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Comité consultatif canadien de la biotechnologie
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Vers l'établissement d'un cadre éthique adéquat pour l'élaboration de la politique en matière de biotechnologie

Préparé pour

Le Comité permanent de la bonne intendance du Comité consultatif canadien de la biotechnologie.

par Susan Sherwin1
Janvier 2001

Table des matières

  1. Introduction
  2. Biotechnologie
    1. Dépistage génétique
    2. Aliments transgéniques
  3. Systèmes de valeurs en place
  4. Intérêt public
  5. Les dimensions morales (1) : L’éthique procédurale
  6. Les dimensions morales (2) : Les concepts
    1. L’autonomie
    2. La justice
  7. Les responsabilités
  8. Conclusions
  9. Ouvrages consultés

  1. Introduction

    La biotechnologie a le pouvoir d’engendrer un changement social d’envergure. Elle a déjà influé sur la vie des citoyens canadiens et elle nous amène à remettre en question certaines valeurs et attitudes fondamentales des Canadiens. Il semble certain que son influence s’accentuera au fil du temps. D’importantes responsabilités morales se greffent à ce pouvoir. C’est pourquoi la gestion adéquate de cette technologie requiert un débat moral prudent. Il est donc essentiel de déterminer quelles valeurs et pratiques morales particulières devraient orienter la politique en la matière.

    Le présent document a pour but de déterminer et d’expliquer certains volets éthiques fondamentaux nécessaires à l’établissement d’une politique nationale moralement adéquate en matière de biotechnologie. On y précise avant tout l’utilisation du terme « biotechnologie » puis on donne deux exemples clés de la biotechnologie qui seront utilisés à l’appui des explications subséquentes. Ensuite, le document présente un cadre éthique à plusieurs volets qui orientera les débats d’ordre moral concernant la politique en matière de biotechnologie. Il porte ensuite sur les différentes façons de traduire ces diverses considérations d’ordre moral en assignant des tâches particulières.

  2. Biotechnologie

    Pour élaborer un cadre éthique orientant l’établissement d’une politique en matière de biotechnologie, il convient avant tout de déterminer l’envergure du domaine. L’utilisation indécise et ambiguë du terme « biotechnologie » ajoute à la complexité de l’établissement de normes d’éthique, puisque le but des lignes directrices proposées semble si vaste et divers2. Cette ambiguïté ressort clairement dans les documents produits en 1998 par le Groupe de travail de la Stratégie canadienne en matière de biotechnologie en vue de stimuler le débat public concernant la politique gouvernementale et elle réapparaît dans le document sommaire faisant suite aux consultations3. Le principal Document pour les consultations en table ronde (SCB, 1998a) définit au départ la biotechnologie comme « un terme qui couvre une gamme étendue d’outils et de moyens scientifiques…[ayant recours] à des organismes vivants, ou à des parties d’organismes vivants dans la production de nouveaux produits. Elle fournit également de nouvelles méthodes de production » (SCB, 1998a, p. 3). Les exemples qui suivent visent des méthodes bien connues et non menaçantes comme l’utilisation de levure pour produire de la bière, du pain et du vin4. Mais l’incidence rassurante des associations avec des technologies qui existent depuis longtemps est trompeuse puisque, en fait, le terme « biotechnologie » est principalement employé pour faire référence aux nombreuses technologies nouvelles qui identifient et manipulent de l’information génétique ou modifient des structures génétiques. En fait, quelques lignes plus loin dans le même document, on précise clairement que le document sera axé sur « les techniques les plus récentes de la biotechnologie, comme le génie génétique et la technologie de l’ADN, … [y compris] la modification ou la duplication de l’information génétique, ou encore son transfert d’un organisme à l’autre » (SCB, 1998a, p. 3)5.

    Je suivrai la méthode adoptée dans les documents de consultation et me limiterai aux formes génétiques de la technologie. Je me concentrerai également sur les biotechnologies dans les domaines de la santé et de la production d’aliments puisque la biotechnologie est principalement utilisée dans ces domaines. Les documents de consultation présentent de manière persuasive les bienfaits possibles de ces formes de technologie . Ils affirment que tous les Canadiens peuvent espérer tirer parti de ces technologies (SCB, 1998b, p. 2), faisant écho à l’enthousiasme des nombreux auteurs qui saluent les avantages que pourrait procurer une utilisation efficace et efficiente des biotechnologies, en particulier dans le domaine de la santé et de la production d’aliments (p. ex., Brown, 2000; Fletcher, 1998; Grace, 1997; Khoury, 1996).

    Avant d’étudier certaines questions morales associées à ces formes de biotechnologie implicitement prometteuses, j’aimerais cependant m’écarter brièvement de l’approche adoptée dans les documents de consultation. Tandis que ces documents font uniquement allusion aux domaines de l’innovation biotechnologique prometteurs sur le plan social, j’aimerais souligner que certaines formes de biotechnologie sont d’emblée inacceptables sur le plan moral. La biotechnologie pourrait bien engendrer, mais aussi alléger de nombreuses souffrances. Par exemple, elle est à l’origine d’armes biologiques qui risquent beaucoup de nuire aux êtres humains et à d’autres organismes vivants. La biotechnologie peut également alimenter des menaces terroristes sans précédent en facilitant la production de matière hautement toxique dont le déploiement nécessite une infrastructure relativement petite. Elle facilite également les programmes eugéniques efficaces et les pratiques d’amélioration génétique de l’homme qui modifient notre approche à l’égard de la reproduction humaine et de la diversité. Par ailleurs, de nombreuses formes de biotechnologie portent en elles le pouvoir et le besoin d’envahir des domaines autrefois considérés comme relevant du domaine de l’information privée et personnelle (Murray et Botkin, 1995; Shulman, 2000). Il faut donc peu d’imagination pour trouver des raisons de s’inquiéter des répercussions de l’amélioration des connaissances en biotechnologie. Les décideurs doivent affronter avec honnêteté le pouvoir de faire le bien et le mal inhérent à ces nouveaux outils technologiques. Il est troublant que les documents de consultation (SCB, 1998a) et l’énoncé subséquent de la Stratégie canadienne en matière de biotechnologie (1998b) ne fassent même pas mention de ces dangers6.

    Je vais maintenant suivre les documents de consultation et ne plus discuter des formes de biotechnologie que l’on peut qualifier sans détour d’essentiellement nuisibles. Contrairement à ces documents, cependant, je suis opposée au postulat selon lequel bon nombre des technologies peuvent tout simplement être acceptées comme étant pleinement bénéfiques. Je vais me concentrer sur les nombreuses technologies qui ont des effets mitigés, c’est-à-dire sur les formes de biotechnologie dont les avantages sont accompagnés de risques, soit pour leurs utilisateurs soit pour d’autres personnes. À cette fin, je vais examiner deux types de biotechnologie, l’une dans le domaine de la santé et l’autre dans le domaine de la production d’aliments, les deux principaux domaines d’application actuels. Je passerai brièvement en revue certains bienfaits et torts possibles associés à chaque type de technologie.

    1. Dépistage génétique

      Selon les documents de consultation, « plus de 90 p. 100 des produits de la biotechnologie offerts sur le marché mondial sont reliés à la santé » (SCB, 1998a, p. 3). Dans le Document de consultation du secteur de la santé (Santé Canada et coll., 1998), on fait état de quatre domaines d’activité différents dans le chapitre intitulé « Protection de la santé » : surveillance, diagnostic, traitement et prévention. Dans chaque catégorie, d’importantes questions éthiques doivent être soulevées concernant l’incidence ultime des technologies existantes et prévues. Penchons-nous en particulier sur le dépistage génétique, activité associée à la surveillance et au diagnostic (et, idéalement, à la prévention également). On dit des tests de dépistage qu’ils peuvent « confirmer la présence d’une maladie donnée, indiquer que la maladie fera son apparition plus tard, ou révéler une prédisposition accrue à la maladie » (Santé Canada, 1998, p. 4). Ce sont ces dernières utilisations axées sur l’avenir qui me préoccupent.

      On ne peut nier l’attrait de ces dépistages. En cette ère de médecine scientifique, il semble évident que plus on en sait sur les voies suivies par les maladies, meilleures sont les chances de les prévenir. Pour de nombreux types de maladie, la détection à un stade précoce améliore les chances de guérison ou, au moins, la gestion efficace (Bansal, 2000). Le diagnostic à un stade précoce de la plupart des formes de cancer, par exemple, a tendance à améliorer les chances de survie à long terme. Il semble donc raisonnable d’espérer que la détection à un stade précoce d’une prédisposition génétique à une maladie donnera aux individus les connaissances qui pourraient les aider à éviter de contracter cette maladie. Par exemple, en sachant qu’elles sont plus prédisposées que la moyenne à souffrir de certaines formes de maladies cardiaques, certaines personnes seraient peut-être motivées à faire plus d’exercices, à avoir un régime plus équilibré et à éviter de fumer (Murray et Botkin, 1995).

      Bien sûr, la valeur de ces conseils personnalisés est incertaine puisque, dans la plupart des cas, il s’agit de conseils de santé publique déjà recommandés à chacun. Comme nul n’est invulnérable aux maladies cardiaques, chacun a raison de suivre les règles d’un style de vie sain. Ceux qui savent qu’il y a dans leur famille des antécédents de maladie cardiaque sont généralement conscients de la nécessité de faire preuve d’une extrême prudence. On ne sait pas bien dans quelle mesure il leur sera utile d’apprendre quel est, pour eux, le niveau précis de risque de souffrir d’une forme donnée de maladie cardiaque. Dans tous les cas, un test négatif indiquant qu’ils ne sont pas porteurs du gène affectant les membres de la famille souffrant tôt de maladies cardiaques ne peut être interprété comme une autorisation de fumer ou de renoncer aux exercices, même si cela peut avoir cet effet-là.

      Non seulement cette information pourrait s’avérer moins utile qu’on l’aurait espéré, mais elle pourrait en fait se révéler nuisible. Le problème, c’est que cette technologie présente le « diagnostic » d’un avenir probable, mais non d’une maladie en cours. En d’autres termes, elle constitue un moyen de créer une catégorie de gens qui sont « présymptomatiquement malades ». Les répercussions d’une telle étiquette sont fort problématiques. D’abord, nombre des personnes plus prédisposées que la moyenne à contracter une maladie n’en seront jamais atteintes, mais elles pourraient en arriver à se considérer elles-mêmes ou certaines parties de leur corps comme des « bombes à retardement » (Bluman, 1999; Geller et coll., 1997; Parens, 1996).

      Pensez à la façon dont s’est déroulé le premier dépistage génétique général visant à déceler une prédisposition à une maladie chez un nombre important d’adultes alors en bonne santé. Il s’agit du test de dépistage des gènes BRCA1 et BRCA2, une série d’anomalies génétiques associées à 5 à 10 p. 100 des cancers du sein (Inglehart et coll., 1998). Ce test s’adresse aux femmes dans la famille desquelles il y a des antécédents de certains types de cancer du sein. Tandis qu’un test positif ne signifie pas nécessairement qu’une femme aura le cancer du sein (ou, en cas de test négatif, qu’elle ne l’aura pas), les femmes chez lesquelles on décèle l’un de ces deux gènes risquent beaucoup plus d’être atteintes du cancer à un moment donné de leur vie. Les stratégies à leur disposition pour réduire ce risque sont peu encourageantes. À tout le moins, on leur conseillera de se faire suivre et de se soumettre régulièrement à un dépistage. On pourrait leur conseiller de subir une mastectomie bilatérale prophylactique et une ablation des ovaires, en plus de prendre du tomoxifène, puissant médicament toxique ayant de nombreux effets secondaires graves (Schrag et coll, 2000)7. Par ailleurs, elles risquent de ne plus avoir accès à une assurance-santé et également de perdre leur emploi et, dans certains cas, leur partenaire intime. Elles seront également confrontées à un dilemme personnel lorsqu’elles devront décider que révéler à leurs sœurs et à leurs filles (Steel et coll., 1999)8.

      Ces technologies présentent pour les utilisateurs d’autres problèmes d’envergure différente qui dépassent le difficile calcul des risques et des avantages. Michel Foucault (1973) affirmait qu’une surveillance médicale de routine encourageait chacun à intérioriser le regard du clinicien au point de ne ressentir son corps non directement comme une partie de soi-même, mais indirectement comme l’objet de l’approbation ou de la préoccupation d’un spécialiste. En nous surveillant constamment et en nous considérant comme un sujet clinique, nous traitons notre corps (et parfois notre esprit) comme des objets imparfaits qui nécessitent une attention clinique régulière et un ajustement. L’utilisation du dépistage génétique en vue d’élargir le répertoire de surveillance clinique de routine favorise l’hypothèse aliénante selon laquelle une maladie dangereuse peut survenir à tout moment et que nous sommes tributaires de l’intervention de spécialistes qui reconnaîtront la maladie et interviendront. Il s’agit d’un phénomène culturel qui échappe au contrôle de toute personne. Ainsi, même si quelqu’un choisit luimême de renoncer à certaines de ces technologies de surveillance et de diagnostic génétiques (p. ex., dépistage génétique et imagerie pour le cancer du sein), cette personne demeurera confrontée à une compréhension culturelle de son corps en tant qu’objet adéquat d’une surveillance de routine.

      Par ailleurs, l’élaboration et la normalisation même des technologies de dépistage génétique contribuent au phénomène social qu’Abby Lippman (1991; 1998) a surnommé « généticisation », cette tendance à supposer que les gènes seuls sont principalement responsables de notre état de santé, que la génétique peut expliquer les grandes différences physiques et comportementales chez les gens et que les connaissances et les manipulations génétiques peuvent résoudre la plupart des problèmes de santé. La généticisation ne tient pas compte du fait que les gènes agissent dans des environnements particuliers et témoignent rarement des traits de caractère ou des perspectives d’avenir d’une personne9. L’attitude de la généticisation détourne l’attention des facteurs sociaux et environnementaux (p. ex., mauvaise alimentation), qui sont connus pour leur influence sur la santé, au profit des efforts visant à déterminer les variations génétiques individuelles et à y faire face10.

