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Analyse des services d'avocats de garde requis selon l'arrêt Brydges


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5.0 LES SERVICES D'AVOCATS DE GARDE EN ANGLETERRE ET AU PAYS DE GALLES : UN AUTRE MODÈLE DE PRESTATION DE CONSEILS ET D'AIDE JURIDIQUES AUX SUSPECTS DÉTENUS PAR LA POLICE

5.1   Introduction

La Police and Criminal Evidence Act 1984(PACE) et ses Codes de pratique définissent de façon très détaillée la nature des pouvoirs des policiers en Angleterre et au pays de Galles. En particulier, ces documents juridiques énoncent clairement les règles et les pratiques qui régissent la façon dont les policiers doivent traiter les suspects lorsqu'ils font une enquête sur un acte criminel. Les Codes de procédure ont été profondément révisés en 1995. Il existe une disposition importante qui oblige les policiers à donner aux suspects qu'ils détiennent un avis contenant des renseignements au sujet de leur droit à obtenir gratuitement une aide et des conseils juridiques (Code of Practice C 3.2)[18] . En outre, le paragraphe 58(1) du PACE énonce : « La personne arrêtée... a le droit, si elle en fait la demande, de consulter en privé un avocat à quelque moment que ce soit ». Le Code of Practice C énonce que ce droit peut également être exercé par les personnes qui se sont rendues volontairement au poste de police (Sanders, 1996, p. 256). En outre, aux termes du Code of Practice C 6.3, il doit y avoir dans tous les postes de police une affiche bien en vue « dans le local où sont portées les accusations » (Legal Services Commission, 2002, p. 14).

Le gouvernement a mis sur pied des services d'avocats de garde offerts 24 heures par jour de façon à permettre l'exercice du droit à l'aide juridique dans les postes de police (Easton, 1998, p. 111). Ces services offrent gratuitement une aide et une assistance juridiques à tous les suspects, sans égard à leurs moyens financiers. Ce système comporte une caractéristique particulière; les avocats de garde ne sont pas les seules personnes qui peuvent fournir des conseils juridiques dans les postes de police : en fait, des « représentants juridiques » agréés peuvent également exercer cette fonction. D'après Bucke et Brown (1997), les « représentants juridiques » sont définis de la façon suivante :

Les représentants juridiques ne sont pas des avocats mais peuvent être des assistants judiciaires ayant suivi un stage, d'anciens policiers, et des employés d'organismes de l'extérieur qui fournissent des conseils juridiques à contrat aux avocats. [p. 26].

Il est   toutefois important de signaler que la majorité (près de 75 p. 100) de ces personnes qui fournissent des conseils juridiques sont néanmoins des avocats de garde (Bucke et Brown, 1997, p. 26). Enfin, les services d'avocats de garde doivent être examinés en tenant compte du fait que le suspect qui est détenu par la police en Angleterre et au pays de Galles a le droit d'être assisté d'un avocat si les policiers l'interrogent.

5.2   Description des services d'avocats de garde en Angleterre et au pays de Galles

Les services d'avocats de garde qui ont été mis sur pied en Angleterre et au pays de Galles sont généreux, dans la mesure où ils offrent aux suspects trois possibilités conformément au Duty Solicitor Manual(manuel de l'avocat de garde) : les suspects peuvent consulter leur propre avocat, l'avocat de garde, ou un avocat dont le nom figure sur une liste établie par les services de police (Legal Services Commission, 2002, p. 61 et National Equal Justice Library, 2002, p. 4). Lorsqu'un suspect demande à consulter l'avocat de garde, les policiers doivent appeler le centre d'appel des avocats de garde, qui désigne un avocat de garde à partir d'un répertoire (Legal Services Commission, 2002, p. 15). Lorsque le suspect choisit un avocat particulier (ce qu'on appelle « l'avocat personnel du client »), les policiers appellent directement cette personne et non pas le centre d'appel (Legal Services Commission, 2002, p. 61). Les règles applicables à l'« avocat personnel du client » et aux « avocats de garde » sont différentes pour ce qui est du recours aux « représentants ». Ces règles ont été résumées de la façon suivante (Legal Services Commission, 2002, p. 61) :

