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Créer un cadre de sagesse communautaire : examen des services aux victimes dans les territoires du Nunavut, du Nord-Ouest et du Yukon

  1. 2.0 Nunavut
    1. 2.3  Services officiels offerts dans les collectivités du Nunavut
      1. 2.3.3 Obstacles au travail des fournisseurs de services au Nunavut
      2. 2.3.4 Sommaire des services aux victimes officiels, officieux et traditionnels au Nunavut

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2.3.3    Obstacles au travail des fournisseurs de services au Nunavut

L'examen détaillé des obstacles auxquels font face les fournisseurs de services, les fournisseurs de soins communautaires et les décideurs du Nunavut est fondé sur les consultations individuelles tenues avec les principaux fournisseurs de services (voir les annexes A et B). Il est également basé sur les résultats du sondage téléphonique auprès de 98 organismes de services communautaires et universels au Nunavut, dont il est  fait état à la section précédente.

La présente section comprend également des observations des délégués à la Conférence sur l'aide aux victimes des Territoires du Nord-Ouest tenue à Yellowknife, Territoires du Nord-Ouest (T.N.-O.), en mars 2001. Nous faisons état de leurs observations dans la présente étude parce que bon nombre de ces fournisseurs de services ont travaillé au Nunavut avant la division de l'Est et de l'Ouest de l'Arctique en deux territoires distincts, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut, en avril 1999. Leurs commentaires étaient très semblables à ceux des fournisseurs de services qui travaillent actuellement dans les collectivités du Nunavut.

Treize victimes de crime du Nunavut ont également été interrogées pendant l'étude et, même si elles ne sont pas nommées dans l'annexe A, elles sont à l'origine de bon nombre des citations de la présente section.

Les défis et les problèmes auxquels font face les fournisseurs de services du Nunavut lorsqu'il s'agit de répondre aux besoins des victimes de crime sont décrits ci-dessous par catégorie, à savoir :

  • manque de soutien de la collectivité à l'égard des victimes et des fournisseurs de soins;
  • manque de soutien et de compréhension des victimes de la part des dirigeants;
  • manque d'infrastructure, de ressources et de services; manque d'information;
  • difficultés que pose le fait de travailler avec des victimes de violence;
  • difficultés que pose le fait de travailler avec les systèmes judiciaire et correctionnel. 

Dans chaque catégorie, nous avons subdivisé les questions pour en accroître la clarté. Chaque catégorie commence par des citations directes des fournisseurs de services, des fournisseurs de soins communautaires et des victimes de crime du Nunavut.

Manque de soutien de la collectivité à l'égard des victimes et des fournisseurs de soins

Le manque de soutien de la collectivité à l'égard des victimes et des fournisseurs de soins, qu'illustrent les citations suivantes, tient à la méfiance persistante à l'endroit des services et à des normes sociales anti-victimes bien ancrées dans les collectivités du Nunavut.

  • « On vous considère comme une mauvaise personne si vous essayez d'aider la victime. »
     
  • « On a de la sympathie pour les délinquants et on les appuie, et ils bénéficient de plus de services que les victimes. »
     
  • « Le prêtre local a condamné notre centre de counseling. »
     
  • « Les jeunes sont sans espoir, seuls et laissés pour compte; ils consomment des drogues et de l'alcool pour soulager leur douleur. »
     
  • « Le déni par la victime et le délinquant est un problème à l'échelle de la collectivité. »
     
  • « Il s'agit d'une culture de transition et les parents n'y comprennent rien. »
     
  • « Les gens ont peur et ont honte de révéler la vérité  . . . Ils craignent les stigmates de la victimisation; ils ont peur d'être étiquetés et de faire l'objet de ragots. »
     
  • « Nos propres gens ne nous accordent pas leur appui moral et ne nous font pas confiance. »
     
  • « Personne ne reconnaît qu'il y a même une victime. »
     
  • « La victime ainsi que l'auteur de la violence sont laissés à eux-mêmes et ne bénéficient à peu près pas d'un soutien communautaire ou professionnel . . . La plus grande partie du stress post-traumatique, qui est souvent grave, subi par une victime l'accompagne souvent pendant des années. »
     
