (Cette lien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre)

Tableau 4.4 Programmes non évalués visant les femmes pendant la grossesse/la période postnatale

Programme

Pays

Population
cible

Intervention

Éléments de l'intervention

Baby's Coming, Baby's Home*

Canada

Femmes enceintes qui fument (« à faible revenu »)

Professionnels
de la santé, éducateurs
et autres personnes-ressources

Information; information adaptée (vidéo); doit s'accompagner de counseling

Great Start*

É.-U.

Femmes enceintes qui fument

Initiative personnelle

Information adaptée (Great Start Self-Help Guide)

Holding Our Own*

Canada

Femmes enceintes qui fument (femmes auto-
chtones et femmes de couleur)

Vidéo (encourage
le recours à un groupe d'aide par des pairs)

Information adaptée (vidéo)

New Start*

Canada

Femmes enceintes qui fument

Initiative personnelle (Aide en direct)

Information adaptée (guide d'initiative personnelle)

Start Quit, Stay Quit* Rapport technique disponible : Edwards et coll., 1997

Canada

Femmes enceintes qui fument

Initiative personnelle

Information adaptée destinée aux partenaires et aux femmes enceintes qui fument; doit s'accompagner de counseling

*Voir les renseignements sur les ressources à l'annexe 8e.

Les programmes décrits au tableau 4.4 sont généralement fondés sur l'initiative personnelle, le modèle transthéorique mis au point par Prochaska et DiClemente (p. ex., Prochaska et coll., 1992) et des techniques d'entrevue motivationnelle. Même s'il est impossible de déterminer avec certitude si l'un ou l'autre de ces éléments pourrait avoir une incidence sur l'abandon du tabac, d'après les données qui existent (qui sont résumées sous la section 4a), les programmes qui tablent sur l'initiative personnelle semblent une piste d'intervention prometteuse. Toutefois, la plupart des guides d'initiative personnelle que nous avons examinés ont été présentés et expliqués aux femmes par des professionnels de la santé au cours d'une consultation prénatale, ce qui pourrait expliquer en partie leur effet sur le traitement.

Seuls trois programmes visaient spécifiquement des sous-groupes de femmes pendant la grossesse et/ou la période postnatale; deux qui étaient assortis de données d'évaluation et qui ont été éliminés faute de preuves suffisantes, et un document vidéo mentionné au tableau 4.4. Comme l'indique la section 4e, il est possible que d'autres formes d'interven-tions plus intensives conviennent davantage à des sous-populations de femmes enceintes, notamment des membres de minorités ethniques et de condition socio-économique inférieure. Par conséquent, aucun programme non évalué visant des sousgroupes de femmes enceintes fumeuses ne peut être recommandé comme « approche prometteuse ».

Nous avons contacté plus de 50 organismes partout au Canada en vue de découvrir du matériel relatif à des programmes pertinents, mais n'avons pu ainsi mettre la main que sur neuf programmes d'aban-don du tabac destinés à des femmes enceintes. Cette situation tient en partie au financement de ce genre de programmes, qui a toujours été instable, et en partie à l'absence de registre de ressources régulièrement actualisé dans le domaine de la lutte contre le tabagisme. Les données d'évaluation concernant ces programmes sont encore plus rares : seuls quatre des neuf programmes ont été évalués et, dans chaque cas, le protocole d'évaluation a nui à la fiabilité des résultats.

Mise à jour : 2004-10-01 Haut de la page