9.4    Fourniture des premiers conseils par téléphone dans les postes de police :

1.   Pour les affaires confiées à un avocat de garde, seul l'avocat de garde peut fournir les conseils initiaux qui peuvent être communiqués par téléphone ou, si cela est plus pratique, au poste de police. 2.          Pour les affaires confiées à l'avocat du client, les premiers conseils fournis par téléphone doivent émaner d'un avocat (un avocat de garde par exemple), ou d'un représentant stagiaire ou agréé.

9.5    Présence au poste de police :

1.   Pour les cas confiés à l'avocat de garde, lorsque celui-ci a fourni des conseils préliminaires, seul l'avocat de garde ou un représentant agréé peut se rendre au poste de police.

2.   Pour les cas confiés à un avocat rémunéré par le CDS, seul un avocat (avocat de garde ou non) ou un représentant stagiaire ou agréé, peut se rendre au poste de police.

Il importe de noter que la restructuration de l'ensemble du système d'aide juridique de l'Angleterre et du pays de Galles a entraîné une modification importante des services d'avocats de garde fournis dans les postes de police. Le 2 avril 2001, l'ancien système d'aide juridique pénale a été remplacé par le Criminal Defence Service (CDS) qui a été créé par l'Access to Justice Act 1999(loi de 1999 sur l'accès à la justice). Le CDS est administré par la Legal Services Commission (commission des services juridiques) (2001, p. 1) et tous les services d'aide juridique sont désormais fournis aux termes de ce qu'on appelle le « contrat général en matière pénale » (Legal Services Commission, 2001, p. 2). Au sein de ce cadre contractuel détaillé, les cabinets d'avocats qui fournissent des services d'avocats de garde sont régulièrement contrôlés pour veiller à ce qu'ils respectent les normes d'assurance de la qualité.

En Angleterre et au pays de Galles, avant la création du CDS, tous les services d'aide juridique étaient fournis par des cabinets d'avocats privés. Cependant, la Legal Services Commission a mis sur pied un projet pilote de quatre ans, comportant la création de six bureaux du défenseur public et une étude des avantages et des désavantages de l'adoption de ce qu'on appelle un modèle « mixte » pour le CDA (avocats employés et avocats de la pratique privée) (Legal Services Commission, 2001, p. 2). Les défenseurs publics salariés seront affectés à des postes qui font partie des services d'avocats de garde des différents postes de police (Lord Chancellor's Department, 2001b, p. 6). Il a toutefois été clairement indiqué que les défenseurs publics « seront inscrits sur les listes d'avocats de garde et feront concurrence, selon les mêmes règles, aux fournisseurs privés de services dans ce domaine » (Lord Chancellor's Department, 2001b, p. 3). Le gouvernement du Royaume-Uni a fait savoir (Lord Chancellor's Department, 2001a, p. 3) qu'il continuait à reconnaître le principe selon lequel le suspect doit, dans la plupart des cas, pouvoir choisir un avocat qui a conclu un contrat avec la commission.

En outre, il existe un système complexe d'agrément des avocats de garde qui se rendent dans les postes de police et un système parallèle pour l'agrément des « représentants juridiques » (Easton, 1998, p. 115, Legal Services Commission, 2002, p. 23, et Sanders, 1996, p. 271). Les avocats de garde doivent néanmoins répondre à un certain nombre de critères, ils doivent notamment « avoir travaillé pendant 12 mois devant les tribunaux et dans les postes de police » (Legal Services Commission, 2002, p. 30). Les demandes d'agrément à titre de « représentant » doivent être adressées à un organisme indépendant approuvé par la Legal Services Commission (2002, p. 27). Le Duty Solicitor Manual (manuel de l'avocat de garde) (Legal Services Commission, 2002, p. 23) énonce :

Le représentant agréé peut fournir des conseils préliminaires et se rendre au poste de police pour les affaires confiées à l'avocat personnel du suspect ainsi que pour les affaires confiées à un avocat de garde, pour lesquelles l'avocat de garde est tenu de fournir les conseils préliminaires. L'avocat de garde a le droit absolu de déléguer à un représentant agréé...