      Cette tendance à passer sous silence les dimensions sociales et environnementales de la santé au profit des caractéristiques biologiques n’est pas propre aux technologies du dépistage génétique visant à déceler la prédisposition aux maladies. C’est une pratique que l’on observe également pour de nombreuses autres innovations technologiques dans les soins de santé. Chacune entraîne des coûts que représentent les occasions manquées de mener d’autres stratégies en vue d’améliorer la santé des Canadiens et d’autres personnes (Gorenstein, 1996). Comme ils encouragent et favorisent les investissements dans la recherche de solutions biotechnologiques aux problèmes de santé, les gouvernements risquent de se retrouver avec moins de ressources humaines et financières pour mener d’autres stratégies visant à améliorer la santé des gens. En mettant l’accent sur le dépistage génétique et d’autres types de solutions technologiques aux problèmes de santé, on a tendance à adopter une vision biomédicale du monde qui présuppose que la meilleure façon de régler les problèmes de santé consiste à relever et à corriger les défauts chez les patients. L’approche qui consiste à examiner les prédispositions génétiques aux maladies pour essayer de modifier l’expérience de vie de la personne (ou, parfois, sa composition génétique) repose sur des hypothèses problématiques selon lesquelles le milieu social et physique dans lequel elle vit est acceptable et qu’il nous faut seulement nous assurer que la personne est mieux adaptée à son environnement. Par ailleurs, dans la mesure où il accapare des ressources publiques limitées au détriment des réformes sociales requises et sème la confusion concernant le rôle des facteurs sociaux eu égard à la maladie et à l’injustice, le dépistage génétique pourrait bien aller à l’encontre des intérêts généraux en matière de santé des membres défavorisés de la société (Bowman, 1995; Caplan, 1994; Lebacqz, 1998; Sagar et coll., 2000).

    2. Aliments transgéniques

      En ce qui concerne la production d’aliments, il est également facile de constater les avantages possibles de la biotechnologie. Par exemple, les documents de consultation parlent avec enthousiasme de la capacité des cultures et des animaux transgéniques d’améliorer la nutrition dans le monde. Plus précisément, ils disent qu’il « est essentiel d’utiliser la biotechnologie pour augmenter la capacité de production alimentaire mondiale alors que la situation de l’environnement est préoccupante, que les terres arables sont limitées et que la population augmente » (SCB, 1998a, p. 2). Par ailleurs, le Document de consultation du secteur de la santé énumère plusieurs façons dont la biotechnologie agricole peut contribuer à la santé et au bien-être de l’homme, dont cellesci : « le développement d’aliments plus sains aux qualités nutritives supérieures »; les modifications des cultures qui « élimineront à toutes fins pratiques les carences alimentaires chez les êtres humains et les animaux »; une meilleure « accessibilité des produits thérapeutiques »; la production « d’une source abondante et peu coûteuse de composés présentant des avantages sur le plan de la santé »; la prévention des maladies, « en accroissant la présence dans les aliments des composés connus pour leurs effets physiologiques bénéfiques » (p. ex., caroténoïdes et quercétine-a); et le « développement de nouveaux aliments pour les Canadiens qui souffrent de troubles liés à des intolérances alimentaires » (p. ex., maladie cœliaque) (Santé Canada et coll., 1998, p. 6-7).

      Malgré ces perspectives intéressantes, on observe toutefois une importante prudence de la part du public à l’égard des aliments transgéniques. La Stratégie canadienne en matière de biotechnologie fait allusion aux préoccupations du public, mais les associe à des « lacunes en matière d’information » et à des « lacunes dans la sensibilisation et la compréhension des consommateurs » (SCB, 1998b, p. 2-3), excluant implicitement tout fondement empirique de ces préoccupations. On ne peut cependant pas réduire toutes les préoccupations à des questions d’ignorance, de superstition ou de résistance au changement. Il y a de solides arguments scientifiques mettant au jour les risques se rattachant à certaines utilisations agricoles de la biotechnologie11.

      Certaines préoccupations sont très courantes : de nombreuses personnes s’inquiètent de la sécurité des aliments issus de transformations moléculaires transgéniques. Par exemple, d’aucuns craignent que les aliments transgéniques risquent de créer des allergies nouvelles d’origine alimentaire, et ce, en raison du fait que les modifications génétiques prévoient l’introduction de nouvelles protéines dans des aliments traditionnels, et que les allergies soient reliées aux protéines (FAO/OMS, 2000). Certains craignent que la transmission de gènes d’une espèce à une autre n’entraîne la transmission de nouveaux micro-organismes ou de nouveaux types de substances toxiques pour lesquelles les humains n’ont pas eu le temps de développer une résistance adéquate (FAO/OMS, 2000). Par ailleurs, certains effets redoutés peuvent ne pas se faire sentir immédiatement. Cependant, les changements rapides créés par la biotechnologie ne laissent pas beaucoup de temps pour étudier à fond les répercussions à long terme et nombre de critiques pensent que, souvent, la vérification de la sécurité des nouveaux produits est inadéquate (De Angelis, 1992; Goldsmith et coll., 1992; Pimm, 1991).

      Une autre préoccupation courante a trait à l’incidence sur l’environnement de l’introduction d’espèces agricoles nouvellement fabriquées. On s’inquiète des façons dont les nouvelles espèces (ou, plus probablement, les modifications des espèces existantes) influeront sur l’écologie dans laquelle elles sont introduites (Fox 1996; Mikkelson et coll., 1996; Paulkaitis et Roossinck, 1996). Le fait que les pratiques agricoles nuisent depuis toujours aux écologies existantes (Thompson, 2000) réconforte peu les citoyens qui s’inquiètent de la dégradation généralisée de l’environnement. Les écologistes s’alarment surtout du fait que la plupart des utilisations de la biotechnologie agricole à ce jour ont principalement visé l’élaboration de végétaux plus tolérants aux herbicides et aux pesticides que d’autres plantes, c’est-à-dire qu’elles visent une plus grande utilisation de certains produits chimiques toxiques en agriculture (Goldsmith et Hildyard, 1990; Shiva, 1993)12.

      Par ailleurs, il y a lieu de s’inquiéter de la promesse même exprimée dans les documents de consultation concernant la capacité de la biotechnologie d’aider à nourrir les personnes des pays en développement qui souffrent de la faim. On s’inquiète surtout de l’élaboration de technologies GURT (genetic use restriction technologies) visant à créer des semences stériles. Désignés sous le nom de marques de commerce intimidantes comme « Terminator » et «Traitor », ces gènes ont pour seul but d’empêcher la repousse d’une deuxième génération. L’introduction de ces gènes peut être importante si la production à grande échelle de certaines cultures génétiquement modifiées donne lieu à de graves menaces environnementales, puisque, en théorie au moins, l’utilisation de ces gènes permettra l’élimination de nouvelles espèces dangereuses. Mais leur utilisation courante signifie également que les agriculteurs qui plantent ces semences génétiquement modifiées ne pourront perpétuer cette vieille tradition, qui consiste à utiliser les semences récoltées l’année précédente pour produire la suivante. Chaque année, ils devront s’approvisionner chez le fabricant, qui leur vendra les semences au prix du marché. Par ailleurs, cette technologie permettra aux producteurs de modifier les semences pour qu’elles ne germent qu’en cas d’utilisation par les agriculteurs d’engrais ou de pesticides particuliers. C’est donc une technologie qui augmentera la dépendance des agriculteurs à l’égard des marchands de semences et de produits connexes; un tel changement risque beaucoup d’augmenter les coûts agricoles. Pour les petits cultivateurs en particulier, ce changement sera dévastateur. Le risque d’accélérer – au lieu de réduire – la malnutrition dans les pays en développement est important (Goldsmith et Hildyard, 1991; Shiva, 1993)13.

      Dans le même esprit, des questions ont été soulevées quant à la probabilité que la biotechnologie améliore vraiment la nutrition dans les pays en développement. L’exemple qui revient le plus souvent concernant l’utilité de la biotechnologie sur le plan nutritionnel pour les pays en développement est la production du riz transgénique enrichi à la vitamine A (appelé Golden Rice). Il faudra encore des années avant que ce projet ne se concrétise. Par ailleurs, même si le développement a été financé à l’aide de deniers publics, la recherche a été confiée à une multinationale qui produit des semences (AstraZeneca, maintenant Syngenta) en vue du brevetage et de la mise en marché (RAFI, septembre-octobre 2000). Ainsi, il demeure difficile de mesurer sa disponibilité et l’incidence qu’elle aura sur la santé des gens dans les pays pauvres. Entre-temps, les chercheurs de l’industrie s’attachent surtout à des modifications nutritionnelles des cultures au profit de consommateurs plus aisés.

      Les énigmes qui ressortent même de ces discussions superficielles sur deux variétés de biotechnologie soulignent le besoin de prêter attention aux valeurs éthiques lorsqu’on établit des politiques régissant l’élaboration et l’adoption de formes particulières de la biotechnologie. Les conséquences possibles des innovations particulières dans chaque type de biotechnologie et des changements susceptibles d’être provoqués par l’incidence combinée de plusieurs exemples de chaque sorte de technologie sont énormes. Dans certains cas pris séparément et, sûrement, collectivement, on peut s’attendre à ce qu’elles provoquent des changements spectaculaires dans la vie des gens et des sociétés.

      Par ailleurs, il est peu probable que l’incidence de ces technologies se fasse sentir de manière uniforme. Il est évident que certains types de risques touchent en grande partie ceux qui choisissent d’investir dans des technologies particulières ou encore les consommateurs immédiats de cette technologie. Le fait que d’autres types de risques qui menacent principalement ceux qui, en tant que tiers, n’ont aucun contrôle direct sur l’adoption de la technologie, est moins apparent. Par exemple, les frères et sœurs des personnes qui choisissent de se soumettre à un dépistage génétique pourraient se voir refuser une assurance-santé ou une assurance-vie s’ils n’acceptent pas de se soumettre aux mêmes tests (Boetzkes, 1999; Rhodes, 1998; Steele et coll., 1999). Et il se peut que le gagne-pain des pêcheurs de saumon soit détruit par suite de l’utilisation de pesticides créés pour certaines cultures transgéniques (Birmingham et Tinker, 1999; Tangwa, 1999). Il incombe aux gouvernements de protéger les intérêts de toute personne touchée par les nouvelles technologies, que ce soit par la consommation directe ou par des retombées accidentelles. Étant donné que les conséquences associées à ces technologies sont à la fois complexes et mixtes, il est particulièrement urgent que la politique gouvernementale repose sur une analyse morale claire.

  3. Systèmes de valeurs en place

    Pour effectuer l’analyse morale requise, il nous faut avoir recours à un cadre éthique adéquat qui nous permette d’identifier et d’étudier toutes les valeurs morales en cause. Plus précisément, il nous faut trouver des façons de déterminer et d’analyser adéquatement tous les aspects moraux pertinents. De nombreux éthiciens recommanderaient l’adoption d’une théorie morale particulière qui jetterait les bases de toute enquête morale, mais je ne crois pas qu’un seul système de valeurs puisse tenir compte de tous les aspects moraux pertinents et les structurer. Je suggère donc que nous nous concentrions sur deux stratégies complémentaires (l’une axée sur les procédures et l’autre axée sur le fond) grâce auxquelles nous pourrions accorder une attention suffisante à tous les aspects moraux pertinents.

    Tout d’abord, j’aimerais expliquer brièvement pourquoi je m’oppose au choix d’une seule perspective théorique. Ma réticence est due au fait que je sais qu’on pourrait faire appel à de nombreux systèmes de valeurs différents pour établir la politique régissant la biotechnologie. Comme je l’ai déjà dit ailleurs, la sélection d’un système de valeurs particulier joue un rôle déterminant dans le genre de considérations éthiques dont on tiendra compte pour la question à l’étude (Sherwin, 1999; Sherwin, 2000). Si nous adoptons un cadre moral conséquentialiste (utilitaire), par exemple, nous viserons (uniquement) à essayer d’envisager et de comparer les conséquences possibles d’autres moyens d’action. Par contre, si nous adoptons un point de vue déontologique (axé sur le devoir), nous essayerons de faire en sorte que les politiques en question soient conformes à une série d’obligations morales fondamentales. Comme ces deux types de considérations sont valables sur le plan moral, elles devraient faire l’objet de nos débats moraux, tout comme les aspects moraux importants du problème évoqués par d’autres grandes théories morales comme l’éthique des soins et l’éthique féministe14. Différentes théories morales nous aideront à élargir notre réflexion dans plusieurs voies. Aucune perspective théorique ne suffira à elle seule pour saisir tous les aspects moralement pertinents des moyens d’action à l’étude.

    Ainsi, lorsque nous étudierons des questions de principe complexes, nous devrions chercher activement des perspectives morales qui nous aideront à déterminer et à étudier autant de dimensions morales du problème que possible. Il nous faudra à cette fin adopter des stratégies délibératives qui favoriseront la prise en compte de diverses considérations morales. Néanmoins, la mise au jour des facteurs moralement pertinents ne donne pas toujours lieu à une solution morale unique. Dès lors, le fait d’avoir déterminé tous les aspects moralement pertinents d’une situation ne signifie pas nécessairement que nous saurons comment régler un dilemme moral. Même si ces outils moraux axés sur le fond (théories) excluent certaines options, ils ne permettent pas toujours de trouver la meilleure solution. Dans ces cas, nous devons faire appel à des stratégies efficaces susceptibles de donner lieu à une décision acceptable sur le plan éthique. Seule une procédure adéquate sur le plan éthique permettra de résoudre ces divers types d’ambiguïtés.

    Il nous faut alors avoir recours à deux approches complémentaires, l’une axée sur les procédures et l’autre axée sur le fond. Bien que j’aborderai ces deux stratégies séparément, dans les faits, elles devraient être adoptées simultanément de manière intégrée. Ensemble, elles fournissent certains des principaux outils nécessaires à l’étude obligatoire des divers aspects moraux tout au long du processus d’établissement de politiques. Il est intéressant de noter que les deux se rejoignent dans un domaine de la considération morale inhérent à l’établissement de la politique gouvernementale : l’intérêt public. Je commencerai donc mon explication en abordant l’intérêt public car il s’appuie sur les dimensions de l’éthique axées sur les procédures et le fond et semble être l’élément fondamental du rôle du gouvernement dans la gestion du développement et de l’utilisation de la biotechnologie.

