Les vies anciennes : chroniques de paléontologie canadienne |
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Les vies anciennes : chroniques de paléontologie canadienne La paléobotaniste Marie Stopes visite St. John
Il est rare que la Commission géologique du Canada juge nécessaire
d'engager un expert étranger pour trancher une question paléontologique
locale. En 1911, la Commission fit venir Marie Stopes pour vérifier
les études paléobotaniques réalisées par Sir William Dawson, à
St. John, au Nouveau-Brunswick.
![Marie Stopes prenant la pose romantique de la Dame de Shalott, héroïne de la légende arthurienne. Stopes était alors âgée de trente ans, soit l'époque où elle a travaillé sur les fossiles de Fern Ledges. (Cette photo est tirée du livre de Ruth Hall, Passionate Crusader: The Life of Marie Stopes) Marie Stopes prenant la pose romantique de la Dame de Shalott, héroïne de la légende arthurienne. Stopes était alors âgée de trente ans, soit l'époque où elle a travaillé sur les fossiles de Fern Ledges. (Cette photo est tirée du livre de Ruth Hall, Passionate Crusader: The Life of Marie Stopes)](/web/20061103015750im_/http://gsc.nrcan.gc.ca/paleochron/images/mariest.jpg) Marie Stopes prenant la pose romantique de la Dame de Shalott, héroïne de la légende arthurienne. Stopes était alors âgée de trente ans, soit l'époque où elle a travaillé sur les fossiles de Fern Ledges.
(Cette photo est tirée du livre de Ruth Hall, Passionate Crusader: The Life of Marie Stopes) |
En 1940, M. J. F. Coates, député des Nouvelles-Galles du
Sud, au parlement australien, fit un discours dans lequel il
déclarait : « Aujourd'hui, l'Empire compte trois ennemis, tous
trois de Munich. Le premier est Hitler, l'autre Goebbels et le troisième
est ce docteur ès philosophie et ès sciences allemandes, Marie Stopes.
Notre pire ennemie est Marie Stopes. » Pourquoi tant de virulence ? Son
doctorat, allemand, était en paléobotanique –
domaine qui suscite rarement une haine aussi violente. Stopes avait
également écrit deux manuels d'éducation sexuelle Married Love
et Wise Parenthood, faisait la promotion active de la régulation des
naissances et, en 1921, avait fondé le premier centre de planification familiale
de Grande-Bretagne. De nos jours, la société Marie Stopes
International fournit des services en santé de la reproduction, dans plus
de trente pays. En 1999, un sondage organisé par le grand journal
britannique, le Guardian plaçait Marie Stopes au premier rang des
« femmes du millénaire ».
Nous nous intéressons ici, non pas à Marie Stopes l'apôtre de la
régulation des naissances, mais à Marie Stopes la paléobotaniste, que la
Commission géologique du Canada avait engagée en 1911 pour trancher une
polémique ardue sur l'âge de plantes fossiles retrouvées à Fern
Ledges, près de St. John au Nouveau-Brunswick. Détenant un
doctorat ès philosophie de l'Université de Munich et un autre, ès
sciences, de l'Université de Londres, maître de conférence en botanique
à l'Université de Manchester et auteur d'un livre de paléobotanique, Ancient
Plants, elle était bien qualifiée pour ce travail.
La polémique avait débuté en 1861, alors que le paléobotaniste le
plus respecté du Canada, J. William Dawson, déclarait que les
fougères, les fougères à graines et les sphénopsides découvertes en
abondance à Fern Ledges, près de St. John remontaient au Dévonien
et étaient parmi les plantes les plus anciennes connues à cette époque.
En conséquence, les fossiles d'insectes, de poissons et les pistes
d'amphibiens trouvés dans les mêmes pierres devaient aussi remonter au
Dévonien. Or, il était difficile pour les paléontologues
d'admettre l'existence d'insectes et d'amphibiens au Dévonien, puisqu'à l'époque, leurs plus anciens fossiles connus dataient du Carbonifère
tardif. Certains paléobotanistes soutenaient que ces plantes fossiles,
qui ressemblaient aux végétaux de l'âge de la houille, avaient poussé
au Carbonifère.
![Tige fossilisée de deux centimètres de la sphénopside Calamites prélevée à Fern Ledges, près de St. John (Nouveau-Brunswick) par William Dawson. Marie Stopes a ajouté une petite étiquette portant la mention « Not Devonian » (pas dévonienne). Le fossile appartient au Musée Redpath. (Photographie par Brian Chatterton.) Tige fossilisée de deux centimètres de la sphénopside Calamites prélevée à Fern Ledges, près de St. John (Nouveau-Brunswick) par William Dawson. Marie Stopes a ajouté une petite étiquette portant la mention « Not Devonian » (pas dévonienne). Le fossile appartient au Musée Redpath. (Photographie par Brian Chatterton.)](/web/20061103015750im_/http://gsc.nrcan.gc.ca/paleochron/images/fernledg1.jpg) Tige fossilisée de deux centimètres de la sphénopside Calamites prélevée à Fern Ledges, près de St. John (Nouveau-Brunswick) par William Dawson. Marie Stopes a ajouté une petite étiquette portant la mention « Not Devonian » (pas dévonienne). Le fossile appartient au Musée Redpath.
(Photographie par Brian Chatterton.) |
![Fossile de Sphenopteris prélevé à Fern Ledges par Marie Stopes. Cette dalle haute de onze centimètres appartient à la Commission géologique du Canada. (Photographie par Brian Chatterton.) Fossile de Sphenopteris prélevé à Fern Ledges par Marie Stopes. Cette dalle haute de onze centimètres appartient à la Commission géologique du Canada. (Photographie par Brian Chatterton.)](/web/20061103015750im_/http://gsc.nrcan.gc.ca/paleochron/images/sphenopt1.jpg) Fossile de Sphenopteris prélevé à Fern Ledges par Marie Stopes. Cette dalle haute de onze centimètres appartient à la Commission géologique du Canada.
(Photographie par Brian Chatterton.) |
La Commission géologique du Canada est restée au-dessus de cette
polémique, mais lorsque ses géologues ont commencé à se quereller
publiquement sur l'âge des pierres carbonifères et dévoniennes des
provinces maritimes (notamment celles de Fern Ledges), son directeur
devait intervenir pour conserver l'harmonie scientifique, apparente, de la
Commission. Il fit donc venir une scientifique indépendante, Marie Stopes,
pour trancher la question. Celle-ci étudia toutes les plantes
fossilisées et examina les écrits antérieurs. De plus, elle décrivit,
illustra et identifia environ quarante espèces de plantes. Son mémoire,
publié en 1914 par la Commission, était sans équivoque. La flore de
Fern Ledges était indubitablement une flore commune du Carbonifère,
très semblable aux flores du Carbonifère tardif retrouvées sur l'île
du Cap-Breton, en Pennsylvanie et en Angleterre. Les fossiles de poissons,
d'insectes
et d'amphibiens associés aux végétaux pétrifiés avaient donc aussi vécu
au Carbonifère.
Les travaux du « docteur de paléobotanique allemande » sur
les fossiles canadiens suscitèrent moins de polémique que sa croisade
ultérieure en faveur de la contraception et de la planification
familiale. On peut toutefois s'interroger sur ce que Sir William, qui
était ministre presbytérien, aurait pensé de la révolution sexuelle
prêchée par cette jeune femme engagée pour corriger ses travaux sur la
paléobotanique de Fern Ledges.
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