5.3   Les études empiriques et les services d'avocat de garde

Les services d'avocats de garde dans les postes de police ont récemment subi de profondes transformations. Il est donc important de savoir que les études qui portaient sur les anciens services ne donnent peut-être pas une image exacte du régime   actuel. Il existe néanmoins une recherche importante qui permet de comprendre le fonctionnement des services d'avocats de garde dans les postes de police.

D'une façon générale, les études indiquent que, depuis une dizaine d'années, le nombre des personnes détenues qui consultent un avocat au moment où elles se trouvent dans un poste de police a sensiblement augmenté (Bucke et Brown, 1997, p. 23). Il est difficile de savoir exactement pourquoi le nombre des demandes de conseils juridiques a augmenté, mais il est possible que cela vienne du fait que les policiers veillent davantage à ce que les accusés consultent un avocat ou du fait que le nombre des représentants d'avocats qui peuvent offrir des conseils dans les postes de police ait également augmenté (Bucke et Brown, 1997, p. 23). Il est important de signaler que Phillips et Brown (1998, p. 77) ont constaté que les suspects qui obtenaient des conseils juridiques exerçaient plus fréquemment leur droit de garder le silence (20 p. 100) que ceux qui ne demandaient pas ces services (3 p. 100). Les auteurs affirment (1998, p. 77) que « il est très probable que les personnes qui ont l'intention de se défendre et qui ne souhaitent pas aider les policiers dans leur travail en répondant à leurs questions demandent plus fréquemment des conseils juridiques ». Dans une étude antérieure, Brown, Ellis et Larcombe (1992) ont apporté certaines précisions sur les affaires dans lesquelles les suspects détenus exerçaient leur droit à demander une aide et des conseils juridiques. Les principaux facteurs qui influencent la décision du suspect de consulter un avocat étaient la nature et la gravité de l'infraction, l'heure d'arrivée au poste de police et ses antécédents judiciaires. Il y a lieu de signaler que 60 p. 100 des personnes détenues qui demandaient des conseils juridiques ont consulté leur propre conseiller juridique tandis que 40 p. 100 consultaient l'avocat de garde (Bucke et Brown, 1997, p. 26).

Malgré les résultats apparemment positifs que nous venons de mentionner, la recherche empirique soulève néanmoins de graves questions. Par exemple, le nombre global des personnes détenues qui obtiennent des conseils juridiques est encore relativement faible et dans la plupart des cas, les suspects sont interrogés sans qu'un avocat ne soit présent (Easton, 1998, p. 112 et Sanders, 1996, 273). En fait, plusieurs études montrent que plus de la moitié des personnes détenues au poste de police ne demandent pas de conseils juridiques (Bucke et Brown, 1997, p. 32). Phillips et Brown (1998) ont étudié les services d'avocats de garde, comme ils   fonctionnaient dans 10 postes de police entre la fin de 1993 et le début de 1994 (4 250 personnes détenues) : les chercheurs ont constaté que 37 p. 100 seulement de toutes les personnes détenues par les policiers ont effectivement exercé leur droit d'obtenir des conseils juridiques (p. 59). Phillips et Brown signalent cependant qu'il s'agit là d'un chiffre moyen et qu'il existait de grandes variations entre les différents postes de police. La principale raison pour laquelle les suspects n'ont pas cherché à obtenir des conseils juridiques était qu'ils ne pensaient pas que cela était nécessaire dans leur cas (Bucke et Brown, 1997, p. 28).

