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Explorer les liens entre la santé mentale et l ’usage de substances

Conclusions et recommandations

Dans le présent document, les auteurs ont voulu esquisser à grands traits certains des thèmes qui se dégagent de l’examen de liens et de relations possibles entre l’usage de substances et la santé mentale. Ces relations sont complexes et présentent de multiples facettes tout en se manifestant à de nombreux niveaux. Nous avons examiné les deux domaines en tant que
concepts psychologiques et philosophiques, que sphères professionnelles dont les infrastructures sont distinctes, et qu’ensemble de programmes allant de la promotion de la santé aux interventions thérapeutiques. La présente section résume les points soulevés et offre plusieurs recommandations.

L’évidence a peut-être été proclamée: la santé mentale et l’usage de substances ne sont pas faciles à compartimenter, et ils ne doivent pas non plus être considérés comme des états singuliers. Les deux se situent sur des continuums dynamiques, et les chevauchements sont nombreux. L’usage de substances et la santé mentale ont en commun des base environnementales, psychosociales et psychologiques. L’accent a tendance à être mis sur le pôle des continuums qui figure les problèmes. En fait, les deux domaines sont souvent définis en fonction de problèmes. Dans l’un et l’autre domaines, la majorité des ressources est consacrée au traitement des problèmes les plus graves.

L’usage de substances et la santé mentale, comme concepts et comme domaines, portent des stigmates. La santé mentale surtout, qui est le plus souvent définie en termes de troubles mentaux dans le public. L’attitude générale à l’égard de l’usage de substances est ambivalente. Selon la rhétorique qui réclame un Canada «sans drogue», les drogues et leur usage sont intrinsèquement nocifs. Nous avons parlé de la stigmatisation et dit qu’aucun des deux domaines ne bénéficie de la même sympathie, ou du même soutien, que le domaine de la santé physique.

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L’Usage de substances et la santé mentale, comme concepts et comme domaines, portent des stigmates.

L’examen et l’analyse de la littérature effectués dans le cadre du présent projet confirment qu’on en sait beaucoup au sujet des facteurs sous-jacents à l’abus de substances et aux troubles mentaux, et que nombre des facteurs qui permettent de prédire l’abus de substances ou la toxicomanie, permettent aussi de prédire la détresse psychologique. Cependant, bien peu de recherches ont porté sur les déterminants comportementaux et psychosociaux du bien-être psychologique ou des attitudes et des comportements sains face à l’alcool et à la drogue, notamment sur les rôles positifs possibles de certaines formes de consommation pour favoriser le bien-être psychologique. Insister sur les facteurs de risque et les causes de dysfonctionnement, plutôt qu’élaborer des scénarios propices à la santé, renforce une approche négative centrée sur les problèmes.

En ce qui concerne la promotion de la santé et la prévention, nous avons laissé entendre que si les programmes actuels ne sont pas sur le même pied dans les deux domaines, la mise en oeuvre et l’évaluation laissent à désirer dans l’un et dans l’autre, comme dans tout le domaine de la promotion de la santé. De même, le rôle clé de l’environnement physique, social et économique dans la détermination de la maladie ou de la santé est apparent dans les deux cas. Remédier au stress qu’engendrent la pauvreté, les conditions de logement inadéquates ou dangereuses, le chômage et le manque d’espoir occupe une place centrale dans les programmes de santé mentale et d’usage de substances. Des programmes d’éducation ou de sensibilisation ne suffisent pas. Il faut une politique sociale qui favorise la santé ainsi qu’un engagement à offrir des chances égales et des possibilités à tous.

Il faut une politique sociale qui favorise la santé ainsi qu’un engagement à offrir des chances égales et des possibilités à tous.

Les réalités des différents groupes de population ont été prises en considération. À l’évidence, les concepts et même les déterminants de la santé mentale et de la consommation responsable d’alcool et de drogue diffèrent entre les nombreuses cultures canadiennes. Les facteurs qui contribuent à la santé ou à la souffrance morale varient selon l’âge et le sexe. Tous ces aspects rendent plus complexe l’analyse des liens et des relations entre la santé mentale et l’usage de substances.

Enfin, des questions qui intéressent le traitement dans les deux domaines ont été dégagées, notamment le besoin de bien reconnaître le chevauchement entre la détresse et les troubles mentaux et la toxicomanie, et le besoin d’en tenir compte.

Comment donner suite à ces questions? Sans perdre de vue les observations générales, nous offrons six recommandations d’ensemble pour aider à faire reconnaître et exploiter davantage les nombreux liens et les points communs entre les deux domaines. Au-delà de chaque recommandation, des actions plus précises sont réclamées là où besoin est. Ces recommandations émanent de l’examen et de l’analyse de la littérature et d’une table ronde nationale qui a réuni, dans le cadre du présent projet, des professionnels et des praticiens des deux domaines (voir annexe I). Les recommandations entrent dans cinq catégories: centre d’intérêt, programmes, politique, recherche, et dialogue et échange d’information.

