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Maladies chroniques au Canada


Volume 25 Numéro 2 2004

[Table des matières]

Agence de santé publique du Canada

Incidence du décollement prématuré du placenta au Canada : 1990 à 1997


Teresa Broers, Will D King, Tye E Arbuckle et Shiliang Liu


Résumé

Le décollement prématuré du placenta (ou abruptio placentae) est un problème obstétrical grave associé à une incidence accrue de morbidité et de mortalité périnatales. Or, on possède peu de renseignements sur l'incidence du phénomène au Canada. La Base de données sur les congés des patients (DAD) de l'Institut canadien d'information sur la santé a servi à trouver une cohorte de femmes ayant accouché d'un enfant unique vivant ou d'un mortné au Canada entre 1990 et 1997 (n = 2 162 815). Les taux de décollement prématuré du placenta et de décollement prématuré du placenta débouchant sur une mortinaissance ont été examinés selon l'année civile, la province, l'âge de la mère et l'appartenance à la population urbaine/rurale. Ce qui se dégage de ces chiffres, c'est une tendance à la hausse des taux de décollement placentaire observée au fil des ans, lesquels sont passés de 10,9 (intervalle de confiance à 95 % [IC] : 10,5-11,3) cas/1 000 accouchements en 1990 à 12,1 (IC à 95 % : 11,6-12,5) cas/1 000 accouchements en 1996, alors que le taux de décollement prématuré du placenta ayant abouti à une mortinaissance est demeuré relativement constant. Le taux de décollement placentaire était le plus élevé chez les mères de plus de 40 ans et le taux de létalité, chez celles de moins de 20 ans. Ces résultats offrent des données de référence de base pour le calcul des taux de décollement placentaire au Canada.

Mots clés : affections placentaires; Canada; complications de la grossesse; décollement prématuré du placenta; épidémiologie

Introduction

Le décollement prématuré du placenta, détachement prématuré d'un placenta normalement implanté, peut être une complication grave de la grossesse tant pour la mère que pour le bébé. Ce phénomène est associé à une hausse de l'incidence de l'accouchement prématuré et de la mortalité maternelle et périnatale. Il est responsable de 15 % à 25 % de tous les décès périnatals1-3.

Le taux de décollement prématuré du placenta en Amérique du Nord oscille entre 0,1 et 0,2 pour 1 000 grossesses4-7, mais les taux déclarés peuvent varier de 0,04 à 0,35/ 1 0001,3,8,9. L'étendue de cette plage de variation des taux d'incidence s'explique en partie par la diversité des critères de diagnostic du décollement placentaire ainsi que par une reconnaissance accrue des formes plus bénignes du phénomène, autrement dit, du fait que le décollement du placenta de la paroi utérine peut être complet, partiel ou marginal (ne touchant que la zone marginale du placenta). Les risques de décès fœtal sont plus élevés lorsque le décollement du placenta de l'utérus est complet que lorsqu'il est partiel ou marginal4. Quant au décollement marginal, il peut passer inaperçu.

On ignore encore les causes premières du décollement prématuré du placenta, mais plusieurs facteurs de risque ont été relevés, notamment la prééclampsie, l'hypertension antérieure à la grossesse, les antécédents de décollement prématuré du placenta, l'âge avancé de la mère, le tabagisme et la consommation de cocaïne 1,3,9-11. Certains ont aussi émis l'hypothèse que les causes d'un décollement marginal ou partiel diffèrent peutêtre de celles d'un décollement complet4.

Même si le décollement placentaire peut avoir de graves conséquences, surtout la mortinaissance ou le décès de la mère, on ne possède aucune donnée sur la distribution géographique et temporelle des cas au Canada. On trouve des renseignements sur de nombreux indicateurs de la santé périnatale dans le Rapport sur la santé périnatale au Canada - 2000, produit par le Bureau de la santé génésique et de la santé de l'enfant de Santé Canada et par le comité directeur du Système canadien de surveillance périnatale12. Le décollement prématuré du placenta, et d'autres affections placentaires telles que le placenta praevia, ne font toutefois pas l'objet d'une surveillance. Il est important d'obtenir des renseignements descriptifs sur le décollement placentaire si l'on veut mieux comprendre le phénomène partout au Canada. Nous nous emploierons ici à décrire les taux de décollement prématuré du placenta, de décollement prématuré du placenta aboutissant à une mortinaissance et les taux de létalité selon l'année civile, la province, l'âge de la mère et l'appartenance à la population urbaine/ rurale, au Canada, entre 1990 et 1997.