  • « Certaines adolescentes ici servent d'esclaves, et leurs parents vendent même leurs faveurs sexuelles lorsqu'ils ont besoin d'argent. »
     
  • « Il y a un manque total de responsabilité; on s'attend à ce que les hommes soient violents. »
     
  • « Voici l'essentiel : nous avons des services fragmentés sans personnel formé dans un milieu où les femmes ne sont pas considérées comme des personnes, et il est correct de se servir des autres et d'en abuser. »

Normes sociales bien ancrées

Les réactions et le comportement qui font suite à un traumatisme résistent au changement. Les répondants ont indiqué que jusqu'à un certain point et à certains endroits, la violence, la trahison et la négligence sont devenues normales et acceptées. Cette normalisation et cette acceptation des réactions traumatiques sont devenues nécessaires à la survie. Ces comportements comprennent des niveaux élevés de dépression, de désespoir, de peur, de rage, de difficultés relationnelles, de problèmes médicaux, d'apathie et de dysfonctionnement général.

Cette situation entraîne une autre complication : d'après la plupart des répondants, il existe depuis longtemps une norme selon laquelle on exerce une discrimination contre les victimes, en particulier s'il s'agit de femmes ou d'enfants de sexe féminin, qui portent le blâme de la situation. Les personnes interrogées pour la présente étude ont indiqué que les femmes n'ont pas autant de valeur que les hommes et qu'elles ne sont pas jugées capables de faire preuve de leadership ou de prendre des décisions importantes.

Manque de confiance

En outre, selon les répondants, un nombre important de personnes dans les petites collectivités éloignées du Nunavut ne font pas confiance au réseau actuel de fournisseurs de soins, parce que ceux-ci peuvent être des parents et(ou) qu'ils craignent les conséquences d'une demande d'aide, comme la perte de la  confidentialité des renseignements et l'appréhension des enfants.

En outre, les répondants ont affirmé que les victimes ne sont généralement pas crues lorsqu'elles tentent de raconter leur histoire à leur famille et à leurs amis. Si on les croit, elles sont habituellement blâmées pour la violence dont elles ont fait l'objet. La famille de la victime, le délinquant et sa famille exercent des pressions sur la victime pour qu'elle taise la violence, la négligence et les abus. On dissuade les gens de signaler les crimes à la police et d'intenter des poursuites en justice[26].

La situation est d'autant plus complexe que les travailleurs de soutien et les fournisseurs de soins eux-mêmes font souvent face à la victimisation, à l'ostracisme et au blâme lorsqu'ils offrent leur aide. Il n'est pas rare que certains dirigeants communautaires, dirigeants d'Église, Aînés et d'autres personnes accusent les fournisseurs de soins et les travailleurs de soutien de causer la rupture des familles ou de faire du mal.

Manque de soutien et de compréhension des victimes de la part des dirigeants

Il est question ici des obstacles résultant du manque de femmes qui occupent des postes de commande et de décideurs et d'hommes occupant des postes de commande qui ne considèrent pas la victimisation comme une priorité absolue. Un certain nombre de répondants ont affirmé que certains dirigeants ont déjà été des agresseurs eux-mêmes.

  • « Il existe une inégalité dans notre collectivité découlant du pouvoir politique. »
      
  • « Lorsque l'agresseur est une personne respectée et puissante, c'est très difficile. »
      
  • « Les dirigeants doivent considérer les questions relatives aux femmes et les questions sociales comme des priorités par rapport aux questions économiques. »
      
  • « Il faut plus de femmes qui occupent des postes de commande. »
      
  • « Le conseil de hameau n'accorde pas un appui suffisant . . . Ce sont les personnes qui devraient connaître la différence, mais qui hésitent à aider. »
      
  • « Il n'y a pas assez de femmes élues à l'Assemblée législative. »

Manque de femmes qui occupent des postes de commande et de décideurs

À l'heure actuelle, il n'y a qu'une femme à l'Assemblée législative du Nunavut, et peu de femmes ont été élues à des postes de commande ou de décideurs à n'importe quel ordre de gouvernement. Les femmes n'occupent pas souvent des postes de commande dans leurs collectivités non plus. Les conseils de hameau (municipaux), les organismes inuits et les conseils de quartier sont dirigés en grande partie par des hommes.