  4. Intérêt public

    La portée et les dimensions des conséquences possibles des innovations en biotechnologie étaient un solide argument moral en faveur de l’établissement de politiques gouvernementales qui géreront l’éventail complexe d’avantages et de risques liés à ces technologies dans le meilleur intérêt des Canadiens. En fait, tout l’exercice de consultation, qui vise à réviser une politique nationale en matière de biotechnologie, est un énoncé implicite du sens des responsabilités du gouvernement fédéral par rapport au développement et à la production de biotechnologies au Canada. Les divers documents de consultation reconnaissent explicitement que le sens des responsabilités du gouvernement en ce qui a trait à l’élaboration d’une politique détaillée et cohérente en matière de biotechnologie est axé sur des « valeurs canadiennes » (SCB, 1998b, p. 8). Cette politique consiste en une vision (ou un énoncé d’un idéal poursuivi), une série de principes directeurs (normatifs) et un ensemble défini d’objectifs particuliers (SCB, 1998b, p. 8- 9)15. Chacun de ces volets comporte une dimension normative (ou chargée de valeur) et représente des choix éthiques particuliers qui méritent un examen minutieux.

    Le gouvernement doit jouer un rôle de chef de file lorsqu’il établit la politique en matière de biotechnologie. Il est simplement impossible pour les gens de travailler en vase clos afin de se protéger contre certains risques possibles de cette technologie, et les gens ne seront probablement pas en mesure non plus de tirer pleinement parti des avantages sans une action collective. Dès lors, il est essentiel que le gouvernement prenne les devants et élabore et mette en œuvre des politiques qui protégeront le bien-être des citoyens et préserveront les institutions précieuses de la société. On décrit généralement cette responsabilité morale comme un devoir d’agir dans l’intérêt public.

    Il est donc étonnant qu’aucun des documents de consultation ne fasse explicitement état du concept d’intérêt public. Ils font tout au plus part de l’intention sous-jacente de promouvoir les intérêts des Canadiens. Le document principal pour les consultations en table ronde énonce sa tâche d’entrée de jeu : trouver « des mécanismes permettant de veiller à ce que les produits de la biotechnologie améliorent la santé, la qualité de vie et l’environnement des Canadiens tout en créant des emplois et en stimulant la croissance économique » (SCB, 1998a, p. 1). Il poursuit en disant que « le gouvernement du Canada travaille de concert avec divers partenaires pour trouver les meilleurs moyens de faire profiter les Canadiens des avantages éventuels de la biotechnologie » (SCB, 1998a, p. 1). La vision qu’il propose est « que le Canada devienne un chef de file mondial en biotechnologie afin d’améliorer la qualité de vie des Canadiens sur les plans de la santé, de la sécurité et de l’environnement, tout en favorisant la croissance économique » (SCB, 1998a, p. 8). Le document rédigé à l’issue des consultations présente une version de la vision qui n’est plus restreinte, où les composantes demeurent (pratiquement les mêmes), mais dont l’ordre d’importance a changé :
    La perspective de la SCB est la suivante :

    Améliorer la qualité de vie des Canadiens sur les plans de la santé, de la sécurité, de l’environnement et du développement social et économique en donnant au Canada une position de chef mondial sérieux en matière de biotechnologie (SCB, 1998b, p. 8, mis en évidence dans l’original)

    On peut donc vraisemblablement déduire de ces déclarations que le gouvernement du Canada poursuit ces objectifs dans le cadre de la responsabilité qui lui incombe, qui consiste à protéger et à promouvoir l’intérêt public.

    L’absence d’une allusion explicite à l’intérêt public pourrait bien refléter l’ambiguïté liée à l’expression « intérêt public ». Il s’agit d’un concept vague dont la pertinence a divisé les théoriciens politiques. Le « public » ne semble pas former une entité unique ayant des intérêts clairs et évidents. Il est composé de nombreux individus et groupes différents qui ont des intérêts divers chevauchants et parfois conflictuels. Néanmoins, il existe certaines similitudes. La plupart des théoriciens contemporains peuvent au moins être d’accord avec John Locke quand il dit que l’État a le devoir de protéger les droits naturels des individus. Bon nombre définissent l’intérêt public comme la protection des droits individuels et l’établissement de procédures équitables pour arbitrer de manière impartiale des intérêts opposés (Benn, 1967). (En d’autres termes, tandis que l’engagement à l’égard de l’intérêt public semble être un engagement envers une valeur morale de fond, la meilleure façon de le respecter consiste à déployer des efforts en matière de procédures.)

    Certains théoriciens, par exemple Virginia Held (1984), ont laissé entendre que nous utilisons le concept d’intérêt commun pour représenter des choses particulières qui profitent à tous les membres d’un État. Ainsi, l’expression « intérêt commun » fait référence aux choses pour lesquelles tous les membres d’une société ont un intérêt. Mme Held cite en exemple le fait d’éviter l’holocauste nucléaire : tous les membres de la société ont un intérêt à cet égard. Par ailleurs, il est dans l’intérêt commun d’éviter une catastrophe écologique comme la destruction des réserves d’eau douce par suite d’une utilisation excessive de produits chimiques agricoles toxiques.

    Pour compliquer davantage la question, il y a un troisième concept à prendre en compte, à savoir les biens collectifs. Les biens collectifs sont des avantages qu’on ne peut obtenir qu’au moyen d’une action collective. Par exemple, les contrats au sens de la loi ne peuvent exister que dans le contexte d’un État et d’une forme d’institution légale. Il n’existe pas de système juridique privé (même si certains sont en faveur d’intérêts privés particuliers). Il existe également de nombreux services qui ne sont pratiques que si les citoyens collaborent pour les établir et les appuyer – par exemple, les soins de santé, la défense nationale, le maintien de l’ordre, les services de pompiers et la lutte contre la pollution sont des services qui profitent à tous et sont mieux administrés en tant qu’institutions publiques. Tandis que bon nombre des biens collectifs représentent également des intérêts communs, d’autres ne le sont pas puisque certaines pratiques nécessitant une action collective à l’échelle de la société ne profitent pas à tous les membres de cette société. (Mentionnons comme exemple extrême une institution de l’esclavage approuvée légalement.)

    Un système de réglementation et d’évaluation des nouvelles biotechnologies constitue un bien collectif en ce sens qu’il peut uniquement être établi grâce à une action collective. Pour montrer qu’il fait également partie de l’intérêt commun, nous devrions démontrer que (presque) tous les citoyens profitent d’un tel système. Étant donné l’échelle de risques et les avantages possibles de plusieurs nouvelles biotechnologies, il semble probable qu’une structure bénéficiant d’un soutien public et permettant d’évaluer et de réglementer les nouvelles biotechnologies entrerait dans la catégorie de l’intérêt commun ainsi que du bien collectif16. Par ailleurs, un tel système relève au sens technique du terme de l’intérêt public puisque certaines biotechnologies peuvent menacer les droits de la personne de membres de la société. Par exemple, le recours au dépistage génétique pour exclure de certaines professions les personnes ayant une prédisposition à certaines formes de cancer soulèverait des préoccupations quant au respect des droits de la personne.

    L’expression « intérêt public » est utilisée par les gens pour désigner les trois concepts, c’est-à-dire qu’elle inclut non seulement l’interprétation technique (soit la protection des droits individuels et l’utilisation de procédures équitables pour arbitrer des intérêts opposés), mais aussi la promotion de l’intérêt commun et des biens collectifs nécessitant une coordination de l’État. En d’autres termes, les citoyens recherchent des valeurs de fond aux fins de l’élaboration des politiques gouvernementales. Les citoyens comptent sur leur gouvernement pour mettre en place des dispositions sur la sécurité qui fassent en sorte qu’aucune nouvelle technologie ne soit adoptée si elle leur est nuisible ou si elle est nuisible à la société dont ils dépendent17. Lorsque l’incidence de certaines technologies n’est pas claire ou que les avantages et les risques sont mal répartis, ils attendent du gouvernement qu’il établisse les procédures adéquates pour décider quand autoriser la mise en œuvre et quand demander des restrictions. Il est courant de lire que l’intérêt public inclut les institutions requises pour protéger les citoyens contre tout dommage prévisible ainsi que celles requises pour promouvoir le bien-être de chacun.

    Dans ce sens, l’intérêt public a des dimensions positives et négatives, c’est-à-dire qu’il témoigne de l’intérêt à promouvoir le bien-être et celui à éviter les dommages. Les pouvoirs publics sont tenus de porter attention aux deux types de préoccupations, et les documents de consultation, en particulier le document élaboré à l’issue des consultations (SCB, 1998b), font état d’engagements à l’égard des deux genres d’activité18. Lorsque ces deux objectifs sont contradictoires, les gouvernements doivent décider de leur priorité. C’est la possibilité de conflit grave entre le bien-être de certains et les risques qui planent sur d’autres qui rend si difficile l’élaboration de la politique en matière de biotechnologie.

    Le ton des documents de consultation indique clairement que le gouvernement canadien est préoccupé par sa responsabilité de tenir compte de la dimension positive de l’intérêt public. Les documents insistent sur le fait qu’une solide politique en matière de biotechnologie profitera aux Canadiens et représentera la dimension positive de sa prise en compte de l’intérêt public. Par exemple, l’un des objectifs énoncés pour le processus de renouvellement de la biotechnologie consiste à s’assurer que « le développement de la biotechnologie se déroule de façon responsable et éthique et à l’avantage maximum des Canadiens, aujourd’hui et dans l’avenir » (SCB, 1998a, p. 1). Le document établi à l’issue des consultations décrit la biotechnologie comme offrant « des avantages économiques considérables, surtout sur le plan des exportations et de la création d’emplois, ainsi que des bienfaits importants en matière de santé, de sécurité et d’environnement » (SCB, 1998b, p. 1). Tandis que les documents diffusés avant les consultations publiques étaient vagues quant à la portée – soit profiter à tous les Canadiens, à la plupart des Canadiens ou simplement à certains Canadiens – le dernier document promet explicitement que « tous les Canadiens… tireront avantage de cette nouvelle transformation » (SCB, 1998b, p. 2).

    Dans cette interprétation implicite de l’intérêt public, selon laquelle il réside dans une politique maximisant les bienfaits de la biotechnologie, le Groupe de travail de la Stratégie en matière de biotechnologie a décidé de mettre l’accent sur la dimension positive et de ne pas faire grand cas des possibilités négatives du développement de la biotechnologie. En fait, comme je l’ai déjà mentionné, les documents de consultation sont remplis d’exemples des bienfaits possibles de la biotechnologie; ils ne font aucune allusion explicite aux dommages éventuels. Même dans le document établi à l’issue des consultations, tout en faisant état de la réticence exprimée par les Canadiens concernant les risques de certaines biotechnologies, on parle surtout de « lacunes dans la sensibilisation et la compréhension des consommateurs » (SCB, 1998b, p. 3), plutôt que des dangers réels associés à certaines technologies. En faisant la promotion des avantages positifs, ces documents placent implicitement le gouvernement dans une position qui fait porter le fardeau de la preuve à ceux qui en limiteraient le développement, c’est-à-dire qu’ils présument le bienfait global du développement de la biotechnologie et refusent d’imposer des limites aux nouvelles technologies à moins qu’on ne puisse démontrer des problèmes de sécurité bien définis.

    Cette approche s’écarte du sentiment général et de certaines conventions internationales importantes. Le principe de prudence cité à maintes reprises fait état des préoccupations publiques et scientifiques sur les risques inhérents associés à de nombreuses formes de la biotechnologie. Ce principe a été enchâssé dans plusieurs déclarations et traités internationaux, y compris la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement des Nations Unies (ONU, 1992) et le Traité sur l’Union européenne (1992).

    Malheureusement, il n’existe aucune définition qui fasse autorité pour ce principe grandement recommandé19. Pour combler ce vide, un groupe international de scientifiques, de responsables gouvernementaux, d’avocats et de militants dans le domaine de l’environnement s’est réuni en janvier 1998 à Wingspread, au Wisconsin, pour rédiger un protocole d’accord décomposant le principe de prudence en quatre volets :
    1. Les gens ont le devoir de prendre des mesures pour prévenir les dommages.
    2. Le fardeau de la preuve du caractère inoffensif d’un nouveau procédé, technologie, activité ou produit chimique incombe aux promoteurs, et non au public.
    3. Avant d’utiliser un nouveau procédé, technologie ou produit chimique ou de mener une nouvelle activité, les gens sont tenus d’examiner tout un éventail de solutions de rechange, y compris le statu quo.
    4. Les décisions appliquant le principe de prudence doivent être ouvertes, informées et démocratiques et inclure les parties touchées. (Wingspread, 1998)

    En d’autres termes, le principe de prudence exprime l’obligation de prendre en compte les préoccupations relatives aux risques avant de poursuivre le développement de toute nouvelle technologie. Il exige que l’élaboration de la nouvelle technologie ne se poursuive que si l’on peut démontrer qu’elle est inoffensive ou nécessaire. L’accent est mis sur la dimension négative de l’intérêt public en insistant sur l’obligation de protéger le public contre tout dommage ultérieur.

    Le principe de prudence est au cœur d’un important débat animé et son interprétation précise nécessite une analyse politique et morale. Néanmoins, compte tenu de l’importance accordée au principe de prudence dans l’approche adoptée par d’autres pays à l’égard de la biotechnologie et dans diverses ententes internationales – y compris certaines dont le Canada est signataire, comme la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement de 1992 –, il est surprenant que les documents de consultation fassent entièrement abstraction de ce principe. Comme le montre l’étude de Pollara et Earnscliffe (2000), la plupart des Canadiens pensent que le Canada a déjà adopté un principe similaire. Certes, de nombreux Canadiens bien informés (p. ex., l’Institut canadien du droit et de la politique de l’environnement)20ont proposé une version du principe de prudence qui jetterait les bases de la politique canadienne en matière de biotechnologie. Il semble donc que les Canadiens doivent débattre de l’interprétation adéquate de ce principe et qu’il faille établir un processus officiel pour déterminer la version que les Canadiens souhaitent approuver. Le but sous-jacent de la protection des intérêts individuels et collectifs a un rôle fondamental à jouer dans les responsabilités du gouvernement à l’égard de l’intérêt public.

    Maintenant que nous avons étudié un domaine où les questions éthiques axées sur le fond et les procédures sont intimement liées, il serait bon d’examiner de plus près ces deux aspects du débat moral et de les démêler afin de mieux comprendre le rôle important de chacun.

