Les vies anciennes : chroniques de paléontologie canadienne |
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Les vies anciennes : chroniques de paléontologie canadienne Paradoxides à Avalon
Un océan de quatre mille kilomètres sépare la presqu'île
d'Avalon à Terre-Neuve, de l'Avalon légendaire du roi Arthur, au pays de Galles.
Or, les fossiles de trilobites indiquent que les deux Avalon étaient
voisines, il y a cinq cent millions d'années. Coïncidence toponymique? Ou sortilège
de l'enchanteur Merlin?
![Fossile de Paradoxides davidis découvert à Manuels River (Terre-Neuve) et mesurant quarante centimètres. La limonite (minerai de fer) donne au fossile sa couleur jaune. (Photographie par Riccardo Levi-Setti.) Fossile de Paradoxides davidis découvert à Manuels River (Terre-Neuve) et mesurant quarante centimètres. La limonite (minerai de fer) donne au fossile sa couleur jaune. (Photographie par Riccardo Levi-Setti.)](/web/20061103051410im_/http://gsc.nrcan.gc.ca/paleochron/images/pdavidis.jpg) Fossile de Paradoxides davidis découvert à Manuels River (Terre-Neuve) et mesurant quarante centimètres. La limonite (minerai de fer) donne au fossile sa couleur jaune.
(Photographie par Riccardo Levi-Setti.) |
Dès que fut proposée l'hypothèse de la dérive des continents, on a utilisé des fossiles pour
reconstituer les anciens
continents. Alfred Wegener, le météorologue allemand et auteur de
l'hypothèse de la dérive des continents (publiée en 1915), et Alexander du Toit, géologue sud-africain, ont
montré que les distributions de la flore
à Glossopteris et du mésosaure d'eau douce
indiquaient l'existence à la fin du Paléozoïque d'un super-continent
regroupant l'Afrique, l'Amérique du Sud, l'Inde, l'Antarctique
et l'Australie. Si les
fossiles terrestres nous permettent de reconstituer les anciens
continents, que dire des fossiles marins remontant à une époque
antérieure aux grands organismes terrestres ?
La réponse à cette question a déclenché, au cours des années
soixante, une révolution des
sciences de la terre. Issue de la fusion des théories de la dérive des
continents et de
l'expansion des fonds océaniques, de données sur la dynamique de l'orogénèse
(la formation des montagnes) et sur la structure de l'intérieur profond de
la terre, la tectonique des
plaques, est l'exemple type de ce qu'on appelle en épistémologie « changement de
paradigme ». La plupart des observations étayant les modèles mobilistes de la
terre proviennent des disciplines « exactes » des sciences de la
terre – notamment le paléomagnétisme, la géochimie, la géophysique de la
croûte profonde et la sismologie. Pourtant, en 1966, le
géophysicien canadien J. Tuzo Wilson publiait un article mémorable
dans lequel il présentait des arguments pour la tectonique des plaques
basés principalement sur la distribution
des trilobites cambriens de la région de l'Atlantique Nord, notamment ceux
de la presqu'île d'Avalon à l'est de Terre-Neuve.
Les trilobites du Cambrien moyen de la presqu'île d'Avalon sont
presque identiques à ceux du Nouveau-Brunswick, du Massachusetts et – beaucoup plus
loin – du nord du pays de Galles et de l'Angleterre. Ces trilobites
appartiennent à la même Province « Atlantique ». L'organisme
type de la Province Atlantique, est le trilobite géant Paradoxides
davidis dont le nom rappelle la plus petite ville de Grande-Bretagne,
St. David, sur la côte galloise. Les trilobites du Cambrien moyen
trouvés dans le reste de l'Amérique du Nord, notamment à l'Ouest de
Terre-Neuve, ainsi qu'en Écosse, en
Norvège et au Groenland, sont
complètement différents. Ils appartiennent à la Province « Pacifique ».
(Pour ajouter à la confusion !) Pourquoi à la même époque les
trilobites de l'Atlantique sont-ils si différents de ceux du Pacifique ? La séparation des deux provinces par une barrière continentale
pourrait expliquer cette disparité, mais il n'existe aucune observation
géologique de l'existence d'un isthme (comme celui de Panama). La distribution
étonnante des Provinces Atlantique et Pacifique sur les
deux côtés de l'océan Atlantique actuel suggère qu'elle a été
causée par la dérive des continents.
Tuzo Wilson a considéré les observations sous un jour nouveau et
conclu que les trilobites cambriens différaient parce que, pendant le
Cambrien, ils vivaient sur des continents différents : la Province
Pacifique de la Laurentia était séparée par un océan profond, Iapetus, de la Province Atlantique du continent
européen. Cet océan
s'est rétréci pendant l'Ordovicien et s'est refermé au cours du
Silurien, faisant se jouxter les Provinces Pacifique et
Atlantique et s'abouter l'Afrique contre l'est de la Laurentia. Ces deux
continents sont restés unis à la Pangée jusqu'à la fragmentation de ce
super-continent pendant le Jurassique, au cours duquel l'océan Atlantique
a commencé à s'ouvrir à proximité de la suture de l'ancien océan
Iapetus – mais pas exactement. Des fragments de la Laurentia et de la
Province Pacifique restèrent fixés au « mauvais côté », à l'Est de
l'Atlantique, tout comme des fragments de l'Europe et de la
Province Atlantique sont restés attachés à l'Ouest de l'Atlantique.
Depuis 1966, le modèle proposé par Tuzo Wilson a fait
l'objet d'importantes révisions, mais son intuition reposant sur
l'observation des trilobites du Cambrien moyen a fourni la première
preuve de l'existence d'un océan disparu.
Pour en savoir plus :
Levi-Setti, Riccardo |
1995 : |
Trilobites. University of Chicago Press, deuxième édition 342 p. |
Wilson, J. Tuzo |
1976 : |
Continents Adrift and Continents Aground: Readings from Scientific American. W.H. Freeman and Company, 230 p |
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