Les hommes qui occupent des postes de commande ont d'autres priorités et ils ne comprennent pas les problèmes sociaux

Les répondants ont déclaré que, de leur point de vue, les dirigeants élus mettent l'accent uniquement sur le développement économique et les questions relatives aux revendications territoriales et à l'autonomie gouvernementale des Autochtones et des Inuits. Les dirigeants ne semblent pas se rendre compte que les problèmes sociaux sont aussi généralisés et ancrés que le croient les fournisseurs de services. Aux yeux de ces répondants, il semble que les dirigeants qui comprennent les problèmes sociaux restent pour la plupart muets à leur sujet.

Certains dirigeants ont un casier judiciaire

Les répondants ont indiqué qu'au moment de la réalisation de la présente étude, plusieurs députés de l'Assemblée législative avaient été réélus après avoir purgé une peine d'emprisonnement ou payé des amendes pour avoir été reconnus coupables de violence conjugale et d'agression sexuelle. La réélection de ces personnes peut être attribuable à la tendance dans la plupart des collectivités autochtones éloignées à voter en bloc familial. Cependant, ce phénomène peut aussi traduire des normes sociales qui, selon les répondants, tolèrent et négligent la violence faite aux femmes.

Manque d'infrastructure, de ressources et de services pour les victimes

  • « Les accords de contribution, les contrats et les chèques sont toujours en retard. »
      
  • « Personne ne nous paie pour rédiger toutes ces propositions et tous ces rapports. »
      
  • « Notre situation concernant les victimes se répercute sur les services de santé sous forme de toxicomanie et de suicide. »
      
  • « Les gens de la collectivité méprisent les fournisseurs de soins actuels et quiconque essaie d'aider les victimes. »
      
  • « Les fournisseurs de services ne semblent pas connaître la différence entre les victimes et les délinquants. »
      
  • « Nous avons recours à une solution symbolique sans ressources. »
      
  • « Il n'y a pas de politique, de formation ou d'infrastructure en place. » 

Questions de financement et services communautaires limités

Le territoire et les administrations municipales n'affectent pas de fonds expressément pour les services aux victimes à part les budgets annuels consacrés aux refuges pour femmes battues. Le territoire ou le gouvernement fédéral n'ont pas affecté de nouveaux fonds afin d'augmenter le nombre de refuges pour femmes battues, de programmes de traitement des traumatismes, de programmes pour toxicomanes ou de services de counseling ces dernières années.

Dans le domaine de la violence familiale, il n'y a que six refuges pour femmes battues ou maisons d'hébergement au Nunavut; les femmes et les enfants doivent donc souvent quitter la ville lorsqu'ils ont besoin d'une maison d'hébergement. De plus, il y a un manque flagrant de logements sociaux de sorte que les femmes victimes de violence sont obligées de rester avec les hommes qui les agressent si elles ne veulent pas quitter la ville pour aller demeurer dans un refuge. Le manque de logements sociaux publics combiné à la crise du logement et les attitudes de la collectivité susmentionnées créent une situation qui laisse peu de choix aux victimes.

De plus, les répondants ont indiqué que les organismes communautaires actuels, qui assurent des services de première ligne comme les refuges pour femmes battues, les centres d'amitié et les programmes pour toxicomanes ne peuvent pas conserver leur personnel, car ils ne peuvent rivaliser avec les salaires et avantages sociaux de l'État. En fait, les organismes communautaires doivent faire appel à un nombre de bailleurs de fonds pouvant aller jusqu'à vingt afin d'offrir des programmes. La rédaction de propositions et de rapports est un emploi à temps plein, et la plupart des bailleurs de fonds n'incluent pas les coûts administratifs dans leur financement. Les bailleurs de fonds n'incluent pas non plus les fonds pour la formation du personnel qui doit remplir ces tâches.

Une fois terminé le recensement des services, il est devenu clair qu'il y a peu de services de counseling communautaires, et encore moins de programmes de guérison et de traitement en établissement ou à long terme au Nunavut. En fait, l'établissement correctionnel d'Iqaluit, centre correctionnel Qikiqtaaluk (Baffin) (CCB), est le seul qui offre un programme de traitement en établissement au Nunavut. Et il s'agit d'un établissement pour hommes. Il n'y a pas d'établissement de traitement de quelque genre que ce soit pour les femmes adultes au Nunavut.

