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Explorer les liens entre la santé mentale et l ’usage de substances

Introduction

«Je suis convaincu que la meilleure façon pour les gens d’éviter ou de
surmonter des habitudes destructrices est de recevoir l’information la plus
honnête que nous puissions discerner, en tenant compte des diverses façons dont les individus et les groupes culturels préfèrent mener leur vie, en reconnaissant la capacité de choisir, de s’adapter et de s’épanouir des gens, et en créant une société qui offre à ceux qui sont enclins à des habitudes malsaines des solutions de rechange raisonnables pour se réaliser et avoir de l’estime de soi.»

Stanton Peele, Diseasing of America

L’histoire religieuse et médicale nous renseigne sur les liens anciens entre la santé mentale et l’usage de substances psychotropes. Que l’on ait eu recours à ces substances pour soulager la douleur, augmenter le plaisir, réduire l’anxiété ou communiquer avec les dieux, on a toujours su que l’état d’esprit individuel influençait la forme, la fréquence, les circonstances et le résultat de l’usage de drogues. Depuis la nuit des temps, les humains ont cherché à modifier leur état de conscience, et ils se sont rendu compte que des drogues naturelles ou synthétiques pouvaient les aider à y parvenir.

Pour éviter toute confusion et ne pas compliquer les choses, il importe de distinguer esprit et cerveau, et de voir comment chacun intervient dans la santé mentale. Dans le présent document, le terme esprit désigne un processus, et non un lieu. Les problèmes et les troubles mentaux peuvent avoir leur origine dans une tare génétique ou un dérèglement chimique dans le cerveau, mais les processus en cause ne sont pas compris à l’heure actuelle.

La consommation de substances psychotropes a normalement un effet direct sur une partie quelconque du cerveau. Une substance particulière peut avoir un effet immédiat sur la fonction cérébrale, ou des effets chroniques après un usage répété. Des interruptions dans le processus de traitement de l’information, de la perception, de l’équilibration ou d’autres fonctions cérébrales peuvent être temporaires ou durables.

La santé mentale, toutefois, n’est pas simplement l’absence de trouble cérébral. Il s’agit d’un état unique dans lequel interviennent des facteurs biologiques, psychologiques et socioculturels. La présente analyse de la santé mentale et de l’usage de substances tient compte de l’esprit et du bien-être, ainsi que du fonctionnement du cerveau 3.

Haut de la pageÉvolution historique

Des intoxicants ou analgésiques naturels sont utilisés par les populations partout dans le monde à des fins médicinales, sociales, récréatives ou spirituelles. Depuis des siècles, les populations autochtones du sud-ouest des États-Unis se servent au cours de leurs cérémonies religieuses de drogues comme la psilocybine trouvée dans les champignons ou la mescaline, dans le peyotl. L’usage médicinal et récréatif de l’opium et de ses dérivés date de plusieurs siècles en Extrême-Orient, comme celui de la coca en Amérique du Sud. Des spiritueux distillés ont toujours été utilisés à des fins médicinales, sociales et récréatives. Le tabac s’est répandu en Europe après que Colomb eut découvert que les Autochtones l’utilisaient lors de son premier voyage en Amérique. Des composés chimiques employés pour modifier les états psychiques sont présents dans l’histoire de toutes les civilisations.

L’histoire des maladies mentales et de leur traitement est aussi ancienne. Il y a trois mille ans, les prêtres d’Égypte traitaient la dépression suivant une démarche théologique plutôt que médicale, et signalaient des syndromes maintenant considérés comme schizophréniques. Au quatrième et au cinquième siècles avant Jésus-Christ, des médecins grecs utilisaient les termes manie et mélancolie pour distinguer les états correspondants de la démence (Restak, 1988; Rowe, 1989). Au Moyen Âge, on croyait que les personnes atteintes de dépression ou de manie étaient possédées par l’esprit du mal, et on les brûlait au poteau. On considérait alors les délivrer du mal. On a reconnu pendant la Renaissance que les troubles de l’humeur dépendaient de causes naturelles, mais ce n’est que beaucoup plus tard que l’on a commencé à traiter ces troubles et d’autres déséquilibres mentaux avec humanité (Restak, 1988).

Il y a trois mille ans, les prêtres d’égypte traitaient la dépression suivant une d émarche théologique plutôt que médicale, et signalaient des syndromes maintenant considérés comme schizophréniques.

L’importance accordée aux liens entre l’usage de substances et les problèmes de santé mentale varie selon l’époque et la culture, et la question de savoir si ces problèmes appellent une punition ou un traitement demeure vague. Selon Blackwell (cité dans Riley, 1993), le traitement des toxicomanes dans des établissements et des asiles sous l’autorité de directeurs médicaux avant le XIX e siècle donne à penser que les membres de la «profession médicale» formulaient déjà l’hypothèse du modèle morbide de l’alcoolisme. Néanmoins, le traitement reçu dans les établissements différait peu de celui qui était administré dans les prisons, et les deux sembleraient cruels en regard des normes actuelles. Les asiles et les établissements ouverts au XIXe siècle en Amérique du Nord pour assurer un traitement progressiste et humain étaient devenus au milieu des années 1950 des baraquements inhumains pour ceux chez qui le traitement avait échoué complètement ou presque.