Méthodes

Les cas de décollement prématuré du placenta décrits ici ont été tirés de la Base de données sur les congés des patients, tenue par l'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS). Ce sont les hôpitaux de soins actifs participants qui communiquent à l'ICIS des données sur tous les départs (congés, transferts ou décès) de patients hospitalisés au Canada13. Comme peu d'hôpitaux du Québec envoient à l'ICIS des données sur les congés des patients, les données de cette province ont été exclues de la présente étude. En revanche, l'étude comprend les données du Manitoba, qui a signalé un peu plus du tiers de tous les accouchements en milieu hospitalier enregistrés au cours de la période étudiée, et celles de la Nouvelle-Écosse, qui a communiqué plus du tiers de toutes les données sur les congés des patients pour la période de 1990 à 1993, et les données complètes pour la période de 1994 à 199712,14.

Les données sur tous les accouchements ont été extraites de l'ensemble complet de données sur les départs des hôpitaux pour la période allant de 1990 à 1997, à l'aide des codes de groupes de maladies analogues tirés de la méthodologie de regroupement rajustée en fonction de la complexité dans le cas des dossiers de la mère13,14. Les cas de décollement prématuré du placenta ont été codés dans la base de données d'après la Classification internationale des maladies - neuvième révision (CIM-9 : 641.2)15. Dans le cas des accouchements enregistrés dans la Base de données sur les congés des patients, l'âge gestationnel est d'au moins 20 semaines.

Les naissances survenues dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon ont été regroupées en une seule catégorie en raison de la petitesse des nombres. L'appartenance à la population urbaine ou rurale a été déterminée à l'aide du second chiffre de la partie du code postal qui renvoie à la Région de tri d'acheminement, «0» désignant une région rurale et tous les autres chiffres, une région urbaine. Les cas où le code postal était invalide (environ 2 % de l'ensemble des enregistrements de la base de données) n'ont pas été inclus dans la cohorte définitive.

Les taux de tous les cas de décollement prématuré du placenta et de décollement prématuré du placenta aboutissant à une mortinaissance (décollement-mortinaissance) ont été calculés. Une analyse de l'incidence des cas de décollement-mortinaissance a remplacé l'analyse des cas de décollement complet étant donné la forte corrélation observée entre le degré de décollement prématuré du placenta et le décès fœtal4. Les taux de létalité ont été exprimés selon le nombre de cas de décollement-mortinaissance pour 100 cas de décollement placentaire complet. Toutes les données ont été analysées à l'aide du logiciel Statistical Analysis System (version 8.0, SAS Institute Inc., Cary, Caroline du Nord), et les intervalles de confiance à 95 % binomiaux exacts ont été calculés pour tous les taux.

TABLEAU 1
Incidence du décollement prématuré du placenta et du décollement-mortinaissance, selon l'année au Canada*, 1990-1997
Année Nombre de naissances d'un enfant unique Taux de décollement placentaire pour
1 000
Taux de décollement-mortinaissance pour 1 000 Taux de létalité (%)
1990 270 118 10,90 (10,51-11,30) 0,71 (0,61-0,82) 6,52
1991 271 712 10,77 (10,39-11,17) 0,84 (0,74-0,96) 7,82
1992 273 979 10,59 (10,21-10,98) 0,73 (0,63-0,83) 6,86
1993 271 075 11,09 (10,70-11,49) 0,79 (0,69-0,91) 7,15
1994 271 886 11,10 (10,71-11,51) 0,82 (0,71-0,93) 7,35
1995 275 767 11,80 (11,40-12,21) 0,83 (0,72-0,94) 7,01
1996 268 929 12,05 (11,64-12,47) 0,84 (0,73-0,95) 6,94
1997 259 349 11,71 (11,30-12,14) 0,72 (0,62-0,83) 6,12
1990-1997 2 162 815 11,25 (11,11-11,39) 0,78 (0,75-0,82) 6,97
* Exclut le Québec.