À en juger d'après les résultats du recensement et les consultations tenues, les écoles, les postes de soins infirmiers et les services sociaux sont mis à contribution jusqu'à la limite et ils n'ont ni le temps ni les ressources nécessaires pour offrir des services spécialisés et ciblés aux victimes de crime. De plus, les fournisseurs de services n'ont pas le niveau de formation nécessaire pour s'occuper efficacement des membres de la collectivité qui ont été traumatisés ou maltraités. Ce manque de formation suffisante et la lourde charge de travail entraînent l'épuisement professionnel rapide des fournisseurs de services, phénomène dont nous avons entendu parler tout au long de l'étude. Il est impossible d'obtenir des renseignements juridiques dans les petites villes, et une seule collectivité (Rankin Inlet) a un programme de services aux victimes.

En résumé, bien des répondants ont indiqué que les services actuels sont davantage une solution symbolique, car les services communautaires ne travaillent pas nécessairement ensemble et sont, en tout état de cause, mis à contribution jusqu'à la limite et il leur reste peu de temps pour offrir des services ciblés aux victimes.

Coordination des services

Selon les répondants, il est difficile de maintenir des partenariats de travail et la coordination entre les organismes communautaires et entre les pouvoirs publics et les organismes communautaires[27]. Cette situation peut être attribuable en partie à un manque d'expérience en matière de réseautage, de gestion des cas et de mise sur pied de coalitions. Mais elle est également due à l'absence d'une infrastructure de programme régionale et communautaire comme il est mentionné plus haut. De plus, les infrastructures de réseautage communautaire, comme les comités interorganismes, sont inexistantes ou elles fonctionnent à un niveau qui est peu propice à un développement communautaire général.

Manque d'information

Les obstacles ici comprennent le manque d'information au sujet de la violence et des mauvais traitements ainsi que le manque d'information sur les ressources disponibles.

  • « Les obstacles linguistiques causent des problèmes de compréhension et d'obtention de l'information. »
      
  • « Les femmes et les enfants de notre collectivité ne savent pas où aller ou à qui parler s'ils sont maltraités. »
      
  • « Les autres fournisseurs de services ne comprennent pas les victimes ou les principes des refuges. »
      
  • « La police sous-estime la pression exercée sur les femmes agressées. »
      
  • « Les gens demandent toujours pourquoi la femme retourne vivre avec lui … ils n'ont aucune formation concernant la façon dont la victime réagit. »
      
  • « Je crois qu'il y a une foule de choses qui arrivent dont personne ne sait qu'il s'agit de crimes. » 

Manque d'information sur la violence et les mauvais traitements

Les répondants ont indiqué que le public a une connaissance limitée de la violence familiale, de la violence faite aux enfants, des relations saines, de l'art d'être parent et d'autres domaines visant à mettre fin aux crimes de violence.

Selon des répondants, la question est d'autant plus complexe que dans certaines collectivités, certains fournisseurs de services, comme la police et les travailleurs sociaux, n'ont pas une idée exacte de la situation des victimes et de la psychologie de la victimisation. Par conséquent, dans certaines collectivités, les fournisseurs de services n'ont pas une bonne connaissance du rôle des refuges pour femmes battues et des services d'intervention d'urgence en général.

Manque d'information sur les ressources

Les répondants ont indiqué qu'il arrive souvent que les membres de la collectivité qui ont le plus besoin de services ne connaissent pas les services qui existent dans leur ville. Par exemple, si des services de counseling sont offerts dans une église locale, souvent les gens de la collectivité qui ont besoin de ce service n'en ont pas entendu parler. De plus, trop souvent les résidents de la collectivité ne connaissent pas les autres services régionaux et territoriaux, bien que limités, comme les refuges pour femmes battues.

Les rôles, responsabilités, politiques, services et mécanismes de responsabilité de la section locale de la GRC, du ministère de la Santé et des services sociaux du Nunavut, des programmes de justice communautaire et de mieux-être des conseils de hameau et des Programmes sur l'alcoolisme et les drogues (le cas échéant) ne sont pas bien compris non plus.