  5. Les dimensions morales (1) : L’éthique procédurale

    Les approches procédurales de l’éthique s’avèrent essentielles puisque, dans de nombreux cas, il est difficile de proposer une solution morale précise à un problème donné21. Le point objectif d’Archimède – à partir duquel quelqu’un pourrait passer en revue toutes les options morales pertinentes, puis déterminer avec assurance quelle serait la meilleure solution morale – n’existe pas. Si l’on considère par exemple que, face à des questions complexes, des individus raisonnables ne s’entendent pas sur une solution qui soit moralement appropriée, mieux vaut souvent établir des procédures équitables pour aborder les questions difficiles plutôt que de tenter de décider, dès le départ, quelles décisions morales devraient lier les individus. En fait, on a mis sur pied le Comité consultatif canadien de la biotechnologie (CCCB) en partie pour qu’il suscite un débat significatif permettant d’éclairer le processus décisionnel du gouvernement dans ce domaine complexe. La question procédurale est alors de savoir comment le Comité s’y prend pour remplir son mandat, qui est de stimuler le débat et d’aider à résoudre les conflits d’ordre moral.

    La tâche la plus simple du CCCB est peut-être d’établir la liste des sujets qui tombent dans les limites de l’intérêt commun en matière de biotechnologie. Il peut s’agir, par exemple, de l’élaboration de procédures jugées raisonnables pour s’assurer qu’aucun produit n’est accepté qui puisse nuire grandement à la santé des Canadiens, à l’environnement ou à l’économie dont dépend la prospérité du pays. De telles procédures comporteraient un système pour surveiller la sécurité et l’efficacité des produits, de même que le degré d’honnêteté dans les communications. Toute réflexion sur l’intérêt commun exige qu’on porte attention aux incidences, tant à long terme qu’à court terme, des diverses innovations technologiques, évaluées en fonction de leurs effets sur le bienêtre des citoyens et de la société canadienne. Comme on l’a mentionné ci-dessus, cela nécessite l’adoption de mesures particulières, comme le principe de précaution, pour protéger l’intérêt public et en faire la promotion.

    Au-delà de ces exemples précis concernant les intérêts communs des Canadiens, je crois qu’il existe aussi un intérêt commun à mener une action morale à l’échelle mondiale; un tel intérêt illustre clairement qu’il existe un intérêt collectif, puisqu’il ne peut être respecté que par une action collective en vue de réglementer les initiatives individuelles. Cette réflexion exige que l’on élabore des politiques visant à garantir que notre gouvernement et nos industries n’adoptent pas dans des pratiques qui mettent en cause le bien-être des populations vivant dans les régions économiquement vulnérables du monde22.

    Comme je l’ai déjà mentionné, le gouvernement a un devoir moral de protection et de promotion de l’intérêt public, qui est d’arbitrer équitablement les intérêts rivaux en établissant des procédures justes qui soient ouvertes à toute la gamme d’intérêts en cause. Une grande difficulté liée à ce devoir consiste à déterminer les nombreux intérêts qui pourraient être en jeu. Le développement des habiletés en matière de perception morale (grâce à la connaissance des multiples théories éthiques et à celle des diverses perspectives culturelles) peut aider à détecter où se trouvent nombre des intérêts pertinents (Sherwin, 2000). Il est aussi essentiel, cependant, de mettre en place un processus ouvert et souple qui permette de recueillir les opinions de ceux dont les intérêts sont peut-être souventnégligés ou mal perçus.

    Les organismes invités à se prononcer sur les intérêts divergents en présence invitent généralement les représentants des parties à se rencontrer et à rechercher une solution au conflit par voie de médiation ou de négociation. En pareils cas, il est sage de parler d’« intervenants » et d’inviter les parties intéressées représentant les groupes touchés à se joindre aux participants et à fournir leurs avis sur les programmes d’action. Dans le contexte qui est celui de la biotechnologie, les principaux intervenants seront les chercheurs, les producteurs et les consommateurs. Chaque groupe a des intérêts évidents en jeu, lesquels pourraient ou non coïncider avec ceux de leurs vis-à-vis; il est donc important que des représentants de chaque groupe touché s’engagent activement à déterminer et à promouvoir leurs intérêts particuliers.

    Il n’est pas toujours évident, toutefois, de définir ce qu’on entend par « intervenant ». Il arrive souvent que ceux qui seront les plus concernés par une politique ne prévoient pas à l’avance quelles seront ses répercussions. Si, par exemple, une biotechnologie agricole donnée pollue l’environnement parce qu’elle exige un épandage accru d’engrais chimique, de nombreuses personnes qui n’estimaient pas avoir un quelconque intérêt « positif » dans la mise au point de cette technologie peuvent subir un tort sérieux à la suite de son usage. Ou encore, si une technologie comme le dépistage génétique pour détecter une prédisposition à la maladie d’Alzheimer devient la norme, de nombreuses personnes se verront obligées de s’y plier, qu’elles le veuillent ou non23.

    L’une des raisons pour lesquelles les groupes de consommateurs s’opposent à la vente d’aliments modifiés génétiquement mais non étiquetés comme tels, c’est que l’absence d’information enlève aux consommateurs la possibilité de refuser ce genre de produits si telle est leur intention. Beaucoup de gens qui, en fin de compte, deviennent des intervenants parce qu’on leur a imposé de nouveaux produits ne perçoivent pas immédiatement l’intérêt qu’ils pourraient avoir plus tard dans la politique dont il est question maintenant. Dans d’autres cas, certains sont concernés par des pratiques avec lesquelles ils n’ont rien à voir directement. C’est ainsi, par exemple, que beaucoup de personnes handicapées affirment qu’elles se sentent concernées par l’attitude publique, préjudiciable à leur groupe, qui est implicitement véhiculée par l’usage que font les autres du dépistage anténatal (Asch et Geller, 1996).

    Ainsi, l’intérêt public qui consiste à protéger les droits de la personne et à arbitrer les intérêts rivaux ne peut être dignement garanti que si l’on prend des mesures pour s’assurer que tous les intérêts pertinents sont représentés. Une stratégie importante à cet effet est d’inviter aux débats des participants dont la réflexion s’étend au-delà des intérêts exprimés par ceux qui se présentent comme intervenants. Ce rôle est généralement assumé soit par des experts qui doivent être neutres, soit par des citoyens qui n’ont fait connaître au préalable aucun intérêt d’ordre personnel dans le débat. En fait, un examen complet des perspectives morales pertinentes devrait vraisemblablement exiger ces deux types d’intervenants. Les experts peuvent apporter des renseignements nécessaires aux discussions et les citoyens, représenter l’intérêt public concerné. Les uns et les autres ont des comportements tout à fait différents de ceux et celles qui se présentent comme intervenants et dont le rôle est de représenter des intérêts précis.

    Un autre type de participant devrait aussi être présent lors des discussions, et c’est le citoyen militant qui s’intéresse précisément aux politiques en question. Associés d’habitude aux mouvements populaires ou aux organisations non gouvernementales (ONG), les citoyens militants ont examiné de manière poussée la question à l’étude et ils cherchent à exercer une influence politique sur le programme d’action pertinent. Ils ne sont pas des intervenants au sens courant puisqu’ils ne retireront probablement pas d’avantages personnels de l’implantation des technologies en question, tout en apportant un point de vue particulier qui doit faire partie du débat. (En général, ils adoptent un point de vue intéressé mais ne recherchent pas un avantage personnel.) Ils représentent souvent les intérêts indirects de citoyens qui seront touchés par les technologies sans avoir voulu expressément en faire usage. De telles personnes fournissent au débat d’importants renseignements ainsi que des intérêts bien définis; ils présentent par conséquent un point de vue qui doit être entendu dans les groupes où s’élaborent les politiques.

    La distinction entre le rôle du citoyen et celui de l’intervenant doit être aussi nette que possible. Ce n’est pas que les intervenants ne soient pas des citoyens ou que les citoyens n’aient pas d’intérêts à défendre, mais plutôt que la participation de celui qui représente un groupe d’intérêt précis est fort différente de la participation d’un citoyen concerné qui agit dans l’intérêt du bien collectif d’utilité publique. Les deux rôles sont également importants lorsqu’il s’agit de déterminer quelle politique doit aider à trancher entre des intérêts rivaux; mais ils ne sont pas équivalents et l’on ne doit pas les prendre l’un pour l’autre.

    Le rôle du citoyen ne doit pas non plus être réduit à celui du consommateur. Les consommateurs de technologies sont des intervenants ayant des intérêts déterminés : ils ont besoin de produits sécuritaires, fiables et d’un prix abordable, accompagnés de renseignements appropriés et protégés contre l’exploitation. Quand elles portent leur chapeau de consommateur, ces personnes tiennent pour acquis que les produits en question seront mis au point et commercialisés et elles chercheront à influencer les conditions de leur distribution. À l’opposé, ceux qui exercent d’abord un rôle de citoyen — c’est-à-dire qu’ils ne représentent pas d’intérêts particuliers – voudront être capables de mettre en question la valeur même de l’intérêt que l’on porte à certains produits. On s’attendra plutôt à ce que ces personnes se penchent sur les conséquences possibles de ces produits sur la société dans son ensemble, non seulement sur ceux qui veulent les acquérir et les utiliser24.

    Du reste, il est très important que les tables rondes chargées de départager les intérêts rivaux prêtent une oreille attentive à ceux et celles qui, dans la société, sont le plus fréquemment laissés pour compte. Elles doivent notamment être attentives à la situation des groupes qui courent les plus grands risques lorsque sont appliquées certaines technologies. Les participants aux tables rondes doivent être conscients de la façon dont les structures actuelles favorisent certains groupes sociaux au détriment des autres, et ce, afin de prendre des mesures qui éviteront que l’on retombe dans ces mêmes scénarios (Bulger, 1996; Bowman, 1995; Dove, 2000; Lebacqz, 1998). Les représentants des groupes qui sont déjà désavantagés dans la société et perdront probablement du terrain quand certaines technologies sont adoptées, devraient obtenir un statut spécial. Les personnes souffrant de handicaps, par exemple, devraient participer aux débats sur l’expansion des programmes de dépistage génétique; de même, celles qui s’intéressent surtout à la faim dans les pays en voie de développement devraient être présentes lorsque sont prises des décisions sur l’homologation de brevets tels que ceux portant sur des denrées de base comme le riz basmati25. Le rôle de ces représentants est tout à fait différent tant de celui des représentants des groupes qui bénéficieront de la technologie dont il est question, d’une part, que de celui des citoyens de la base qui participent aux débats et dont on s’attend à ce qu’ils prennent en considération tous les aspects de la question, d’autre part.

    Il est important, lorsqu’on invite les intervenants officiels à donner leur avis, que le gouvernement ne restreigne pas les discussions à ceux d’entre eux qui ont des intérêts financiers évidents en jeu. De plus, il est important que les procédures reflètent les différents niveaux de pouvoir associés aux différentes positions adoptées par les intervenants. Les industries, dont les capitaux et les espoirs de gros profits sont importants, peuvent avoir des ressources beaucoup plus grandes pour financer l’éducation et la formation de leurs représentants que les groupes de bénévoles qui agissent comme porte-parole des citoyens concernés. Ils peuvent aussi jouir d’une plus grande influence auprès des hommes politiques et des décideurs, d’un meilleur accès aux médias pour faire passer leur message et d’une plus grande expérience de la négociation. Il est alors important, quand on a affaire aux groupes d’intervenants, de voir à ce que les procédures reflètent le niveau d’intérêt des participants et qu’elles évitent le plus possible toute déformation des débats par les puissants groupes d’intérêt particuliers.

  6. Les dimensions morales (2) : Les concepts

    Bien qu’un processus moralement approprié soit un élément essentiel d’une bonne politique dans le domaine moral complexe de la biotechnologie, ce processus ne peut opérer dans le vide. Nous avons besoin de certaines valeurs morales substantielles pour aider à orienter le processus et à trier les solutions moralement acceptables qui sont recensées, de celles qui sont moralement problématiques. Plus haut, à la section 3, j’ai présenté les raisons pour lesquelles toutes les principales théories morales, à cet égard, contribuent d’une certaine manière à nos débats. Je ne vais toutefois pas m’aventurer dans le très vaste projet qui consisterait à présenter les différentes théories morales qui pourraient jeter de la lumière sur divers aspects moraux de la politique en matière de biotechnologie. Je vais plutôt m’intéresser à deux concepts clés – l’autonomie et la justice – qui sont au cœur de la plupart des principales théories morales. Étant donné leur rôle majeur dans de nombreuses théories éthiques, ces deux concepts représentent une composante importante des exigences substantielles de tout débat d’ordre moral portant sur l’établissement d’une politique gouvernementale. En explorant certains modes de fonctionnement de ces concepts au sein des différentes théories morales, ainsi que dans les débats entourant la politique gouvernementale, j’espère les rendre familiers en tant qu’outils efficaces pour identifier les exigences morales complexes que comporte l’établissement d’une politique en matière de biotechnologie et pour y donner suite.

    Dans la poursuite de mon analyse de ces concepts, je vais de nouveau m’éloigner du cadre fourni par les documents de consultation puisqu’ils n’accordent que très peu d’attention aux concepts d’autonomie et de justice. Dans ces documents, le rôle de ces concepts est, de manière générale, implicite, puisqu’ils apparaissent – vraisemblablement – sous l’étiquette générique de « valeurs des Canadiens »; ce rôle s’imprègne aussi des énoncés généraux sur l’importance qu’il y a à s’assurer que les avantages de la biotechnologie reviennent aux Canadiens.

    Puisqu’il existe des nuances importantes sur la façon dont chacun de ces concepts doit être interprété, et ce, chez les éthiciens eux-mêmes, je m’arrêterai un moment sur la manière dont chacun des termes devrait fonctionner dans le contexte des discussions portant sur l’élaboration de la politique en matière de biotechnologie. Je vais d’abord présenter l’usage le plus commun qui est fait de ces termes et ensuite proposer une autre interprétation de type « relationnelle », tendant à saisir certains des aspects moraux délaissés par la démarche dominante. Je dirai pourquoi la seconde interprétation, moins familière, saisit certaines dimensions morales essentielles qu’on doit aborder au moment d’établir une politique en matière de biotechnologie, et pourquoi elle saisit mieux l’esprit des recommandations procédurales.