La qualité des services est un autre élément essentiel de l'évaluation des services d'avocats de garde. Plus précisément, des chercheurs ont remis en question la qualité des conseils juridiques fournis par des « représentants juridiques non qualifiés »; cette préoccupation ne touche pas uniquement ces personnes (Easton, 1998, p. 112 et Sanders, 1996, p. 261). En outre, la qualité des conseils juridiques fournis par un certain nombre de « représentants juridiques » n'est pas toujours impartiale : en fait, bon nombre d'entre eux sont d'anciens policiers - pour cette raison, ces représentants risquent d'être plus sensibles à l'intérêt des services de police qu'à celui du suspect (Easton, 1998, p. 113). Les contraintes de temps peuvent également compromettre la qualité des renseignements fournis aux personnes détenues. Dans l'étude de Bucke et Brown (1997), la durée moyenne des consultations avec les avocats était de 15 minutes : en fait, 1 p. 100 seulement de ces consultations duraient plus d'une heure (Bucke et Brown, 1997, p. 29).

De plus, il semble que le genre de consultation juridique qui est fournie aux personnes détenues dépend dans une grande mesure des locaux disponibles dans le poste de police (Bucke et Brown, 1997, p. 25). Par exemple, dans les postes de police où il n'y a pas de salle réservée aux consultations juridiques, un nombre important des personnes détenues obtenaient des conseils juridiques par téléphone uniquement, alors que dans les postes de police dans lesquels il existe une salle spéciale, il est plus fréquent que les conseils juridiques soient donnés en personne au poste de police (Bucke et Brown, 1997, p. 25). Par exemple, (Sanders, 1996, p. 261) a constaté que près de 30 p. 100 des suspects détenus n'obtenaient des conseils juridiques que par téléphone. De la même façon, Phillips et Brown (1998, p. 65) ont constaté que près de 20 p. 100 du groupe des suspects qui ont finalement obtenu des conseils juridiques, les ont reçus par téléphone et non en personne. Ce qui fait souvent problème lorsque les suspects ne reçoivent leurs conseils juridiques que par téléphone, c'est qu'il leur est bien souvent très difficile de suivre la directive que leur donne leur avocat de garder le silence, tandis que lorsque l'avocat de garde est physiquement présent à leurs côtés, il leur est plus facile de refuser de répondre aux questions des policiers (Sanders, 1996, p. 263).

Enfin, il y a un aspect qui est très préoccupant : certains chercheurs ont constaté que dans de nombreux cas, lorsque l'avocat assiste à l'interrogatoire par les policiers, il demeure passif et n'intervient pratiquement pas pendant l'interrogatoire (Easton, 1998, p. 113; et Sanders, 1996, p. 263). Même les tribunaux se sont inquiétés de cette question. Par exemple, dans Glaves (1993), la Cour d'appel a vivement critiqué les avocats de la défense en faisant remarquer qu'« il ne sert à rien que le représentant de l'avocat se contente d'assister à l'interrogatoire et de prendre des notes ». En outre, dans Miller (1990), la cour a déclaré que les avocats de la défense devaient faire preuve de courage et contester les interrogatoires qui étaient menés de façon irrégulière (Easton, 1998, p. 113).

On pourrait fort bien soutenir que les avocats de garde ne peuvent pas faire grand-chose pour rétablir le grave déséquilibre qui existe entre les policiers et le suspect qu'ils détiennent. En fait, les avocats de garde sont amenés à établir des rapports de travail avec les policiers de certains postes de police et ils doivent donc collaborer avec les policiers s'ils souhaitent obtenir les meilleurs résultats possible pour leurs clients. Sur ce point, Saunders (1996, p. 273) a affirmé que les avocats de garde se trouvent placés devant un dilemme particulièrement inconfortable :

… si les avocats souhaitent défendre au mieux les intérêts de leurs suspects, ils doivent faire des compromis et se faire accepter par les policiers; s'ils veulent aider leurs clients en conservant une attitude accusatoire, ils doivent renoncer à toute coopération avec les policiers et ne pourront obtenir la meilleure solution possible pour leurs clients.

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