![Commission géologique du Canada Commission géologique du Canada](/web/20061103020801im_/http://gsc.nrcan.gc.ca/esst_images/gsc_f.jpeg) Ressources naturelles Canada > Secteur des sciences de la Terre > Commission géologique du Canada > Les vies anciennes : chroniques de paléontologie canadienne
Les vies anciennes : chroniques de paléontologie canadienne La pêche au saumon fossile
Sur la côte ouest du Canada, le patrimoine fossile des saumons et
des autres espèces halieutiques remonte au début du Cénozoïque, il y a
cinquante ou soixante millions d'années, mais ne tient actuellement qu'à un fil.
![Fossile de trente centimètres de Eosalmo driftwoodensis, remontant à l'Éocène, découvert à Smithers en Colombie-Britannique. Il s'agit du plus ancien saumon connu. Collections de l'Université d'Alberta. (Photographie par Brian Chatterton.) Fossile de trente centimètres de Eosalmo driftwoodensis, remontant à l'Éocène, découvert à Smithers en Colombie-Britannique. Il s'agit du plus ancien saumon connu. Collections de l'Université d'Alberta. (Photographie par Brian Chatterton.)](/web/20061103020801im_/http://gsc.nrcan.gc.ca/paleochron/images/eosalmo.jpg) Fossile de trente centimètres de Eosalmo driftwoodensis, remontant à l'Éocène, découvert à Smithers en Colombie-Britannique. Il s'agit du plus ancien saumon connu. Collections de l'Université d'Alberta.
(Photographie par Brian Chatterton.) |
Pendant les années 1990, les stocks de saumon de la
Colombie-Britannique se sont soudainement effrondrés. Les immenses montaisons du saumon coho
dans le fleuve Fraser et la rivière Skeena ont été réduites à quelques
individus. Celles du saumon rouge de la rivière Wanuk, au centre de la
Colombie-Britannique ont presque disparues. En 1994, il n'aurait fallu que quelques heures de pêche de plus pour
anéantir le saumon rouge de la rivière Adams. De tels événements se
sont répétés dans presque toutes les rivières de la côte ouest, avec
une désespérante régularité. Alors que naguère les montaisons
mobilisaient plusieurs millions d'individus, elles n'en recrutent
maintenant que quelques milliers. Cette catastrophe a des répercussions écologiques et économiques.
Elle a aussi un volet paléontologique.
Notre collègue et ami Mark Wilson, professeur à l'Université
d'Alberta, a décrit un poisson fossilisé de l'Éocène qu'il a découvert
en 1977 à Driftwood Creek, près de Smithers en
Colombie-Britannique, et qu'il a baptisé Eosalmo
driftwoodensis. Il s'agit du plus ancien fossile connu de la famille
des salmonidés laquelle regroupe le saumon, la truite, l'omble, l'ombre
et le corégone. Les pêcheurs à la mouche connaissent bien Smithers,
célèbre pour la chute et la gorge de la rivière Bulkley où, naguère,
l'on pouvait observer les montaisons innombrables des saumons et des truites
arc-en-ciel. Près des limites de la ville, les autochtones de la région
capturaient au filet les saumons qui remontaient les chutes. Les Eosalmo
découverts à Driftwood Creek reposaient dans des lits déposés il y a
environ cinquante millions d'années. D'autres spécimens ont été
prélevés dans les pierres du même âge près de Princeton (C.-B.) et
dans la région de Republic, de l'état de Washington.
Mark Wilson croit qu'Eosalmo, qui pouvait atteindre trente
centimètres, habitait les lacs et les rivières du bassin versant du
Pacifique. Plusieurs des salmonidés actuels vivant dans la même région
de la Colombie-Britannique migrent dès leur jeunesse vers la mer et, une
fois adulte, retournent dans l'eau douce pour se reproduire. Or, la
découverte dans les sédiments d'un lac ancien près de Smithers, de
fossiles de cette espèce de presque tous les âges, dont des jeunes
mesurant à peine quinze centimètres, indique que ces poissons ne
descendaient pas vers la mer. Si les poissons avaient migré vers l'océan
pour ne retourner qu'une fois adultes, les sédiments du lac ne
contiendraient pas de fossiles de poissons petits et moyens. Ces poissons
fossiles indiquent donc que les ancêtres du saumon ne descendaient pas à
la mer et donc que ce comportement est apparu assez récemment. Wilson
remarque aussi que morphologiquement Eosalmo
driftwoodensis se situe à mi-distance entre deux sous-familles de
salmonidés. Il serait le chaînon manquant entre les salmoninés (saumons, truites,
ombles) et les thymallinés (ombres). Cette observation indique que le
saumon aurait évolué à partir d'un ancêtre ressemblant davantage aux
ombres.
![Trois nodules préservant des portions du saumon dulcicole kokani prélevés dans l'argile pléistocène des rives du lac Kamloops. Collections du University College of the Cariboo. (Photographie par Brian Chatterton.) Trois nodules préservant des portions du saumon dulcicole kokani prélevés dans l'argile pléistocène des rives du lac Kamloops. Collections du University College of the Cariboo. (Photographie par Brian Chatterton.)](/web/20061103020801im_/http://gsc.nrcan.gc.ca/paleochron/images/groupnod.jpg) Trois nodules préservant des portions du saumon dulcicole kokani prélevés dans l'argile pléistocène des rives du lac Kamloops. Collections du University College of the Cariboo.
(Photographie par Brian Chatterton.) |
On a découvert des saumons beaucoup moins anciens sur la rive sud du
lac Kamloops, dans de gros nodules que l'érosion a fait apparaître dans
les argiles du Pléistocène. Ces saumons fossiles appartiennent au genre Oncorhynchus,
dont font aussi partie les saumons et les truites du Pacifique. Ils ont de
petites têtes et certains montrent la mandibule crochue typique du
saumon en frai. Les mesures de la teneur en carbone 13 du collagène
des os indiquent que ces saumons n'ont jamais consommé de protéines
d'origine marine. Ce serait donc des kokanis, la forme d'eau douce
et rabougrie du saumon rouge. La
datation au carbone 14 indique que ces poissons vivaient il y a entre
quinze et dix-huit mille ans et seraient donc les seuls saumons du
Pléistocène tardif en Amérique du Nord.
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