    1. L’autonomie

      Le terme « autonomie » signifie littéralement autogouvernement; on le traduit fréquemment par « autodétermination ». Il est au cœur d’une bonne part de la réflexion philosophique moderne, depuis l’éthique et la philosophie politique jusqu’à la métaphysique et la théorie de l’identité personnelle; son interprétation varie selon le contexte dans lequel il apparaît. Pour les besoins de ma présentation, je limiterai mon propos à son rôle dans les débats entourant l’éthique et la politique. Dans ce contexte, le terme s’entend communément de la description de la liberté individuelle ou de l’absence de toute ingérence par autrui, notamment par l’État. Le respect de l’autonomie de l’individu est la pierre de touche des États libéraux modernes; on le retrouve souvent dans les documents sur les droits de la personne (Kymlicka, 1990).

      En son sens le plus élémentaire, l’autonomie représente l’action qui est libre de toute influence déterminante (littéralement, « hétéronomie » ou gouvernement par les autres) au moyen de la coercition ou de la manipulation. Le terme est aussi généralement utilisé pour décrire l’action qui n’est également soumise à aucune limite personnelle (la contrainte ou l’incompréhension par exemple) qui empêchent le choix éclairé. Les philosophes traitent d’habitude l’autonomie comme l’expression d’une action délibérée de la part d’un agent doué de raison et indépendant, lequel poursuit activement les intérêts qu’il a déterminés. De la sorte, le principe du respect de l’autonomie est un engagement à reconnaître le droit des individus à prendre certains types de décisions pour eux-mêmes, décisions qui soient libres de toute coercition, manipulation, tromperie ou ingérence. En matière de soins de santé, le principe de l’autonomie est souvent présenté en opposition au paternalisme – la pratique selon laquelle les professionnels de la santé prennent des décisions sur les traitements à suivre en se basant sur l’idée qu’ils se font eux-mêmes de ce qui est dans le meilleur intérêt de leurs patients, et ce, sans obtenir un consentement libre et éclairé de leur part (Beauchamp et Childress, 1994). Il arrive aussi que les gouvernements agissent de façon paternaliste, par exemple quand ils passent outre aux préférences personnelles et obligent les citoyens à boucler leur ceinture de sécurité ou à porter un casque protecteur en conduisant une motocyclette, afin de les protéger contre de graves blessures évitables.

      Bien que le terme « autonomie » ne soit pas souvent utilisé dans les documents issus du processus de consultation, on trouve, du moins, tout au long de ceux-ci, une reconnaissance implicite de l’importance d’une réflexion sur l’autonomie. Ainsi, le principal document comporte une section intitulée « Aspects éthiques et sociaux » qui porte sur « les convictions des Canadiens relatives à la liberté, à la dignité humaine et à la non-discrimination » (SCB, 1998a, p. 11). Le document fait également référence de manière explicite au contexte créé par la Constitution canadienne et par la Charte canadienne des droits et libertés, lesquelles accordent une grande importance au respect de l’autonomie individuelle.

      Lorsque le terme « autonomie » est utilisé explicitement dans les documents de consultation, il est défini très étroitement comme étant l’équivalent de la liberté de choix chez le consommateur. Cette définition apparaît dans une liste de principes et de valeurs éthiques majeurs, lesquels sont jugés importants dans les diverses approches en matière de biotechnologie qu’adoptent d’autres pays. Dans ce contexte, l’autonomie individuelle est définie comme le fait de « reconnaître le droit de chaque personne de prendre des décisions bien informée sur son utilisation de la biotechnologie» (SCB, 1998a, p. 2; SCB, 1998b, p. 7). En effet, l’importance d’appuyer le choix éclairé des consommateurs concernant l’utilisation de la biotechnologie prend une place centrale dans tout le processus de consultation : « Une des questions essentielles au cœur des débats sur la biotechnologie est celle de la confiance des consommateurs et de leur sérénité devant les nouvelles technologies basées sur l’ADN » (SCB, 1998a; p. 3). Le premier objectif énoncé dans le rapport sur la consultation est de « veiller à ce que les Canadiens aient accès à des produits et services de biotechnologie qui soient sûrs et efficaces, à ce qu’ils aient confiance en ces produits et services et qu’ils en retirent des avantages » (SCB, 1998b, p. 8).

      L’interprétation de l’autonomie comme choix personnel bien informé reflète une compréhension commune de ce concept telle qu’on l’évoque fréquemment dans des contextes de nature politique. Cet usage reprend des opinions profondément ancrées sur les relations des citoyens avec l’État. On fait précisément référence à la nécessité d’empêcher l’État de s’immiscer indûment dans la quête, par les individus, de leurs intérêts personnels. L’une des hypothèses courantes de l’État démocratique moderne veut qu’il doive exister une part de vie privée pour l’individu qui soit hors de la portée de toute ingérence étatique. Ainsi, dans la pratique, il y a un consensus au Canada voulant que l’État s’abstienne de toute intervention dans les affaires qui relèvent de la liberté personnelle à moins qu’il y ait un risque très évident de dommage à des tiers déterminés26. De nombreux partisans de la décriminalisation de l’avortement ont adopté la notion d’autonomie, se référant au « libre choix » en la matière et appuyant le droit des femmes de prendre leurs propres décisions en ce qui a trait à la poursuite d’une grossesse ou à son interruption. Le discours de l’autonomie est souvent repris pour affirmer les droits individuels contre l’ingérence de l’État en ce qui a trait aux questions de moralité et d’action individuelles.

      Cette interprétation élémentaire de l’autonomie est au premier plan de nombreux débats sur les politiques en matière de biotechnologie (citons par exemple Geller, 1995; Goldworth, 1999; Haseltine, 2000; Karjaleinen, 1995; McCullough, 1998). Tant les producteurs que les consommateurs (actuels et potentiels) ont tendance à s’appuyer sur le concept du choix personnel pour fonder une politique appropriée en matière de biotechnologie. Les deux groupes s’opposent à l’idée même que le gouvernement puisse entraver leur capacité d’acheter ou de vendre des produits et services en fonction de leur jugement personnel sur ce qui est dans leur meilleur intérêt. Il existe un soutien public important à l’idée que l’autonomie en tant qu’absence de restrictions de la part du gouvernement, devrait constituer la position par défaut. En d’autres mots, les individus devraient être libres de vendre et d’acheter des produits comme bon leur semble à moins qu’il existe un motif majeur pour le gouvernement de limiter le commerce en ce domaine.

      Il y a bien sûr de nombreux fondements à un motif majeur, comme les risques élevés inacceptables pour les consommateurs (l’héroïne par exemple), les menaces pour l’environnement (p. ex., le transport de matériaux radioactifs), les menaces portant atteinte à la structure sociale du pays (p. ex., la littérature haineuse), etc. Le fardeau de la preuve, cependant, repose toujours sur les épaules de ceux qui maintiennent que les dommages potentiels sont trop grands pour laisser aux individus la liberté de décider d’acheter le produit en question. Le principe de l’autonomie, interprété comme étant la liberté de choix du consommateur, semble proposer une position diamétralement opposée à celle du principe de précaution. Le principe de l’autonomie suppose que, aussi longtemps qu’un individu choisit d’acheter un produit ou un service particulier, les producteurs devraient être libres de le vendre à moins que l’on ait la preuve de dommages évidents et spécifiques.

      La compréhension de l’autonomie comme étant la possibilité pour le consommateur de choisir s’insère parfaitement dans le contexte des marchés où la préoccupation première est de défendre la liberté individuelle d’acquérir les produits et services désirés. (Cela rappelle l’énoncé d’intention du Document pour les consultations en table ronde [SCB, 1998a] selon lequel un objectif fondamental des débats publics est d’accroître « la confiance et l’assurance du consommateur ».) Selon ce modèle de liberté de consommation, le rôle de l’État est double. L’État est tenu de s’assurer que les risques associés à des produits particuliers se situent à des niveaux acceptables, devoir fréquemment interprété comme signifiant que les risques auxquels fait face le consommateur direct sont raisonnables. L’État a aussi la responsabilité de s’assurer que les individus sont capables de faire des choix éclairés en ayant accès à des renseignements clairs, compréhensibles et fiables, et qu’on n’exerce aucune coercition contre eux. Les divers documents issus de la consultation insistent beaucoup sur ces deux types de préoccupations.

      Il est sans aucun doute important de satisfaire aux exigences du modèle d’autonomie des consommateurs lors de l’établissement d’une politique en matière de biotechnologie. En d’autres mots, il est essentiel que la commercialisation de tout produit biotechnologique ait lieu dans des conditions telles que les consommateurs puissent prendre des décisions libres et éclairées. En fait, les études qui se penchent sur les problèmes moraux liés à la biotechnologie mettent pour la plupart l’accent sur les questions entourant la sécurité et les normes de l’information (p. ex., Parker et Gettig, 1995; Modell, 1996; Masood, 1999; Hoskins et coll., 1995). Ces critères, toutefois, ne sont pas simples. Arrêtons-nous sur l’exigence d’une information suffisante pour faire un choix libre dans le domaine du dépistage génétique. Or, il est très difficile de comprendre les renseignements d’ordre génétique concernant les prédispositions à certains types de maladie. Cela requiert que l’on comprenne la théorie des probabilités, la génétique, la gamme de symptômes associés à la maladie en question, la fiabilité et l’efficacité des interventions à un stade précoce, et de nombreux autres facteurs (Parens, 1996; Boetzkes, 1999; Dickens et coll., 1996; Gannett, 1999). La plupart des experts soulignent que les tests génétiques ne peuvent être administrés de façon responsable que dans le cadre d’un counseling génétique (Biesecker, 1998; Marteau et Biesecker, 1999), mais il n’y a pas suffisamment de conseillers dûment formés pour répondre aux demandes de tests génétiques disponibles, sans compter les tests qui seront mis au point dans un proche avenir.

      Dans le cas des aliments génétiquement modifiés, de nombreuses personnes exigent des étiquettes qui préviennent les consommateurs que les denrées entre leurs mains contiennent bien des produits génétiquement modifiés. Cependant, il est peu vraisemblable que les étiquettes offrent le niveau d’information requis pour faire un choix éclairé en ce qui touche les modifications spécifiques qui sont en cause, d’une part, et les conséquences qu’elles pourraient avoir, d’autre part. Quel niveau d’explication est-il nécessaire d’avoir, par exemple, avant d’acheter une friandise contenant de l’huile de canola génétiquement modifiée? De plus, dans de nombreux cas, il n’existe pas de données suffisantes pour fournir des renseignements sur la sécurité à long terme liée à la consommation, sur les effets des nouvelles espèces sur l’environnement ou la possibilité de nouvelles allergies résultant des modifications transgéniques (Lagay, 1999; Lappé, 1994; Reiss, 1998). Il faut se demander si un choix éclairé est même encore possible en l’absence de renseignements aussi importants.

      Qui plus est, et même si nous pouvions fournir davantage de renseignements appropriés, il se pourrait que le choix du consommateur ne soit pas davantage éclairé. Pour l’éclairer davantage, il faudrait que l’information soit présentée sous une forme plus accessible. Si les termes utilisés pour l’étiquetage sont trop techniques pour le public visé, la simple présence d’une information ne donne pas l’assurance que les consommateurs ont accès au niveau de connaissance dont ils ont besoin pour donner un consentement libre. Et si l’information est incomplète ou déformée, comme il arrive fréquemment dans la publicité, cela peut miner la liberté du consommateur plutôt que la soutenir27. Même si l’on s’en tient au sens le plus évident de l’autonomie, il faut conclure que la vente de nombreux produits issus de la biotechnologie à des consommateurs qui ne peuvent être adéquatement informés représente une violation de leur autonomie. Les Canadiens ont besoin d’un système de réglementation pour s’assurer que leurs hypothèses touchant la sécurité du consommateur sont bien fondées, d’une part, et pour aider à promouvoir la compréhension qu’exige le choix éclairé du consommateur, d’autre part.

      Bien que le choix éclairé soit important pour parvenir à l’autonomie individuelle, il ne saurait tout dire sur l’autonomie. Après tout, ce n’est pas le choix en lui-même qui constitue la préoccupation morale essentielle; il s’agit plutôt de la liberté des individus de respecter leurs valeurs et de poursuivre leurs intérêts fondamentaux. La motivation morale sous-jacente du respect de l’autonomie individuelle n’est pas, en soi, de rechercher les choses qu’il préfère, mais de respecter l’intérêt que porte chaque individu à l’avancement de ses valeurs fondamentales.

      On peut expliquer de plusieurs façons pourquoi la pratique du choix éclairé en matière de consommation peut ne pas arriver à percevoir le sens, plus profond, de l’autonomie dont on vient de parler. L’une des difficultés tient à ce que le choix du consommateur se limite à l’offre que peuvent faire les producteurs; à moins que ceux-ci ne présentent un choix tel que les individus sont aptes à poursuivre la quête de leurs valeurs et de leurs intérêts fondamentaux, le choix du consommateur ne coïncidera pas avec l’autonomie individuelle. Si, par exemple, tous les agriculteurs ou la plupart d’entre eux sont décidés à cultiver des produits génétiquement modifiés ou à élever des animaux transgéniques dans le but de les vendre, le consommateur ne sera plus libre de se procurer des aliments non modifiés génétiquement. Il arrive déjà que de nombreux aliments transformés, offerts dans les grandes surfaces du Canada, contiennent des ingrédients issus de produits génétiquement modifiés comme c’est le cas pour l’huile de canola (Luoma, 2000). Même si l’on adoptait un règlement en matière d’étiquetage, la plupart des consommateurs trouveraient probablement qu’il est difficile d’éviter la consommation de toutes les variétés de produits génétiquement modifiés. De plus, si les cultures issues de semences génétiquement modifiées envahissent les autres cultures ou si elles permettent à ceux qui les achètent de fournir une récolte à des taux très réduits pendant quelques années, les agriculteurs indépendants pourraient être incapables de semer les grains traditionnels d’une manière qui soit économiquement viable. S’il s’avère économiquement impossible de produire des cultures non modifiées ou si la distribution de telles cultures est limitée à la suite d’ententes restrictives avec les gros producteurs, les consommateurs n’auront pas accès aux produits qu’ils pourraient vouloir acheter. Dans de telles circonstances, les nouveaux produits restreignent le choix des consommateurs plutôt que de l’étendre.

