CE QUE LES CAROTTES DE GLACE DEVRAIENT RÉVÉLER

Le segment de carotte, n'atteignant pas plus d'un mètre en longueur, est remonté à la surface et immédiatement placé dans un contenant hermétiquement fermé pour éviter la contamination.

À titre de récapitulation, cet été trois équipes prélèveront des carottes de glace à proximité du mont Logan, le plus haut sommet du Canada. Une équipe canadienne (Carottage 2001) est retournée à haute altitude au col Prospector-Russell (5300 mètres au-dessus du niveau de la mer). Une équipe japonaise se trouve à un emplacement voisin au col King (4200 m). Une équipe américaine est installée à l'emplacement Eclipse (3000 m), où elle effectuera le prélèvement de deux carottes.

Le projet Carottage 2001 démontre bien la collaboration scientifique à l'échelle internationale. Le Canada a invité les États-Unis et le Japon à partager l'occasion pour apprendre davantage sur les champs de glace aux environs du mont Logan. Moins d'un quart des dépenses liées aux activités au mont Logan constitue la part du Canada, grâce à la contribution en personnel, en équipement et en financement des organismes scientifiques des autres pays. Tous les partenaires partageront les résultats de leur travail, fournissant de l'information précieuse sur les conditions climatiques du passé. On s'attend à obtenir certains résultats dont on fait ici la description.

L'accumulation de neige enregistrée pour le col P-R, le col King et l'emplacement Eclipse révélera, pour la première fois, l'histoire des chutes de neige du passé accumulées au cours de milliers d'années dans le nord-ouest du continent. On en apprendra sur les conditions qui prévalaient au cours de l'Holocène précoce (la période géologique de 8000 à 12 000 ans avant le présent), alors que le climat était plus chaud qu'à l'heure actuelle.

L'un des arrêts en route vers le camp du col Prospector-Russell.

La présence et l'épaisseur de couches de fonte permettra d'évaluer la chaleur des étés dans le passé à chacune des trois altitudes (5300 m, 4200 m et 3000 m). Même à ces hautes altitudes, une certaine quantité de neige fond en surface- puis regèle - pendant un bref intervalle chaque été. Le régime de fonte varie selon l'altitude et la comparaison entre les trois altitudes en dira long sur les variations de température en été à la fois dans l'espace et dans le temps.

On trouve dans l'atmosphère de faibles concentrations de sels marins provenant de la surface de l'océan, surtout par fortes mers. Les sels sont transportés sur de grandes distances par les déplacements de l'air et sont éventuellement déposés à la surface de la Terre, y compris sur les champs de glace du mont Logan. L'analyse des carottes de glace permet aux scientifiques de calculer les anciennes concentrations de ces sels dans l'atmosphère. Se basant sur cette information et sur d'autres données, notamment sur l'histoire de ces faibles concentrations en d'autres emplacements de l'Amérique du Nord, on peut déduire les régimes passés des températures et des vents sur l'océan.

On pourra davantage mettre en lumière les différences climatiques entre l'ouest et l'est de l'Arctique, lesquelles sont importantes, en comparant les carottes prélevées au mont Logan et plusieurs carottes déjà prélevées dans l'archipel Arctique canadien. Cette comparaison permettra de comprendre les causes de l'accélération récente du réchauffement dans l'ouest de l'Arctique et d'observer si de tels changements se sont produits dans le passé.

En plus d'aider à comprendre la dynamique du changement climatique, les travaux sur le mont Logan contribueront aussi à l'évaluation de certains des effets probables des futurs changements climatiques. Par exemple, l'observation des variations passées de l'épaisseur et de la fonte de la neige permettra d'évaluer la diminution de l'apport des glaciers au débit des cours d'eau dans l'ouest du Canada, tandis que les changements des régimes des températures et des vents devraient éclairer la fonction régulatrice exercée par la couverture glacielle océanique sur le climat dans l'ouest de l'Arctique canadien.

SUIVI DES ACTIVITÉS DE CETTE SEMAINE AU MONT LOGAN

Des événements importants sont imminents.

Le forage s'est terminé au camp de forage canadien à haute altitude du col Prospector-Russell. On a atteint le substratum rocheux à environ 187 m de profondeur, une profondeur quelque peu moindre que prévu. L'équipe a indiqué que, tout au fond, le carottage s'est avéré très facile; la glace y étant caractéristique de la glace de la période glaciaire, ce qui constituerait une grande découverte (première photo). La carotte empaquetée, de même que tout l'équipement de forage et le matériel de campement devraient être transportés par hélicoptère dans une semaine - pourvu que le temps au mont Logan le permette! Lorsque le transport par hélicoptère sera terminé, l'équipe retournera à ski au camp de base Quintino Sella - beaucoup plus rapidement que lors de la montée pénible jusqu'à l'emplacement du carottage plus tôt cet été (deuxième photo).

Même les rares replats dans les montagnes présentent une surface tourmentée en raison des vents violents et de la suite sans fin des tempêtes en provenance du Pacifique.

Les Canadiens Justin Koerner et Simon Meis, partis du col P-R, ainsi que Mike Demuth et Fritz Koerner, partis du camp Quintino Sella situé plus bas, ont tous atteint le col King. L'équipe japonaise a aussi terminé le forage, ayant atteint la profondeur maximale de 220 m que leur permettait leur câble de forage. Bien que ce ne soit pas l'épaisseur totale de la glace à cet emplacement, il est probable qu'on soit arrivé très près du substratum rocheux. Les membres de l'équipe s'apprêtent à lever le camp et à revenir. Leur carotte sera, elle aussi, bientôt transportée par voie des airs pour être acheminée vers des laboratoires japonais pour fins d'analyse.

L'équipe américaine à l'emplacement Eclipse a prélevé une carotte de glace impressionnante de 336 m de longueur. L'équipe poursuit le forage bien que l'équipement ne permette pas de forer au-delà de 350 m. Les métaux présents à l'état de traces, tels que le mercure et le fer, seront dosés dans la carotte résultant de ce forage. Lorsque l'équipe aura terminé le prélèvement de cette carotte, elle entreprendra un second carottage au même endroit. Dans la deuxième carotte, limitée à 100 m de long, on dosera les molécules organiques. Bien qu'on prélève les deux carottes de la même façon, les segments destinés au dosage des métaux seront manipulés et empaquetés bien différemment des segments destinés au dosage des molécules organiques.

Le suivi de la semaine prochaine dressera un portrait assez différent des activités sur la montagne!