Les émissions radiophoniques locales, considérées par tous les répondants comme la méthode la plus efficace d'éducation du public, n'ont pas été utilisées au maximum dans les collectivités. En outre, il y a peu d'éducation du public dans les domaines du processus judiciaire, des droits reconnus par la loi, des services de police, de la justice communautaire, des services aux victimes ou des possibilités de traitement.

Difficultés que pose le fait de travailler avec des victimes de violence

Les difficultés que pose le fait de travailler avec des victimes de violence comprennent les séquelles du traumatisme, la crainte des fournisseurs de services, l'isolement des victimes et le fait que la plupart des fournisseurs de services soient eux-mêmes des victimes.

  • « Il est difficile de travailler avec des victimes qui infligent également des mauvais traitements. »
      
  • « Nous avons consacré beaucoup de temps dans notre école à l'examen des questions de comportement. »
      
  • « Les élèves attaquent les enseignants. »
      
  • « Les enfants n'ont pas de modèles de comportement et ils abandonnent leurs études. »
      
  • « Nous faisons face à une énorme dislocation de la famille et à un important écart entre les générations. »
      
  • « Il est difficile de les amener à croire que ce n'est pas leur faute s'ils ont subi des mauvais traitements. »
      
  • « La plupart des victimes sont des otages psychologiques. »
      
  • « Les enfants vont à l'école le ventre vide et ils sont fatigués à cause des problèmes qu'ils éprouvent à la maison. »
      
  • « La surveillance et les limites parentales sont restreintes dans bien des foyers …les enfants prennent leurs propres décisions. »
      
  • « Nous ne voyons pas comment nous pouvons aider les victimes lorsque nous sommes nous-mêmes des victimes et que nous n'avons pas été guéris ou formés. »
      
  • « Les victimes sont très isolées sur le plan affectif. »
      
  • « C'est comme si les gens avaient un énorme trou dans leur âme. »
      
  • « Les problèmes résultant des mauvais traitements subis par l'enfance qui font surface mettent les services à rude épreuve. »
      
  • « nous avons de graves problèmes de santé mentale en raison de l'éclatement de la famille et de la violence. »
      
  • « Les enfants toxicomanes abusent de leurs parents. »
      
  • « Les personnes victimes de violence et toxicomanes s'attendent à une aide instantanée.  »
       
  • « Les gens se mettent à penser en mode de crise. » 

Séquelles d'un traumatisme

Les répondants ont indiqué que les victimes de violence sont prises dans un cycle de colère, de doute, d'auto-blâme, de honte, de peur, de culpabilité et d'autres réactions traumatiques. Ces sentiments, bien que désagréables, peuvent devenir habituels et normaux avec le temps. Les répondants ont expliqué pendant leurs entrevues comment il est difficile pour les fournisseurs de services d'aider les victimes à passer à travers les séquelles d'un traumatisme et de les encourager à mieux contrôler leur vie. La plupart des fournisseurs de services qui ont répondu à la présente étude ont dit qu'il faut de trois à sept ans d'efforts constants et de prestation de services globaux pour aider les victimes à croire qu'elles peuvent vivre autrement.

Lorsque les personnes maltraitées maltraitent d'autres personnes, les fournisseurs de soins se sentent engagés dans de nombreuses directions, moins sympathiques et indécis quant à la façon d'apporter leur aide. Le manque de confiance des victimes à l'égard des services locaux n'aide pas à rétablir la situation.

Crainte des fournisseurs de services

Comme il a été mentionné plus haut, les femmes victimes de violence et les hommes trouvent difficile de croire que les services les aideront sans qu'il y ait des conséquences. Ils craignent que les fournisseurs de services ne colportent des ragots à leur sujet, et comme bien des gens de la collectivité sont parents, ils ne veulent pas demander de l'aide à des membres de leur famille.

La plupart des victimes craignent de subir d'autres préjudices si elles font appel à la police, aux travailleurs sociaux et au personnel infirmier ou si elles collaborent avec les autorités judiciaires.