      L’interprétation de l’autonomie comme libre choix du consommateur est associée à d’autres difficultés. Ainsi, elle ignore le fait que les agents individuels sont positionnés différemment tant par rapport au choix qui leur est offert que par rapport à la liberté que possède chacun d’agir en accord avec ses besoins particuliers et ses valeurs spécifiques. Ainsi, la capacité des femmes à faire un choix éclairé concernant l’utilisation de médicaments délivrés sur ordonnance est limitée par les protocoles de recherche qui, parfois, n’examinent les effets des médicaments que chez les hommes (Mastroianni et coll., 1994). De plus, l’accès aux aliments de culture biologique est réservé à ceux dont les terres sont suffisamment grandes pour y cultiver leurs propres denrées alimentaires ou qui ont assez de revenus pour acheter à prix fort des aliments biologiques. Si les consommateurs se méfient de la sécurité des aliments génétiquement modifiés, on peut s’attendre à ce que les riches soient capables d’exercer un choix libre et de se procurer des aliments « traditionnels », mais que les pauvres, par contre, doivent se tourner vers d’autres aliments moins populaires (et donc moins chers). S’il est vrai que tous les individus se trouvent devant un choix limité, ceux qui ont relativement moins de pouvoir social ou économique feront sans doute face à plus de restrictions encore que la plupart des gens; le plus souvent, ils n’auront plus de choix possible pour répondre à leurs intérêts et à leurs besoins particuliers.

      Comme nous l’avons vu, de nombreuses technologies ont la capacité de redéfinir les expériences et les espoirs « normaux » des femmes et des hommes, selon des modes que les individus ne peuvent contrôler par des actions personnelles. En tant qu’individus, nous ne pouvons savoir si, oui ou non, notre corps sera considéré comme le site d’une surveillance médicale. Bien qu’une femme soit capable de s’opposer à certains tests diagnostics, elle ne peut déterminer comment telles parties de son corps (les seins ou les os par exemple) et telle étape du cycle de vie sont définies comme des sites potentiels de maladie grave. Une femme dont la sœur, la mère ou la tante souffre d’un cancer du sein peut renoncer aux tests de détection du gène BRCA1; mais si son médecin, son assureur ou son employeur considèrent que ces tests sont souhaitables, cette femme trouvera que ses seins et ses gènes pourraient faire l’objet d’une surveillance, qu’elle ait ou non accepté de subir les tests. Dès que l’on reconnaît généralement que l’usage d’un type particulier de technologie constitue un comportement normal et responsable pour promouvoir la santé, tout individu qui y renonce est automatiquement classé comme irresponsable (Cole-Turner, 1998; Geller et coll., 1997; Harper et coll., 2000). Cela signifie que, au fur et à mesure que les tests génétiques pour détecter une prédisposition à des maladies qui apparaissent tard (maladie cardiaque, cancer du côlon ou maladie d’Alzheimer par exemple) deviennent disponibles, ils pourraient porter en eux des attentes culturelles selon lesquelles les individus responsables doivent se plier à de telles procédures comme à des soins de santé routiniers.

      Notre compréhension de l’autonomie personnelle doit donc prendre en compte les façons dont celle-ci peut être amoindrie par des stratégies politiques, économiques, sociales et culturelles qui sont tout à fait hors de portée de l’individu. Si nous souhaitons vraiment promouvoir l’autonomie individuelle, nous devons élaborer des politiques qui permettront à tous les individus de déterminer leurs valeurs et leurs intérêts. Ces politiques ne doivent pas prêter uniquement attention aux préférences que les individus manifestent quand ils sont mis devant une panoplie de possibilités prédéfinies, mais elles doivent aussi examiner la nature des choix qui leur sont proposés. Nous ne devons pas perdre de vue le fait que les conditions sociales actuelles ainsi que les stratégies politiques et économiques influent sur la gamme de choix proposés aux gens, et que ces choix peuvent fort bien différer pour les membres des différents groupes sociaux. En d’autres mots, la défense et la promotion de l’autonomie exigent plus que la noningérence dans les préférences actuelles. Elles exigent aussi que l’on s’efforce activement de favoriser les conditions dans lesquelles tous les individus peuvent déterminer leurs valeurs et leurs intérêts fondamentaux.

      Ce concept de rechange, dit de l’« autonomie relationnelle », est une approche qui considère les individus comme intégrés dans la société, leur identité étant forgée dans le contexte des relations personnelles et politiques, et façonnée par un ensemble de facteurs sociaux tels que le sexe, la race et la classe (Sherwin, 1998; Mackenzie et Stoljar, 2000). Cela exige que nous regardions au-delà de l’individu tel qu’il est présentement constitué, et que nous explorions les conditions sociales qui soutiennent (ou entravent) la capacité de chaque personne à déterminer et à poursuivre ses propres intérêts. À ce niveau, il semble qu’il y ait des raisons d’examiner comment l’accessibilité même à un certain de choix, de même que l’absence de choix, peuvent entraver la capacité d’autodétermination (ou d’autonomie) de certains. Une telle interprétation de l’autonomie exige un examen, au niveau sociétal, des façons de promouvoir les types de technologies qui favoriseront l’autonomie personnelle, ainsi que des façons de restreindre les technologies et les produits qui freinent l’autonomie personnelle. Ce sens de l’autonomie suscite une réflexion sur les répercussions sociales aussi bien que matérielles des nouvelles technologies proposées. L’élaboration de politiques en matière de biotechnologie qui rendent compte des préoccupations en ce qui touche l’autonomie relationnelle exigera que l’on porte une grande attention à l’exigence procédurale d’inclure les points de vue sociaux fréquemment exclus.

      Par ailleurs, même si une dimension relationnelle vient enrichir notre compréhension de l’autonomie, celle-ci ne constitue pas en soi une base morale suffisante pour établir une politique gouvernementale. Elle doit être associée à d’autres valeurs morales pertinentes. Nous devons être conscients, par exemple, du fait que les intérêts des individus entrent souvent en conflit avec ceux de la société. Une telle analyse ressort clairement du rapport final de la Commission royale sur les nouvelles techniques de reproduction (Commission royale, 1992). La Commission faisait remarquer que de nombreuses approches de reproduction assistée représentent un danger, celui de traiter les femmes et les enfants, sinon certains d’entre eux, comme des marchandises. La Commission recommandait que soit promulguée rapidement une loi (toujours attendue) qui limiterait la portée du choix individuel touchant certaines techniques de reproduction en interdisant le trafic des équipements et des services de reproduction (p. ex., les gamètes, les embryons et les services gestationnels). Elle sous-entendait que, sans de telles restrictions, de nombreux individus et couples infertiles trouveraient difficile de ne pas s’engager dans des transactions commerciales pour faciliter leur quête d’un enfant.

      Comme nous l’avons déjà noté, le choix que fait une personne d’utiliser certains types de biotechnologies aura des répercussions financières sur d’autres membres de la société. Les gouvernements provinciaux du Canada ont la tâche peu enviable d’établir les priorités en ce qui a trait à l’utilisation des maigres budgets consacrés aux soins de santé; manifestement, ils ne peuvent offrir toutes les ressources demandées. L’apparition de nombreuses nouvelles approches des soins de santé faisant appel à des technologies spécialisées exerce déjà une forte pression sur des budgets de santé limités. Pourtant, comme l’ont noté les auteurs de certains rapports canadiens (p. ex., le Rapport Lalonde, la Charte d’Ottawa, le rapport du Forum national sur la santé et le récent rapport intitulé Stratégie pour la santé des femmes de Santé Canada), le recours aux technologies pour faire face à la maladie ou à ses menaces n’est que l’un des éléments d’un programme de santé digne de ce nom. Pour promouvoir la santé, les gouvernements doivent aussi entreprendre différents efforts positifs visant des facteurs comme la sécurité environnementale, les conditions sociales favorables (p. ex., la sécurité économique, physique et émotionnelle) et les changements au mode de vie (p. ex., bien se nourrir, faire de l’exercice et ne pas fumer). Nous devons faire attention de ne pas laisser les préférences individuelles à l’égard des méthodes (bio)technologiques en matière de santé épuiser des ressources qu’il vaut mieux utiliser pour s’attaquer aux facteurs sociaux de la santé. Cette remarque nous amène à examiner l’autre valeur morale essentielle, la justice.

    2. La justice

      L’autonomie, même interprétée relationnellement, est une valeur fondée sur l’individu. Elle attire notre attention sur le libre choix et sur l’action individuelle et nous exhorte à accorder un statut moral au choix individuel éclairé. La société est cependant composée de nombreux individus et, comme nous le savons, leurs valeurs et leurs intérêts ne coïncident pas toujours. Ainsi, une analyse morale complète se doit de trouver des moyens de réconcilier les intérêts de tous les individus. Le concept de justice jette la base théorique de la comparaison entre le raisonnement moral et l’action. La justice, comme le respect pour l’autonomie, est considérée comme une valeur fondamentale des États libéraux modernes. La justice, elle aussi, est au cœur de la Constitution canadienne et de la Charte canadienne des droits et libertés.

      Comme c’est le cas pour l’autonomie, le terme de « justice » peut aussi donner lieu à des interprétations aussi nombreuses que diverses, liées à différentes perspectives théoriques. Dans le sens le plus élémentaire du terme, il s’agit de traiter les individus de manière juste, équitable et appropriée, de telle sorte que chacun reçoive ce à quoi il a droit. Les débats philosophiques sur la justice ont traditionnellement distingué dans cette notion deux différentes acceptions : la justice rétributive et la justice distributive. La première voit à ce que les personnes reçoivent ce qu’elles méritent, que ce soit le châtiment ou la récompense. Elle comprend à la fois la justice pénale et la justice compensatrice (le dédommagement des personnes traitées injustement). Cette forme de justice n’est pas très répandue dans le contexte d’une politique en matière de biotechnologie. Elle pourrait jouer un rôle dans l’établissement de mécanismes pénalisant les fabricants et distributeurs de produits qui causent des dommages aux personnes et à l’environnement. De telles questions sont mieux réglées devant les tribunaux. D’un point de vue moral, il suffit de noter l’importance de donner accès à la contestation judiciaire et d’apporter une assistance financière raisonnable en cas de dommages causés par les nouvelles technologies.

      La plupart des débats sur la justice et les politiques en matière de biotechnologie font appel à la notion de justice distributive (p. ex., Fleck, 1998; Karjaleinen, 1995; Lappé, 1994). La justice distributive voit à assurer une distribution équitable des bénéfices et des charges incombant à un groupe donné (ce pourrait être une famille, une collectivité ou un pays entier). Les questions de justice distributive se posent généralement en cas de pénurie ou de compétition. La plupart des théoriciens accréditent le principe formel d’Aristote concernant la justice, lequel exige que nous traitions les cas semblables de la même façon et les cas dissemblables de façon différente. La tâche consiste à déterminer ce qui constitue le critère moralement pertinent du traitement semblable ou différent. En d’autres mots, pour répondre à la question substantielle de la justice distributive, il faut que nous déterminions ce qu’est le principe véritable de la répartition des bénéfices (ou des charges) en cause. Les Canadiens, par exemple, estiment généralement que le principe « à chacun selon ses besoins » convient à la répartition des avantages liés aux soins de santé; mais la plupart d’entre eux préfèrent le principe « à chacun selon son mérite » pour la distribution des emplois et salaires recherchés; enfin, ils préfèrent le principe « à chacun selon ses moyens financiers » lorsqu’il s’agit d’avoir accès à des produits de luxe. On se réfère à des principes utiles pour répartir les charges : « on exige de chacun une part égale », « on exige de chacun une part proportionnelle à sa capacité » et « on exige de chacun une part selon l’usage qu’il fait ». Le choix pertinent, encore une fois, varie selon la nature des charges (par exemple, et respectivement, le service militaire, l’impôt progressif et les frais d’utilisation).

      Les biotechnologies soulèvent d’importants problèmes de justice distributive. C’est pourquoi les nombreux auteurs qui se préoccupent des problèmes éthiques liés aux biotechnologies, notamment dans le secteur des soins de santé, mettent l’accent sur les questions de justice distributive (p. ex., Caulfied, 1998; O’Mathúna, 1999; Peters, 1998; Steel et coll., 1999). De façon générale, ils se demandent qui doit payer pour ces nouveaux services coûteux et quels en seront les bénéficiaires. Voilà des questions essentielles sur lesquelles il faut se pencher avant d’offrir davantage de tests génétiques sur le marché canadien. Pour chaque nouveau test génétique, chaque gouvernement provincial et territorial devra prendre une décision : est-il moralement tenu, dans le cadre de son budget déjà limité, d’absorber les coûts de tel ou tel test? Chaque gouvernement doit décider si le dépistage génétique pour détecter une prédisposition à des maladies qui apparaissent tardivement doit être considéré comme un besoin médical couvert par la règle de l’universalité de la Loi canadienne sur la santé. La solution de rechange consiste à considérer ces tests comme facultatifs et à les offrir suivant la formule de rémunération à l’acte, comme c’est le cas pour une chambre privée à l’hôpital, la chirurgie dentaire et certains types de chirurgie oculaire28.

      Si les provinces jugent que le dépistage génétique est médicalement nécessaire pour certains patients, son coût se répercutera sur les autres services actuellement couverts. Non seulement l’administration des tests eux-mêmes a-t-elle un coût, mais, comme on l’a mentionné ci-dessus, ils requièrent aussi beaucoup de counseling si l’on veut que les résultats soient significatifs pour les patients. Les patients dont les résultats sont positifs auront probablement droit à un suivi médical. Si, par exemple, les tests de détection du gène BRCA1 sont positifs chez une patiente, celle-ci peut opter pour une mastectomie bilatérale et une ablation des ovaires comme mesures prophylactiques et, de plus, prendre des médicaments onéreux à titre préventif. Si les provinces déclarent que les tests ne sont pas médicalement nécessaires et qu’elles refusent d’absorber le coût des soins donnés à toutes les patientes admissibles, alors, à moins que les tests soient déclarés illégaux au Canada, ils ne seront accessibles qu’aux personnes qui peuvent se les payer.