Résultats

La cohorte de naissances qui a servi au calcul des taux comprend 2 162 815 naissances d'un enfant unique vivant ou mortinaissances en milieu hospitalier enregistrées dans neuf provinces canadiennes (à l'exclusion du Québec) et dans les deux territoires entre 1990 et 1997. Le tableau 1 présente le taux de décollement prématuré du placenta et de décollement-mortinaissance par rapport aux naissances d'un enfant unique par année. Les taux de décollement placentaire ont grimpé au cours des six premières années de la période étudiée, passant de 10,90 (IC à 95 % : 10,51-11,30) cas pour 1 000 accouchements en 1990 à 12,05 (11,64-12,47) cas pour 1 000 accouchements en 1996. Ils ont légèrement fléchi en 1997. Pendant toute la période d'observation, le taux de décollement placentaire était de 11,25 (IC à 95% : 11,1-11,4) pour 1 000 naissances d'un enfant unique. Le taux de décollement-mortinaissance était de 0,78/1 000 (IC à 95 % : 0,75-0,82) au cours de la période et est demeuré relativement constant au cours de la période d'observation. Le taux de létalité était d'environ 7 % pendant cette période.

Les taux de décollement prématuré du placenta étaient variables d'une province à l'autre (tableau 2); ils étaient inférieurs à 8/1 000 à Terre-Neuve et à l'Île-du-Prince- Édouard et supérieurs à 13/1 000 en Nouvelle-Écosse, en Saskatchewan et au Yukon/Territories du Nord-Ouest. Les mêmes tendances provinciales s'observaient en ce qui concerne le décollement-mortinaissance, sauf en Saskatchewan qui affichait un taux élevé de décollement prématuré du placenta et un taux modéré de décollement aboutissant à une mortinaissance. Le taux de létalité était statistiquement plus élevé (p < 0,05) au Nouveau-Brunswick et sensiblement plus faible en Saskatchewan que dans le reste du Canada. Même si ce taux était le plus élevé à l'Île-du-Prince-Édouard, il était fondé sur un nombre restreint de cas et n'était pas statistiquement différent de celui qui s'appliquait au reste du Canada (p = 0,17).

Le taux de décollement prématuré du placenta est le plus élevé chez les mères des deux groupes d'âge plus avancé, soit celles de 35-39 ans et celles de 40 ans et plus (tableau 3). Toutefois, le taux de létalité est le plus élevé chez les femmes de moins de 20 ans (11 %), et il diminue avec l'âge, chutant à 5 % chez celles de 40 ans et plus.

Le tableau 4 présente les taux de décollement placentaire et de décollement-mortinaissance selon l'appartenance à la population urbaine ou rurale. Les taux de décollement prématuré du placenta sont analogues en milieu urbain (11,33/1 000, IC à 95 % : 11,17-11,49) et en milieu rural (10,95/1 000, IC à 95 % : 10,65-11,25). Cependant, les taux de létalité sont plus élevés en milieu rural (7,89 %) qu'en milieu urbain (6,72 %) (p = 0,004).