Isolement des victimes

Comme il est mentionné plus haut, la plupart des adultes et des enfants victimes de violence ne font pas confiance aux autres membres de la collectivité, aux membres de leur famille ou aux fournisseurs de services. Ils sont donc presque totalement isolés. Leur dépendance financière et psychologique à l'égard de l'agresseur ou de membres de leur famille qui n'appuient pas leur autonomie ainsi que le manque de solutions de rechange en matière de logement accroissent leur isolement.

La plupart des fournisseurs de services sont également des victimes

Les répondants ont indiqué que presque tous les fournisseurs de soins et de services communautaires autochtones ont déjà été eux-mêmes victimes, ou des membres de leur famille l'ont été.

Difficultés que pose le fait de travailler avec les systèmes judiciaire et correctionnel

Les obstacles que présente le fait de travailler avec les systèmes judiciaire et correctionnel comprennent l'inaccessibilité du système de justice et des programmes correctionnels inadéquats.

  •  « Lorsque la victime se présente devant le tribunal, l'affaire est rejetée parce qu'ils disent qu'il n'y a pas assez de preuves de sorte que la violence continue et se perpétue. »
      
  • « Les causes s'éternisent devant les tribunaux. »
      
  • « Les peines sont si légères que c'est une farce; dans quelle mesure une ordonnance de sursis convient-elle dans le cas d'une agression sexuelle grave?»
     
  • « Il y a un obstacle linguistique . . . Nous ne pouvons pas exprimer nos sentiments et la douleur subie, en particulier dans le langage juridique. »
      
  • « Il y a une perte de confiance dans la capacité du système de justice d'apporter réellement une aide … les gens disent qu'il a purgé sa peine. »
      
  • « Il faut assurer des services de counseling obligatoire pour les délinquants emprisonnés. »
      
  • « Les comparutions devant le tribunal entraînent des suicides. »
      
  • « Les tribunaux rendent des ordonnances de probation et prévoient des services de counseling, mais personne ne peut offrir ces services ici. »
      
  • « Comment pouvons-nous convaincre les policiers et les juges de venir aux cours de formation quand ils ne comprennent pas du tout la violence familiale?»
     
  • « Les délinquants reviennent dans la collectivité mieux informés sur la meilleure façon de commettre des crimes sans se faire attraper. »
      
  • « Les délinquants qui ne se présentent pas devant le comité de la justice communautaire et qui ne purgent pas les peines imposées par le comité nous causent des difficultés. »
      
  • « Les délinquants devraient être traduits devant le système judiciaire ordinaire s'ils refusent de collaborer. »
      
  • « Il n'y a pas d'aide postpénale ou de suivi après l'incarcération, et il n'y a pas de surveillance de la probation. » 

Inaccessibilité du système de justice

Selon tous les répondants, les victimes de crime ne peuvent pas avoir accès au système de justice. Elles ne comprennent pas le processus judiciaire et craignent de faire encore l'objet de mauvais traitements. Elles ne savent pas quoi dire devant le tribunal et elles ont souvent peur de parler, car elles craignent les réactions du délinquant et de sa famille. De plus, elles craignent que leur partenaire ne leur soit enlevé, ce qui leur causerait des problèmes financiers et psychologiques.

En outre, le processus de la cour de circuit est long, car il faut attendre des mois avant que les causes soient entendues. La victime n'a plus alors la volonté de témoigner. Pendant cette période d'attente, le délinquant ou la délinquante se trouve chez lui ou chez elle, et la victime est obligée de vivre avec celui-ci ou celle-ci tous les jours.

En général, la déclaration de la victime n'est pas connue, et certains répondants ont indiqué qu'elle est rarement remplie correctement. Par conséquent, elle n'est pas utile pour la détermination de la peine. De plus, il n'existe pas beaucoup de renseignements en inuktituk sur le système judiciaire.

Programmes correctionnels inadéquats

Les répondants ont affirmé que les amendes sont généralement payées par la conjointe et que les ordonnances de probation sont difficiles à surveiller, car les travailleurs sociaux qui en sont responsables sont surchargés. Quoi qu'il en soit, il y a un manque de confiance dans le système correctionnel, car la plupart des hommes qui sont incarcérés, mis à l'amende ou placés en probation retournent dans la société ou restent dans la collectivité et continuent de battre leur femme et(ou) de commettre d'autres crimes. Les fournisseurs de services ont indiqué que certains des hommes incarcérés qui retournent dans leur collectivité sont plus violents et plus confus qu'avant leur incarcération.