      Si les tests ont vraiment une valeur médicale, cette décision serait injuste et probablement illégale. S’ils n’ont pas une valeur médicale élevée, ils ne devraient être offerts à personne, surtout pas à ceux et celles qui sont terrifiés à l’idée de contracter une maladie grave qui est répandue dans leur famille.

      Les questions liées à la justice distributive en matière de santé doivent aborder les problèmes des macromesures et des micromesures budgétaires. Cela signifie qu’elles doivent non seulement fournir des orientations sur les façons de répartir les ressources en santé entre de grandes catégories comme les mesures préventives, les diagnostics, les soins de courte durée et les soins chroniques, mais aussi déterminer quels malades devraient avoir accès à certains soins particuliers (comme la pose d’une prothèse de la hanche) et à quelles conditions. De plus en plus, les fonds de la recherche en santé proviennent de sources privées (conjointement avec des fonds publics ou non). Étant donné que les investissements privés ne sont effectués que dans l’espoir qu’il en résulte d’éventuels profits, et qu’on ne peut prévoir des profits futurs que s’il existe des produits et services commercialisables à vendre, la recherche en santé ne peut que s’intéresser aux approches technologiques. Les innovations en matière de santé qui dépendent de changements sociaux tels que la protection de l’environnement, l’amélioration des conditions sociales, une meilleure sécurité pour les personnes menacées de violence familiale, les mesures de santé publique (la salubrité de l’eau potable par exemple), l’éducation à la santé et des services de santé mentale efficaces n’ont pas l’habitude d’être rentables. Si les budgets de la santé doivent surtout servir à développer des innovations biotechnologiques coûteuses, il y aura probablement moins d’argent disponible pour mener à bien des mesures de santé publique éprouvées comme celles mentionnées. Manifestement, d’importantes questions relatives à la justice distributive doivent être abordées en ce qui a trait à l’organisation la recherche en santé et à l’adoption de nouvelles biotechnologies dans le domaine des soins de santé.

      Dans le domaine de la biotechnologie agricole, les questions de justice distributive ont trait aux répercussions du brevetage des semences et des animaux traditionnels et génétiquement modifiés, de sorte que l’accès devienne plus coûteux et soit limité pour les pauvres. La concentration des intérêts économiques entre les mains d’un petit nombre de multinationales contrôlant la distribution des semences, la fabrication des produits chimiques nécessaires à la croissance des grains, ainsi que les marchés de la distribution des récoltes pourrait résulter en des charges démesurées pour les consommateurs par rapport aux profits des producteurs (RAFI, novembre-décembre 2000). Si les coûts des innovations agricoles issues de la biotechnologie sont assurés en grande partie par ceux qui ont peine à survivre, alors les questions de justice deviennent particulièrement graves.

      Aussi importantes que soient les questions de justice distributive, un cadre en matière de justice qui se limite aux problèmes liés à la distribution équitable est insuffisant pour intégrer toutes les préoccupations pertinentes touchant la justice dans le domaine de la biotechnologique. Iris Marion Young (1990) a montré que le paradigme de la distributivité eu égard à la justice tend à exclure, à tort, les questions de justice sociale, notamment celles qui concernent « l’élimination de la domination et de l’oppression institutionnalisées » (Young, 1990, p. 15). En mettant l’accent sur la justice distributive, nous portons attention à l’affectation des biens et des ressources, et nous pouvons ne tenir aucun compte des structures sociales et institutionnelles qui influent sur les mécanismes de distribution. L’attention portée à la justice sociale nous force à passer des questions de distribution, où les individus sont considérés « d’abord comme des possesseurs et des consommateurs de biens, à un contexte plus large qui inclut aussi l’action, les décisions d’agir et les moyens mis à disposition pour améliorer les capacités et les mettre à profit » (Young, 1990, p. 16). Les biens sociaux, notamment les droits, les occasions d’avenir, le pouvoir et la dignité personnelle, ne peuvent être abordés de manière appropriée dans un cadre conçu pour régir la distribution des biens matériels. La justice sociale exige que nous réfléchissions à la distribution injuste qui est faite de ces types de biens sociaux dans une société rongée par le sexisme, le racisme et autres formes de répression. Elle nous force à réfléchir aux moyens d’être plus équitables en ce qui concerne ces avantages moins tangibles, lesquels ne peuvent être partagés sous forme d’unités de valeur avec des individus particuliers, comme on le fait d’une quantité de biens matériels.

      Pour comprendre les problèmes associés à la justice sociale, nous devons élaborer une compréhension relationnelle de la justice qui soit en parallèle avec la conception relationnelle de l’autonomie dont il a été question ci-dessus29. Dans ce cas-ci, également, nous devons abandonner un point de vue naïf voulant que les individus soient distincts et indépendants et qu’ils ne soient pas touchés par leurs relations avec les autres. Les individus ne sont pas des entités abstraites interchangeables touchés de manière comparable par chaque politique. Au lieu de cela, ils sont socialement situés dans des circonstances historiques particulières, façonnés par leurs relations sociales et politiques complexes. Ils appartiennent à toute une gamme de groupes sociaux, et ces groupes se trouvent dans des relations de pouvoir complexes – notamment des relations d’oppression et de domination – les uns par rapport aux autres. Pour saisir le sens de ce phénomène, nous devons jeter un coup d’œil sur ce qu’ont été les mécanismes et les processus de distribution au fil du temps. Pour promouvoir la justice auprès des gens, nous avons besoin de recenser les manières dont les structures institutionnelles désavantagent certains groupes et en avantagent d’autres.

      L’attention que nous portons à la justice sociale nous conduit à soulever des questions sur la politique en matière de biotechnologie qui diffèrent des questions que pose la justice distributive. Aux questions de paiement et d’accès à l’ordre du jour, on ajoute celles qui se rapportent aux moyens de promouvoir une plus grande égalité eu égard au respect, au statut et à l’influence des individus dans la société. Cela exige que nous examinions les obstacles structurels et l’influence probable des innovations proposées sur ces caractéristiques. Du point de vue de la justice sociale, il n’est plus suffisant de se demander si un tel désire un produit donné et peut se permettre de l’acheter. Nous devons aussi nous demander comment la disponibilité du produit ou du service pourra toucher d’autres personnes, notamment les membres des groupes opprimés. Nous devons prendre très au sérieux, par exemple, la manière dont l’apparition de solutions technologiques aux problèmes de santé peut favoriser les intérêts des individus privilégiés qui peuvent se permettre de telles innovations, mais désavantager les pauvres. Ces derniers font face au double problème d’être incapables d’avoir accès à ces produits et, en même temps, de perdre tout accès aux besoins sanitaires de base (nutritionnels par exemple), alors que les ressources publiques limitées sont réallouées afin de fournir l’infrastructure requise aux méthodes technologiques coûteuses. En conséquence, le cadre de justice sociale recommande que nous fassions davantage que de nous assurer que les pauvres aussi bien que les riches ont accès au dépistage génétique; il exige que nous nous occupions des causes sociales aussi bien que génétiques de la maladie.

      La recherche d’aliments génétiquement modifiés recèle un grand espoir, celui de bénéficier aux gens affamés comme aux gens prospères. Il y des raisons de craindre que, sans eux, la Terre ne puisse produire suffisamment de denrées alimentaires traditionnelles pour nourrir la population qui croît sans cesse. Les aliments génétiquement modifiés laissent espérer que l’on fera un usage plus efficient des approvisionnements en eau fraîche et en terre arable qui vont diminuer. Toutefois, comme nous l’avons vu, à moins que l’on se préoccupe de justice sociale, nous courons le risque de concentrer le pouvoir entre les mains de ceux qui produisent les technologies nécessaires et d’accroître la dépendance de ceux et celles qui sont sans ressources (Tangwa, 1999). Aucune politique nationale en matière de biotechnologie ne peut combler l’écart énorme entre les riches et les pauvres du monde, mais il est possible de demander que l’on se mette en quête de nouvelles innovations dans les domaines qui donneront plus de pouvoir aux plus désavantagés. Ainsi, il est possible de s’assurer que les petits cultivateurs ne seront pas contraints d’utiliser uniquement les semences qui ne pousseront que si on emploie de l’engrais et des herbicides dispendieux. Le Canada a besoin d’une politique en matière de biotechnologie qui soit ouverte et sensible aux questions de la justice sociale aussi bien que de la justice distributive.

  7. Les responsabilités

    Il est très évident que la nouvelle biotechnologie soulèvera des défis moraux difficiles. Les individus ne peuvent maîtriser les conditions sociales et matérielles sur lesquelles reposent les options qui se présentent à eux. De plus, de nombreuses conditions préalables à l’autonomie et à la justice sociale ne peuvent être satisfaites que grâce à l’action politique. Il est par conséquent essentiel que les gouvernements assument la responsabilité de réglementer et de gérer ces puissantes technologies dans l’intérêt de leurs citoyens.

    Par ailleurs, comme nous l’avons vu, les citoyens s’attendent à ce que leurs gouvernements protègent l’intérêt commun aussi bien que l’intérêt public et en assument la promotion en arbitrant de manière équitable les conflits d’intérêts. Ils s’attendent également à organiser et à faciliter les intérêts communs dont bénéficient la plupart des citoyens et qui ne violent les droits de qui que ce soit. Évidemment, ce sont là des responsabilités essentielles pour les gouvernements. Le gouvernement est l’agent responsable de la création et du maintien des institutions nécessaires pour assurer la poursuite de ces différents types d’intérêt. Il est donc chargé d’assumer un rôle de chef de file en s’assurant que l’intérêt commun et les biens communs sont respectés, et que l’intérêt public, qui consiste à résoudre les conflits d’intérêts d’une manière juste et équitable, est protégé.

    Pour connaître les meilleurs moyens de parvenir à ces résultats, le gouvernement doit stimuler le dialogue sur les valeurs pertinentes qui doivent faire partie des politiques d’orientation. C’était là bien sûr, en ce qui concerne le Canada, l’intention déclarée des documents de consultation. Les efforts pour obtenir les commentaires étaient cependant trop rigoureusement orientés et trop portés vers l’industrie. Les conversations consistaient en de brèves discussions en table ronde fondées sur des renseignements à caractère unilatéral. De plus, le gouvernement a pris une décision inacceptable en mettant sur un pied d’égalité les citoyens concernés et les autres « intervenants » – c’est-à-dire qu’il a tout simplement traité ces citoyens comme une autre voix à la recherche de son avantage personnel, au sein d’une assemblée de lobbyistes. Une meilleure approche consisterait à fournir aux citoyens intéressés l’occasion de s’informer sur la nature complexe et obscure de ces technologies afin de leur permettre d’aborder sérieusement les enjeux. Les stratégies comme la création de tribunes pour les citoyens promettent davantage de colliger les valeurs des Canadiens que les ateliers rassemblant, sur invitation, des intervenants particuliers (Koshland, 1996; Gaskell et coll., 2000; Loka, 1999; Masood, 1999; Priest, 2000).

    Le Comité consultatif canadien de la biotechnologie (CCCB) a été établi pour informer les Canadiens et susciter des débats sur les conséquences morales et sociales entourant ces nouvelles technologies. Pour réaliser son mandat, le Comité doit être clair quant aux critères éthiques que doit respecter toute politique en matière de biotechnologie. Il doit par exemple déterminer sa position par rapport au principe de précaution largement suivi. Il doit également établir des directives morales claires en ce qui concerne ces valeurs importantes que sont l’autonomie et la justice. De plus, le Comité doit élaborer des procédures moralement défendables pour s’assurer qu’il tient compte de toutes les options morales pertinentes et qu’il est capable de donner la parole aux groupes vulnérables qui pourraient ne pas participer aux importants forums stratégiques. À cette fin, il faut que, dans ses pratiques, le CCCB ait l’esprit ouvert, qu’il n’exclue personne et soit à l’écoute, ceci afin d’obtenir la confiance des citoyens intéressés représentant des points de vue actuellement ignorés, et qui ne participent pas directement à l’élaboration des politiques.

    Du reste, dès qu’il « découvre » les valeurs nationales sur les sujets en question, le gouvernement est tenu de donner force de loi à des politiques appropriées, éclairées par ces réflexions et ces dialogues. Il devra promulguer et appliquer les lois qui témoignent des intérêts et des valeurs de ses citoyens, notamment les couches les plus vulnérables de la population. De cette façon, il est essentiel de clarifier les relations entre le CCCB et les décideurs du gouvernement. Les Canadiens veulent s’assurer qu’une fois que le CCCB aura recueilli leurs points de vue, leurs idées sauront influer sur l’établissement d’une politique nationale et que leur message ne se perdra pas au cours des différents mandats des ministres responsables.

    Il y a bien sûr une limite à ce que n’importe quel gouvernement national peut accomplir dans le domaine de la biotechnologie. Les industries concernées transcendent les frontières nationales; la plupart d’entre elles évoluent sur le marché mondial et non pas national. Les producteurs refusent la réglementation nationale sous prétexte que les restrictions locales créeraient un désavantage économique injuste à leur endroit au sein d’un marché mondial compétitif. Ils menacent de déménager leur production dans un autre pays si l’on fait fi de leurs intérêts. En même temps, les consommateurs recourent à Internet pour faire leurs achats à l’étranger, mettant les gouvernements dans l’impossibilité d’interdire l’accès à quelque produit que ce soit, pourvu qu’il soit sur le marché.

    De même que les individus ne peuvent devenir autonomes en s’isolant des activités de leurs concitoyens, de même les nations ne peuvent établir de stratégies industrielles en s’isolant des politiques des autres pays. Aucun pays ne peut se donner une stratégie industrielle qui diffère trop des stratégies de ses voisins. Nos leaders politiques doivent se déplacer au-delà de nos frontières et faire pression sur la scène internationale en faveur d’une réglementation internationale qui favorisera des utilisations sécuritaires et salubres de la biotechnologie, tout en interdisant le développement de ses formes dangereuses. Les Canadiens s’attendent à ce que leur gouvernement exerce un leadership au sein d’organismes internationaux comme les Nations Unies (y compris l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture [UNESCO]), l’Organisation mondiale de la santé, la Banque mondiale, le CODEX et l’Organisation mondiale du commerce, en ce qui a trait à la réglementation pertinente en matière de biotechnologie30.