Haut de la pageLe XXe siècle

L’incapacité de comprendre ou de traiter efficacement autant la consommation excessive de substances que les problèmes de santé mentale, au début du siècle, a probablement contribué à l’évolution différente du traitement dans les deux domaines. Jusqu’à tout récemment, les problèmes de santé mentale étaient définis par la psychiatrie et traités dans des hôpitaux ou d’autres établissements cliniques. Les problèmes de consommation, notamment d’alcool, étaient traités dans des établissements non psychiatriques spécialisés qui appliquaient une combinaison de modèles médicaux, comportementaux et psycho-sociaux. D’«extoxicomanes» assument souvent la responsabilité de nombreux aspects des programmes de traitement. Depuis le milieu des années 1930, les Alcooliques Anonymes sont devenus une forme de soutien efficace, basée sur l’entraide et le secours mutuel. D’autres programmes, pour le traitement du jeu compulsif entre autres, ont adopté et adapté ce modèle.

Tant la découverte de neuroleptiques efficaces au milieu des années 1950 que la désinstitutionnalisation amorcée au début des années 1960 ont réduit le nombre de jours d’hospitalisation pour des troubles mentaux, mais la désinstitutionnalisation ne s’est pas accompagnée de programmes de soins communautaires adéquats. Les réformes de la santé qui ont cours actuellement aideront peut-être à remédier à cette situation.

Le traitement moderne des principaux troubles de l’humeur fait normalement appel aux antidépresseurs et à la psychothérapie. Dans les cas graves, on peut avoir recours aux électrochocs. La schizophrénie peut aussi être traitée à l’aide de médicaments, en particulier pour soulager les symptômes, mais cette maladie est encore très mal connue. D’autres troubles comme l’anxiété ou la peur panique sont aujourd’hui traités avec plus de succès grâce à une médication et à des méthodes psychothérapiques plus avancées. Les troubles de personnalité restent ceux qui répondent le plus mal aux interventions thérapeutiques existantes. Or, nombreux sont ceux qui croient que les problèmes d’abus de substances se classent dans cette catégorie.

Les troubles de personnalité restent ceux qui répondent le plus mal aux interventions thérapeutiques existantes.

De nouvelles interventions pratiquées par des psychiatres, des psychologues, des travailleurs sociaux psychiatriques et d’autres psychothérapeutes jouent un rôle tout aussi important dans le traitement des troubles mentaux et des problèmes connexes moins graves. Ces interventions relèvent entre autres du domaine de la thérapie de comportement, de la thérapie cognitive, de l’intervention en situation de crise, de la thérapie conjugale ou familiale, et de la thérapie de groupe ou interpersonnelle. Toutes jouent un rôle utile dans le traitement efficace des troubles psychiatriques et psychologiques, ou des problèmes d’abus de substances.

La consommation d’alcool, et sa relation avec la dépression, représente une importante préoccupation pour les professionnels de la santé. Les liens entre le suicide, la dépression, l’alcool et les autres substances sont aussi généralement reconnus. Les troubles mentaux comme la schizophrénie, l’anxiété et les troubles de personnalité ont également été mis en corrélation avec la consommation de substances, laquelle serait alors un facteur prédisposant ou précipitant (Rowe, 1989). La mesure dans laquelle l’usage de substances intervient dans le déséquilibre mental continue d’être débattue. Cependant, quiconque travaille ou vit avec des alcooliques ou toxicomanes sait que l’anxiété, la dépression, les troubles de contrôle des impulsions, et les comportements paranoïaques et antisociaux sont associés à l’usage de substances.

Haut de la pageCertains programmes de traitement d’abus de substances ont toujours été offerts à l’intérieur d’établissements psychiatriques. C’est parce que selon le système de diagnostic psychiatrique, de nombreuses formes d’usage de substances constituent un problème en soi, ou font partie du tableau clinique d’autres troubles. Si un diagnostic multiple est posé, certaines personnes qui font une consommation excessive d’alcool et de drogue peuvent être classées comme des patients psychiatriques. Des professionnels de la santé dans des
établissements psychiatriques s’intéressent à la toxicomanie et possèdent une formation pertinente, et dans certaines régions les services de traitement sont combinés afin de permettre des économies au chapitre des ressources budgétaires et autres.