TABLEAU 2
Incidence du décollement prématuré du placenta et du décollement-mortinaissance, selon la province au Canada, 1990-1997
Année Nombre de naissances d'un enfant unique Taux de décollement placentaire pour 1 000 Taux de décollement-mortina issance pour
1 000
Taux de létalité (%)
Terre-Neuve 48 236 7,77 (7,01-8,60) 0,60 (0,40-0,86) 7,73
Île-du-Prince-Édouard 13 253 6,34 (5,06-7,84) 0,68 (0,31-1,29) 10,71
Nouvelle-Écosse 33 281 13,07 (11,88-14,35) 1,14 (0,81-1,57) 8,74
Nouveau-Brunswick 67 232 8,15 (7,48-8,86) 0,74 (0,55-0,98) 9,12
Ontario 1 147 060 11,21 (11,02-11,41) 0,75 (0,70-0,80) 6,71
Manitoba 79 192 8,70 (8,07-9,37) 0,83 (0,65-1,06) 9,58
Saskatchewan 102 492 13,66 (12,96-14,39) 0,76 (0,60-0,95) 5,57
Alberta 307 491 12,31 (11,92-12,71) 0,85 (0,75-0,96) 6,90
Colombie-Britannique 355 987 11,31 (11,00-11,69) 0,82 (0,73-0,92) 7,26
Yukon et Territoires du Nord-Ouest 8 519 13,27 (10,96-15,92) 1,05 (0,48-1,99) 7,89
Canada 2 162 815 11,25 (11,11-11,39) 0,78 (0,75-0,82) 6,97

Analyse

Selon cette analyse descriptive portant sur plus de deux millions de naissances d'un enfant unique enregistrées dans la Base de données sur les congés des patients, l'incidence des cas de décollement placentaire au Canada était de l'ordre de 1 % au cours de la période de 1990-1997. Ce taux est comparable à ceux qui se dégagent d'autres études réalisées en population. Il ressort d'une vaste étude de cohorte réalisée aux États-Unis que le taux global de ce phénomène y était de 11,5/ 1 000 au cours de la période de 1979-19877, alors qu'il était de 6,6/1 000 en Norvège, pendant une période d'étude plus longue, de 1967 à 199116.

Une tendance à la hausse a aussi été observée dans le temps dans une étude antérieure. En Norvège, le taux de décollement prématuré du placenta en 1971 s'élevait à 5,3/1 000, contre 9,1/1 000 en 199016. Une étude réalisée par Saftlas et ses collaborateurs aux États-Unis a mis en évidence une courbe ascendante comparable, les taux passant de 8,2/1 000 en 1979 à 11,5/1 000 en 19857. D'après Saftlas, une évolution des taux comparable à celle qui a été mise en relief dans notre étude pourrait rendre compte soit d'une véritable hausse des taux de décollement placentaire, soit de changements liés à la détection des cas, autrement dit, un accroissement du nombre de cas de décollement partiel ou marginal détectés, attribuable à une amélioration des techniques d'échographie ou à une définition de cas plus précise. Des changements analogues sur le plan de la détection pourraient expliquer la hausse des taux au Canada. Il est toutefois possible que l'augmentation constatée au fil du temps soit réelle. Autre possibilité, la prévalence d'un certain nombre de facteurs de risque associés au décollement prématuré du placenta, signalée dans des études antérieures1,4,9,10,17-19, pourrait être à la baisse. Par exemple, les taux de tabagisme ont été en régression au Canada au cours de la dernière décennie20. Les taux de naissance vivante ont aussi chuté chez les femmes autochtones en âge de procréer au Canada, passant de 61,1 pour 1 000 en 1981 à 51,1 pour 1 000 en 199712. Même si nous ne disposions pas de ces chiffres au moment de notre analyse, nous pensons que la hausse des taux de décollement prématuré du placenta observée s'explique par d'autres facteurs, notamment des changements sur les plans de la détermination et du signalement des cas.

TABLEAU 3
Incidence du décollement prématuré du placenta et du décollement-mortinaissance, selon l'âge de la mère
Année Nombre de naissances d'un enfant unique Taux de décollement placentaire pour 1 000 Taux de décollement-mortinaissance pour 1 000 Taux de létalité (%)
Moins de 20 ans 141 462 11,40 (10,86-11,97) 1,25 (1,07-1,45) 10,97
20-24 413 533 10,93 (10,62-11,25) 0,89 (0,80-0,99) 8,16
25-29 733 164 10,23 (10,00-10,47) 0,64 (0,58-0,70) 6,26
30-34 625 315 11,41 (11,15-11,67) 0,70 (0,64-0,77) 6,14
35-39 218 511 13,87 (13,38-14,37) 0,97 (0,85-1,11) 7,03
40 ans et plus 30 830 17,26 (15,83-18,77) 0,94 (0,63-1,35) 5,45
Tous âges confondus 2 162 815 11,25 (11,11-11,39) 0,78 (0,75-0,82) 6,97

Les taux de létalité signalés se comparent à ceux enregistrés aux États-Unis (7,1 %) entre 1979 et 19877; toutefois, l'étude américaine n'offre pas une analyse des tendances relatives à ces taux selon l'année, la région ni l'âge de la mère.