Les répondants qui ont été victimes de crime ont indiqué qu'il y a souvent des fêtes d'accueil au retour à la maison des hommes qui ont commis des crimes graves ou des crimes de violence. Par conséquent, le système judiciaire ou correctionnel n'inspire pas confiance à la victime, et sa collectivité encore moins.

2.3.4     Sommaire des services aux victimes officiels, officieux et traditionnels au Nunavut

La liste des fournisseurs de services au Nunavut à l'annexe B[28] brosse le tableau le plus complet des services officiels offerts actuellement aux victimes du Nunavut. À l'heure actuelle, il n'y a qu'un programme officiel communautaire d'aide aux victimes. Le Centre d'amitié Pulaarvik Kablu à Rankin Inlet dirige ce programme. Par l'entremise de son refuge pour femmes battues (Qimaavik) à Iqaluit, la Qikiqtaaluk (Baffin) Regional Agvvik Society a offert un autre programme de services aux victimes à temps partiel par le passé. Toutefois, en raison du roulement élevé du personnel et du manque de fonds, ce programme est suspendu temporairement.

Il y a six refuges d'urgence pour les femmes et les enfants agressés au Nunavut. Seulement deux refuges, ceux d'Iqaluit et de Rankin Inlet, ont les ressources nécessaires, sur le plan du personnel et des possibilités d'aiguillage vers les services, pour aider les femmes et les enfants à accéder à une vie autonome. Quoi qu'il en soit, l'autonomie n'est pas nécessairement le premier choix des femmes victimes de violence. Les travailleurs des refuges ont indiqué qu'au moins pendant les premiers stades de la violence, les femmes souhaitent retourner avec leur partenaire dans l'espoir qu'il cessera de les agresser. En tout état de cause, les possibilités de trouver un logement privé ou public offertes aux femmes qui souhaitent mettre fin à une relation sont presque inexistantes. La grande majorité des femmes ne peuvent aller ailleurs que chez elles.

Les fournisseurs de services du Nunavut, qui offrent des services officiels structurés dans les écoles, les centres de santé, les services sociaux, dans le cadre de programmes de counseling et pour les toxicomanes, dans les centres d'amitié, les refuges pour les sans-abri, les centres pour personnes âgées, les centres de mieux-être, les églises, pour les lignes d'écoute téléphonique, les services de police, les centres d'éducation des adultes, les comités de la justice communautaire et par l'entremise du Programme d'aide aux victimes et aux témoins du bureau du procureur de la Couronne, savent parfaitement qu'ils assurent des services logistiques, psychologiques et pratiques à des personnes victimes de violence, même si cela ne relève pas de leur mandat spécifique. Comme il est mentionné plus haut, ces défis comprennent le manque d'appui de la collectivité aux victimes et aux fournisseurs de soins, le manque de compréhension de la victimisation, le manque d'infrastructure et de ressources, le manque d'information et la difficulté d'avoir accès au système de justice pénale et de travailler avec un grand nombre de victimes de violence.

En résumé, les fournisseurs de services officiels ont indiqué qu'ils ont besoin de beaucoup plus de personnel formé pour répondre aux besoins des adultes, des enfants, des adolescents et des Aînés victimes de violence qu'ils servent. En outre, ils ont fait état de la nécessité d'accroître considérablement les services dans la collectivité dans les domaines de l'identité culturelle et du perfectionnement professionnel traditionnel, du counseling et du traitement familial et individuel, du recyclage scolaire et de la formation professionnelle, du logement, des connaissances de base qui préparent les gens à vivre dans les deux cultures, du soutien des parents des enfants traumatisés, des services d'intervention d'urgence, y compris plus de refuges pour les femmes battues et la création de refuges pour les enfants et les adolescents[29].