Centre d’intérêt

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1. L’approche philosophique globale devrait être recentrée davantage sur le renforcement des facteurs de protection chez l’individu, la famille et la collectivité, et moins sur les problèmes et les facteurs de risque. Jusqu’à présent, on s’est surtout intéressé dans les deux domaines au besoin de s’attaquer aux problèmes des gens, plutôt que de chercher à découvrir leurs forces et d’essayer d’en tirer parti. Le changement de cap proposé se présente comme suit :

  • du traitement vers la prévention,

  • de la maladie vers la santé,

  • des drogues comme telles vers les contextes dans lesquels on y a recours,

  • des facteurs de risque vers les facteurs de protection,

  • des déterminants de la maladie vers les déterminants de la santé et de la qualité de vie.

Cette recommandation n’est ni unique ni nouvelle dans le domaine de la santé. Un mouvement en ce sens s’observe dans le débat sur les réformes de la santé et l’application de ces réformes dans tout le Canada. Toutefois, la recommandation doit être opérationnalisée, et ce n’est que si elle figure en tête des priorités d’action qu’elle pourra infléchir les décisions stratégiques et les programmes.

Programmes

2. Les efforts de promotion de la santé et de prévention dans les deux domaines devraient être combinés et revitalisés. L’importance accrue qui est accordée aux facteurs de protection et aux déterminants du bien-être doit s’accompagner d’un intérêt plus grand pour la promotion de ce bien-être. Des efforts sont absolument requis au niveau de la collectivité afin de réhabiliter la santé mentale et d’accroître la compréhension du public et le dialogue. Les
conséquences multiples de l’intolérance et de l’injustice sociale qu’entraîne la stigmatisation peuvent nécessiter une campagne nationale comme remède.

Le milieu, physique et social, semble jouer un grand rôle dans la prévention et la résolution des problèmes. Comment créer et favoriser un sentiment d’appartenance? Comment un sentiment d’appartenance renforcé se répercute-t-il sur la santé mentale de l’individu et de la famille, et sur l’usage de substances? Voilà d’autres questions pour le secteur de la promotion de la santé et de la prévention.

Les programmes de promotion de la santé pour le milieu scolaire, la famille et la collectivité ont besoin d’être revitalisés, et d’être soigneusement mis en oeuvre et évalués. Par le passé, les organismes intéressés à la promotion de la santé et à la prévention dans le domaine des toxicomanies et de la santé mentale oeuvraient chacun de leur côté. Pourtant, les facteurs qui contribuent au mieux-être dans l’un et l’autre de ces domaines se recoupent dans une large mesure. Des programmes visant à mettre en valeur la santé mentale et à réduire l’automédication nocive devraient être créés et appliqués. On pourrait faire valoir qu’un bon programme de promotion de la santé mentale est également un bon programme de prévention de l’abus de substances.

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Par dessus tout, les deux domaines devraient faire front commun pour défendre et soutenir la mise en oeuvre stable et uniforme, la poursuite et la revitalisation périodique des efforts. Les nouvelles mesures devraient s’éloigner de l’approche de la simplification — qui ramène les déterminants de la détresse psychologique ou l’usage de substances à des facteurs de risque — pour se diriger vers une approche expansive qui prend en considération l’ensemble des facteurs contribuant au bien-être. Cette approche devra forcément tenir compte des besoins différents des diverses cultures et de divers groupes de population.

3. Les praticiens et les décideurs des deux systèmes de soins devraient songer à des façons d’unir leurs efforts et d’éviter que les services ne fassent double emploi. Faire converger deux systèmes de soins qui ont évolué séparément, et dont les buts, les philosophies et les modalités de traitement diffèrent, pose plus d’un défi. Cependant, il n’est guère logique de traiter la maladie mentale et la toxicomanie comme des problèmes isolés, ou de faire passer les gens d’un service à l’autre. Par contre, aucun domaine da ce qu’il faut pour simplement absorber l’autre, ce qui ne serait pas approprié non plus. Un dialogue sain sur la formation, les structures, les champs d’action et la responsabilité serait particulièrement utile à l’heure actuelle. Les universités et les collèges pourraient créer des programmes de certificat afin de préparer des gens, à tous les paliers, devant posséder les aptitudes et les compétences nécessaires pour jouer un rôle directeur dans la collaboration entre ces deux domaines et leur convergence.

Un dialogue sain sur la formation, les structures, les champs d’action et la responsabilité serait particulièrement utile à l’heure actuelle.