La multiparité et les antécédents de décollement placentaire font partie des facteurs qui pourraient expliquer la relation observée entre les taux de décollement placentaire et l'âge plus avancé de la mère9. L'hypertension antérieure à la grossesse, autre facteur de risque du décollement prématuré du placenta10, est aussi un phénomène dont le risque croît avec l'âge 19. La forte proportion de cas aboutissant à une mortinaissance chez les mères les plus jeunes pourrait être rattachée à la sous-utilisation des services de santé prénatals dans ce groupe d'âge 21.

Les constats relatifs à la corrélation entre l'âge de la mère et le décollement placentaire sont variables dans la littérature. Ainsi, une étude castémoins réalisée aux États-Unis auprès de 884 cas n'a mis en évidence aucune association3, alors qu'une autre étude cas-témoins effectuée en Italie et une étude de cohorte menée aux États-Unis ont toutes deux fait ressortir une forte corrélation, soit avec l'âge plus avancé de la mère11 soit avec l'appartenance de la mère à un groupe d'âge de plus de 35 ans10. Dans son étude sur l'incidence du décollement placentaire aux États-Unis, Saftlas a examiné les taux selon l'âge au cours de deux périodes, soit 1979-1982 et 1983-1991, chez les femmes blanches et chez les femmes noires7. Il a observé que les taux sont demeurés relativement constants chez les femmes blanches au cours de la première période; en revanche, pendant la période plus récente, ils ont culminé chez les adolescentes, s'élevant à environ 13/1 000; ils ont chuté à 8/1 000 chez les femmes de 20-24 ans, et ont regrimpé à 10/1 000 et à 11/1 000 dans les groupes d'âge de 25-29 ans et de 30 ans et plus, respectivement. Une tendance analogue, quoique d'envergure légèrement plus faible, a été observée chez les femmes noires pendant la période de 1979-1982. Par contre, au cours de la seconde période étudiée, les taux ont chuté de 13/1 000 chez les adolescentes, à 12/1 000 chez les 20-24 ans, et 11/1 000 chez les 25-29 ans, pour remonter ensuite à 13/ 1 000 chez les femmes de 30 ans ou plus7. Selon notre étude, une courbe en U similaire s'observe dans les groupes d'âge plus avancé, les taux étant encore plus élevés chez les femmes de plus de 40 ans.

TABLEAU 4
Incidence du décollement prématuré du placenta et du décollement-mortinaissance, selon l'appartenance à une population urbaine ou rurale
Année Nombre de naissances d'un enfant unique Taux de décollement prématuré du placenta pour 1 000 Taux de décollement-mortinaissance pour 1 000 Taux de létalité (%)
Région urbaine 1 692 592 11,33 (11,17-11,49) 0,76 (0,72-0,80) 6,72
Région rurale 470 223 10,95 (10,65-11,25) 0,86 (0,78-0,95) 7,89
Ensemble du Canada* 2 162 815 11,25 (11,11-11,39) 0,78 (0,75-0,82) 6,97
* Exclut le Québec.

On n'a trouvé aucune étude qui rende compte de la variabilité régionale des taux de décollement prématuré du placenta observés dans une population. Les écarts constatés entre les taux dans plusieurs provinces canadiennes pourraient s'expliquer par une variabilité de facteurs de risque non mesurés (par exemple, certains contaminants de l'environnement) ou des méthodes de détermination et de déclaration des cas.