    Les citoyens ont aussi une responsabilité. Bien qu’aucun de nous ne puisse, de lui-même, élaborer une politique en matière de biotechnologie, nous ne pouvons pas nous permettre de ne rien faire et d’attendre que notre gouvernement agisse de façon responsable dans le domaine de la biotechnologie. Au Canada, les programmes, contradictoires, des nombreux ministères responsables de l’établissement d’une stratégie nationale en matière de biotechnologie sont massivement favorables à ceux dont la mission est de promouvoir, et non pas de restreindre, l’industrie. En tant que citoyens, les Canadiens doivent s’informer eux-mêmes tant sur les risques que sur les avantages des diverses biotechnologies. Individuellement et collectivement, nous devons manifester clairement notre désir de politiques qui reflètent des valeurs morales aussi bien qu’économiques.

  8. Conclusions

    La biotechnologie présente de nombreux défis moraux de taille. Certains sont des variantes de problèmes traditionnels (les dommages causés par les pratiques agricoles à l’environnement, par exemple). D’autres sont nouveaux (la difficulté qui consiste à assurer un suivi des restrictions alimentaires tout au long du processus de transformation transgénique des produits alimentaires, par exemple31). La plupart de ces défis doivent être recensés et abordés par les consommateurs et les producteurs. Mais nombreux sont ceux qui ne peuvent être réglés au moyen d’actions individuelles. Une action collective est nécessaire si les Canadiens veulent réussir à recenser les défis moraux que pose la biotechnologie et à les relever. C’est la responsabilité du gouvernement d’assurer le leadership dont on a besoin pour mener cette évaluation et cette action morales.

    La présente étude vise à mettre en lumière certains défis moraux que pose la biotechnologie en ciblant deux types de technologies : le dépistage génétique pour détecter la prédisposition à des maladies particulières, et la production d’aliments génétiquement modifiés. L’étude fait un rapide survol de certains des avantages et des risques complexes associés à chacun de ces types de biotechnologie, mentionnant au passage que, souvent, les avantages reviennent à des personnes différentes de celles qui assument les risques technologiques. Elle présente enfin certains des éléments essentiels d’un cadre éthique que l’on peut utiliser pour recenser et résoudre les nombreuses questions morales que posent les diverses formes que prend la biotechnologie.

    L’étude examine l’obligation morale particulière du gouvernement de défendre et de promouvoir l’intérêt public défini comme étant la protection des droits individuels et l’élaboration de procédures équitables pour résoudre les conflits. Elle se penche aussi sur les notions connexes d’intérêt commun et de bien collectif. Ces trois concepts mis ensemble soulignent de façon éclatante l’importance de l’action gouvernementale en matière de réglementation des biotechnologies. Ils équivalent à un impératif moral voulant que soient mis en place des principes et des procédures (comme l’éclaircissement du principe de précaution) qui protégeront les Canadiens (et les autres individus) contre les dommages causés par la biotechnologie, tout en favorisant l’accès à ses avantages.

    L’étude examine ensuite deux éléments clés du cadre éthique proposé, auxquels on aura recours pour élaborer une politique gouvernementale réglementant la biotechnologie :
    1. Élaboration d’approches procédurales pour les débats en matière éthique. Ces approches nécessitent de véritables consultations publiques et des débats ouverts, auxquels participent une grande diversité de Canadiens, notamment des citoyens de la base, des intervenants, des représentants d’ONG et des représentants des groupes économiquement faibles qui pourraient être particulièrement touchés par la technologie en question.
    2. Élaboration de deux concepts (autonomie et justice) qui doivent jouer un rôle de premier plan dans toute recherche éthique en matière de biotechnologie. On examine les interprétations traditionnelles données à ces deux concepts (respect du choix individuel et distribution équitable des charges et des avantages). On présente ensuite une autre interprétation, dite relationnelle, pour chacun des concepts; on recommande l’utilisation de celle nouvelle interprétation dans l’élaboration d’une politique en matière de biotechnologie.

    Selon l’étude, la politique en matière de biotechnologie doit être respectueuse de ces deux valeurs – l’autonomie et la justice –, qu’elles sont interprétées relationnellement ou traditionnellement.

    Enfin, l’étude tire certaines conclusions morales particulières concernant les différentes responsabilités du gouvernement canadien, du CCCB et des citoyens considérés individuellement, dans la mise en place d’une politique nationale moralement adéquate en matière de biotechnologie. Ces recommandations servent à illustrer le propos et n’ont rien d’exhaustif. L’étude n’entend pas rendre compte de toutes les considérations et stratégies morales essentielles à l’établissement d’une politique nationale en matière de biotechnologie. Son objectif est plus modeste. Il s’agit de proposer des éléments clés, sur lesquels on jette de la lumière, qui constituent des composantes essentielles d’un cadre moralement adéquat pour l’établissement et l’adoption d’une stratégie nationale en matière de biotechnologie.

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  1. 1 Avec l’aide de Patrycja Maksalon.
  2. 2 Par ailleurs, en vertu de la politique gouvernementale du Canada, certains domaines de la biotechnologie sont suffisamment distincts pour nécessiter leur propre analyse d’ordre éthique. Par exemple, les technologies de reproduction humaine et de manipulation génétique ont fait l’objet d’une étude par une commission royale et un comité consultatif auprès du sous-ministre de la Santé a été créé.La recherche en biotechnologie impliquant des humains (ou des animaux) a été principalement abordée dans les procédures régissant tous les types de recherches sur les humains (ou les animaux).
  3. 3 Même si ces documents ont été élaborés dans le but précis d’amorcer un débat public à un moment donné, ils n’ont pas encore été remplacés par les documents révisés en profondeur qui reflètent les résultats des consultations publiques. Il existe un seul document sommaire préparé immédiatement après les consultations publiques (SCB, 1998b). Ce document de suivi présente des propositions de politique presque identiques tout en abordant moins de questions de manière moins approfondie que la série antérieure de documents de consultation. Par ailleurs, sa distribution a été très limitée. Je me fierai donc principalement aux documents de consultation mieux connus (SCB, 1998a) qui expriment de la façon la plus complète à ce jour les connaissances et les attitudes du gouvernement canadien à l’égard de la biotechnologie.
  4. 4 On retrouve la même formulation dans le document produit en réponse au processus de consultation publique (SCB, 1998b, p. 2).
  5. 5 Comme le montre Reiss en 1998, la plupart des ouvrages adoptent cette pratique qui consiste à limiter le terme « biotechnologie » aux nouvelles technologies génétiques.
  6. 6 Par exemple, l’énoncé de la Stratégie canadienne en matière de biotechnologie de 1998 (SCB, 1998b) indique simplement que « tous les Canadiens, qu’ils soient producteurs ou consommateurs et en incluant les habitants des petites collectivités et des régions rurales de tout le pays, tireront avantage de cette nouvelle transformation. » (p. 2). Elle passe carrément sous silence les dommages que pourrait créer cette technologie.
  7. 7 Selon une étude récente menée en Europe, le fait de prescrire le tomoxifène aux femmes qui n’ont pas encore le cancer du sein mais qui sont considérées comme étant à risque les expose à un risque élevé inacceptable de cancer de l’endomètre (Bergman et coll., 2000).
  8. 8 Par ailleurs, il est possible que les résultats soient inexacts et que de faux résultats négatifs ou positifs donnent lieu à des conclusions inadéquates et à la prise de mesures erronées. Voir Collins, 1996; Eccles, 2000; Inglehart et coll., 1998.
  9. 9 La complexité de l’activité et de l’interaction des gènes est bien connue en sciences mais son importance a tendance à être minimisée dans les promesses publiques concernant les fruits de la recherche génétique. Voir, par exemple, Dover et Flavell, 1982; Ho, 1987; Miller, 1997; Pollard, 1988.
  10. 10 Voir, par exemple, le rapport publié l’an dernier par Santé Canada et intitulé Stratégie pour la santé des femmes de Santé Canada (1999).
  11. 11 De nombreux spécialistes insistent sur le fait que ces risques sont faibles, mais peu d’entre eux affirment que la biotechnologie ne présente aucun risque important. (Pour une explication plus détaillée de cette question et d’autres préoccupations du public concernant la biotechnologie agricole, voir Thompson, 2000.)
  12. 12 Voir RAFI (novembre-décembre 2000) pour un exposé de ce point de vue.
  13. 13 Devant les fortes pressions du public, les responsables de deux géants génétiques, Zeneca et Monsanto, ont promis publiquement de ne pas procéder au développement commercial de cette technologie (Lettre ouverte du P.D.G. de Monsanto, Robert B. Shapiro, à Gordon Conway, président de la Fondation Rockefeller, et à d’autres, le 4 octobre 1999). Sur Internet : (http://www.monsanto.com/monsanto/gurt/default.htm). Lettre de. D.A. Evans, directeur de la recherchedéveloppement de Zeneca Agrochemicals, à Richard Jefferson, CAMBIA, Australie, datée du 24 février 1999, publiée dans UNEP/CBD/SBSTTA/4/Inf.3 Supplementary information to UNEP/CBD/SBSTTA/4/9/Rev.1, « Consequences of the Use of the New Technology for the Control of Plant Gene Expression for the Conservation and Sustainable Use of Biological Diversity », 18 mai 1999, Shapiro, 1999. Néanmoins, malgré l’opposition du public, des gouvernements nationaux et des Nations Unies, près de 40 brevets ont été délivrés dans ce domaine et la mise à l’essai de ce type de technologie se poursuit. Harry Collins, vice-président de la principale entreprise en cause (Delta and Pine Land Seed Company) a annoncé que l’entreprise n’avait jamais vraiment ralenti, qu’elle n’avait pas de retard et qu’elle allait de l’avant en vue de la commercialisation. « Nous n’avons jamais vraiment tiré notre épingle du jeu. » (RAFI, mars-avril 2000).
  14. 14 L’éthique des soins nous oblige à étudier les répercussions de nos politiques sur la satisfaction des besoins humains et la promotion de saines relations interpersonnelles auprès des gens. L’éthique féministe nous oblige à établir des politiques qui réduiront au lieu d’intensifier les effets des formes existantes d’oppression systématique dans la société.
  15. 15 L’un des objectifs exprimés est de « conférer au Canada une position de chef de file mondial moralement et socialement responsable en matière d’élaboration, de commercialisation, de vente et d’utilisation des produits et services de la biotechnologie ». (SCB, 1998b, p. 9).
  16. 16 On peut cependant facilement imaginer que l’intérêt à court terme de certaines personnes à l’égard d’un accès libre au marché en tant que producteurs ou consommateurs éventuels de produits particuliers pourrait entraver leur capacité de reconnaître les avantages que leur procurerait un tel système.
  17. 17 On trouve dans Pollara et Earnscliffe (2000) la preuve que les Canadiens attendent une telle gestion de la part de leur gouvernement. Les auteurs concluent qu’il existe une présomption générale selon laquelle quelqu’un, quelque part, est chargé de surveiller et de réglementer la salubrité des aliments et que la plupart des Canadiens réorganiseraient l’activité du gouvernement pour l’assortir d’un double objectif : limiter ou réglementer les pratiques afin de minimiser les risques, et promouvoir le développement de façon à maximiser les avantages.
  18. 18 À l’annexe A intitulée « Les 10 thèmes clés du plan d’action de la SCB » (SCB, 1998b), les points 2, 4, 5, 6, 8 et 10 sont clairement axés sur les efforts visant à promouvoir le bien-être tandis que le point 3 et certains aspects des points 1 et 7 semblent être axés principalement sur la protection contre ces dommages.
  19. 19 D. Vanderzwaag (1999) a relevé 14 formulations différentes dans des traités et d’autres déclarations.
  20. 20 Voir Winfield, 1996.
  21. 21 En réalité, la position théorique particulière en matière éthique que représente l’éthique de la communication peut être interprétée comme étant avant tout rattachée aux stratégies procédurales. Voir Benhabib et Dallmayr, 1990.
  22. 22 Pour obtenir des exemples de considérations morales mondiales, voir Marteau et Biesecker, 1999; Sagar et coll., 2000; Tangwa, 1999.
  23. 23 Ces personnes, par exemple, pourraient se voir refuser une assurance-maladie ou une assurance-vie si elles refusent de subir le test en question.
  24. 24 Ceux qui, par exemple, ont une proche parente atteinte d’un cancer du sein auront une optique différente quant à l’opportunité d’introduire des tests nationaux pour détecter les gènes BRCA1 ou BRCA2 de ceux qui sont préoccupés par les suites qu’entraînent ces tests sur l’attitude du public face à la “ généticisation ” et aux budgets de soins de santé existants.
  25. 25 On trouvera sur le site de la Rural Advancement Foundation International (http://www.etcgroup.org/) des détails sur la controverse entourant le brevetage du riz basmati.
  26. 26 Ce consensus a trouvé son expression la plus fameuse, au Canada, lorsque le premier ministre Trudeau a fait adopter des amendements majeurs aux dispositions du Code criminel en 1969, amendements qui se voulaient un avertissement : l’État n’a pas à s’occuper des chambres à coucher du pays.
  27. 27 Les lois fédérales pour interdire la publicité directement destinée aux consommateurs concernant les médicaments délivrés sur ordonnance invoquent un motif majeur, soit des preuves selon lesquelles une telle publicité, dans presque tous les cas, induit le public en erreur, lui donnant une fausse idée des avantages et des risques associés aux médicaments en question.
  28. 28 Dans certains cas, les services médicaux reconnus comme étant nécessaires, comme certains types de chimiothérapie, ne sont tout simplement offerts à personne plutôt que de les mettre à la portée de ceux qui ont les moyens de les payer moyennant des frais.
  29. 29 La dimension relationnelle de l’égalité et son rapport avec la théorie de la justice sont expliqués en détail par Christine Koggel (1998).
  30. 30 Le document produit à la suite des consultations énonce clairement l’engagement du gouvernement canadien à travailler de concert avec ces organismes internationaux (SCB, 1998b, p. 6).
  31. 31 Ainsi, certaines personnes qui évitent de consommer des produits d’origine animale pour des motifs d’ordre spirituel ou des raisons de santé peuvent être mal à l’aise à l’idée de manger des légumes qui ont été modifiés pour résister au gel grâce à l’incorporation d’un gêne résistant au froid provenant du pingouin ou de l’omble de l’Arctique.
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    Création: 2005-07-13
Révision: 2007-06-28
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