Certaines personnes qui font un usage excessif d’alcool ou de drogue sont traitées dans des hôpitaux généraux, souvent sous le couvert d’obscurs diagnostics, pour leur éviter l’étiquette honteuse d’alcooliques ou de toxicomanes, ou le centre de désintoxication. C’est là un exemple de nos attitudes contradictoires à propos de la légitimité des services de traitement extra-hospitaliers, et de l’usage de substances psychotropes comme problème de santé.

Le problème de la honte a subsisté durant toute l’évolution des deux domaines. Les attitudes punitives ont eu pour conséquence que moins de ressources de qualité ont été affectées aux programmes et aux établissements de traitement de l’alcoolisme et de la toxicomanie qu’au traitement des maladies qui suscitent plus de sympathie, comme le cancer et les maladies cardiaques.

La santé mentale dans le sens de bien-être plutôt que d’absence de maladie mentale est un concept relativement nouveau. Dans les annales médicales, on s’est généralement borné à identifier les individus aux prises avec différents troubles affectifs et mentaux. Le domaine médical a fréquemment eu recours à la méthode quantitative des statistiques de morbidité et de mortalité pour fixer les priorités des programmes de traitement et de prévention axés sur la recherche. La recherche sur les déterminants de la santé plutôt que sur la «maladie» était considérée comme étant trop subjective et qualitative. Parce que l’intérêt pour la prévention a augmenté au cours des 25 dernières années et que les coûts des soins médicaux traditionnels deviennent insoutenables, des solutions de rechange sont désormais sérieusement envisagées. Nous en savons plus sur les problèmes d’usage de substances et les problèmes de santé mentale que sur la promotion de la santé ou la manière dont les gens réussissent à être et à
rester en santé. Nous savons peu de choses de la consommation responsable de substances, et de la façon dont elle peut être enseignée. L’emploi même de l’expression «consommation responsable de substances» est jusqu’à un certain point controversé.

L’Usage même de l’expression «consommation responsable de substances» est jusqu’à un certain point controversé.

Les lois et les coutumes doivent être prises en compte dans la relation entre l’usage de substances et la santé mentale. Qu’on songe à quel point le comportement violent d’une personne peut être excusé lorsque cette personne est en état d’ébriété. Cette question continue d’être débattue devant les tribunaux canadiens. L’âge requis pour acheter du tabac et de l’alcool au Canada a été maintes fois modifié au cours des 25 dernières années pour tenir compte des attitudes changeantes au sujet de ces substances et de leur usage par les jeunes. Des religions interdisent l’usage de drogues particulières et ont influencé les attitudes culturelles et les lois régissant les substances en question dans certains pays.

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Les coutumes et les lois sont rarement cohérentes ou logiques en matière de drogues et de santé mentale. La science et l’opinion publique se heurtent souvent, et on ne s’entend pas toujours entre les domaines de l’usage de substances et de la santé mentale. Les scientifiques de la santé et les groupes communautaires diffèrent d’opinion sur la nature ou le degré de consommation qui peut être bénéfique ou nocif pour la santé mentale. Ces questions sont complexes et suscitent toutes sortes d’émotions. La liberté de choix des individus, les normes sociales de comportement, les théories scientifiques versus les faits scientifiques, et la diversité religieuse et culturelle conduisent toutes à des attitudes et à des pratiques incohérentes et déroutantes.

Notre compréhension de la santé mentale et de l’usage de substances a
considérablement changé au cours du XX e siècle. Le rôle de la génétique et des influences biochimiques dans les deux domaines est mieux compris aujourd’hui. Le traitement des troubles dans l’un et l’autre de ces domaines a été humanisé. Les lois contre la conduite avec facultés affaiblies et la certification psychiatrique des personnes considérées comme dangereuses pour elles-mêmes ou autrui sont des exemples de mesures législatives adoptées pour protéger les citoyens. Les personnes aux prises avec des troubles mentaux ou des problèmes de consommation ont accès à des centres de traitement sûrs où des professionnels compétents ont recours à des méthodes thérapeutiques efficaces qui favorisent des résultats positifs. Mais le plus important, c’est que les services thérapeutiques misent aujourd’hui sur la prévention au lieu de se concentrer uniquement sur la maladie, et s’efforcent de favoriser une consommation responsable et une santé mentale positive. Néanmoins, il reste encore beaucoup
à apprendre.

Le traitement des troubles dans l’un et l’autre de ces domaines a été humanisé.

L’usage de substances et la santé mentale sont interdépendantes. De plus, leur imbrication dans l’opinion publique, l’action gouvernementale, la promotion de la santé ainsi que la prévention et le traitement de la maladie, fait en sorte qu’elles doivent être considérées conjointement. Toutefois, avant d’examiner les liens entre l’usage de substances et la santé mentale, des aspects uniques à chacun de ces domaines doivent être compris.


3 L’ouvrage de Richard Restak cité dans la bibliographie traite plus en détail de la distinction entre esprit et cerveau.

Mise à jour : 2004-10-01 Haut de la page