L'exactitude de la détermination des cas de décollement placentaire représente la principale lacune de cette étude. En effet, la possible sous-déclaration des cas bénins qui ont moins de chances de figurer dans la base de données administratives utilisée ici a une incidence sur le nombre de cas de décollement placentaire analysés. En outre, il arrive que le décollement prématuré du placenta ne soit diagnostiqué de manière définitive qu'après l'accouchement, lorsque le placenta est envoyé au laboratoire de pathologie, de sorte que l'on n'a pas nécessairement accès à l'information concernant le diagnostic définitif au moment du résumé analytique des données. Ce phénomène conduirait à une sous-estimation du taux de décollement prématuré du placenta dans la présente étude.

Une vérification qualitative des données a toutefois fait ressortir des éléments positifs. Ainsi, au terme d'un examen de la base de données de l'ICIS utilisée dans notre étude, Wen et ses collaborateurs ont conclu que les valeurs illogiques et horslimite étaient très peu nombreuses14. Ils ont de plus observé que la prévalence de la plupart des complications de la grossesse et des issues défavorables de la grossesse se situait à l'intérieur d'une fourchette raisonnable par rapport aux valeurs signalées dans la littérature14. L'étude présente un autre point fort, le nombre très élevé de naissances analysées (n = 2 162 815) au cours de la période de 1990-1997, à la lumière de données de grande qualité.

Ainsi, les résultats de cette étude offrent des données de référence sur les taux de décollement prématuré du placenta et de décollement prématuré du placenta aboutissant à une mortinaissance au Canada. Compte tenu de la variabilité importante des taux de décollement prématuré du placenta et des taux de létalité observée dans le temps et selon l'âge de la mère, il conviendrait d'approfondir les recherches sur le phénomène. Comme le décollement placentaire est associé non seulement à la mortinaissance mais également à des décès périnatals et à des séquelles de l'asphyxie périnatale, il y aurait lieu d'envisager d'inclure le décollement prématuré du placenta parmi les indicateurs du Système de surveillance de la santé périnatale, ce qui permettrait de mieux faire la lumière sur la distribution du phénomène et faciliterait les recherches à venir en la matière.

Remerciements

Nous tenons à remercier la Division de la surveillance de la santé et de l'épidémiologie de Santé Canada qui nous a donné accès à la Base de données sur les congés des patients de l'ICIS.

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Nouvellerédactrice scientifique associée

Nous sommes heureux de souhaiter la bienvenue à la Dre Claire Infante-Rivard au poste de rédactrice scientifique associée de Maladies chroniques au Canada.

La Dre Infante-Rivard a reçu son doctorat en médecine de l'Université de Montréal. Elle a aussi obtenu une maîtrise en administration sanitaire de l'Université de la Californie à Berkeley et un doctorat en épidémiologie et statistique de l'Université McGill

Médecin épidémiologiste, la Dre Infante-Rivard, dirige le Groupe de recherche sur l'environnement et les enfants à l'Université McGill, ou elle s'est consacrée à la prévention et à la santé publique et se penche depuis plus d'une décennie sur l'interaction entre les facteurs environnementaux et génétiques dans le développement de la leucémie infantile.


Coordonnées des auteurs

Teresa Broers, Département de santé communautaire et d'épidémiologie, Université Queen's, Kingston (Ontario), Canada et Division de la surveillance de la santé et de l'épidémiologie, Agence de santé publique du Canada, Santé Canada, Ottawa (Ontario), Canada
Will D King, Département de santé communautaire et d'épidémiologie, Université Queen's, Kingston (Ontario), Canada
Tye E Arbuckle, Département de santé communautaire et d'épidémiologie, Université Queen's, Kingston (Ontario), Canada,et Division de la biostatistique et de l'épidémiologie, Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs, Santé Canada, Ottawa (Ontario), Canada
Shiliang Liu, Division de la surveillance de la santé et de l'épidémiologie, Agence de santé publique du Canada, Santé Canada, Ottawa (Ontario), Canada
Correspondance : Will D King, Département de santé communautaire et d'épidémiologie, Abramsky Hall, Université Queen's, Kingston (Ontario), Canada K7L 3N6; fax : (613) 533-6686; courriel : kingw@post.queensu.ca


   

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Dernière mise à jour : 2004-08-19 début