Politique

4. Une politique sociale et une politique de la santé qui reconnaissent les effets négatifs du chômage, de la pauvreté et de l’insécurité sont nécessaires, particulièrement au moment où les coupures budgétaires sont importantes, et le climat économique, difficile. Il semble actuellement que les mises à pied et les réductions de personnel soient un outil de choix pour réduire le déficit. La politique économique va donc à l’encontre de la politique de la santé. Les problèmes en ce qui concerne tant l’usage de substances que la santé mentale sont dans une grande mesure exacerbés par le chômage, la pauvreté et l’insécurité. La politique de la santé et la politique sociale doivent reconnaître que ces forces font augmenter non seulement les coûts humains, mais aussi les coûts économiques, et peuvent aller à l’encontre des mesures d’austérité. De plus, une politique sociale qui favorise la santé et une politique de la santé qui tient compte des préoccupations sociales permettent la prise en charge des principaux déterminants environnementaux de la santé, ce qui est impossible par des programmes axés sur l’acquisition de compétences et la modification du comportement.

Les problèmes en ce qui concerne tant l’usage de substances que la santé mentale sont dans une grande mesure exacerbés par le chômage, La pauvreté et l ’insécurité.

Recherche

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5. Les priorités et l’approche de la recherche doivent être recentrées. En particulier, l’intensification de la recherche sur les facteurs de protection dans l’usage de substances, et sur ceux qui concourent à une santé mentale optimale, permettrait une compréhension plus pondérée des deux domaines. La recherche qui examine l’usage de substances comme autre chose qu’un problème devrait être encouragée. La recherche collective devrait sous-tendre tous les projets pilotes qui visent à explorer les liens entre les deux domaines. Des recherches longitudinales bien conçues et suffisamment financées sont essentielles au Canada, en ce qui concerne tant l’usage de substances que la santé mentale, et ce dans chacun des domaines séparément ainsi que là où ceux-ci se recoupent clairement. L’accent devrait être mis davantage sur la recherche qualitative et participative par opposition aux méthodes quantitatives traditionnelles. Cet aspect est particulièrement important si nous voulons mieux comprendre l’usage de substances et la santé mentale dans leurs contextes culturels et sociaux, et améliorer notre capacité d’intervention dans ces champs. Enfin, il faudrait encourager les projets de recherche appliquée et les axes de recherche qui peuvent permettre de répondre aux besoins exprimés dans le cadre d’une consultation et d’un dialogue ouverts. Des recherches à contrat sur des thèmes précis sont nécessaires, plutôt que des recherches subventionnées sur des thèmes importants pour des chercheurs particuliers.

Dialogue et échange d'Information

6. Des mesures qui favorisent le dialogue et l’échange d’information dans des secteurs de coopération et de collaboration potentielles entre les deux domaines devraient être encouragées. Par exemple, Santé Canada pourrait commanditer une série de monographies sur l’usage de substances et la santé mentale qui traiteraient des rapports sur le plan de la philosophie, de la théorie, de la promotion, de la prévention et du traitement, préférablement dans le contexte canadien. Des résumés et des synopsis intelligibles des recherches pertinentes et des réussites au chapitre de la promotion, de la prévention et du traitement devraient être inclus. Les associations professionnelles de la santé pourraient être invitées à parrainer des ateliers et des conférences portant sur des aspects particuliers des liens entre la consommation d’alcool et de drogue et la santé mentale. Des exemples de sujets sont l’étude de solutions de rechange au modèle axé sur la maladie et la clarification des limites du trouble mixte. Les intéressés de tous les secteurs devraient être invités à collaborer et à contribuer à un langage commun, à des buts communs, et à des stratégies d’intervention
efficaces. Des mécanismes visant à encourager l’échange de programmes et de recherches doivent être mis au point. Dans l’analyse de la littérature effectuée aux fins du présent projet, il est apparu que la recherche et les activités canadiennes en matière de santé mentale et d’usage de substances produisent énormément d’informations qui ne sont pas diffusées et qui sont difficilement accessibles. Il est essentiel de remédier à cette situation.

Des initiatives du genre aideraient à jeter par terre les barrières entre les domaines de la santé mentale et de l’usage de substances, à bâtir la confiance, et à mettre en commun la créativité et l’autorité.

Reconnaître les liens entre l’usage de substances et la santé mentale, et en tirer parti au bénéfice des Canadiens et des Canadiennes, pose de nombreux défis. Les enjeux sont complexes et les deux domaines se recoupent de multiples façons. Continuer d’opérer plus ou moins en solo et insister sur les problèmes, les risques et les traitements peut sembler plus facile, mais compte tenu de l’importance fondamentale de la santé mentale pour le bien-être de tous les Canadiens, et de la réalité de la consommation de substances sous une myriade de formes dans la culture canadienne, il importe de trouver des moyens d’attaquer les deux problèmes avec optimisme, vitalité et créativité. Chercher des moyens de collaboration et de coopération s’impose comme la voie à suivre. Face aux réalités socio-économiques actuelles, mettre en doute les opinions et les méthodes consacrées et trouver des approches novatrices devient non seulement opportun, mais essentiel.

Reconnaître les liens entre l’usage de substances et la santé mentale, et en tirer parti au bénéfice des canadiens et des canadiennes, pose de nombreux d éfis.

 

Mise à jour : 2004-10-01 Haut de la page