La plupart des services structurés officiels offerts aux victimes de violence au Nunavut visent à tirer parti des réseaux de soutien officieux en place et des approches traditionnelles de l'intervention disponibles dans leur collectivité. Nombre d'écoles font appel aux Aînés pour qu'ils enseignent les compétences traditionnelles et qu'ils servent de conseillers dans le cadre des programmes qu'elles offrent aux élèves. Le personnel des refuges pour femmes battues est constitué de femmes inuites de la collectivité, qui ont reçu une formation au niveau local dans les domaines du counseling, de l'intervention d'urgence et de la dynamique de la toxicomanie, de la violence familiale et de la violence sexuelle à l'endroit des enfants. Chaque refuge pour femmes battues, programme pour toxicomanes, centre de counseling et de mieux-être et centre d'éducation des adultes cherche à recourir aux Aînés et à d'autres membres de la collectivité qui peuvent guider des excursions dans la nature, enseigner les compétences traditionnelles et offrir un soutien affectif.

Les deux centres d'amitié et les services de loisirs municipaux du Nunavut cherchent également à combler les lacunes des services officiels et officieux en offrant des programmes qui réunissent les Aînés et les jeunes dans le cadre de programmes traditionnels culturels et axés sur le territoire. Les Églises comblent également les lacunes, car elles bénéficient d'un accès plus officieux aux gens de la collectivité et elles semblent redoubler d'effort, à en juger d'après les résultats du recensement, pour aider les gens à se rétablir. L'appartenance à une Église permet à beaucoup de personnes d'ajouter un groupe de personnes à leur réseau de soutien personnel officieux.

En ce qui concerne les services aux victimes officieux et traditionnels, il semblerait d'après les résultats du recensement et le processus de consultation entrepris au cours de la présente étude, que le soutien officieux et traditionnel offert aux victimes ne fournit pas à lui seul aux victimes de violence le niveau d'aide qui leur permettrait de se rétablir et de faire des choix décisifs pour elles et leurs enfants.

Si la sécurité, le soutien affectif et pratique, le choix éclairé et la maîtrise personnelle sont la marque des services aux victimes, la possibilité d'offrir seulement des services officieux et traditionnels aux victimes de violence devient douteuse, en particulier si l'on tient compte de la nature endémique de la victimisation au Nunavut et de la possibilité que certaines des tendances actuelles de la victimisation ne se sont pas produites dans la culture inuite avant le contact avec les Occidentaux. De plus, comme il est mentionné à la section précédente et dans la présente section, les services officieux et traditionnels dépendent dans une grande mesure des attitudes dans chaque collectivité à l'égard des victimes de violence. Dans les collectivités où l'on juge encore nécessaire pour des raisons de survie de blâmer les victimes et de « pardonner » les comportements violents, il y a des possibilités limitées d'aide officieuse aux victimes. Tant que le déni, le secret, le blâme et la honte joueront un rôle important dans la survie individuelle, familiale et communautaire, ils ne disparaîtront pas. Les possibilités très limitées d'emploi, de logement, de revenu, d'éducation, de formation, de counseling, de traitement et d'autonomie continueront de rendre ces comportements « utiles » dans la lutte pour la survie affective et pratique.

Toutefois, dans les collectivités où il existe ou a toujours existé une capacité plus grande de soutenir les victimes de violence, en raison de circonstances locales favorables sur le plan des ressources et des attitudes, le réseau officieux traditionnellement fermé de relations personnelles peut jouer un rôle important dans le domaine des services aux victimes.


[26]  Les pressions qui s'exercent sur la victime pour qu'elle se taise et qu'elle ne signale pas la violence est un phénomène courant chez les personnes fortement maltraitées partout, surtout dans les cas où il existe peu de ressources. Ce phénomène a fait l'objet d'une discussion à la section 2.2.3, « Approches actuelles officieuses du traitement des victimes au Nunavut ».

[27]   La seule exception est Sedna, NWT/Nunavut Family Violence Prevention Workers Association. Voir la section 2.3.3 à la rubrique « Refuges pour femmes battues ».

[28]  Voir également Mary Beth Levan, Victim Services in the Territories: A Compilation of Contacts and Resources, Ottawa, Centre de la politique concernant les victimes et Division de la recherche et de la statistique, Ministère de la Justice Canada, 2002.

[29]  Les recommandations précises des fournisseurs de services du Nunavut figurent à la section 2.5, « Recommandations sur les services aux victimes du Nunavut ».

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